Livres


Tony Valente - Radiant : Un Shônen addictif made in France mélangeant action et humour !!!

Note : 4 / 5

Synopsis : 
Un peu partout dans le monde, des monstres nommés Némésis semblent pleuvoir du ciel et causent dès lors, de nombreuses catastrophes. Ces créatures sont confrontées à une résistance inattendue venant des infectés, des humains mis au ban de la société pour leur capacité à manipuler la magie, c’est-à-dire des sorciers.
Seth est l'un d'eux et il a pour caractéristique physique d'avoir deux petites cornes sur la tête. Ce jeune homme maladroit et volontaire apprend des sorts auprès d'Alma, une sorcière au caractère bien trempé, tout en entraînant ardemment son physique. Un jour, alors qu'il observe la ville, Seth aperçoit un Némésis s'écraser. Sans plus attendre, il saute sur l'occasion pour affronter son premier monstre mais voit que d'autres chasseurs sont déjà là : le Bravery Quartet. Ces derniers font forte impression à la population qui n'apprécie guère Seth. Pourtant, c'est bien ce dernier qui va s'illustrer contre la créature.

Critique :
Un "bon gros" shônen. Voilà comment l’amateur de manga, ou non, pourrait qualifier ce premier tome de "Radiant", dans lequel Tony Valente réussit à reprendre à son compte les principaux ingrédients du genre et à les faire siens pour offrir une aventure riche en action, combats et bourrée d’humour. La recette fonctionne très bien, le monde créé comporte son lot de mystères, les personnages se révèlent aussi prometteurs que hauts en couleur et les péripéties qui s’enchainent assurent un rythme trépidant.
Tony Valente a réussi un coup magistral avec cette nouvelle série, qui n’est pas une pâle copie d’un livre japonais. Je dirai même qu’il se classe dans les meilleures productions shônen de ces dernières années. Il faudra, bien sûr, juger la série dans la durée, mais l’auteur débute très fort, avec une excellente histoire, des personnages de haut vol et un humour omniprésent.
Fan inconditionnel de mangas, Valente s’est lancé dans une trilogie qui a toutes les apparences de la BD japonaise : sens de lecture inverse, action et explosions à gogo, univers fantasy familier, confrontation entre humains et créatures surnaturelles, blagues gentiment salaces, dessin bouillonnant et sans cesse en mouvement, découpage ultra efficace… Et grâce à un vrai talent graphique et une bonne compréhension des codes du manga, l’auteur parvient à produire un premier tome d’excellente facture, qui n’a rien à envier aux bons titres pour ados, sans non plus les singer. Car Valente réussit à ne pas s’enfermer dans les tics visuels du genre, il s’amuse avec, triture les références pour les plier à son histoire et donne énormément à lire et à voir, sans jamais ennuyer.
Cela fait maintenant quelques années que Valente ravit les lecteurs de bandes dessinées avec son style fortement influencé par les mangas. Cela a donné l'excellente série "Hana Attori" ou récemment "Speed Angels". Pourtant, en secret et tapi dans son Québec d'adoption, Valente rêve de faire du manga. L'occasion lui est offerte chez Ankama qui, devant le succès critique et populaire de "City Hall", souhaite offrir aux lecteurs plus de mangas made in France.
Jamais une production française n’aura autant réussi à atteindre le niveau de ses références nippones. L’auteur s’appuie en effet clairement sur les séries mythiques qui ont bercé les lecteurs français (de "Dragon Ball" à "One Piece"), et ne souffre pas du tout de la comparaison. Son graphisme semble libéré de toute contrainte de format. La qualité des décors, des cadrages, du remplissage de l’espace et des designs de personnages (quelle expressivité et quelle galerie hilarante !) n’a d’égale que le rythme étourdissant de ce premier tome, entre rebondissements incessants, humour non-stop et secrets bien gardés.
A première vue, "Radiant" évoque donc plusieurs séries à succès : on pense à "Fairy tail", à "Dragon Ball", à "One Piece" ou même à "Eyeshield 21". Un tel mélange pourrait paraître impersonnel et mal équilibré, mais il n'en est rien. Le récit imaginé par Valente est frais, dynamique, drôle et spectaculaire. Les codes du shônen sont parfaitement respectés et même parfaitement appliqués. L'auteur n'a pas cherché à innover à tout prix mais plutôt à créer une lecture agréable. Le héros est charismatique et attachant, et les personnages secondaires trouvent eux aussi petit à petit leur place, avec notamment la jolie Mélie ou encore la sorcière Alma.
Nous entrons avec "Radiant" dans un univers imaginaire où tout semble possible. Monstres, sorciers et magie sont le quotidien de cet univers qui regorge d'action, de mystère et de magie. On entre directement dans ce monde et on est en immersion totale durant toute la lecture du manga.
La trame narrative est prenante, cohérente et évolutive pour nous offrir un maximum de plaisir lors de la lecture de ce manga. L'action et le dynamisme sont les forces principales de ce manga qui nous fait vivre une aventure ponctuée de touches humoristiques qui nous plonge dans un univers fantastique pour une aventure merveilleuse. Tout cela est mené tambour battant par des personnages haut en couleur et charismatiques. Si les bonnes idées sont légions, le livre vaut donc aussi par ses personnages attachants. Tous sont dotés de caractères et de caractéristiques intéressantes. Même les méchants valent le détour, à l’image du Bravery Quartet et des dialogues enlevés de son chef. Cela donne une sacrée galerie de seconds rôles, c’est un régal !
L'histoire, l'univers et les personnages ont  été peaufinés et travaillés dans les moindres détails. Rien n'est laissé au hasard. Les dialogues et la trame narrative ont ce petit charme que l'on trouve chez tous les mangas non japonais. Ce qui donne une touche d'originalité et un charme unique. Le récit débute sur les chapeaux de roue, puis ne connaît guère de creux. Cependant, l’auteur ne manque pas de distiller les informations nécessaires à la compréhension de cet univers fantastique, ni d’apporter des éléments enrichissant l’intrigue.
Les graphismes sont aussi réussis que l’histoire. Le trait est parfaitement maîtrisé et la diversité de la mise en scène ajoute encore à cet effet de bouillonnement de bonnes idées. Tony Valente s'est réellement retroussé les manches pour dessiner des planches totalement incroyables. Le character design est soigné, le découpage d'une lisibilité à toute épreuve, les trames bien en place, les cadrages efficaces. Les influences de l'auteur sont parfaitement digérées et se combinent si bien que la série pourrait provenir de l'archipel nippon qu'on n'y verrait que feu !
Pour faire court, les graphismes ont un style particulier qui les démarque de ceux que l'on trouve dans les mangas japonais. C'est agréable à regarder et les illustrations donnent un charme unique à cette licence.
Au final, "Radiant" est une série à découvrir pour tous les amateurs de bons shônens, de bons mangas et de mangas possédant leur propre univers. Il a un charme unique qui le fait se démarquer des autres. Une telle maîtrise de tous les codes du manga et un premier coup d’œil qui ne laisserait jamais croire à une BD française font déjà de "Radiant" la meilleure référence du genre. Il y a longtemps que je n’avais pas passé un si bon moment en lisant un shônens. Vous l’avez compris, pour moi, ce Valente a bien l’âme d’un vrai mangaka !!!

Cyril Bonin - Amorostasia : Un roman graphique fantastique et atypique !!!

Note : 4 / 5


Synopsis : 
À Paris, de nos jours. La première victime a été retrouvée figée devant sa fenêtre, une demande de mariage à la main. Puis, ce fût un jeune couple, s'embrassant dans la rue, figé lui aussi. Rapidement, l'information s'est propagée, une nouvelle épidémie sévissait à Paris, baptisée l'Amorastasie.
Rigidité, mutisme, les victimes de cette étrange maladie tombent dans un état catatonique. Les autorités médicales, en l'absence de remède, ne peuvent que recommander d'éviter toute manifestation intempestive du sentiment amoureux. Pire, la paranoïa s'installe dans la société, le moindre regard est l'objet d'interprétation fantasmatique.
Olga Politoff, journaliste enquêtant sur la maladie, le découvre à ses dépens en figeant Julien Lambert, un collègue secrètement amoureux d'elle. Alors même qu'elle et son fiancé ne se sont pas figés. L'état décide d'obliger les femmes "tentatrices" à porter un brassard discriminatoire et sexiste. L'amour est-il devenu une maladie dont on ne peut se soigner ? Un jeune homme se prénommant Kiran va l'aider à découvrir la vérité.

