jeudi 30 mai 2013

Ciné - La grande bellezza de Paolo Sorrentino

Paolo Sorrentino - La grande bellezza : Une vision critique, inquiétante, mais oh combien sublime de la société romaine !!!

Note : 4.25 / 5

Synopsis :
Rome dans la splendeur de l’été. Les touristes se pressent sur le Janicule : un Japonais s’effondre foudroyé par tant de beauté. Jep Gambardella, un bel homme au charme irrésistible malgré les premiers signes de la vieillesse, jouit des mondanités de la ville. Il est de toutes les soirées et de toutes les fêtes, son esprit fait merveille et sa compagnie recherchée.
Journaliste à succès, séducteur impénitent, il a écrit dans sa jeunesse un roman qui lui a valu un prix littéraire et une réputation d’écrivain frustré. Il cache son désarroi derrière une attitude cynique et désabusée qui l’amène à poser sur le monde un regard d’une amère lucidité. Sur la terrasse de son appartement romain qui domine le Colisée, il donne des fêtes où se met à nu "L’appareil humain" (le titre de son roman) et se joue la comédie du néant.
Revenu de tout, Jep rêve parfois de se remettre à écrire, traversé par les souvenirs d’un amour de jeunesse auquel il se raccroche, mais y parviendra-t-il ? Surmontera-t-il son profond dégoût de lui-même et des autres dans une ville dont l’aveuglante beauté a quelque chose de paralysant ?

Critique :
Paolo Sorrentino est un des chouchous du Festival de Cannes. On peut comprendre cet engouement, car le réalisateur de "Il Divo" a toutes les qualités qui rappellent aux cinéphiles le passé glorieux du cinéma d'auteur italien, au premier rang desquels figure bien entendu Federico Fellini, couronné par la Palme d'Or en 1960 avec "La Dolce Vita". "La Dolce Vita", justement, dont le héros, Marcello Rubini, plumitif aux ambitions littéraires frustrées peut apparaître comme l'ombre de ce que fut Jep Gambardella dans sa jeunesse, et qui dessine au long de son errance nocturne dans la Ville Éternelle le brouillon du parcours que va suivre le dandy désabusé qui court à la recherche d'une si grande beauté un demi-siècle plus tard.
Sorti en même temps qu’il était présenté en compétition à Cannes, cet ironique voyage au bout d’un désenchantement est surtout un splendide hommage à la Ville Éternelle. A sa beauté qui parfois coupe le souffle aux touristes jusqu’au malaise, comme dans la séquence d’ouverture. A ses fantômes, aussi, dont ceux qui, venus de l’âge d’or des studios mythiques et aujourd’hui déserts de Cinecitta la mythique, peuplent toujours notre mémoire cinéphilique. Un peu long (2 h 22) sans doute, parfois un peu redondant, peut-être. Mais étrangement envoûtant !
Plongée désenchantée dans une Rome hantée par des bourgeois à la flamboyante vanité, "La grande bellezza" est un film grandiloquent, opulent, dans lequel Paolo Sorrentino évoque Fellini et Scola tout en affirmant son langage, fait d’incessants mouvements de caméra et d’un goût prononcé pour l’emphase et l’hyperbole. Mais derrière ce style affirmé se cache une sensibilité rare, que Sorrentino partage avec son acteur fétiche, Toni Servillo.
Les mouvements de caméra virtuoses qui laissent le souffle court et les yeux exorbités, le sens tétanisant du montage pop, une pensée se déployant selon un rythme quasi hallucinatoire... Dès les premiers plans de "La grande bellezza", on comprend que c’est gagné. La page "This Must Be the Place" est tournée, l’escapade new wave avec Sean Penn n’est déjà plus qu’un lointain souvenir. Paolo Sorrentino est de retour à la maison en compagnie de son acteur fétiche donc, le génial Toni Servillo, pour une nouvelle dérive mentale dans le cerveau en surchauffe d’un homme au soir de sa vie.
Si l'on excepte l'homme politique Giulio Andreotti dans "Il Divo", Paolo Sorrentino ne filme que des lâches et des las. Le temps a grignoté ces zombies, ils vivent mal et en ont honte. Avant qu'il ne soit vraiment trop tard, ils se forcent à entamer un parcours : le héros de "L'Uomo in più" part à la recherche de son homonyme, son double et celui des "Conséquences de l'amour" se rue, au risque d'en mourir, à la poursuite de sa dignité perdue. Parce qu'ils ont somnolé une grande partie de leur pauvre vie, parce qu'ils ont pris du retard, en somme, Sorrentino semble les presser sans cesse, les pousser aux fesses avec sa caméra.
Il y avait déjà quelque chose de profondément désabusé dans la description de la société romaine en 1960 faite par Fellini, alors même que l'Italie n'avait pas encore connu les années de plomb et la déliquescence morale du berlusconisme. On retrouve des prolongements aux thèmes de la "Dolce Vita".
Au faux miracle de la Vierge s'opposent la sainte édentée qui reçoit les représentants de toutes les religions et le cardinal "papabilisable" qui fuit la réponse aux questions existentielles de Jep, les discussions intellectuelles chez Steiner trouvent un écho dans les joutes futiles qui se jouent sur la terrasse de Jep, et les errances nocturnes de Marcello et Maddalena inspirent les déambulations de Jep qui croise Fanny Ardant. Et puis à la frivolité blasée de la jet set romaine des années 60 vient s'ajouter la vulgarité de l'époque post-moderne, et les effets de la pourriture de la société symbolisée par le mystérieux voisin de Jep qui se fait arrêter par la brigade financière.
À travers Jep, ses déambulations mélancoliques, ses conversations baroques, ses ruminations amères, ses aphorismes cyniques, le metteur en scène observe une Italie post-Berlusconi en pleine déconfiture culturelle et morale. Et c’est bien sûr tout sauf un hasard si Céline est cité en exergue. Comme l’auteur du "Voyage au bout de la nuit", le cinéaste vomit la médiocrité de ses contemporains. Comme lui, il part au combat avec pour seule arme la suprématie de son style. En l’occurrence, un cortège de visions folles, d’embardées opératiques et de décrochages sensuels, à la fois hanté par la littérature et totalement électrisant, sans aucun équivalent dans le cinéma de la Péninsule.
Et si on pense tellement au créateur de "La dolce vita" et "d’Intervista", ce n’est finalement pas tant pour le déchaînement de bouffon et le défilé de saintes, de freaks et de putains, que parce que Sorrentino donne l’impression d’errer, seul, dans les décombres fumants de l’âge d’or du cinéma italien. En cela, il est raccord avec son alter ego incarné par Servillo, un homme obsédé par une chimère, un esthète à la recherche de l’idéal insaisissable qui donne son titre au film. En bout de course, il finira par la trouver, et nous avec lui.
La critique est divisée devant "La Grande Bellezza", entre ceux qui admirent l'inventivité et l'ambition de Sorrentino, et ceux qui dénoncent la prétention et la durée excessive du film. C'est peut-être bon signe, car une telle œuvre ne peut prétendre au consensus, et les choix radicaux du réalisateur napolitain, que ce soit dans l'écriture du scénario ou dans le travail de la photographie de Stefania Cella, ne peuvent plaire à tout le monde, surtout quand on voit comment ils s'opposent au minimalisme seventies de "Only God Forgives". Alors certes, 2 h 22, c'est long, et on frôle la saturation aux deux-tiers du film devant un tel foisonnement, mais le basculement de la fin vers une sobriété qui correspond à celui de l'état d'esprit du héros retend l'attention et amène une réelle émotion en écho au sentiment que Jep résume à "la tristesse disgracieuse de l'homme misérable".
Au final, douze ans après ses débuts, Sorrentino signe avec "La grande bellezza" son grand œuvre. Il y filme avec nostalgie l’architecture romaine, symbole d’une splendeur passée, de cette Italie qui a tant apporté à la culture, à la peinture, à la littérature et évidemment au cinéma.
D’où l’indicible mélancolie qui se dégage de ce film bouleversant et formellement époustouflant. Lorsque s’envolent en guise de tableau final des flamants roses, après qu’une vieille religieuse au visage parcheminé eut apporté une touche d’humanité à ce ballet virtuose où tournoient les ego, difficile de ne pas être ému. Tout à la fois pesant et virtuose, agaçant et fascinant, "La Grande Bellezza" a les défauts de ses qualités, mais il possède le très grand mérite devenu rare de nos jours de porter une formidable ambition de cinéma, et rien que pour ça, il mérite d'être vu !!!

