de Frédérick Rapilly
Note : 4.25 / 5
Synopsis :
Le cadavre mutilé d’une jeune femme est découvert en Bretagne, dans la
forêt de Brocéliande, quelques jours après la traditionnelle rave-party
qui se tenait dans les environs. Les autorités soupçonnent un rituel
païen ou satanique, et placent en garde à vue plusieurs suspects.
Alors
que les médias se déchaînent, un ex-grand reporter et une photographe
mènent une contre-enquête. Rapidement, leur chasse au scoop se
transforme en chasse à l’homme. Il apparaît que ce meurtre n’est pas
isolé ; en Thaïlande, en Ukraine, aux Canaries, et en Australie, des
jeunes femmes sont retrouvées mortes en marge d’évènements similaires.
Notre duo de journalistes se lance alors sur les traces d’un tueur en
série obsédé par la musique qui choisit ses proies dans la fièvre des
festivals électro.
Critique :
On dit d'une œuvre réussie (que ce soit un film, un livre, de la musique, ...)
qu'elle est capable de vous intéresser à n'importe quel sujet, même un
auquel vous seriez de prime abord récalcitrant. Pour tout vous dire, le monde du journalisme ne me passionne pas vraiment et je
n'apprécie pas tellement la musique électro. Et pourtant "Le chant des âmes" a réussi l'exploit de me captiver.
Un thriller qui se passe dans le
milieu de la musique techno/électro me semblait peu attractif de prime abord. Pourtant il s'est avéré réellement original. L'enquête nous
plonge dans l'univers très spécifique des DJ et des raves parties,
et découvrir leurs codes et fonctionnements est très instructif.
C'est Marc, un ex grand reporter et
Katie, une photographe, qui mènent l'enquête et nous font voyager aux
quatre coins de la planète. L'un est brisé par la vie et
s'interdit d'aimer, l'autre est une fonceuse et va prendre les
choses en main. N'oublions pas Jillian, DJ en vogue et élément
déclencheur. La course poursuite du techno killer par ces deux
journalistes commence à Brocéliande pour se poursuivre entre autres
en Thaïlande, en Ukraine, en Pologne ou encore à Bali. Le style est
impeccable, l'intrigue est prenante et on ne s'ennuie pas
une seconde. La musique techno est omniprésente et certaines
pratiques underground font froid dans le dos si elles sont réelles. La
motivation du serial Killer est effrayante et, malheureusement,
crédible.
Le mystère de ce livre commence dès la première de couverture où sont
disséminées des photos des auteurs des éditions Critic. Un clin d’œil
qui, dès le début, amuse et intrigue. Ensuite, le récit commence et là
quelque chose et certain, Frédérick Rapilly a un don pour transporter
son lecteur dans l'histoire. Cela faisait longtemps que je n'avais pas
eu cette sensation d'être attirée et fascinée. L'histoire est originale
et bien documentée, on sent que l'auteur au demeurant DJ s'y connaît en
musique.
Car si
je vous dis que Frédérick Rapilly est à la fois grand reporter et DJ,
serez-vous surpris ? Sans doute pas, c'est tout son savoir-faire et sa
culture personnelle que l'auteur met en scène dans ce roman. Un livre
très musical (on trouve en fin d'ouvrage de quoi se concocter une belle
petite play-list, même lorsqu'on n'est pas un fan de techno...), qui
nous fait entendre aussi de la pop, du rock, du classique. D'ailleurs,
toutes les têtes de chapitres sont assurées, si on peut dire, par Nick
Cave et les Bad Seeds, des textes extraits de l'album "Murder Ballads",
ce qui vient accroître encore le côté sombre de ce "Chant des âmes".
La première partie du livre est
assez lente, l'enquête de Marc et Katie piétine. Ils font chou blanc un peu
partout, même s'ils ont une encolure d'avance sur la gendarmerie. Néanmoins
cette partie permet de faire connaissance avec les personnages. En parallèle
l'auteur aborde légèrement, par petite touche, l'enfance perturbée de celui
dont on se doute qu'il est notre psychopathe.