Critique :
L’Amour ! Délicate alchimie des sens et des humeurs, aussi indéfinissable qu’insaisissable et qui peut conduire aux chefs d’œuvre les plus sublimes comme aux pires bassesses. Au moins une fois dans sa vie, tout un chacun s’est demandé de quoi il était fait et pourquoi il frappait. Cyril Bonin n’échappe pas à la règle et a décidé d’en faire un album : "Amorostasia".
Après avoir adapté remarquablement le roman de Marcel Aymé "La belle image" et écrit à la suite, une nouvelle inédite intitulée "L'homme qui n'existait pas", Cyril Bonin revient en force avec cette histoire graphique qui conserve les ambiances surnaturelles auxquelles il nous a sensibilisé précédemment. En effet, cette fois-ci, il nous plonge dans un contexte surprenant dans lequel avoir des sentiments peut se révéler dommageable pour la santé.
C’est avec une vraie pudeur et une grande sobriété que Cyril Bonin aborde cette histoire, comme un conte de science-fiction sensible et philosophique. Qu’est-ce que l’amour ? Chimie et biologie ? Magie et impalpable ? Avec cette idée toute simple, et simplement belle, l’auteur interroge subtilement le lecteur sur ces grands thèmes existentiels, en prenant soin de pas imposer de réponse toute faite, ni de solution miracle.
Ainsi, la problématique posée dans ce one-shot ressemble à un prétexte futé pour aborder tout un tas de questions intéressantes et originales sur le sujet sans doute le plus usité dans les fictions : l’amour. Ou plutôt, il s’agit ici de chimie de l’amour : quelles interactions chimiques sont-elles mises en branle lorsqu’on tombe amoureux ? L’amour est-elle une maladie ? Selon cet aspect technique, y a-t-il différentes sortes d’amour ? La préservation de l’espèce est-elle l’unique finalité de l’appareil amoureux ?
En préface, le professeur Bernard Sablonnière, spécialiste française des mécanismes moléculaires des sentiments, souligne d’ailleurs l’ingéniosité de Bonin pour soulever les différents aspects de cette question essentielle. Car désormais en tant qu’auteur complet, en 124 planches qui se dévorent littéralement, Bonin narre brillamment une intrigue rythmée et équilibrée sur ce propos.
Force est de constater qu'une fois encore, Cyril Bonin, bien inspiré, nous entraîne dans une histoire sociale, complètement délectable, au sein de laquelle la moindre émotion, le moindre sentiment peut provoquer des effets irréversibles. Via ce concept, on ne peut plus original et des plus surprenants qui entame le passionnel, l'artiste fait état de cette pandémie qui grève la capitale et qui met en émoi la collectivité scientifique.
A cet égard, l'auteur fait monter en puissance son aventure à laquelle est liée la belle Olga dans une méthodologie adaptée, usant d'une fluidité narrative et d'une humanité confondante. Jouant sur le fait que l'amour peut se transformer en véritable pathologie, postulat à première vue fantaisiste, il nous plonge dans une dérive sociétale extrême voire paranoïaque qui n'est pas sans rappeler certains dérapages historiques. Fort de cette évolution inquiétante, le lecteur ne manquera pas de se demander comment tout ça peut se régler. A ce titre, Cyril Bonin nous en donnera la conclusion via une pirouette scénaristique sensible et plutôt surprenante.
En bon raconteur d’histoires, il donne aussi corps à son récit. Il bâtit un décor crédible d’une société qui, plutôt que de sonder son inconscient collectif et d’envisager son évolution, s’enferme dans une facile paranoïa : on demande aux couples de faire chambre à part, on ferme les boîtes de nuit, on retire les tableaux de scènes amoureuses des musées, on stigmatise les jolies filles… Tel un auteur de SF à l’ancienne (Dick, Barjavel, Bradbury, Simak…), il détourne son présent légèrement pour mieux imaginer le futur. Et ce, sans esbroufe ni effets spectaculaires, à l’image de son dessin, limpide, et de son noir et blanc, neutre et efficace, qui n’est pas sans évoquer par moments la puissance évocatrice du manga.
Si le scénario est des plus concluants, la partie graphique se révèle donc d'une grande efficience. Le style de Bonin est toujours aussi saisissant de réalisme, de sensibilité, d'humanisme. Son trait qu'il nous fait appréhender pour la première fois dans un univers noir et blanc, est juste, explicite, évocateur en terme de sentiments (dans la façon de pencher les têtes, de traiter les regards…). Ses personnages, légèrement déformés, bénéficient d'un charisme confondant et donnent du corps aux évènements qui les entourent. 
A travers son dessin semi-réaliste typique en noir et blanc, simplement rehaussé d’un lavis en niveaux de gris, l’auteur nous donne à réfléchir différemment sur les conséquences sociales et intimes de son épidémie. Ce fléau est-il déclenché par Dame Nature pour endiguer la démographie galopante ? Faut-il persécuter celles (et pas ceux !) qui suscitent naturellement le sentiment amoureux sur autrui ? Peut-on contrôler son amour ? Doit-on fuir l’amour ?
Au final, "Amorostasia" est une bien belle histoire de sentiments aux ambiances fantastiques bien pesées, à porter à l'actif d'un artiste talentueux. "Amorostasia" est un livre hors du temps, qui pose un questionnement universel sur la nature de l’homme et son avenir sur cette planète, à travers un prisme original et ambitieux, l’amour. Sur un sujet aussi universel qu’intemporel, la BD analyse joliment le camaïeu des sentiments amoureux et, finalement, renonce à l’expliquer, préférant y succomber !!!

Gonelore, Tome 1, Les Arpenteurs
                                                         de Pierre Grimbert

Note : 4.5 / 5 


Synopsis :
Pour la plupart des gens, le monde de Gonelore est si vaste que seul un menteur oserait prétendre avoir visité tous ses royaumes. Et, d’ailleurs, il faudrait être fou pour se lancer dans un pareil voyage : trop de créatures redoutables hantent les territoires délaissés par les hommes, et aucune arme d’acier ne réussit à repousser ces monstres !
Il existe pourtant une confrérie d’individus de taille à relever ces défis. On les appelle "les Arpenteurs". Pisteurs, guides et guerriers, ils sont aussi des érudits en quête permanente de connaissances, sur cet univers aux multiples facettes. Pendant des siècles, ils ont lutté contre les débordements des forces élémentaires, repoussant le danger loin de la surface du monde. Puis, le calme revenu, leurs rangs se sont éclaircis, et on les a presque oubliés.
Mais une fois encore, les bêtes sont revenues pour semer la terreur. Et cette première vague semble annoncer un chaos tel qu’on n’en a jamais vu. Ni même imaginé dans les pires cauchemars. Pour les derniers Arpenteurs, le temps est venu de reprendre les chemins. Et, surtout, de former une armée de nouveaux élèves. En espérant que cela sera suffisant. 

Critique :
Pierre Grimbert est un auteur bien connu des amateurs de fantasy francophone, notamment pour son cycle "Le secret de Ji" (encore aujourd'hui une des meilleures épopées fantasy à mes yeux) et ses suites. Il nous revient cette année avec le premier volume d'une nouvelle saga au titre mystérieux : "Gonelore, tome 1 : Les Arpenteurs". D'après certaines légendes, la Confrérie des Arpenteurs serait aussi ancienne que le monde où elle a vu le jour. Son but ultime : veiller, à l'aide du pouvoir des prismes, à ce que les Chimères restent à leur place, derrière le Voile, protégeant ainsi le monde des hommes.
Gonelore est un monde complexe constitué de plusieurs dimensions. Celui-ci n'est que l'une des facettes d'un même univers. En fait, Gonelore est la partie du monde visible par les hommes, et il n'est qu'une des dimensions du monde existant, séparé de ces dernières par une sorte de voile invisible.
Les hommes vivent sur la couche centrale de cet univers, et tout autour d'eux gravitent, sans qu'ils ne les voient généralement, toutes sortes de créatures plus ou moins imposantes selon leur dimension d'origine, mais rarement inoffensives. Il arrive parfois que ces Chimères traversent le Voile, poussées par la faim et le besoin d'étendre sans cesse leur déjà vaste territoire.
C'est donc pour lutter contre l'invasion de ces créatures que la confrérie des Arpenteurs a été créée. Grâce à des prismes colorés issus des mondes derrière le Voile, ils peuvent voir les Chimères et les combattre pour protéger les citoyens de Gonelore.
"Les Arpenteurs" porte décidément bien son nom, en mettant l’accent sur les personnages en question. Car, comme dans le cas de beaucoup de séries de Pierre Grimbert, ce premier tome se contentera de poser les bases de son histoire et de présenter son monde.
Ainsi, l'intrigue de ce premier tome apparaît comme très classique pour un roman de fantasy. Pierre Grimbert entame ici un roman initiatique dans lequel nous suivons quelques apprentis Arpenteurs (principalement quatre : Jona, Nobiane, Gesse et Daelfine) qui viennent tout juste d'être recrutés et qui découvrent l'école des Arpenteurs : Mageronce. Chacun d'eux voulant devenir un Arpenteur pour des raisons aussi variées que leurs origines.
Les changements de point de vue à chaque nouveau chapitre, là aussi classiques, sont toutefois intéressants, variant les éclairages proposés. En effet, la narration alterne le point de vue de différents personnages qui vont des nouvelles recrues de la Confrérie à leurs professeurs.
Pour ce qui est de l'école Mageronce, on aurait pu craindre d'être transposé dans un nouveau Poudlard, mais en réalité, ce n'est pas le cas ! Car Mageronce est en définitive bien plus qu'une école, et les maîtres-Arpenteurs plus que des professeurs. Les relations entre les différents membres de la confrérie sont biaisées par des évènements passés qu'on ne découvre qu'en partie, et on a beau tourner les pages à un rythme rendu effréné par la curiosité, le mystère plane sur tout ce premier tome. D'intrigues politiques en invasion de chimères, de découverte de la magie des prismes en interrogations sur les origines du jeune Jona, on ne s'ennuie pas une seconde.
Le livre est court, l'écriture est plaisante, et on se laisse facilement emporter par l'histoire. Ce premier tome de "Gonelore" est vraiment captivant ! Tout au long de cette lecture, il y a de nombreux éléments de surprises, d’actions, de rebondissements, qui rendent le récit vivant. En effet, dès que l'on a l’impression que l’histoire se calme, il y a, la page suivante, un nouvel élément perturbateur qui rend une nouvelle fois le récit vivant.
Au final, malgré une intrigue et une construction très classiques sous forme de roman initiatique, on se laisse très vite emporter par ce premier tome d'introduction. On prend plaisir à suivre quatre jeunes apprentis Arpenteurs dans leur découverte de cette confrérie et des dangers de Gonelore. Le livre se termine sur un cliffhanger sur de nombreuses interrogations sans réponses, mais l'essentiel est là : évasion et aventure sont au rendez-vous !
De ce fait, le dénouement de ce premier tome nous laisse dans une totale incertitude quant au devenir de nos héros ! Alors bien évidemment, on a hâte de découvrir la suite, et la bonne nouvelle, c'est que la parution de "Gonelore, tome 2 : Le Maguistre" est d'ores et déjà prévue à l'automne prochain. Personnellement, je serai au rendez-vous !!!

