Note : 4.25 / 5
Synopsis :
Depuis qu'Askeladd, un chef de guerre fourbe et sans honneur, a
tué son père lorsqu'il était enfant, Thorfinn le suit partout dans le
but de se venger. Mais bien qu'il soit devenu un guerrier redoutable, il
ne parvient toujours pas à vaincre son ennemi.
Au fil des ans,
enchaînant missions périlleuses et combats afin d'obtenir des duels
contre l'homme qu'il hait plus que tout, le gentil Thorfinn est devenu
froid et solitaire, prisonnier de son passé et incapable d'aller de
l'avant. Jusqu'à ce que la vie le force à regarder le monde différemment.
Critique :
"Vinland Saga" est un manga original, qui nous plonge dans un univers plutôt inhabituel pour le genre : celui des vikings. Il fait partie de ces grands récits d’aventures typique du manga. Un seinen tout en puissance où l’intrigue se joue entre luttes de pouvoir,
trahison et grosses épées. Nous ne sommes pas dans la poésie et dans la
finesse ici. Mais il faut avouer que tout cela est très efficace et les
amateurs d’histoire et d’aventure devraient trouver ce qu’il cherche.
L'histoire se déroule à des milliers de kilomètres du Japon puisque "Vinland Saga"
raconte les aventures de Thorfinn, un jeune islandais qui rejoint une
flotte Viking pour devenir fort et venger la mort de son père. Tout au
long du manga, on se tranche la tête, on se coupe les jambes, on se
crève les yeux à tout va. Ici, la violence fait partie du quotidien.
Venger son père, Thorfinn ne vit que pour cela. Si ce gamin de 14 ans
accompagne Askelaad et sa troupe de mercenaires vikings dans leurs
campagnes, c'est uniquement dans l'espoir de pouvoir le tuer. Mais dans
cette Angleterre du XIe siècle, mise à sac et pour moitié contrôlée par
les Danois, les règles de la tragédie classique n'ont pas cours. Tuer
celui qu'on abhorre n'est pas aussi simple qu'il y paraît.
L'intrigue initiale est riche et de nombreux développements intéressants se profilent tout au long des 11 tomes existants. Brutale, palpitante et extrêmement bien documentée (l'auteur, Makoto
Yukimura, s'est plongé dans les sagas islandaises et a multiplié les
voyages d'études), cette fresque guerrière penche souvent vers le récit
initiatique. Entre deux passes d'armes joyeusement gore, les
personnages se révèlent, s'interrogent, gagnent en nuances et en
densité, à l'exemple d'Askelaad, salaud magnifique et complexe, digne
d'un Richard III.
Au deçà du graphisme tout à fait agréable et pour une fois lisible dans les phases de combat, la véritable réussite de "Vinland Saga" tient donc avant tout à la vraie présence de ses personnages principaux et
secondaires (et ils sont nombreux). Même si ces derniers répondent aux
critères habituels des récits d’aventure historique, ils ne sont pas non
plus des pions qui se baladent sans réfléchir. Ainsi, les rythmes de
l’histoire se basent sur leurs décisions. Des chapitres entiers peuvent
être tendus comme un arc alors que d’autres seront bien plus calmes
laissant l’histoire suivre son cours.
Les nombreux focus et flashbacks enrichissent l’ensemble du récit et surtout apportent une
profondeur d’âme aux différents protagonistes. De plus, leurs positions
sont rarement figées. Les limites, un peu trop manichéenne dans ce genre
d’histoire, sont vite gommées par le jeu des rebondissements et des
alliances parfois inattendues.
Cependant, les rebondissements sont tout de même parfois un peu gros, il faut se l'avouer, on sent que le besoin de relancer le récit à de
temps en temps amené l’auteur à tirer un peu sur la corde. De plus, les vikings et leurs échelles de valeurs sont assez proches du
samouraï, un peu trop proche même pour des occidentaux. Toutefois ces légers défauts n'entachent en rien la qualité de l’œuvre !
Pour poser des bases saines, l'auteur offre un premier volume présentatif, un deuxième pour explorer le passé
avant de se lancer enfin dans le grand bain. Entre mythes
nordiques, bases de stratégie, découvertes de grands espaces et
guerriers légendaires, ce seinen possède des arguments convaincants.
Bien plus complexe qu'il n'y paraît, l'addiction apparaît rapidement
surtout lorsqu'on connaît le potentiel narratif de Yukimura !
"Vinland Saga" a d'ailleurs quelque chose d'éminemment théâtral
dans sa mise en scène, son graphisme souvent outrancier et sa façon
d'apostropher le lecteur. Assassinats, complots, farce et humour
tragique : depuis sa précédente et remarquable série, Planètes, on savait Yukimura grand fan de science-fiction classique ; on le découvre ici amateur éclairé du drame shakespearien.
Assez réaliste et violent, Yukimura ne tombe pas non plus dans ce qu’on reproche, parfois à tord, à ce genre
de manga. A savoir, une certaine célébration de la violence. Au
contraire, le manga,
avec des scènes parfois difficile et sous les traits de son personnage
principal, dénonce l’absurdité de la guerre et de la vengeance.
Point de
vue courageux, contradictoire et avouons-le plutôt réussi. Se basant sur un dicton chinois ("si on veut montrer la blancheur d'une chose, il faut l'entourer de suie pour qu'elle nous paraisse encore plus blanche"), le but du mangaka était d'illustrer, non pas la violence, mais le refus de la violence.
Ce
manga est plutôt envoûtant, et ces paysages de grand froid vous happent
comme une tempête de neige. Cela donne envie d'en savoir plus et de percer
l'écorce de ce jeune héros solitaire et à la beauté sauvage. Méritant une attention particulière, "Vinland Saga" est une petite
bombe sur pattes dont on attend énormément après des débuts
prometteurs. Un pari assez peu risqué aux vues de premiers volumes
flamboyants et à la personnalité d'un mangaka qui arrive à surprendre
souvent où il n'est pas attendu.
Au final, "Vinland Saga" est une lecture des plus agréable et bien construite. Un très bon seinen qui se plonge dans une
réalité historique parfois cruelle (même très dure dans certains chapitres). Un très bon moment de lecture avec du sang, des tripes, mais
aussi des doutes, des larmes, de la poussière, des embruns et du casque
à cornes. Bref, tout ce qu’on aime quoi !!!
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