Les personnages sont bien campés et pas clichés. A la
fois attachant et mystérieux, le personnage principal, Marc Torkan, est à
lui seul une énigme. Son accolyte Katie incarne une photographe noire
américaine atypique et qui complète le caractère du personnage
principal.
Marc a un passé chargé lui aussi, il a souffert, a
voulu se couper de tout. Mais la fibre journalistique reprend le dessus, et
c'est l'infernale marche en avant pour LE scoop. Le duo qu'il forme avec Katie,
une photographe d'art à la base, qui se trouve embarquée dans ce fait-divers
sans avoir eu le temps de dire ouf, est vraiment efficace. Elle a un fichu
caractère, ne s'en laisse pas conter et, surtout, réussie à imposer ses idées, c'est assez rafraîchissant !
Puis vient
la deuxième partie et quelle claque ! On se fait
embringuer par la construction des chapitres judicieusement emmêlés dans
le temps, dans les lieux, passant d'un personnage à l'autre. Les paragraphes
sont tronçonnés et présentés comme un script : lieu de l'action, date, heure. Le
style devient de plus en plus percutant. L'intrigue s'intensifie, l'enquête
nous embarque aux quatre coins de la planète, et on ne peut plus lâcher le livre. C'est prodigieusement bon. Quant à la fin, elle serait décevante s'il n'y avait cet incroyable épilogue !
Connaissant
lui-même bien le milieu techno, Rapilly nous en propose un portrait
certes sans concession, mais qui évite aussi les clichés qui sont
souvent véhiculées sur cette musique et ces festivals, souvent organisés
dans la clandestinité, voire l'illégalité. Autrement dit, on ne nie
pas la présence de drogues ou d'évènements un peu glauques souvent
inhérents aux grands rassemblements humains, mais on s'attache aussi à
mieux faire comprendre la créativité des artistes technos (parfois
hard-core, certes) ainsi que la si étrange et si contagieuse attraction
que peut avoir cette musique, cette rythmique, plutôt.
Le
rythme lui aussi est assez musical, avec des mouvements rapides et des
mouvements lents, mais on est plus dans un roman noir que véritablement
dans un thriller à l'américaine. C'est une enquête minutieuse, hors des
sentiers battus, plus qu'une course-poursuite dératée, que nous propose
Rapilly, avec une touche d'exotisme, même si les touristes que l'on
croise ne vont guère découvrir les cultures locales.
Le style de l'auteur est particulier. Pas dans le sens spécial mais
plutôt spécifique. On sent la pâte de l'auteur qui s'est attaché à
décrire et à travailler son texte. Il dissémine intelligemment dans le
texte des indices sur le dénouement mais également sur le tueur qui se
découvre petit à petit dans certains chapitres et que le lecteur peut
s'amuser à débusquer.
Dans son thriller, Rapilly campe une intrigue réaliste et rondement menée, il
respecte les codes du thriller et les casse aussi par moments, le tout
avec beaucoup de talent. Fréderic Rapilly parvient avec brio à donner
vie à ses personnages, leur interactivité fonctionne pleinement et on
s’y attache rapidement. La fin est frustrante (dans le bons sens du terme) et appelle une suite, qui est d'ailleurs déjà disponible ("Le chant du diable").
Mais, la véritable qualité de ce roman est qu'il saura vous intéresser même si vous n'y connaissez rien en techno, même si vous ronchonnez en disant que ce n'est pas de la musique, même si vous les considérez encore simplement comme un ramassis de drogués. Alors n'hésitez pas à entrer dans la danse et à vous laisser hypnotiser par ce thriller assez particulier.
Mais, la véritable qualité de ce roman est qu'il saura vous intéresser même si vous n'y connaissez rien en techno, même si vous ronchonnez en disant que ce n'est pas de la musique, même si vous les considérez encore simplement comme un ramassis de drogués. Alors n'hésitez pas à entrer dans la danse et à vous laisser hypnotiser par ce thriller assez particulier.
Jusqu'au bout du roman, jusqu'à la terrible révélation finale,
impossible de décrocher. Et même une fois la dernière page tournée,
fiévreux, la gueule de bois, le cœur battant la chamade, vous ne pourrez
vous sortir de la tête les dernières notes du "Chant des Âmes" !!!
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