Note : 4.5 / 5
Synopsis :
La carrière de Justicier de Batman ne fait que commencer. Un
mystérieux tueur opère à Gotham City, liquidant ses victimes pendant les fêtes.
Un nom lui est rapidement attribué : celui
d’Holiday. En étroite collaboration avec le lieutenant de police James
Gordon et le procureur Harvey Dent, Batman cours contre le temps,
tentant de découvrir l’identité du meurtrier avant les prochaines fêtes.
Critique :
"Un long Halloween" figure à raison dans la collection DC Essentiels d'Urban Comics. En 1996, Jeph Loeb et Tim Sale ne se sont pas contentés de signer un des plus beaux Batman, ils ont juste créé une saga d’anthologie ! Et même deux, puisque "Amère victoire", sa suite, est tout aussi géniale (et rééditée l'an dernier). Si les collaborations entre Jeph Loeb et Tim Sale ont
su prouver l'efficacité de ce duo, c'est indéniablement avec ce comics-book qu'ils graveront leurs noms dans l'histoire de Batman et des
comics en général.
Une année, c’est le temps que dure cette magnifique histoire. Une année
étalée sur treize chapitres et au cours de laquelle nous sommes plongés
dans Gotham City, Gotham la ville de la Pègre, la ville du crime mais également la ville du Chevalier Noir, la ville du Batman. Comme le fait désormais Scott Snyder ("Sombre Reflet", "La Cour des Hiboux"),
Jeph Loeb s’attarde sur cette ville qui tient une place centrale dans
son récit. Et pour nous parler de Gotham, Loeb traite avant tous de ses
habitants notamment ses familles, et pas n’importe lesquelles puisque ce
sont les familles mafieuses qui sont au centre de ce récit : les Maroni
et les Falcone.
Véritable roman noir, "Un Long Halloween" est d’abord un polar
centré sur la Pègre de Gotham et Loeb s’amuse tout au long des 300 pages
à nous en raconter le fonctionnement, les objectifs mais aussi ses
déboires. Car voilà, le gros du propos de Loeb est que désormais,
la Pègre n’est plus le seul maître à bord à Gotham. D’abord, les grandes
familles sont désormais divisées et le récit s’attarde également sur la
lutte de pouvoir entre les Maroni et les Falcone, mais il nous montre
aussi qu’outre les divisions internes, la Pègre doit désormais faire
face au Batman et au nouveau procureur de la ville : Harvey Dent, qui peut passer pour le véritable héros du comics.
L'histoire de Jeph Loeb a même des faux airs du "Parrain",
et certaines séquences y renvoient directement. Quant au récit, il
repose sur une trame de pur polar, où l’action ne constitue jamais le
premier centre d’intérêt. Le triptyque Gordon-Dent-Batman a tout d’un
triumvirat, où le rôle de chacun se négocie, ainsi que les limites des
interventions envisagées.
Toute cette mise en scène sous la forme d'une enquête policière restitue
un but bien précis. Holiday et sa traque ne sont que la base
qui sert à Loeb
pour réfléchir sur la justice et sa dualité. A travers la lutte contre
les grandes familles de la mafia, l'auteur confronte Batman et ses
alliés à la figure du justicier, qu'il soit masqué ou non. "Un long Halloween"
choisit d'aborder un thème central dans la mythologie de l'homme
chauve-souris, celui de la frontière entre la loi et le crime. Entre la
vengeance et le devoir.
On se doute que le principal concerné sera
Harvey Dent dont le personnage s'avère le plus fouillé et le plus
marquant du comics. Il flirte avec le précipice durant
toute l'intrigue pour finir par y sombrer illustrant à merveille le prix
à payer pour faire de Gotham une ville meilleure. Quant à Batman/Bruce
Wayne, il aborde peu ce conflit. Bien sûr, on repérera bien quelques
états d'âmes du super-héros, mais ceux-ci rejoignent plus la thématique
de la nature même du Batman telle qu'on la retrouve plus développée dans
"L'asile d'Arkham".
Pour finir, Jim Gordon incarne un flic intègre et un père de famille
aimant, chose que le comics régulier ne nous avait pas habitué à voir.
Même si la majorité du récit gravite autour des familles mafieuses et du Romain, cela n'empêche pas Jeph Loeb d'intégrer,
un à un, les protagonistes costumés les plus connus de l'univers de
l'homme chauve-souris. On a premièrement ceux introduits par Miller dans
"Batman, Année 1" (Catwoman et Harvey Dent, alias Pile-ou-Face) et ceux
déjà traités par Loeb dans "Batman, Halloween" (l'Epouvantail, le
Chapelier Fou, le Joker, Poison Ivy et le Pingouin), mais également
l'Homme Calendrier, Solomon Grundy et le Sphinx (The Riddler).