Dobbs et Stéphane Perger - Scotland Yard, T1, Au cœur des ténèbres : Un album efficace et bien ficelé !!!

Note : 4 / 5 


Synopsis :
Londres, 1890. L’inspecteur Tobias Gregson est une des valeurs montantes du Yard. Mais sa carrière serait accélérée s’il n’était pas considéré comme un humaniste trop sensible et avant-gardiste, et surtout s’il n’avait pas pour fonction principale d’être le défouloir quotidien de son supérieur Lestrade.
Alors lorsqu’un transfert de prisonniers ne se passe pas comme prévu, Gregson se retrouve au placard. Un blâme qui va vite se transformer en opportunité afin de démontrer sa vraie valeur aux yeux du patron des patrons, le commissionner Fix. À la tête d’une équipe atypique réunissant un gamin des rues, ancien informateur de Sherlock Holmes, un médecin psychiatre aux méthodes atypiques ainsi que son étrange assistante, Gregson va faire alliance avec le diable : coopérer avec la pègre londonienne pour traquer deux fous extrêmement dangereux qui ont profité du fiasco de l’opération de transfert pour se volatiliser. Deux aliénés mentaux qui vont apprendre aux citoyens de Londres la signification du mot terreur. 


Critique :
Dobbs, alias Olivier Dobremel, semble avoir pris un abonnement au sein de la collection 1800 de Soleil, car il a également scénarisé le diptyque "Mister Hyde contre Frankenstein" ainsi "qu’Allan Quatermain et les mines du roi Salomon". Pour rappel, Jean-Luc Istin dirige cette collection, qui joue sur les atmosphères et les personnages fétiches du XIXe Siècle. Même si les albums se concentrent plus particulièrement sur la fin du siècle, on prend globalement beaucoup de plaisir à se plonger dans des récits fantastiques et innovants.
Comme le titre n'en fait pas vraiment mystère, "Scotland Yard, Au cœur des ténèbres", il scénarise ici un nouveau diptyque satisfaisant aux canons du thriller victorien, option crimes sordides et tueurs psychopathes. Le héros est en effet un inspecteur de Scotland Yard déchu, qui intègre une cellule d'investigations aux méthodes un brin décalées. Leur enquête va chercher à neutraliser deux meurtriers déments récemment évadés, le plus rapidement possible car les cadavres s'accumulent.
Ce nouveau diptyque adhère totalement aux principes de la collection 1800. On retrouve dans le rôle de "déclencheur" une personnalité importante de la période, l’auteur Bram Stoker, et y croise moult figures fictives de l’ère victorienne, dans des rôles plus ou moins importants (le récit s’ouvre d’ailleurs sur l’exécution de Mary Pearcey, une criminelle, coupable de crime passionnel, qui fut soupçonnée d’être Jack l’éventreur).
L’histoire se déroulant au sein des arcanes de Scotland Yard, il est donc normal d’y rencontrer les personnages principaux des romans de Sir Arthur Conan Doyle, ou de les voir citer (comme Moriarty ou Sherlock Holmes). D’autres personnalités romanesques figurent cependant en bonne place, comme le docteur Seward, qui aide l’inspecteur Gregson dans son enquête, et Reinfeld, l’un des deux dangereux psychopathes.
Dobbs monte encore en puissance avec ce récit glauque qui mêle des personnages des romans de "Dracula", "Frankenstein" et "Sherlock Holmes" à de figures historiques, tout en se lançant dans une étude des tueurs en série. On se rappelle effectivement que Dobbs avait scénarisé avec beaucoup de réussite deux albums de la collection Tueurs en série, parvenant à percer la carapace de ces psychologies anormales.
Ainsi, la bonne idée de Dobbs est de convoquer pour ce premier tome différents seconds couteaux de la mythologie victorienne, en évitant astucieusement de recourir aux cadors du registre (Sherlock Holmes, Jack l'éventreur...). Et comme s'il cherchait à consolider son petit univers, Dobbs redonne également un rôle important à la psychiatre Faustine Clerval, personnage central de son récent "Mister Hyde contre Frankenstein". 
Pur thriller victorien, ce premier opus se laisse très facilement lire et s’accommode bien de la multitude de ses influences et de ses clins d’œil grâce à une intrigue plutôt bien ficelée. Dobbs fait ici mieux qu’à l’occasion de ses précédents essais dans le style. L’histoire souffre cependant du même défaut : une certaine distanciation qui fait qu’aucun des protagonistes n’est attachant. On se moque totalement du sort de l’inspecteur Gregson, et les aventures vécues par le docteur Seward et sa jolie assistante nous laissent froid.
L'autre bonne idée, c'est de s'appuyer sur les talents artistiques de Stéphane Perger, dont l'exquis lavis et les superbes aquarelles semblent avoir été précisément mis au point pour dessiner les bas-fonds londoniens et leur glauquitude. A partir de savantes ambiances de couleurs, Perger restitue les blancs comme personne et utilise à merveille l'humidité de ses pinceaux pour créer des effets éthérés angoissants, des "accidents" de reflets somptueux.
Côté colorisation, Stéphane Perger utilise la technique de la "couleur directe" (la couleur et les tracés de contour noir ne sont pas séparés). Il joue aussi beaucoup avec les ombres et les lumières permettant de donner du volume, par exemple aux vêtements mais aussi d’accentuer les expressions des visages de chaque personnage, notamment celles de Carfax, qui font parfois froid dans le dos.
Le découpage des planches est dynamique avec des cases de diverses tailles parfois superposées sur des illustrations pleines pages, ce qui donne visuellement des actions rythmées. Nul doute, Stéphane Perger est un très bon dessinateur et coloriste. On peut ne pas apprécier le style couleur directe, mais force est d’admettre qu'ici, générant moult ombres et reflets inquiétants, cela colle parfaitement à l’ambiance glauque du récit.
Au final, en découvrant ce premier tome, on s’aperçoit très vite que Dobbs et Stéphane Perger forment un duo de choc en nous servant une histoire qui retient très vite l’attention que ce soit au niveau du scénario que du graphisme. Un tome très efficace que ce "Scotland Yard, Au cœur des ténèbres". S’il souffre d’une absence de personnages attachants, il bénéficie d’une intrigue bien ficelée se déroulant dans une ambiance victorienne bien rendue. Le choix de traitement de Stephane Perger n’est pas étranger à la bonne impression ressentie à la lecture de cet ouvrage. Du bon travail au sein d'une collection qui ne cesse de se bonifier !!!

La Sybille et le marquis
                                    de Nicolas Bouchard


Note : 4 / 5 


Synopsis :
Septembre 1797. Dans le Paris du Directoire gouverné par Barras, une série de meurtres d'une barbarie absolue touche des hommes politiques influents et leurs maîtresses. Frappée par des visions d'une extrême sauvagerie, la cartomancienne Marie-Adélaïde Lenormand décide d'enquêter sur ces assassinats, qui lui évoquent irrésistiblement ceux décrits dans les textes d'un auteur publié sous le manteau : Donatien Alphonse François Sade.
Sade, justement, vit dans le dénuement, sans cesse poursuivi par ses créanciers. Contacté par une association de femmes de lettres aux motifs pour le moins étranges, il reçoit pour mission d'écrire une pièce musicale dans la lignée de Justine ou les Malheurs de la vertu, roman prohibé pour obscénité. Dénué de scrupules, il va s'exécuter, mettant en marche à son insu une monstrueuse machine de mort.
 