mardi 28 mai 2013

Livre (BD) - Elrik, Le trône de rubis de Julien Blondel, Robin Recht, Didier Poli et Jean Bastide

Blondel, Recht, Poli et Bastide - Elric, Le trône de rubis : Elric prend vie sous vos yeux dans cette nouvelle adaptation très réussi de l’œuvre de Moorcock !!!

Note : 4 / 5

Synopsis :
Le peuple de Melniboné règne sur les états humains depuis dix mille ans. Toutefois, la vigueur d’antan a fait place à la décadence. Retirés sur l’île aux dragons, ils s’adonnent aux plaisirs des sens, entre orgies, drogues, tortures et hommages à leurs maîtres du Chaos. De plus, leur régent est un albinos au sang maudit. Sa faiblesse physique et le désintérêt pour son règne inquiètent ceux qui voudraient que leur civilisation s’impose à nouveau, par la violence et la peur, aux jeunes royaumes qui s’émancipent de plus en plus.
Le royaume de Melniboné est donc dirigé par Elric, roi albinos souffrant, combattant au passé héroïque, qui a choisi pour son peuple une vie de paix. Son cousin Yyrkoon, prince jaloux évincé du pouvoir, conteste avec brutalité son autorité, et promet au peuple de nouvelles heures de gloire et de nouvelles batailles. La rivalité entre les deux hommes se concrétise lorsque trois intrus sont faits prisonniers en ayant réussi à pénétrer dans la ville, franchissant les labyrinthes d'eau qui entourent et protègent le royaume.
Torturés par le Docteur Jest, ils avouent qu'une flotte de navires mercenaires est en route vers Imrryr. La stratégie pour la bataille qui s'annonce est âprement discutée. Elric veut favoriser la ruse et tendre un piège aux assaillants, son cousin rêvant d'un assaut massif et frontal, quel qu'en soit le coût. A bord du même navire, les deux hommes livrent finalement bataille côte à côte.
Elric démontre une nouvelle fois l'étendue de sa puissance et ses qualités de guerrier, faisant déferler sur l'ennemi les légions de Pyaray. Mais il sort épuisé de la bataille. Le peuple a néanmoins retrouvé l'image d'un pouvoir fort et uni face à l'ennemi. Jusqu'à ce qu'un évènement imprévu se produise, qui pourrait donner à Yyrkoon l'occasion dont il rêve depuis si longtemps.
Critique :
Cette nouvelle adaptation de la saga de Michael Moorcock, qui a semble-t-il suscité l'enthousiasme de l'auteur anglais, est une véritable superproduction graphique aux résultats très convaincants. La conception de l'univers de Melniboné n'a rien laissé au hasard, réunissant le talent d'un dessinateur (Didier Poli), d'un encreur (Robin Recht) et d'un retoucheur et coloriste (Jean Bastide), pour aboutir à une cohérence et une puissance évocatrice remarquables. Cette approche rare dans la BD européenne, mais très fréquente dans le monde des comics, peut aboutir au meilleur quand les talents s'ajoutent, ce qui est le cas ici, avec un rendu final presque toujours homogène.
Qu'est-ce donc qu'Elric et son "Trône de Rubis" ? C'est tout simplement le récit de la fin d'un empire sombre et décadent, celui des Melnibonéens. Lorsque Michaël Moorcock entreprend de créer "Elric", il répond à une commande pour des nouvelles dans le genre "Sword & Sorcery", dans la lignée de "Conan". Il faut dire, qu’à l’époque, Howard et son Cimmérien, ainsi que Tolkien et "le Seigneur des anneaux" sont les références absolues.
Moorcock se démarque rapidement de la figure encombrante du fier barbare. En effet, Elric est son antithèse. Membre d’une vieille race pré-humaine et faible physiquement, il ne tire sa force que de breuvages magiques puis, plus tard, des âmes absorbées par son épée diabolique. Sorcier affilié au Prince des démons, il se montre cruel et sans beaucoup de valeurs morales. Son rapport avec le monde et, plus généralement, l’existence, est cynique et désabusé.
Par la suite, l’auteur utilisera le concept de Multivers (ensemble d’univers parallèles). Il complète alors son œuvre pour faire de son héros une des figures du Champion éternel, le gardien, conscient ou non, de la balance cosmique qui assure l’équilibre entre la Loi et le Chaos. Parmi tous les livres qui s’inscriront dans ce thème ("La Légende d’Hawkmoon", "La Quête d'Erekosë" et "Les Livres de Corum"), "le Cycle d’Elric", malgré des défauts de jeunesse, restera le plus marquant pour quantité de lecteurs et de jeunes auteurs, en particulier, parce que l’écrivain bouscule progressivement les règles de la Fantasy. S’attaquer à un tel monument n’est donc pas chose aisée !
Michael Moorcock himself juge, dès la préface, que cette adaptation est absolument la meilleure qui puisse être faite de ce personnage si particulier. L'antihéros par excellence se retrouve à la tête de cet empire sans âge mais qui semble avoir déjà trop duré. Ce premier opus nous montre la décadence du royaume de Melniboné, esclavage, torture, tout ce qui peut avilir l'homme est présent dans les pages "d'Elric".
Il va sans dire, sans dévoiler l'intrigue en aucune façon, que le scénario élaboré par Julien Blondel répond parfaitement aux attentes de ce genre d'adaptation. Le personnage est rendu à merveille dans ses contradictions et l'univers qui l'entoure est dévoilé juste ce qu'il faut pour pouvoir avancer au moyen de repères évidents.
