Note : 3.75 / 5
Pour son troisième album, Willy Mason
a décidé de travailler avec Dan Carey, producteur notamment de MIA,
Kylie ou Hot Chip, peut-être pour se donner une couleur moins marquée.
Lui que l’on a rapidement comparé à Bob Dylan pourrait bien arriver à
casser cette filiation sans pour autant faire un trait sur le passé.
Un
ton grave, qui dans les aigus, trouve les mêmes intonations que Chris
Martin de Coldplay ("Talk Me Down", "Shadows in the Dark"),
des guitares folk qui flirtent aussi bien avec le rock, la ballade,
qu’avec la country, dans une vision très américaine des grands espaces.
Sans doute un paradoxe pour un natif de New York City. Mais on est bien
là dans une tradition à la Johnny Cash qui dès les premiers accords
vous font voyager y compris dans le temps. Pourtant, c’est ici et
maintenant, dans une parfaite et harmonieuse intemporalité !
Le folk inspiré de Willy Mason, enregistré très brut de décoffrage en quelques prises et avec comme seul musicien son frère Sam
à la batterie, remporte vite un grand succès d’estime, notamment chez
ses collègues musiciens qui lui proposent de multiples premières parties
: Mumford & Sons, Death Cab For Cutie ou Radiohead. Il joue sur les plus grandes scènes mondiales : Glastonbury, South by Southwest et même le Montreux Jazz festival !
Chaque livraison de Willy Mason le voit transformer un peu plus son folk blues pétri d'authenticité, décliné d'une voix haute et légèrement traînante. Là où "Where The Humans Eat" en 2004 et "If The Oceans Gets Rough" en 2007 ne s'éloignaient pas trop d'un pré carré acoustique zébré de percées électriques, ce "Carry On" qui
arrive après cinq années de silence (sinon comblées par des tournées et
des sessions radio) se fraie un passage dans un nouveau style, plus
assuré.
Sa collaboration avec Dan Carey explique certainement ce mélange étonnant, mais réussi, sur ce nouvel opus entre un folk
d’inspiration très roots et une production plus "ambient" et givrée, le genre de climat qu’on retrouve chez Beck ou Beta Band. C’est parfaitement illustré sur "I got gold", et son drôle de clip, où Mason en geek décérébré nous initie à une "animal dance", chorée psychiatrique et alcoolisée, en hurlant comme Screaming Jay Hawkins. Une vidéo hilarante qui convainc autant que celle du "Lonely Boy" des Black Keys
l’année dernière. Une chanson sur une base folk blues très séminal avec
des petits gimmicks de synthé ici ou là pour polluer le classicisme et
détraquer le son, et voilà : on tient une chanson magnifique et
désopilante à écouter en boucle !
Ainsi ces cinq ans de réflexion ont dû plonger Willy Mason dans
de multiples questionnements tant ce troisième ouvrage paraît plus mûr
que les précédents. Son folk aux accents parfois inquiétants ("What It Is") se pare désormais d'échos vibrants et d'arrangements plus audacieux qui le rapproche d'un Tom Waits, le grain de voix en moins. À ce titre, "Walk Me Down" est une petite merveille tandis que le titre suivant, "Restless Fugitive", avec ses éclairs de guitare étincelants fendant les nuages, rendrait jaloux Chris Isaak.
Après l'accalmie de la ballade "Show Me the Way to Go Home", l'artiste qui semble avoir vu la lumière revient tapoter du pied sur "Into Tomorrow" et conter, depuis l'estrade d'un vieux bouge, comment il a fini par trouver de l'or, sur fond d'accordéon cajun ("I Got Gold"). Le doux "Shadows in the Dark", teinté d'ambiance sépulcrale, pousse l'album vers un territoire plus étrange encore.
Au final, on le voit, une association qui aurait pu sembler peu orthodoxe donne des
résultats plus que concluants. Mason ne rogne en rien sur son univers et Carey
lui prodigue un merveilleux cadre sur lequel exprimer sa sensibilité.
"Carry
On" est un album introspectif, sombre le plus souvent mais il est
merveilleusement mis en valeur par un travail sur le son qui lui donne
une profondeur, un écho et des tonalités presque aquatiques parfois. Traditionnel sans faire du sur place, magnifiquement produit dans un halo nocturne et hivernal, "Carry
On" constitue "le nouveau Willy Mason" pour notre
plus grand bonheur !!!
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