Critique :
Après "La Sibylle de la Révolution" et "Le traité des supplices", voici la troisième partie de la trilogie consacrée par Nicolas Bouchard à Marie-Adélaide Lenormand : "La Sibylle et le Marquis". Troisième volet d’un triptyque, on retrouve la demoiselle Lenormand qui tente de déchiffrer ses visions d’horreur où elle voit tortures sexuelles et meurtres sur de jeunes femmes. Son destin va croiser encore quelques personnages historiques comme le marquis de Sade, Joséphine de Beauharnais, Fouché,...
Nous sommes huit ans après la prise de la bastille est la république mise en place est plus qu’instable. Dans ce contexte politique houleux, des femmes sont assassinées de façons violentes. Mlle Lenormand, dite la Sibylle de la révolution, voyante, a des visions de ces crimes. Ceux-ci étant susceptibles de toucher une de ses amies proches, elle se voit fortement "inviter" par un des hommes de mains de l’état de mener l’enquête. Celle-ci va l’emmener à rencontrer Sade, ce sulfureux auteurs à la mauvaise réputation.
Avec le personnage authentique de Marie-Adélaïde Lenormand, Nicolas Bouchard tient une héroïne hors-pair qui lui offre la possibilité d'imaginer des intrigues tout en virtuosité. Le don de prescience qu'il prête à la Sibylle autorise des développements attrayants avec l'imprécision liée à des visions, par nature, parcellaires.
Son héroïne partage la vedette avec Louis Sade, comme se fait appeler, en cette période peu faste aux titres de noblesse, Donatien Alphonse François, marquis de Sade. L'auteur brosse de ce personnage un portrait d'une grande véracité, alors qu'en 1797, âgé de cinquante-sept ans, il est obèse et n'a plus rien d'un fringant séducteur.
Le Directoire est une étape particulière de la période révolutionnaire. Finie la Terreur, place au divertissement. Si manigances et complots menacent la tête de l’État, l’ambiance se veut festive dans la vie parisienne. La danse, la mode et les arts retrouvent une place de choix chez les nouveaux riches. Il est probable que, plus discrets, les plaisirs décadents soient aussi courants, dans quelques salons mondains.
De la luxure à la perversion, il n’y a qu’un pas. C’est un marquis de Sade encore vif, bien que déjà d'un certain âge et malgré ses treize années en prison, que nous présente Nicolas Bouchard. Son vocabulaire ne s’embarrasse pas de périphrase, s’adressant à des lecteurs avertis. Il semble qu’on s’inspire de ses histoires pour assouvir de cruels penchants, avec le décorum qui s’impose. Pas plus chaste qu’une autre, la voyante Marie-Adélaïde ne peut qu’être troublée ou horrifiée, par des pratiques criminelles et sadiques, auxquelles elle sera mêlée de près.
Bien que l’authenticité historique soit respectée, l’auteur nous invite à traverser le miroir. En imaginant, au fil d’un récit fluide et idéalement construit, une noire face cachée de ces années-là. Mystère et pires vices sont au rendez-vous dans ce roman fort original.
Nicolas Bouchard pratique, avec un sens aigu de l'intrigue, l'art de la chute. Cette fois encore, il ne déroge pas à sa réputation. Ce troisième volet des enquêtes de la Sibylle marque un point culminant dans la violence des meurtres. L'auteur avait déjà secoué ses lecteurs avec des traitements particulièrement cruels dans "Le Traité des supplices".
La présence du "divin marquis" comme il fut surnommé, en référence au "divin Arétin", le premier auteur érotique des temps modernes, aurait pu apporter une surenchère fricotant avec le sadisme. Mais l'auteur innove en revisitant une partie de l'œuvre de Sade, modifiant les points de vue en se plaçant sous l'angle d'une vision féminine. Permettant, de ce fait, au récit d'acquérir une certaine légère fluidité plus que rafraîchissante.
Au final, sur fond de post-révolution, où se côtoient personnages historiques romancé et personnages fictifs, Nicolas Bouchard nous emmène sur des pistes où l’amour, le sexe, la douleur et la vengeance sont étroitement liés. Bouchard signe, avec ce nouveau titre, un superbe roman policier historique, mettant tout son talent d'écrivain de fiction au service de la Grande Histoire afin de fusionner intrigue politique et libertinage dans un Paris où la République naissante a bien du mal à s’affirmer !!!

Masasumi Kakizaki - Green Blood : Un western hallucinant qui pourrait être le best-seller manga de l'été !!!


Note : 4.25 / 5 

Synopsis :
A Manhattan à la fin du XIXe siècle, misère, criminalité et prostitution ravagent le quartier de Five Points. La pègre, qui a corrompu les autorités, y fait régner sa loi. Au sein de la marée d'immigrants qui transitent par New York jour après jour, le jeune Luke Burns s'efforce de rester honnête et joue les dockers pour survivre. Il sait, comme tout le monde, que le clan mafieux le plus dangereux de la ville, les Grave Diggers, s'appuie sur des assassins pour asseoir son autorité.
Mais ce qu'il ignore, c'est que le plus célèbre d'entre eux, le Grim Reaper, n'est autre que son frère aîné, Brad. 


Critique :
Après "Rainbow" et "Hideout", c’est pour notre plus grand plaisir que l’on retrouve Masasumi Kakizaki qui nous propose cette fois un western. En prenant comme contexte la sixième circonscription de Manhattan, à l'époque de l'immigration massive vers les États-Unis (fin XIXe siècle), Masasumi Kakizaki dévoile un scénario d'une noirceur sans commune mesure. Tout au long du volume, la trame est enveloppée d'une aura dévastatrice qui favorise une immersion plus que réussie dans ce ghetto nommé Five Points.
Le décor, c’est donc le quartier de Five Points en 1865, une époque où les gangs ont la mainmise sur certains districts de New York et se livrent une lutte sans merci. On y suit le parcours de deux frères qui tentent de survivre dans cet environnement où vols, prostitutions et meurtres fleurissent. Le plus jeune s’appelle Luke et essaye de mener une vie honnête tout en se comportant comme un bon samaritain, tandis que le deuxième travaille la nuit pour un gang en tant que tueur impitoyable.
Sombre, cruel et sans pitié, le récit se montre très prenant et captivant. Il faut dire que la retranscription de l’époque est très réussie, que l’intrigue est très réaliste et que le scénario se montre déjà bien ficelé.
Immense fan des westerns spaghetti de Sergio Leone et compagnie, je suis heureux de retrouver cette ambiance dans "Green Blood" : des gueules d'ange (le héros, son frère), des gueules cassées, des personnages bourrus, des personnages amoraux, des duels au flingue, etc. Mais "Green Blood", ce n'est pas que ça. Kakizaki va un peu plus loin que le simple hommage. Il emprunte certains codes, mais va aussi lorgner du côté de "Gangs of New York" en nous présentant un monde urbain sale et impitoyable. Les immigrant(e)s venant chercher prospérité ou fortune aux USA se retrouvent dans un monde violent et sans espoir.
Le lecteur se retrouve ainsi plongé dans un environnement hostile, où tout se règle par la violence, laquelle submerge le volume par des scènes à caractère explicite qui confirment que ce titre ne s'adresse clairement pas à des enfants. Entre règlements de comptes et prostitution, "Green Blood" illustre le quotidien difficile vécu par ces recalés au rêve américain, sur un rythme cadencé, ralenti seulement par quelques touches d'optimisme disséminées.
Ce premier tome étant une introduction, il remplit parfaitement son office. Le monde est bien décrit et les personnages déjà approfondis. Les personnages ont presque tous un côté sombre et violent qui les rend terrifiants mais aussi très charismatiques. Pour l’instant, on fait surtout connaissance avec les personnages et leur environnement, mais on a déjà le droit à des règlements de compte et des assassinats en bonne et due forme, le tout étant aussi terrible que captivant. A côté de cela, le "Gangs of New-York" de Martin Scorsese, qui a pour théâtre le même lieu à la même époque, fait pâle figure !
L'intrigue ne serait pas aussi agréable sans la présence d'un personnage aussi charismatique que Brad Burns. Ce grand paresseux le jour, toujours à faire semblant de chercher du travail mais préférant dormir, devient, le soir, le tueur à gages le plus redoutable et redouté des gangs, sous le nom de Grim Reaper. Sa détermination à protéger son petit frère par tous les moyens, mais également sa crainte que ce dernier découvre son secret, font de lui un personnage emblématique, tandis que l'insouciance et innocence de Luke le rendent également attachant. Le chef mafieux est très bien représenté, ainsi que son fils psychopathe et grosse réussite pour les flics corrompus.
Côté graphisme, la maîtrise de Masasumi Kakizaki n'est plus à prouver. Le dessin s'avère très incisif, illustrant parfaitement le scénario offert et la violence exposée. L'ambiance pesante instaurée par l'auteur se ressent à travers les différentes touches de gris et de noir employés, tandis que les visages présentent une certaine brutalité dans leur approche et leurs contours.
Le dessin est d'une beauté à couper le souffle. On pourra trouver des similitudes avec Buronson ("Hokuto No Ken") mais avec de la finesse. Tout est réaliste, des décors aux personnages, les pages sont quant à elles très fournies, et on a réellement l’impression d’être au XIXème siècle. Les passages se déroulant de nuit sont sombres mais lisibles, ce qui les rend d’autant plus effrayants.
Au final, "Green Blood" est seinen haletant dans lequel Masasumi Kakizaki exprime tout son talent. Le manga offre plus que du divertissement, il propose un western dont la puissance de feu amorcée laisse présager du lourd pour la suite. D'autant plus qu'il est prévu en seulement 5 tomes. Bref, un premier volume absolument superbe, qui a toutes les caractéristiques d'un véritable carton : beau, violent, racé !!!

La Femme qui valait trois milliards
                                                        de Boris Dokmak



Note : 4 / 5 

Synopsis :
Elle est la plus célèbre disparue au monde. Elle sème la mort et le chaos. Elle s’appelait Paris Hilton.
Le privé Almayer, dopé aux cocktails et à l’étherine, va remonter la piste sinueuse de la princesse blonde de Beverly Hills. A Bruges, un flic obsessionnel enquête sur le meurtre d’une jeune femme, retrouvée embaumée suivant un rituel surgi du fonds des âges. Grouillant sous le soleil de Californie, la jet-set dégénérée, les narcotrafiquants et les mercenaires saignent pour leur place au paradis. La femme qui valait trois milliards sera leur ticket pour l’enfer. 