La force de l'intrigue de Moorcock suffit à tendre ce récit d'un fil rouge fondamental autour de la rivalité entre Elric et Yyrkoon. La qualité de la narration de Julien Blondel permet de développer les premiers ressorts de cette saga avec un vrai sens de l'équilibre, laissant leur juste place aussi bien aux scènes de bataille épiques, qu'à la cruauté du sort d'un Elric malade, sacrifiant des vierges pour sa propre survie. Le scénario de Blondel réussit à résumer sans entacher la lecture. Il garde tout ce qui fait le piment de la série, le synthétise pour n'en garder que la substance.
Ainsi, un des premiers défis consistait à ne pas faire d’Elric un super guerrier, affrontant moult ennemis et créatures à coup d’arme magique et de sorcellerie. Sur ce plan, le but est atteint. Loin de se lancer dans une surenchère de spectacle, la narration prend le temps de travailler le contexte, de mettre en place le personnage principal en faisant ressortir ses différentes facettes. Être tourmenté, rongé par des conflits intérieurs et détaché du devenir de ces sujets, il est capable de faire ressurgir en lui toute la cruauté et la vitalité de ses ancêtres : le châtiment infligé aux envahisseurs tentant de s’emparer de l’île sacrée en est une belle preuve.
De la même façon, la transposition graphique de ce monde de fantasy par Didier Poli, Robin Recht et Jean Bastide donnent vraiment envie, car ça suinte la décadence et la nécrose à toutes les pages ! C'est sombre, c'est héroïque, c'est de la bonne fantasy comme on l'aime !
Les planches de Poli, Bastide et Recht sont tout simplement magnifiques et illustrent la grandeur qu'on peut lire chez Moorcock. Ce souffle épique que j'ai éprouvé au cours de mes lectures est retranscrit à la perfection, là sur le papier, quand on voit le trône de rubis, l’île des dragons, les trirèmes melnibonnéennes ou la toute-puissance d'Arioch. Un design qui s'inspire à la fois des illustrations d'époque des romans et de l'univers morbide de Clive Barker (à qui l'on doit "Hellriser"), qui colle parfaitement à la vision que l'on peut avoir en lisant Moorcock. Les dessinateurs réussissent donc des plans à couper le souffle, comme la sortie de la flotte de Melniboné vers le labyrinthe d'eau en page 19, sublime de lumière aveuglante.
De ce fait, le deuxième challenge se situait au niveau du graphisme qui doit apporter sa propre interprétation de la matrice originelle, une vision à même d’exprimer ce qui est dédié au narratif dans un roman. La réussite semble pleine et entière tant l’atmosphère de déliquescence de cette culture est prégnante. L’apparence ancestrale et la puissance ressortent à travers les décors minéraux constituant le palais des Melnibonéens, de par l’aspect froid et intemporel.
Le sadisme est très présent, lui aussi, dans l’esthétique de ce peuple qui emprunte aux codes du gothique et du SM. Le crayonné un peu rond et doux de Didier Poli prend un caractère acéré, quelque peu déstructuré, grâce à l’encrage appuyé de Robin Recht. Les retouches finales et la mise en couleur particulièrement aboutie de Jean Bastide, avec des teintes crépusculaires, achèvent de donner la dimension épique qui sied à ce récit.
Si vous aimez l'Heroïc-Fantasy d'exception, vous aimerez cette excellente adaptation du "Elric" de Moorcock. Beaucoup d'américains avaient déjà adapté le personnage, mais, à l'exception de Craig Russel, tous en avait fait une espèce de sous "Conan". Enfin, voici Elric dans toute sa magnificence et sa décadence, une œuvre graphique époustouflante et un Elric comme on était en droit de l'imaginer : sombre, torturé et malade. Les auteurs peuvent être fier de leur œuvre.
Au final, Cette première plongée dans l'univers du nécromancien est une entrée en matière réussie. Pleine de puissance, de luttes de pouvoir et de paysages fantastiques hors du temps, elle plaira aux amateurs d'heroïc-fantasy en BD. Ce premier tome est une énorme surprise. Je ne m'attendais pas à un travail de cette ampleur. Cela m'a donné l'envie de me replonger dans les romans de Moorcock et de découvrir la suite de cette adaptation. Un rendez-vous à ne manquer sous aucun prétexte !
Bref "Elric" est simplement la meilleure adaptation des romans de Moorcock. "Elric" illustre un destin tragique, la grandeur et la décadence d'un empire, des mythes et légendes. Ce premier tome est impressionnant. De plus, cette première édition comporte un cahier explicatif de huit pages ainsi que huit visions de l’univers d’Elric réalisées par Virginie Augustin, Aleksi Briclot, Andreas, Philippe Druillet, Adrian Smith, Anthony Jean, Matthieu Lauffray et Thierry Ségur. Que des bonnes raisons pour venir (re)découvrir la légende du seigneur des dragons !!!

dimanche 26 mai 2013

Musique - Black Dog Barking d'Airbourne

Airbourne - Black Dog Barking : Un quatrième album qui, à défaut de surprendre, a le mérite de ne pas décevoir !!!