La vraie force de Loeb est d'être parvenu à intégrer tous ces personnages de manière crédible à son récit, tout en développant habilement les liens entre les différents protagonistes. Du Joker, mort de jalousie des crimes de Holiday, à l'Homme Calendrier, copiant Hannibal Lecter, chaque apparition est soignée et contribue à la force du récit. Le climax étant obtenu lors de l'apparition simultanée de Catwoman, Batman, Pile-ou-Face, l'Epouvantail, le Chapelier Fou, le Joker, Poison Ivy et du Pingouin dans une des pièces de la maison du Romain.
La vraie force de Loeb est d'être parvenu à intégrer tous ces personnages de manière crédible à son récit, tout en développant habilement les liens entre les différents protagonistes. Du Joker, mort de jalousie des crimes de Holiday, à l'Homme Calendrier, copiant Hannibal Lecter, chaque apparition est soignée et contribue à la force du récit. Le climax étant obtenu lors de l'apparition simultanée de Catwoman, Batman, Pile-ou-Face, l'Epouvantail, le Chapelier Fou, le Joker, Poison Ivy et du Pingouin dans une des pièces de la maison du Romain.
Graphiquement, "Un long Halloween" est tout simplement fascinant ! Une ligne pure, où
Batman se détache souvent de l’ombre. Il surgit et disparait en un clin
d’œil, marquant sa présence de sa froide puissance. Habituellement,
Gotham est la transposition de New-York, cette fois-ci la ville a plus
que jamais un faux air de Chicago, livrée à la mafia et corrompue
jusqu’au dernier degré.
Sale parvient en effet à instaurer une ambiance de "film noir" au fil
des cases. Cases impressionnantes d’ailleurs, autant par la taille que
par la composition, jouant sur de grands panels, voire des doubles
pages. Les couleurs sont sobres, et jouent sur les contrastes. Les
couleurs emblématiques des nombreux "vilains" parsèment les pages de ce
polar.
Si certains n’accrochent pas avec l’artiste,
pour ma part, je trouve qu'on en prend plein la vue et l’artiste ne cesse d’étonner tout au long des treize chapitres qui composent l’œuvre. Le
nombre de détails est impressionnant et Tim Sale sort l’artillerie
lourde en ce qui concerne d’abord la taille de ses compositions, avec ses
sublimes doubles-pages, ou encore son large panel de couleurs. Jouant
sans cesse sur les contrastes de couleur, l’artiste nous éblouit avec
des pages très sombres à dominante noire (qui ne font que renforcer
l’aspect polar de l’œuvre) tout en n'oubliant pas de placer des couleurs
vives dans son récit.
Sale nous livre des planches de la vieille école, dénuées de toute
informatisation. Le
résultat achève de convaincre du caractère exceptionnel du travail
accompli. Offrant une apparence bien à lui à des monstres bien connus
tels que le Joker ou Poison Ivy, il livre également une partition des
plus convaincantes dans le changement d'atmosphère au gré des fêtes et
des circonstances. On saluera également le magnifique travail du
coloriste Gregory Wright qui donne un caractère particulier au travail de Sale.
L'utilisation de séquences en noir et blanc ne laissant qu'un élément
de couleur au cœur de la planche figure dans la liste de ces petits plus
indéniables.
En résumé, "Batman, Un Long Halloween" fait partie de ces rares
perles qui ont marqué à la fois l’histoire du héros qu’elles
abordaient, mais aussi le genre des comics en lui-même. Nous avons là
une histoire aux formes de roman policier qui se révèle être
intelligente, haletante, émouvante et pessimiste. Loeb s’attache à
Gotham, et plus précisément aux liens l’unissant à ses habitants, et
notamment à Batman. Il nous montre que la ville semble se dégrader au contact du Chevalier Noir
et que la lutte contre le crime de ce dernier peut faire de nombreux
ravages, notamment dans son entourage.
L'histoire passionnante permet à Jeph Loeb de dévoiler tout son talent au lecteur encore sous le charme des magnifiques dessins de Tim Sale. Ne cédant pas aux sirènes de la facilité, le récit n'oublie jamais d'être intelligent et parfois même poignant. "Un long Halloween" figure d'emblée comme une œuvre culte et fondatrice.
Véritable bible, "Un Long Halloween" reste peut-être
l’une des œuvres les plus abouties en la matière et ce n’est pas pour rien qu’aujourd’hui encore, de nombreux
artistes s’en inspirent et tentent de reprendre les ingrédients qui ont
fait son succès. Une lecture IN-DIS-PEN-SA-BLE !!!
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