Critique :
650 pages qui se lisent en quelques jours. Un livre qu’on ne peut pas lâcher, qui fonctionne jusqu’au bout et dont la fin est une tuerie. Une écriture impeccable, un style unique, des personnages qu’on aimerait retrouver. Dokmak refait le monde, l’histoire, la politique, et on y croit ! "La Femme qui valait trois milliards" a tout d’un grand polar, mais pas que.
Boris Dokmak, né à Kiev en 1967, agrégé de philosophie installé en France, fait une entrée tonitruante sur la scène du polar français avec un thriller subtil et haletant. Écrivain de 45 ans né en Ukraine et vivant en Anjou donc, "La Femme qui valait trois milliards" fait partie des livres qu’on n’oubliera pas cette année. Polar paré de mille qualités, magnifique objet pop, le livre imagine la disparition de Paris Hilton dans une intrigue qui mêle services secrets américains, narcotrafiquants et serial killers férus d’égyptologie.
"La Femme qui valait trois milliards" c'est : 2023, le Mexique, la mer d’Oman, Bruges, Los Angeles, un ex-agent foireux qu’on vient chercher pour le remettre sur une vieille affaire foireuse, un flic belge qui s’embarque dans une enquête improbable sur une jeune fille momifiée vivante, la vraie-fausse histoire de la disparition dix ans plus tôt de l’icône Paris Hilton, des trafiquants de chair fraiche, des égyptologues embaumeurs venus de l’Europe de l’Est, des services spéciaux à initiales, des milliardaires saouls, des anarchistes sémiologues, des extraits de journaux, des rapports de surveillance. On pourrait croire, à première vue, à un véritable foutoir. Mais tout tient debout !
Cette profusion d'éléments aurait pu plomber l'édifice romanesque. Il n'en est rien. Dokmak tient son histoire avec une maîtrise pour le moins hallucinante pour un débutant. Au bout du compte, le sort de Paris Hilton, icône d'une époque déboussolée et creuse, importe moins au lecteur que cette descente aux enfers de deux hommes que tout oppose.
Tout d'abord, il s'agit d'une histoire de tueur en série mais qui limite sa collection à un nombre extrêmement réduit de victimes. L'enquête est menée en parallèle par un policier belge dont l'un des principaux faits de gloire sera de se retrouver dans une prison de la douane américaine, et par un ancien des services secrets chargé de protéger Paris Hilton et qui a failli bien plus qu'on ne le croit d'ailleurs.
Boris Dokmak aligne donc de nombreux éléments archétypaux du thriller avec de longs développements sur le choix d'une arme, des parrains de la drogue, des tueurs fous et sanguinaires, des attaques en bateau, des filatures, des complots, des secrets d'État,... Toutefois, s'il emprunte la forme à la ligne traditionnelle des thrillers, la vivacité et l'intelligence du monde créé par Dokmak se révèlent bien plus proche de genres moins communs que sont le roman d'anticipation ou futuriste.
L'intrigue joue sur une opposition. La femme du titre qui vaut trois milliards est-elle Paris Hilton ou plutôt cette momie que l'on retrouve et qui serait unique ? L'ensemble est décrit dans un futur proche où se développent des luttes sordides. L'auteur parvient à maintenir, par un style nerveux, la ligne étroite entre le modèle et sa parodie pour présenter une histoire forte, qui joue sur plusieurs niveaux avec force et conviction. Tous les éléments disparates s'adaptent au final comme dans un puzzle pour créer un suspense intelligent qui lie l'Égypte antique et les dérives médiatiques actuelles.
Dokmak maîtrise son bazar avec un sens du rythme qui évite l’hystérie. Il ne perd pas le fil malgré d’incessants allers-retours temporels et parvient même à rendre crédible son histoire rocambolesque. L'écrivain parvient à rester en équilibre au bord du gouffre, original mais pas à tout prix, bancal mais avec élégance, foutraque mais avec du sens !
Au final, "La Femme qui valait trois milliards" est un polar qui va faire référence pour la grâce de son mouvement, son ambition et sa manière de ne pas y toucher. Mieux que ça, le roman réussit à nous convaincre que Paris Hilton n’est pas la coquille vide qu’on a toujours crue. Et ça non plus, ce n’était pas une mince affaire. Si "La Femme qui valait trois milliards" n'est pas un one shot, les Grangé, Chattam et consorts ont des soucis à se faire !!!

J. M. Straczynski et S. Davis - Superman Terre Un Tome 1 : Une rénovation des origines de l'Homme d'acier à la tonalité plus que tragique !!!


Note : 4 / 5 

Synopsis :
Extraterrestre envoyé enfant sur la Terre, Clark Kent découvre ses pouvoirs et tente de se fondre dans la masse des habitants de Metropolis. Mais son destin est tout autre : comment concilier son statut de sauveur de l’humanité et son désir de vivre comme un humain normal ?
Dans le train de Smallville à destination de Metropolis, Clark Kent se rappelle les derniers conseils que sa mère lui a donnés avant son départ. Gentil et discret, le jeune homme est sûr de ses capacités. Il loue une chambre et passe des tests d'embauche dans le club de football américain et dans un grand laboratoire. Pour ces deux opportunités, c'est une réussite totale aboutissant à un contrat. Il gagne très vite beaucoup d'argent et en envoie à sa mère, veuve depuis seulement quelques mois.
Se baladant, il remarque la couverture d'un journal, le Daily Planet, et choisit d'aller y proposer ses services. Perry White, le rédacteur en chef, n'a pas vraiment de place pour un nouveau journaliste et l'envoie plus ou moins paître. De retour à son immeuble, Clark voit que son appartement est en feu. Sans attendre et à une vitesse folle, il fonce récupérer un costume cousu par sa mère et un morceau de métal. En le touchant, un système s'active.
Quelques minutes plus tard, les ciels du monde entier sont couverts par des vaisseaux extra-terrestres. Leurs intentions sont loin d'être pacifiques mais celui qu'ils sont venus chercher est aussi celui qui leur opposera une vive résistance. En effet, Clark vient d'une autre planète et possède des capacités surhumaines, vitesse, force ou encore pouvoir voler, qui ne seront pas de trop pour repousser cette menace venue de l'espace.
Critique :
Après son label "All-Star" quelques années auparavant, DC Comics lance en 2010 un nouveau label mélangeant les genres : "Earth One" ("Terre Un" en français). Un peu comme "All-Star", l'idée est de donner à une équipe créative la liberté de réinventer un personnage DC pour un public plus actuel. On retrouve là-dedans ce qui était également à l'origine de la ligne "Ultimate Marvel 10" plus tôt. La particularité du label se trouve principalement sur sa publication : il n'y a pas vraiment de contrainte de temps pour les auteurs, et ceux-ci sortent des tomes de 128 pages, que l'on appellera Graphic Novel, plutôt que des singles classiques de 22 ou 24 pages. Ainsi chaque fois nous avons une histoire complète.
À l’occasion de la sortie de "Man of Steel" au cinéma (long métrage réalisé par Zack Snyder et produit par Christopher Nolan promet aux néophytes une entrée en matière spectaculaire et accessible), Urban Comics nous sort un récit inédit en France. Celui de "Superman Earth One" dont les deux volumes parus en version originale sont rassemblés en un seul album. Mais qu’est-ce donc que cet univers de "Terre Un" ?
C’est probablement la réponse de DC à l’univers "Ultimate" de Marvel, un monde où les héros sont bien différents de ce qu’ils sont dans l’univers principal et dont la lecture, détachée de toute continuité, est bien plus accessible aux nouveaux lecteurs. Et qui de mieux qualifié que Joseph Michael Straczynski pour accomplir cette tâche ? En effet le scénariste, habitué au cinéma et à la télévision, ne reproduit pas ici les erreurs qu’il a commises sur "Superman à Terre" et nous montre sa maîtrise parfaite de l’icône qu’est le dernier fils de Krypton.
Le scénariste, désireux de rénover l'image et les origines de l'Homme d'acier, modernise le héros en le montrant plus fragile et dans un contexte plus réaliste. Ainsi l'auteur applique la méthode de Marvel sur l'univers "Ultimate", avec cependant un aspect politique moins prononcé. Straczynski évite aussi de placer dès le début les ennemis classiques de Superman. C'est ainsi que vous ne croiserez pas Brainiac et quasiment pas Lex Luthor dans ces pages.
Aux USA, "Earth One" a été publié sous la forme de plusieurs graphic novels. La narration s'en trouve bousculée et permet au scénariste d'offrir une lecture agréable et qui monte en puissance. Cet album contient les deux premiers épisodes et amène sa pagination à plus de 250 pages. Straczynski est en grande forme et ne déçoit à aucun instant durant ces deux sagas successives. Il est vraiment intéressant de voir un Clark Kent qui s'installe progressivement dans le costume de Superman et qui se construit une personnalité de super héros.
Le parti pris du scénariste est ici de nous montrer un Superman plus proche du monde d’aujourd’hui que de l’image qu’il représentait en 1938. A l’image de la réalité, le héros a évolué, est devenu plus dur et le récit est clairement ancré dans la période post 11 Septembre, dans une Amérique en proie aux doutes, qui craint la crise économique et où le secteur de la presse papier, symbolisée par le Daily Planet est menacé par internet. Son Clark Kent a beaucoup de difficultés pour appréhender ce monde et semble un peu perdu, il ne parvient pas à trouver sa place rapidement et semble manquer quelque peu de maturité.
C’est en effet un récit initiatique que nous propose ce graphic novel : tout au long de l’histoire, Superman apprendra à se connaître et tentera de déterminer le rôle qu’il a à jouer sur Terre, en tant qu’homme et en tant que super-héros. Il apparaît comme étant quelqu’un de sensible et altruiste, un héros sacrificiel qui lutte pour le bien d’une race qui n’est pas la sienne mais dont il est très proche, bien qu’il soit incapable de s’intégrer pleinement dans cette société, vivant parmi elle sans en faire partie. La dimension tragique du protagoniste est probablement l’aspect le plus réussi de "Superman Terre-Un", qui brille pourtant aussi par ses scènes d’action, très hollywoodiennes et par la présence d’un casting secondaire plutôt bien développé, constitué de figures connues, comme de nouveaux arrivants.
La série bénéficie en plus d'un seul et unique dessinateur. Shane Davis n'est pas encore très connu mais il possède suffisamment de qualités pour devenir l'un des futurs grands du métier. Un trait fin, des personnages soignés, des décors fouillés sont les points notables et positifs de cet artiste en devenir. Un Jim Lee en puissance !
Le dessinateur est incroyable d'efficacité. Son trait est beau et précis, même si on peut trouver qu'il manque du dynamisme qui aurait pu être nécessaire pour atteindre de plus hauts sommets en seconde partie de volume. On retrouve ses inspirations cinématographiques et télévisuelles dans ses décors et ses personnages. Sa Lois Lane est d'ailleurs le sosie de Jennifer Carpenter (la sœur dans "Dexter"). Et tant qu'on parle d'elle, elle fait partie des quelques personnages secondaires mis en avant dans ce récit, suffisamment pour ne pas se concentrer que sur Clark et introduire plusieurs intrigues pour la suite de l'histoire.
Au final, efficace et spectaculaire, malgré la tonalité tragique que  Straczynski donne aux aventures de son héros qui peut sembler assez pesante bien qu’elle soit tout à fait appropriée au personnage, voici une nouvelle série consacrée à Superman à suivre obligatoirement. "Terre Un" en reste un vrai Superman pour la nouvelle génération qui a le mérite de moderniser le personnage sans le trahir et nous montre, plus que jamais, que le dernier fils de Krypton n’est pas véritablement l’homme de demain, mais bien l’homme d’aujourd’hui !!!