Note : 4 / 5

Les choses sont simples avec Airbourne. Soit on rejette en bloc le groupe et sa production en hurlant au plagiat éhonté, soit on se dit qu'AC/DC est en fin de carrière et qu'il faudra bien un jour lui trouver un successeur. Dans ce second cas, Airbourne fait bien figure de prince consort plus que crédible.
Airbourne est un chien fou. Depuis ses débuts et doublement à partir de son avènement sur la scène internationale, le jeune combo ne cesse d’être comparé, confronté, et mesuré à son illustre ancêtre et compatriote, l’immense AC/DC. Le rapprochement est naturel lorsque deux frangins australiens décident de monter un groupe de hard rock et conquérir le monde la rage au médiator.
Doit-on parler de similitudes, voire de plagiat, ou plutôt simplement d’une "Australian touch" ? Airbourne ne renie pas son hérédité, bien au contraire. Mais il y a probablement autant d’AC/DC qu’il y a de Rose Tattoo, voire de The Angels, chez Airbourne. Reconnaissons également à Joel O’Keeffe plus de caractère qu’une simple copie de Bon Scott ou Brian Johnson et une attitude et une nervosité qui lui est propre. Tout comme à la batterie l’autre frère, Ryan O’Keeffe, se fend d’un toucher plus appuyé, plus métal peut-être, qu’un Phil Rudd.
Dix ans, Airbourne a dix ans ! 2013 marque également son retour dans les bacs avec un nouvel album qui, sans aucun doute, promet de bien belles soirées rock'n'roll. Trois ans après "No Guts. No Glory" (2010) et six ans après "Runnin' Wild" (2007), Joel O'Keeffe, Ryan O'Keeffe, David Roads et Justin Street nous reviennent, les batteries chargées à bloc. Cependant "Black Dog Barking" va-t-il révéler une nouvelle rage rock'n'rollesque des australiens ?
Créée en 2003, la formation australienne écume pendant près d’un an les pubs de Melbourne. Ce galop d’essai convint un label indépendant qui accepte d’enregistrer un premier disque pour une distribution à échelle nationale. La renommée du groupe grandit et le jeu à domicile ne suffit plus. Emmené par les frères O’Keeffe, les musiciens partent conquérir les scènes du globe en faisant les premières parties des barons du hard rock.
Le deuxième album sort en 2008. Véritable bombe explosive, il s’illustre superbement dans les titres comme "Blackjack", "Heartbreaker" ou encore "Girls in Black". Le temps du clip de "Runnin’ Wild", le légendaire Lemmy Kilmister, chanteur de Motörhead, apporte sa contribution en semant la police au volant d’un semi-remorque. Et "No Guts. No Glory" était certainement de la même trempe.
Airbourne est bien le seul groupe aujourd'hui sur la planète hard rock à conjuguer avec autant de conviction métal et boogie. Même si "Ready to Rock" en ouverture a des relents de "Let There Be Rock", "Black Dog Barking" arrive à dépasser la comparaison grâce à une conviction de tous les instants. Son aptitude à trouver le refrain qui fait mouche trouve sa meilleure expression sur "You Got the Skills (To Pay the Bills)" et "Live It Up" que l'on reprend instinctivement sans se poser de questions.
Après avoir analysé les deux premiers titres, je ne peux vraiment vous décrire les autres, tant ils se ressemblent sur la composition. C’est agressif, impulsif, énergique. Chaque note claque et touchera votre âme un une seconde ! Airbourne, c’est un véritable défouloir. Voilà pourquoi on les aime. Il suffit de comprendre que nous devons lâcher-prise avec leur "Firepower", et bien évidemment de se déchainer avec leur fameux single "Live It Up". Les femmes sont toujours au centre de leur univers, ici avec "Woman Like That". Airbourne propose deux compos plus posée, parfaites pour la route avec "Back In The Game" et "Cradle to the Grave".
Airbourne est sans retenue, il suffit d’entendre comme les cordes claques, comme Joel O’Keeffe s’époumone ou comme les baguettes frappent les peaux comme un coup de trique. Un jeu de batterie qui, par ailleurs, se révèle comme une composante aussi essentielle que la guitare, avec ces rythmiques droites, la grosse caisse qui appuie les temps, comme une marche en avant que rien ne saurait dévier. L’impact est immédiat et sans détour.
En fait, c'est le message principal de "Black Dog Barking", ne pas se poser de questions et se laisser prendre au jeu. Avec treize titres sans faiblesses ni cassures coupables, "Black Dog Barking" ne crève peut être pas le plafond mais fait le boulot avec force. Que celui qui ne tape pas immédiatement du pied sur "No One fits Me (Better Than You)" pense à s'acheter d'urgence des prothèses orthopédiques, et si son voisin ne secoue pas sa crinière avec "Cradle to the Grave" c'est qu'il a besoin d'une perruque pour orner sa calvitie naissante.
Là est la clef de voûte de son succès : une énergie débordante et un goût prononcé pour la fête. Airbourne joue plus que tout sur la face divertissante du rock, son immédiateté et son côté défouloir. Voilà tout ce qui attire irrémédiablement le public dans ses filets. Il suffit d’entendre l’appel aux bas instincts "d'Animalize" ou l’explicite "Ready To Rock", titre taillé pour les concerts issu de leur tout premier EP, aujourd’hui introuvable, et qui se montre presque méconnaissable dans cette version réactualisée et gonflée à bloc.
Au final, à défaut de surprendre, Airbourne ne déçoit jamais. La formation fait partie de ces groupes qui veillent à préserver les traditions. Avec trois albums qui se suivent et se ressemblent, Airbourne commence à avoir en stock suffisamment de bons titres pour remplir un album live qui permettra à tous de constater qu'AC/DC n'est décidément plus seul. Étant donné l'ampleur de sa tournée 2013, cet indispensable témoignage ne devrait pas tarder.
Avec ce nouvel album, Airbourne montre qu’il n’a pas changé son fusil d’épaule mais qu’il s’est toujours aussi bien le magner. Voilà un album qui s’écoute à fond. Les amateurs de son bien Rock, qui portent la barbe, des santiags, du cuir et du jean seront parfaitement satisfaits. Airbourne fait de l'Airbourne comme AC/DC fait de l'AC/DC. Du hard rock 100% pur décibel, pour notre plus grand plaisir, bien évidemment. Quoiqu'il en soit, le carton est d'ores et déjà assuré pour "Black Dog Barking"!!!

vendredi 24 mai 2013

Actu - Lamborghini fête ses 50 ans avec l'Egoista

Lamborghini - Egoista : Un plaisir en solo pour les 50 ans de la marque italienne !!!