La Geste du Sixième Royaume
                                                 d'Adrien Tomas



Note : 4 / 5 

Synopsis :
Cinq royaumes des plus turbulents se combattent sans relâche depuis des décennies. Au cœur même de ce monde se trouve le Sixième royaume, la Grande Forêt. Des palais luxueux aux cases les plus misérables de Val ou encore dans les villages mouvants des yogourts des plaines venteuses de Khara, partout l’on conte les légendes de la Grande Forêt, terre d’asile des créatures fantastiques qui peuplent les rêves les plus fous ou les cauchemars les plus noirs.
Un jour les cinq royaumes s’unissent sous la bannière Seï et la Déesse Seva pour détruire la Grande Forêt. Venus des cinq royaumes des aventuriers que rien ne lie se lèvent et prennent la route vers cette immense forêt sauvage. Moineau, la sorcière Grise, le conteur désabusé, le demi-nain marchand et enfin l’homme loup se retrouvent sur le devant de la scène bien malgré eux. En effet, à la suite de circonstances tragiques pour nos valeureux héros, ils vont devoir comprendre et surtout survivre aux différentes embûches et aux pièges que leur réserve leur destinée commune.
Une véritable course poursuite sous les frondaisons d’une forêt immense aux pouvoirs magiques impressionnants, avec aux trousses une ribambelle d’assassins et de créatures des plus machiavéliques, attendent ces hérauts d’une cause dont ils n’ont encore pas compris l’ampleur pour la survie de leur monde. 

Critique :
En bref : Adrien Tomas nous propose un premier tome solide et efficace, qui fera passer un bon moment à tous les férus de fantasy. Si la trame reste très classique, il faut reconnaître que l'auteur connait ses bases et s'amuse même à les détourner de temps en temps. Après cette lecture, vous ne verrez plus jamais les elfes et les dragons de la même manière !
L'opposition entre le Bien et le Mal se transforme également en conflit entre la Nature et le Progrès, une vision intéressante assez appréciable. Les personnages sont nombreux et bien travaillés, même s'il est regrettable que certains le soient beaucoup plus que d'autres. Une bonne pioche avec ce livre qui, malgré quelques longueurs, se révèle efficace et prenant.
Plus en profondeur, "La Geste du Sixième Royaume" est un pur roman de fantasy épique. Destinée, monde en danger, batailles, magie, nombreuses races, etc, etc... La grande majorité des figures imposées du genre répondent à l’appel, même si l'auteur se les approprie pour mieux les détourner.
"La Geste du Sixième Royaume" est le premier roman d’Adrien Tomas. L’auteur a fait le choix audacieux d’écrire une véritable épopée en prenant le parti de développer son récit à travers les yeux d’une multitude de personnages. Le livre se divise en quatre parties : l’appel, le rassemblement, la guerre et la chute. Adrien Tomas nous raconte l’histoire d’un pays qui se prépare à subir une guerre.
Deux grandes puissances, le Père et l’Autre, s’affrontent depuis la nuit des temps mais elles ne peuvent le faire directement au risque de signer la destruction de l’univers tout entier. Elles choisissent alors de nommer des représentants, les Héraults. Ces Héraults sont au nombre de cinq dans chaque camp. Adrien Tomas les a baptisés : la Dame, le Prophète, le Soldat, la Bête et le Danseur. Ils présentent certains pouvoirs comme la magie, la télépathie, un flair hors norme, la voyance ou encore une maîtrise exceptionnelle de la science guerrière.
Chaque Hérault a un double dans l’autre camp, il lui incombe de l’affronter et de le terrasser pour apporter la victoire à la puissance qu’il sert. Il y a un aspect très intéressant concernant ces personnages qui doivent s’affronter. En effet, ils ont parfois été amenés à se côtoyer dans le passé. Les relations qui les lient peuvent aussi bien être cimentées par la haine que par des sentiments plus positifs. La mission qui leur est confiée prend alors une tournure plus personnelle et cela confère une grande crédibilité au texte, le lecteur se laissant volontiers contaminer par les émotions des protagonistes.
La trame de base semble classique vous me direz. Toutefois, si l'univers et l'intrigue sont en apparence assez classiques, Tomas détourne habilement les codes de la fantasy tout en suivant une trame qui a fait ses preuves. Il transforme certains peuples bien connus des adeptes de la fantasy en leur attribuant une histoire et des caractéristiques étonnantes, bien loin des glorieux récits qu'on a l'habitude de lire sur ces créatures. C'est notamment le cas des elfes et des dragons, mais pas seulement... Sans oublier qu'une autre créature bien connue est évoquée dans le tout dernier chapitre du livre, ce qui nous réserve très certainement des surprises pour la suite.
L’auteur décide donc de prendre à contre-pied ses lecteurs pour ce premier roman. En effet on trouve plusieurs différences dans cette histoire de fantasy par rapport aux stéréotypes du genre.
Notamment, comme dit plus haut, vous vous retrouvez non pas avec un, mais plusieurs narrateurs, qui vont faire avancer et prendre vie cette aventure épique. Ce n’est pas par un numéro de chapitre mais par l’un des prénoms des héros qu'Adrien Tomas annonce ses chapitres, ce qui est pratique pour ne pas se perdre avec cette ribambelle d’intervenants. Chacun très différents autant pour le physique que pour le caractère. Le jeu du chaud et du froid est très souvent employé, apportant régulièrement une note d’humour dans ce monde assez dur malgré tout.
Ainsi là où Tomas innove et convainc, c’est par le traitement de son histoire. Plus qu’il ne rend hommage aux grands classiques de la Fantasy, Adrien Tomas redéfinit ses codes. Ainsi nous sommes en face d’un immense échiquier où chaque personnage est un pion qu’il faut faire avancer. Il y a les blancs, il y a les noirs, mais comme dans la vraie vie, aucun joueur n’est finalement totalement bon ou mauvais, l’enjeu de cette guerre étant beaucoup plus complexe que ça.
"La Geste du Sixième Royaume" est un très bon roman de fantasy, mais qui n'est cependant pas exempt de défauts. Dans ses meilleurs moments, le roman d’Adrien Tomas n’est pas loin par exemple d’évoquer David Eddings, dans certains dialogues notamment, amusants ou enlevés. Mais en creux, il faut bien admettre que l’on a parfois l’impression de tomber sur le récit d’une partie de jeu de rôle couchée sur papier. Et le problème, c’est que l’on sait qu’écouter ou lire quelqu’un vous raconter une partie dont vous ne connaissez rien n’est pas très agréable.
Une chose est sûre, l’auteur a pris la peine et le temps de bâtir un univers cohérent. Citons une vraie chronologie, le travail et le soin apporté au peuple des sylphides, les liens entre les différentes thématiques abordées. Adrien Tomas essaie aussi d’apporter sa propre patte en jouant sur les clichés du genre : le véritable passé des Elfes, le rôle des dragons, la nature du conflit entre le Père et l’Autre. Des petites touches qui apportent un plus. La contrepartie négative de la chose existe, malheureusement. De nombreuses plages explicatives, y compris par le biais des dialogues, pèsent sur le rythme du récit et lui donnent parfois des allures de guide, avec l’impression que l’on résume pour le lecteur, et non pour les personnages, les épisodes précédents. Au final, vous l’aurez compris, le bilan est plus que positif pour "La Geste du Sixième Royaume". Le point fort d’Adrien reste son style, un style ovni dans le genre de la fantasy puisqu’il apporte une légèreté favorisant l’immersion du lecteur dans un univers d’une grande richesse. Généreux, pas bête, mais souffrant encore de défauts de jeunesse, Adrien Tomas nous propose un premier tome solide et efficace, qui fera passer un bon moment à tous les férus de fantasy !!!