Note : 4.5 / 5 

Vous pensiez avoir tout vu chez Lamborghini avec la "Veneno" ? En fait, non. Pour marquer encore un peu plus le monde de la voiture de sport, le constructeur italien présente une nouveauté très impressionnante qui porte bien son nom.
La Lamborghini "Egoista" a été dévoilée début mai à l'occasion d'un gala organisé par la marque italienne pour célébrer ses 50 ans. Devant un parterre de mille invités, "l'Egoista" a effectué ses débuts en public. Ce concept est un hommage rendu personnellement par Walter De Silva, le patron du style du groupe Volkswagen, à la marque Lamborghini. On rappellera au passage que le groupe Volkswagen contrôle Lamborghini à travers sa filiale Audi.
Ainsi, on doit cette "Egoista" à un passionné mais designer avant tout. Walter de Silva est italien mais œuvre pour le groupe Volkswagen. A la tête du bureau design du groupe, il s'est autorisé en tant qu'italien et passionné de voitures de sport à offrir un dernier cadeau à Lamborghini qui fête cette année ses 50 ans.
Pour créer "l'Egoista", Walter De Silva s'est toutefois entouré d'une équipe de designers menée, pour le style extérieur, par Alessandro Dambrosio et, pour le style intérieur, par Stefan Sletaff. Imaginée pour accueillir son seul pilote, la sportive présente un style dans la lignée des dernières créations de la marque. "L'Egoista" reprend le V10 5,2 litres de la "Gallardo". Il développe ici 600 ch.
Après tout quoi de plus normal ? En effet quand on s'offre un bijou comme ceux qui sont au catalogue de Lamborghini, c'est bien souvent pour s'en délecter dans un road trip qui entretient un tête à tête entre le pilote et la machine. Le cockpit très inspiré de l'aviation transforme cette Lamborghini en monoplace. Assis juste devant le V10, on se dit que l'on est proche de l'avion à réaction.
Le designer explique d'ailleurs que son modèle pour cette voiture a été l'hélicoptère de combat Apache. Un hélicoptère de combat comme inspiration pour proposer un concept qui met en valeur de la fibre de carbone. Le concept-car serait donc très léger. Lorsque le toit est enlevé, la prise d’air est assez importante, ce qui devrait garantir des sensations très fortes.
Le pilote est ainsi installé au centre de la voiture. Ce n'est d'ailleurs pas la seule référence à l'univers aéronautique. Présenté lors des festivités du cinquantenaire organisées à l'usine de Sant'Agata, ce pur fantasme automobile, profilé comme un avion de chasse, apparaît encore plus torturé que les dernières réalisations de la marque et notamment le concept "Veneno" dévoilé au récent salon de Genève. On retrouve à travers les lignes en forme de prisme de "l'Egoista" l'héritage de la "Reventon" et de "l'Aventador" mais ici le museau fuselé, les deux ailes avant qui semblent prêtes à s'ébattre et le cockpit central ajoutent une intensité à l'exubérance de la réalisation. La peinture gris mat s'inspire également d'un avion furtif.
Le reste est un savant mélange de fibres de carbone, d'aluminium qui reprend les traits bien connus de la marque. Pas de doute possible, c'est une Lamborghini ! On peut penser que le modèle "Egoista" est plus léger que le modèle de série dont il dérive. Walter de Silva explique que cette auto représente le plus haut degré de plaisir que peut prendre un pilote avec sa voiture. Alors pour que ce plaisir ne s'arrête jamais, l'auto est recouverte d'une peinture qui permet de rendre "l'Egoista" furtive. De quoi échapper aux radars...
On sait que l'auto fait la part belle à la fibre de carbone et aux matériaux ultra-légers donc, et qu'elle est mue par un V10 de 5,2 litres repris de la "Gallardo Superleggera". Gageons que son poids devrait se situer au niveau du concept "Sesto Elemento" ou peut-être même en dessous, histoire de garantir un rapport poids-puissance terrifiant.
Toutefois, le constructeur n'a livré aucune performance mais il ne fait pas de doute que le V10 5,2 litres de la "Gallardo" boosté à 600 ch pour l'occasion doit abattre le 0 à 100 km/h en à peine plus de 3 secondes. Quant à la vitesse de pointe, si l'on s'en tient aux 325 km/h revendiqués par la version de 570 ch, elle doit être supersonique.
Concernant une commercialisation, un communiqué de la marque précise malheureusement que cette "Egoista est une émotion pure, [...], que personne ne peut posséder". Plus concrètement "un cadeau de Lamborghini pour Lamborghini". A cheval entre deux univers, automobile et aéronautique, "l'Egoista", premier modèle à conduite centrale de Lamborghini, devrait rester une œuvre unique. Mais, à Saint'Agata, rien n'est impossible. Et il suffirait qu'un riche client se manifeste pour que ce jouet fasse des petits... espérons-le !!!

mercredi 22 mai 2013

Boutique - Nouvelle collection Lacoste Live feat Tezuka Productions

Lacoste Live feat Tezuka Productions : La rencontre du crocodile avec l'univers manga !!!

Note : 3.75 / 5

Pour l’année 2013, Lacoste L!ve se joint à l’équipe japonaise de manga Tezuka Productions pour créer une collection capsule exclusive de polos, tee-shirts et chaussures inspirée des personnages qui habitent les bd d’Osamu Tezuka. Le Japonais Osamu Tezuka (3 novembre 1928 - 9 février 1989) était un dessinateur, mangaka, animateur, producteur et médecin qui n’a jamais pratiqué la médecine.
D’aucuns le considèrent comme le dieu du manga. Certains le considèrent également comme l’égal de Walt Disney. Toujours est-il que le nom d’Osamu Tezuka nous évoque tous quelque chose, ne serait-ce qu’un souvenir d’enfance avec les œuvres mondialement connues que sont "Astro Boy", "Black-Jack" et "Le Roi Léo", encore aujourd’hui considéré comme plagié par les studios Disney et leur "Roi Lion".
Au 60e anniversaire de la diffusion télé du premier épisode "d’Astro Boy", Lacoste s’associe à Tezuka Productions en sortant cette année une collection de T-shirts et chaussures à l’effigie des œuvres emblématiques du célèbre mangaka donc. Soixante ans sans prendre une ride, ça méritait bien de marquer l'événement. Le petit robot se décline sur les t-shirts, polos de la maison au célèbre reptile. En association avec Hiroaki Ohya, Lacoste lance L!VE Osamu Tezuka, collection qui reprend plusieurs personnages en noir et blanc d'Osamu Tezuka sur des textiles colorés : Astro donc, mais aussi le roi Léo ou encore Black Jack.
Fan de l'œuvre du père du manga moderne, Ohya avait déjà conçu une collection aux motifs plus futuristes consacrée uniquement au petit robot. Et explique que Tezuka était capable de réaliser des mangas avec la dynamique de storyboards cinématographiques. Aujourd'hui, Ohya lui rend hommage au travers de grandes reproductions d'art book sur le devant comme le dos des t-shirts. Porté à même le corps, les dessins prennent vie.
Les histoires sont développées successivement sur le devant de l’emballage, sur le devant et parfois sur le dos des polos et tee-shirts et enfin sur le dos de l’emballage, suivant l’ordre introduction, développement, dénouement et conclusion, explique le créateur. Les hommes qui portent ces vêtements peuvent librement concevoir des suites. Et, en plus de ceux qui les portent, ceux qui les voient peuvent se divertir avec les polos bd.
Pour la capsule Printemps/Été 2013, Ohya a choisi trois histoires : "Le mystérieux homme souterrain" (vol), "Astro boy" (transformation) et "Black-Jack" (communication avec la nature). La collection sera disponible dans les boutiques et points de vente Lacoste L!VE à partir de mai 2013. La collection Automne/Hiver verra quant à elle arriver "The Phoenix", "Crime and Punishment" et "Le Roi Leo".
La teinte flashy des polos ainsi que les dessins qui renvoient aux souvenirs d’enfance seront à n’en point douter de parfaits alliés pour aborder l’été avec toute la coolitude qui s’impose !!!