Fuyumi Soryô - Cesare : Un travail incroyable de réhabilitation supervisé par un historien pour un manga colossal !!!


Note : 4.25 / 5 

Synopsis :
1491, Pise, Italie. Angelo commence l’université aujourd’hui. Le jeune homme est issu d’une famille d’artisans mais l’homme pour qui travaillait son grand-père, Lorenzo de Medicis, est un riche bienfaiteur qui a décelé en lui du talent. Il l’a donc fait intégrer la Sapienza, la prestigieuse université de Pise. Angelo lit et étudie énormément, mais les livres ne lui ont pas appris à se comporter en société au milieu des fils de bonne famille.
A son arrivée, il apprend que les étudiants se regroupent en fonction de leur région d’origine : il fera donc partie du cercle des florentins, dirigé par Giovanni, le fils de Lorenzo. Dès le premier jour, Angelo enchaîne malheureusement les bourdes : il appelle Giovanni par son prénom au lieu "d’excellence" (le jeune homme est destiné à devenir cardinal à la fin de ses études), et lors d’un cours il répond au professeur mieux que ne vient de le faire son aîné. Pour lui montrer qu’il ne lui en veut pas, Giovanni l’invite à une chevauchée au cours de l’après-midi.
Angelo n’a pas l’habitude de monter à cheval et n’est pas à l’aise. Aussi, lorsque Draghignazzo, le bras droit de Giovanni, agissant sur ordre de ce dernier, décide de lui donner une leçon en lançant son cheval au galop, Angelo n’arrive plus à le maîtriser et fonce droit vers un précipice. In extremis, un autre cavalier arrive à son secours et arrête la course folle de la bête. Il s’agit de Cesare Borgia, le chef du cercle des espagnols et plus grand rival de Giovanni. Dès lors, Angelo va découvrir la réalité cachée des luttes de pouvoirs d’aujourd’hui et de demain auprès de Cesare dont il se rapprochera de plus en plus, tandis qu’il devra par ailleurs rester soumis à Giovanni.
Critique :
Alors que Canal+ et HBO ont sorti leur série sur les Borgia en même temps, un manga, très soigneusement édité par Ki-oon, propose de prendre le contre-pied des clichés sur cette famille à la réputation odieuse. "Cesare" se concentre sur le personnage de Cesare Borgia en le présentant comme un jeune génie politique et, tout ceci, à l'aide d'un conseiller historique très impliqué dans la genèse du manga.
Dans le domaine du manga, nous connaissons déjà plusieurs œuvres portant sur des personnages ou des événements historiques, comme "Vagabond", "Lady Oscar" ou "Au temps de Bocchan". Chaque auteur interprète librement les faits et les personnages historiques et nous propose son propre point de vue. Fuyumi Soryô, la dessinatrice de "Cesare", est connue pour ses shôjo des années 80, cependant, bien que son Cesare est un personnage masculin pouvant s'apparenter au style shôjo, tant au niveau du dessin qu’au niveau relationnel, avec "Cesare" nous sommes bien face à un seinen.
Fascinée par cette époque d'exception où se croisaient Leonardo da Vinci, Machiavelli et Botticelli, Fuyumi Soryô a accompli un extraordinaire travail de reconstitution. Épaulée par l'universitaire nippon et grand spécialiste de Dante Motoaki Hara, la mangaka a épluché et recoupé tous les documents disponi­bles.
Pouvoir, stupre, poison. Des mots qui, aujourd’hui encore, résument souvent les Borgia, père, fils et fille. Des termes réducteurs que la littérature, le cinéma, la télévision ou la BD ont largement fait leurs pour évoquer cette dynastie, alors même que les historiens ont apporté des nuances à cette légende noire, du moins en ce qui concerne Lucrèce et Cesare. Ce dernier doit une bonne partie de sa renommée à Nicola Machiavelli qui s’en est inspiré dans "Le Prince". Évêque à quinze ans, cardinal à seize, puis défroqué et chef de guerre, érudit et amateur d’art, supposé fratricide et incestueux, le personnage a de quoi fasciner, même les Japonais.
Sans occulter les zones d'ombre du personnage, Cesare, son portrait du plus controversé des Borgia, ne cède en rien au sensationnalisme et rétablit, au contraire, certaines vérités historiques mises à mal par les récentes adaptations télévisuelles. Nourrie par les idées et les questions qui agitaient les hommes de cette époque, cette fresque complexe, entamée depuis huit ans au Japon, donne surtout à réfléchir sur les notions d'individu, de pouvoir et de famille. Remarquable !
Autant dire que "Cesare" se place ainsi dans un souci de réalité historique, que ce soit dans le déroulement du scénario ou dans chacun des détails du background. En cela, il s’éloigne de la seule autre adaptation manga de cette partie de l’histoire, "Cantarella" qui apportait de nombreux éléments fantastiques au récit de la vie de Cesare Borgia.
Le côté romancé n’est pas mis de côté pour autant ici. Évitant le piège du simple report d’événements historiques, l’auteur prend pour héros principal un jeune étudiant qui va découvrir en même temps que le lecteur les us et coutumes de la société pisane ainsi que les rouages et les manigances du pouvoir religieux, de ceux qui le détiennent ou ceux qui veulent l’obtenir.
Sur l’aspect historique donc, Fuyumi Soryô s’est appliquée à être la plus précise possible, en prenant soin de ne pas tomber dans la simple description. L’introduction de sa série par l’intermédiaire du jeune Angelo, personnage candide et inculte de bien des choses, est plutôt bien pensée. En effet, si le personnage en lui-même est insignifiant au possible, sa présence au premier plan permet de donner un peu de relief à la mise en contexte.
Le récit se montre passionnant dès les premières pages, alors que les manigances n’ont même pas encore commencé. Le soin apporté aux détails permet en effet de rendre chaque page ou chaque dialogue intéressant. L’action se met en place lentement, Fuyumi Soryô prenant le temps de poser le maximum d’assise historique au récit. Il en résulte un rendu moins clinquant que dans les séries télé, mais sur la durée un contenu probablement plus intéressant. Et même si ces explications historiques prennent parfois le pas sur l’action, "Cesare" n’en reste pas moins un manga dynamique.
Graphiquement, la reconstitution s’avère réussie et séduit par la finesse et l’expressivité du trait autant que par le soin apporté aux décors (jusqu’à la Chapelle Sixtine qui a été restituée sans les fresques de Michel-Ange, plus tardives), ainsi qu’aux détails (en particulier pour les costumes). Les cadrages variés offrent par moments quelques très belles vues de la cité pisane, tandis que le découpage précis assure une bonne fluidité et un certain dynamisme. 
Mêlant Histoire, complexité et intensité du seinen manga, "Cesare" est une petite merveille. Si vous aviez déjà succombé aux mangas de Kaoru Mori ("Bride Stories", "Emma") pour la qualité des dessins, vous pouvez vous laisser tenter par Cesare. Les graphismes de Fuyumi Soryô sont magnifiques. J’ai souvent eu le souffle coupé dès qu’il s’agissait des représentations des hauts lieux de l’Histoire italienne. D’ailleurs, ces derniers nous plongent en pleine période de la Renaissance et les lecteurs ayant déjà étés en Italie se plairont à reconnaître les bâtiments. Les œuvres d’art ont, elles aussi, un rôle important pour Fuyumi Soryô. Ses reproductions des plus grands tableaux de la Renaissance italienne sont un vrai délice pour les yeux.
Au final, Fuyumi Soryô nous offre un récit palpitant dont la trame historique est agréablement transposée. Elle permet d’appréhender avec réalisme l’Italie du XVe siècle, en particulier les tensions qui occupent la curie, écho à une réalité plus contemporaine. Quant au dessin particulièrement subtil et précis, il est dans la lignée du célèbre seinen "Bersek", principalement au niveau des perspectives aériennes et des monuments architecturaux, offrant un panorama de décors somptueux, d’une précision remarquable. Ki-oon nous permet de pénétrer dans le monde terrible et fascinant de Cesare Borgia à ne surtout pas perdre !!!

Blondel, Recht, Poli et Bastide - Elric, Le trône de rubis : Elric prend vie sous vos yeux dans cette nouvelle adaptation très réussi de l’œuvre de Moorcock !!!