lundi 20 mai 2013

BND - Les 25ième Eurockéennes de Belfort du 4 au 7 Juillet 2013

Belfort - Les 25ième Eurockéennes : Des Eurockéennes gonflées et sur-protéinées pour un 25ième anniversaire !!!

Attente : 4.5 / 5

Avec 74 artistes et un quatrième jour, les 25e Eurockéennes de Belfort se veulent plus "gonflées" qu’à l’ordinaire. Lou Doillon, Airbourne, Lilly Wood & Prick s’ajoutent aux Blur, Smashing Pumpkins, -M-, Asaf Avidan et bien d'autres grands encore, plus une cohorte d’inconnus que l’on piaffe de découvrir avant les autres du 4 au 7 juillet.
Si je devais faire bref, je dirais que les Eurockéennes se décomposeront ainsi. Un jeudi plutôt "populaire" avec Matthieu Chedid (M) et Asaf Avidan, un vendredi "énergique" avec The Smashing Pumpkins, le retour d'Airbourne, Skip the use et l'électro des Bloody Beetroots, un samedi pop et rap avec Phoenix, Two Door Cinema Club, Kery James et Lou Doillon, ainsi qu'un dimanche rock-métal avec Blur, Neurosis, Mass Hysteria, My Bloody Valentine auront de quoi satisfaire les festivaliers. Sans oublier le lot de surprises que réservent toujours les Eurockéennes, et c'est aussi pour ça qu'on les aime. Vieilles gloires et petits jeunes : en résumé, c'est le menu proposé pour cette 25e édition.
Pour ses 25 ans, les Eurockéennes se font très nineties. Le festival a souhaité rendre hommage aux années qui l'ont vu grandir. Au programme, de grosses têtes d'affiche dans cette veine 90's : Jamiroquai en ouverture, Blur en clôture, The Smashing Pumpkins, Archive, My Bloody Valentine, Skunk Anansie, ... De grands noms qui ont vu le jour dans les années 90. Mais le festival qui n'a jamais eu peur de ses coups de cœur a puisé dans une "scène inconnue foisonnante" pour y décrocher de petites pépites.
The Smashing Pumpkins
Ils ont à peine 16 ans, sont irlandais et distillent un rock "vieille école" digne des Yardbirds, leur nom, c’est The Strypes et ils sont plus vrais que nature. Des Palma Violets, on dit qu’ils reprennent le flambeau des Clash. Descendus de Suède, Graveyard foule les plates-bandes de Led Zeppelin… Et Gary Clack Jr, choisi par les Stones pour leur première partie à Hyde Park, pourrait bien être la réincarnation de Jimi Hendrix !
Avec ces quatre exemples, les Eurockéennes 2013 donnent le ton d’un "Retour vers le futur". Toutes ces musiques qui se recyclent à l’infini, vont bouillir quatre jours et quatre nuits durant sur la presqu’île du Malsaucy.
Parmi les 74 groupes, qui donneront des concerts sur quatre jours, on retrouve donc Phoenix, M, Two Door Cinema Club, The Bloody Beetroots, Airbourn, Woodkid, Lou Doillon, Fauve, Fidlar, Tame Impala, Chvrches, JC Satan, Alt-J, Asaf Avidan, Deap Vally, Trash Talk, Matthew E. White, Valerie June, Gary Clark JR, La Femme, Juveniles, Lilly Wood and the Prick, Mesparrow, Chapelier Fou, Gesaffelstein et Von Pariahs... Des formations de théâtre de rue seront également présentes aux Eurocks.
Airbourne
Une soirée électro baptisée "La plage à Pedro", confiée à Pedro Winter, figure essentielle de l'électro français, est programmée sur la scène lacustre de la plage le samedi avec, entre autres, Kavinsky et Cassius. Côté hip-hop, le spectacle sera assuré par ASAP Rocky, Kery James, Joey Badass, Boys Noyze, Danny Brown et les français Keny Arkana et Pih Poh.
Au final, des Eurocks gonflées façon XXL qui fêtent leur quart de siècle avec de sérieux poids lourds comme Blur, Jamiroquai, Smashing Pumpkins, Phoenix, Skunk Anansie ou -M-. Tandis que juste derrière, toute une nouvelle vague s’égosille à la porte : Alt-J, Asaf Avidan, Two Door Cinema Club, Tame Impala, Black Angels, The Vaccines. Alors que demander de plus, bon "Retour vers le futur" !!!

samedi 18 mai 2013

Livre - Poussière tu seras de Sam Millar

Poussière tu seras
                            de Sam Millar

Note : 4 / 5 

Synopsis :
Ancien policier à Belfast, Jack Calvert, alcoolique, élève seul son fils adolescent, Adrian. En faisant l’école buissonnière, celui-ci découvre un os humain dans la forêt, mais ne parle à personne de son trésor. Quelques jours plus tard, il est kidnappé.
Jack retrouve l’os qui s’avère être celui de la petite Nancy, disparue depuis trois ans. Alors qu’il enquête, d’autres personnes disparaissent, des restes humains sont retrouvés dans les bois et les anciennes pratiques sordides de l’orphelinat local sont révélées au grand jour. C’est tout le terrible passé de la ville qu’Adrian semble avoir déterré. 

Critique :
Sam Millar n'est pas exactement un auteur comme les autres. Ancien activiste de l'IRA, il a passé de nombreuses années en prison dans des conditions particulièrement dures (torture, privations, isolement,...). Des années qui ont laissé sur l'homme et sur l'auteur irlandais des traces profondes et indélébiles. Il n'est pas inutile de le savoir avant de commencer la lecture de "Poussière tu seras", son premier roman paru en français. Une lecture qui n'est pas de tout repos.
Ce premier roman est une vraie pépite noire. Les chapitres sont courts, et à l'image du style de l'auteur, incisifs. Chaque chapitre se termine sur une note sombre sans pour autant verser dans l'excès, la surenchère. Le récit n'en a pas besoin, il est aussi implacable qu'impeccable. En effet Sam Millar a choisi la concision, le juste-ce-qu'il-faut, pour créer cette atmosphère si moite, si sombre, si effrayante.
Sans avoir peur de me répéter, l'écriture est efficace, sans fioriture et implacable lors de certaines scènes qui produisent un impact visuel très fort. On est saisie par le relief qu'elles ont. Ces images nous suivent une fois le livre terminé comme une peinture lugubre dont on ne peut détacher le regard et qui induit en nous une fascination morbide. Millar a un réel talent pour décrire des ambiances inquiétantes.
Que ce soit le contexte, l’histoire, les personnages ou l’ambiance, tout est noir, pas un petit noir brillant, mais un vrai noir mat, où rien ne se reflète. Il ne faut pas chercher la moindre étincelle d’espoir, pas la moindre lumière, c’est du noir brut, brutal.
Le style de Sam Millar y est donc pour beaucoup, avec ses descriptions minimales et ses mots soigneusement choisis qui laissent planer une atmosphère brouillardeuse, glauque, mystérieuse. Et les personnages vont s’enfoncer dans cette histoire sans que le lecteur ne puisse rien faire à leur déchéance. Ils ont tous des cicatrices ou des secrets qui petit à petit font leur apparition pour nous étaler des ignominies sans nom.
La noirceur est présente à tous les instants, la peur aussi. Dans les premières pages, on ne sait pas très bien de quoi on a peur. Mais Millar sait instiller dans ses mots une sensation de malaise, voire d'épouvante qui évoque un Edgar Poe moderne. La première scène du roman, où l'on fait la connaissance d'Adrian, est particulièrement virtuose.
Adrian fait l'école buissonnière, mais ça n'est pas pour s'amuser avec ses copains. Il se promène dans la campagne, au milieu des arbres ployant sous la neige, quand il fait sa macabre trouvaille. Et sa rencontre à la fois compassionnelle et violente avec un corbeau blessé nous confirme au bout de quelques pages que nous venons de pénétrer dans un territoire interdit. Ce livre dur ne nous épargne jamais, Millar ne fait pas de concessions.
La mort, l'enfance violée, la perversion, la mémoire et le mensonge, dans "Poussière tu seras", si l'intrigue, basée sur un fait réel qui a marqué l'histoire de l'Irlande, est passionnante, ce sont néanmoins l'émotion et la puissance des mots qui l'emportent, avec des scènes particulièrement éprouvantes, sans aucune complaisance, qui atteignent leur cible en plein cœur.
Les personnages, à part Adrian qui est trop jeune pour être perverti, sont pour la plupart des êtres avec des passés pesant des tonnes. Jack, par exemple, se console dans l'alcool et la peinture. Ici, les personnages sont terribles voire horrifiques mais tellement humains, même dans l'horreur. Même si c'est l'humanité qu'on n'aime pas voir, celle dont on nie l'existence, pour dormir en paix.
Les personnages chutent comme les feuilles mortes avec pour seul destin, qui parait inévitable, une fin de course sur un sol à l'odeur de terre et de sang. Le corbeau, qui transporte les âmes des défunts ayant subis une mort violente, est présent en filigrane durant tout le livre, il achève de donner à cette histoire une atmosphère aussi sombre que les plumes de ce dernier.
Au final, on a là un véritable concentré de noirceur sur plus de 300 pages, où l'âme humaine est mise à nue. La violence et la perversité formant la trame de ce roman dans lequel l'auteur va à l'essentiel. Percutant ! Un premier roman impressionnant !!! 

jeudi 16 mai 2013

Ciné (Cult) - Usual Suspects de Brian Singer de 1995

Brian Singer (1995) - Usual Suspects : L'art suprême de la mystification !!!

Note : 4.5 / 5 

Synopsis :
Une nuit, dans le port de San Pedro, en Californie, l’explosion d’un cargo fait une trentaine de morts. Il n’y a que deux survivants : un marin hongrois gravement brûlé et un petit escroc boiteux de New-York.
Tandis que le hongrois est expédié à l’hôpital, le boiteux, Roger "Verbal" Kint (Kevin Spacey) est interrogé par la police et par un agent des douanes new-yorkais, Dave Kujan (Chazz Palminteri). Il va alors lui raconter une étrange histoire où lui-même et quatre autres bandits, réunis par hasard, vont se faire manipuler par un criminel légendaire, Keyser Söze.

Critique :
Qui est Keyser Söze ? Un fantasme, une identité volatile qui change de visage au gré de nos soupçons. En 1995, ce polar insolite s'imposait comme "LA" devinette de la saison. A la sortie des salles, ceux qui "savaient", encore ébahis par les infernales montagnes russes dans lesquelles on les avait embarqués, enviaient les autres. "Usual Suspects" est pourtant un film qu'on se plaît à revoir pour le plaisir d'en décortiquer les rouages. Avec son intrigue violente et tortueuse, Bryan Singer se joue des ficelles du polar classique. Bien mieux, il nous ligote avec.
Bien avant de briller avec "X-Men" ou de sombrer avec "Superman Returns", Bryan Singer a signé, avec "Usual Suspects", un des thrillers les plus surprenant qu'il m'ait été donné de voir et dont le scénario original déroule une intrigue diaboliquement efficace. Ce chef-d’œuvre ne pourra jamais laisser personne indifférent.
La plus grande astuce de Bryan Singer, c'est d'avoir convaincu son public "qu'Usual suspects" est un grand film et, à n'en pas douter, c'est bien le cas ! Et sur ce point, je ne peux m'empêcher de voir une corrélation avec une phrase de Kevin "Verbal" Spacey dans le film : "Le coup le plus rusé que le diable ait réussi, c’est de convaincre tout le monde qu’il n’existe pas" !
Après un premier film méconnu ("Public access"), mais déjà à bien des égards prémonitoire de ce qui allait suivre, Bryan Singer stupéfia un public de plus en plus chloroformé avec "Usual suspects". D'une roublardise sidérante de virtuosité, ce dernier fait partie de ces films qui méritent obligatoirement deux visions. Une pour avoir le plaisir de se faire rouler dans la farine dans les grandes largeurs, et une autre bien sûr, pour décortiquer tous les paramètres et situations décrites afin de trouver une éventuelle faille dans la mécanique du récit (en vain !).
Avec seulement 4 millions de dollars de budget et tourné en 35 jours, ce thriller psychologique a rencontré un franc succès, qu'il soit critique ou populaire. Le film débute sur un interrogatoire de cinq malfrats, soupçonnés d'avoir pris part à l'explosion d'un cargo. Très rapidement, ils se rendent compte qu'ils n'ont pas été réunis au hasard et que le "Diable", Keyser Söze, un mystérieux malfaiteur, va leur proposer un coup où, s'ils réussissent, ils pourront partager un butin de 91 millions de dollars.
D'abord donc, la mise en place, énigmatique, qui nous dépeint à travers l'œil d'une petite frappe le troublant Kaiser Sozë. Un récit méticuleux qui ne manque pas de captiver le spectateur, qui suit une introduction des protagonistes principaux très hollywoodienne.
Tandis que la narration suit son cours, "Usual Suspects" captive de plus en plus l’intérêt du spectateur et le talent de conteur de Bryan Singer y est pour beaucoup. Et très habilement, le réalisateur stoppe net le flot d'informations qui vient au spectateur. Il ne livre plus qu'au compte-goutte les informations nécessaires à la quête de compréhension du mystère Kaiser Sozë, dont on ne voit jamais le visage.
Les hypothèses sont tour à tour éludées, les questions fusent et le spectateur est complètement manipulé. Mais même en suivant avec attention le spectateur peut-il seulement y voir clair ? Singer montre des lieux et des événements qui paraissent anodins et qui prendront plus tard toute leur importance, mais bien malin celui qui pourra les déceler au premier coup d'œil.
Ainsi l'intrigue lancée, on part sur un scénario dont la narration est non-linéaire : des flashbacks et des flashforwards se croisent et se décroisent, basés sur les témoignages de Verbal Kint (Kevin Spacey). Le tout est magnifiquement ficelé, intelligemment mis en place et tout se délie au fur et à mesure. Ce système de narration est, notons-le, assez déroutante au départ mais on s'y habitue facilement. L'Oscar du meilleur scénario est tout à fait mérité. La véritable intrigue est de savoir qui est ce fameux Keyser Söze et très vite, l'étau se resserre jusqu'à arriver à une conclusion étonnante !
Ainsi, ce qui fait la force de ce film, c’est d’abord la grande qualité de son scénario. Dès le début, on est pris par l’histoire et notre intérêt ne faiblit jamais. La structure est habile (des flash-backs durant un interrogatoire donc). On est scotché à ces 5 malfrats (Verbal, Keaton, McMannus, Fenster et Hockney) et à leur aventure. Mais rapidement, l’intrigue se complexifie. Il ne faut louper aucune image, aucune ligne de dialogue.
Chaque danger rencontré par nos cinq anti-héros en amène un autre qui débouche lui-même sur un autre. C’est une construction en poupées russes. On a l’impression d’avoir tout compris dès le départ mais en fait, plus on avance, plus on est perdu et plus l’histoire se révèle être autre chose que ce qu’elle paraissait de prime abord.
Tout cela est renforcé par le personnage de Keyser Söze, un génie du crime légendaire (existe-t-il vraiment ?) que personne n’a jamais vu mais que la rumeur décrit comme un psychopathe machiavélique, déterminé et impitoyable. Une sorte de Marque Jaune ou de Professeur Moriarty des temps modernes, que certains assimilent au diable en personne. Mais peut-être n’est-il qu’une rumeur ou une légende urbaine ? Qui sait ? En tout cas, les dangers qu’il fait courir aux protagonistes de cette histoire sont bien réels !
Constamment, tout se dérobe. On va de chausse-trape en chausse-trape. Ce que l'on croyait vrai l'instant d'avant devient doute l'instant d'après. On navigue entre un être diabolique, mais invisible, un flic vivant que l'on croyait mort et une cargaison de drogue qui ne sera qu'un mirage de plus comme dans tous les grands romans et films noirs, c'est la désillusion qui l'emporte. 
En utilisant à foison la technique éculée du flashback on aurait pu voir le réalisateur tomber dans le piège de l'ennui et du manque de clarté. Mais les acrobaties effectuées avec ces incessants retours au passé sont parfaitement maitrisées et l'équilibriste Singer domine son sujet. Les caractères fouillés des personnages ne faisant que rendre encore plus réussie la création d'une atmosphère pesante.
Car c'est aussi une des forces indéniable du film : le casting. Kevin Spacey à contre-emploi est insolent de facilité. Benicio Del Toro séduit, Stephen Baldwin colle littéralement à son personnage et Gabriel Byrne réussit à imposer un style sobre et rugueux à la fois. Même Kevin Pollak qui n'a pas mes faveurs d'ordinaire n'arrive pas à me faire ajouter un bémol.
Les personnages sont incroyablement bien campés et les dialogues sont juste formidables. McQuarrie, le scénariste, s’est servi de son vécu d’enquêteur privé et ça se sent. Tous les protagonistes sonnent justes et sont authentiques. Il y a aussi de l’émotion, par moments : l’histoire d’amour entre Keaton (incarné par un magnifique Gabriel Byrne) et l’avocate Eddie Finneran. Mais quelquefois, c’est au coin d’un dialogue que cette émotion affleure. Par exemple, quand, à San Pedro, McMannus (Baldwin), juste avant de faire le "gros coup" lance: "Il doit pleuvoir à New-York". New-York représentant là sa vie passée et sa sécurité qui s’est envolée. Quant aux acteurs donc, ils sont TOUS incroyables et livrent là des interprétations de haute volée. Petit hommage à feu Pete Postlewhaite qui campe un inquiétant avocat, sardonique à souhait.
Au final, outre son formidable scénario qui étonne jusqu’à la fin, le film est réalisé de main de maître par Bryan Singer. Chaque mouvement de caméra, chaque cadrage, chaque entrée de personnage dans le champ, traduit quelque chose et nourrit à la fois le suspens de l’histoire et la paranoïa qui s’installe dans l’esprit du spectateur. Même un plan en plongée anodin sur une tasse à café a un sens caché.
C’est tout simplement miraculeux pour un deuxième film. Même si Singer n’a rien perdu de son talent (comme le démontre l’excellent "Walkirie"), il n’a jamais vraiment retrouvé l’état de grâce de sa réalisation sur "Usual Suspects". Il est bien secondé par le travail du monteur/compositeur (superbe thème principal) John Ottman et du directeur de la photo Newton Thomas Sigel.
"Usual suspects" est le genre de film qu’il faudra voir deux fois une première fois pour le plaisir d’être manipulé, une seconde pour le plaisir encore plus intense de comprendre et de disséquer les mécanismes de la manipulation. En bref, "Usual Suspects" est un chef-d’œuvre, un polar noir bourré de chausse-trappes et de retournements de situations inattendus jusqu’à cette fin qui reste l’une des plus célèbres de l’histoire du cinéma !!!