Note : 4 / 5


Synopsis :
Le peuple de Melniboné règne sur les états humains depuis dix mille ans. Toutefois, la vigueur d’antan a fait place à la décadence. Retirés sur l’île aux dragons, ils s’adonnent aux plaisirs des sens, entre orgies, drogues, tortures et hommages à leurs maîtres du Chaos. De plus, leur régent est un albinos au sang maudit. Sa faiblesse physique et le désintérêt pour son règne inquiètent ceux qui voudraient que leur civilisation s’impose à nouveau, par la violence et la peur, aux jeunes royaumes qui s’émancipent de plus en plus.
Le royaume de Melniboné est donc dirigé par Elric, roi albinos souffrant, combattant au passé héroïque, qui a choisi pour son peuple une vie de paix. Son cousin Yyrkoon, prince jaloux évincé du pouvoir, conteste avec brutalité son autorité, et promet au peuple de nouvelles heures de gloire et de nouvelles batailles. La rivalité entre les deux hommes se concrétise lorsque trois intrus sont faits prisonniers en ayant réussi à pénétrer dans la ville, franchissant les labyrinthes d'eau qui entourent et protègent le royaume.
Torturés par le Docteur Jest, ils avouent qu'une flotte de navires mercenaires est en route vers Imrryr. La stratégie pour la bataille qui s'annonce est âprement discutée. Elric veut favoriser la ruse et tendre un piège aux assaillants, son cousin rêvant d'un assaut massif et frontal, quel qu'en soit le coût. A bord du même navire, les deux hommes livrent finalement bataille côte à côte.
Elric démontre une nouvelle fois l'étendue de sa puissance et ses qualités de guerrier, faisant déferler sur l'ennemi les légions de Pyaray. Mais il sort épuisé de la bataille. Le peuple a néanmoins retrouvé l'image d'un pouvoir fort et uni face à l'ennemi. Jusqu'à ce qu'un évènement imprévu se produise, qui pourrait donner à Yyrkoon l'occasion dont il rêve depuis si longtemps.
Critique :
Cette nouvelle adaptation de la saga de Michael Moorcock, qui a semble-t-il suscité l'enthousiasme de l'auteur anglais, est une véritable superproduction graphique aux résultats très convaincants. La conception de l'univers de Melniboné n'a rien laissé au hasard, réunissant le talent d'un dessinateur (Didier Poli), d'un encreur (Robin Recht) et d'un retoucheur et coloriste (Jean Bastide), pour aboutir à une cohérence et une puissance évocatrice remarquables. Cette approche rare dans la BD européenne, mais très fréquente dans le monde des comics, peut aboutir au meilleur quand les talents s'ajoutent, ce qui est le cas ici, avec un rendu final presque toujours homogène.
Qu'est-ce donc qu'Elric et son "Trône de Rubis" ? C'est tout simplement le récit de la fin d'un empire sombre et décadent, celui des Melnibonéens. Lorsque Michaël Moorcock entreprend de créer "Elric", il répond à une commande pour des nouvelles dans le genre "Sword & Sorcery", dans la lignée de "Conan". Il faut dire, qu’à l’époque, Howard et son Cimmérien, ainsi que Tolkien et "le Seigneur des anneaux" sont les références absolues.
Moorcock se démarque rapidement de la figure encombrante du fier barbare. En effet, Elric est son antithèse. Membre d’une vieille race pré-humaine et faible physiquement, il ne tire sa force que de breuvages magiques puis, plus tard, des âmes absorbées par son épée diabolique. Sorcier affilié au Prince des démons, il se montre cruel et sans beaucoup de valeurs morales. Son rapport avec le monde et, plus généralement, l’existence, est cynique et désabusé.
Par la suite, l’auteur utilisera le concept de Multivers (ensemble d’univers parallèles). Il complète alors son œuvre pour faire de son héros une des figures du Champion éternel, le gardien, conscient ou non, de la balance cosmique qui assure l’équilibre entre la Loi et le Chaos. Parmi tous les livres qui s’inscriront dans ce thème ("La Légende d’Hawkmoon", "La Quête d'Erekosë" et "Les Livres de Corum"), "le Cycle d’Elric", malgré des défauts de jeunesse, restera le plus marquant pour quantité de lecteurs et de jeunes auteurs, en particulier, parce que l’écrivain bouscule progressivement les règles de la Fantasy. S’attaquer à un tel monument n’est donc pas chose aisée !
Michael Moorcock himself juge, dès la préface, que cette adaptation est absolument la meilleure qui puisse être faite de ce personnage si particulier. L'antihéros par excellence se retrouve à la tête de cet empire sans âge mais qui semble avoir déjà trop duré. Ce premier opus nous montre la décadence du royaume de Melniboné, esclavage, torture, tout ce qui peut avilir l'homme est présent dans les pages "d'Elric".
Il va sans dire, sans dévoiler l'intrigue en aucune façon, que le scénario élaboré par Julien Blondel répond parfaitement aux attentes de ce genre d'adaptation. Le personnage est rendu à merveille dans ses contradictions et l'univers qui l'entoure est dévoilé juste ce qu'il faut pour pouvoir avancer au moyen de repères évidents.
La force de l'intrigue de Moorcock suffit à tendre ce récit d'un fil rouge fondamental autour de la rivalité entre Elric et Yyrkoon. La qualité de la narration de Julien Blondel permet de développer les premiers ressorts de cette saga avec un vrai sens de l'équilibre, laissant leur juste place aussi bien aux scènes de bataille épiques, qu'à la cruauté du sort d'un Elric malade, sacrifiant des vierges pour sa propre survie. Le scénario de Blondel réussit à résumer sans entacher la lecture. Il garde tout ce qui fait le piment de la série, le synthétise pour n'en garder que la substance.
Ainsi, un des premiers défis consistait à ne pas faire d’Elric un super guerrier, affrontant moult ennemis et créatures à coup d’arme magique et de sorcellerie. Sur ce plan, le but est atteint. Loin de se lancer dans une surenchère de spectacle, la narration prend le temps de travailler le contexte, de mettre en place le personnage principal en faisant ressortir ses différentes facettes. Être tourmenté, rongé par des conflits intérieurs et détaché du devenir de ces sujets, il est capable de faire ressurgir en lui toute la cruauté et la vitalité de ses ancêtres : le châtiment infligé aux envahisseurs tentant de s’emparer de l’île sacrée en est une belle preuve.

De la même façon, la transposition graphique de ce monde de fantasy par Didier Poli, Robin Recht et Jean Bastide donnent vraiment envie, car ça suinte la décadence et la nécrose à toutes les pages ! C'est sombre, c'est héroïque, c'est de la bonne fantasy comme on l'aime !
Les planches de Poli, Bastide et Recht sont tout simplement magnifiques et illustrent la grandeur qu'on peut lire chez Moorcock. Ce souffle épique que j'ai éprouvé au cours de mes lectures est retranscrit à la perfection, là sur le papier, quand on voit le trône de rubis, l’île des dragons, les trirèmes melnibonnéennes ou la toute-puissance d'Arioch. Un design qui s'inspire à la fois des illustrations d'époque des romans et de l'univers morbide de Clive Barker (à qui l'on doit "Hellriser"), qui colle parfaitement à la vision que l'on peut avoir en lisant Moorcock. Les dessinateurs réussissent donc des plans à couper le souffle, comme la sortie de la flotte de Melniboné vers le labyrinthe d'eau en page 19, sublime de lumière aveuglante.
De ce fait, le deuxième challenge se situait au niveau du graphisme qui doit apporter sa propre interprétation de la matrice originelle, une vision à même d’exprimer ce qui est dédié au narratif dans un roman. La réussite semble pleine et entière tant l’atmosphère de déliquescence de cette culture est prégnante. L’apparence ancestrale et la puissance ressortent à travers les décors minéraux constituant le palais des Melnibonéens, de par l’aspect froid et intemporel.
Le sadisme est très présent, lui aussi, dans l’esthétique de ce peuple qui emprunte aux codes du gothique et du SM. Le crayonné un peu rond et doux de Didier Poli prend un caractère acéré, quelque peu déstructuré, grâce à l’encrage appuyé de Robin Recht. Les retouches finales et la mise en couleur particulièrement aboutie de Jean Bastide, avec des teintes crépusculaires, achèvent de donner la dimension épique qui sied à ce récit.
Si vous aimez l'Heroïc-Fantasy d'exception, vous aimerez cette excellente adaptation du "Elric" de Moorcock. Beaucoup d'américains avaient déjà adapté le personnage, mais, à l'exception de Craig Russel, tous en avait fait une espèce de sous "Conan". Enfin, voici Elric dans toute sa magnificence et sa décadence, une œuvre graphique époustouflante et un Elric comme on était en droit de l'imaginer : sombre, torturé et malade. Les auteurs peuvent être fier de leur œuvre.
Au final, Cette première plongée dans l'univers du nécromancien est une entrée en matière réussie. Pleine de puissance, de luttes de pouvoir et de paysages fantastiques hors du temps, elle plaira aux amateurs d'heroïc-fantasy en BD. Ce premier tome est une énorme surprise. Je ne m'attendais pas à un travail de cette ampleur. Cela m'a donné l'envie de me replonger dans les romans de Moorcock et de découvrir la suite de cette adaptation. Un rendez-vous à ne manquer sous aucun prétexte !
Bref "Elric" est simplement la meilleure adaptation des romans de Moorcock. "Elric" illustre un destin tragique, la grandeur et la décadence d'un empire, des mythes et légendes.
Ce premier tome est impressionnant. De plus, cette première édition comporte un cahier explicatif de huit pages ainsi que huit visions de l’univers d’Elric réalisées par Virginie Augustin, Aleksi Briclot, Andreas, Philippe Druillet, Adrian Smith, Anthony Jean, Matthieu Lauffray et Thierry Ségur. Que des bonnes raisons pour venir (re)découvrir la légende du seigneur des dragons !!!

Poussière tu seras
                            de Sam Millar



Note : 4 / 5 

Synopsis :
Ancien policier à Belfast, Jack Calvert, alcoolique, élève seul son fils adolescent, Adrian. En faisant l’école buissonnière, celui-ci découvre un os humain dans la forêt, mais ne parle à personne de son trésor. Quelques jours plus tard, il est kidnappé.
Jack retrouve l’os qui s’avère être celui de la petite Nancy, disparue depuis trois ans. Alors qu’il enquête, d’autres personnes disparaissent, des restes humains sont retrouvés dans les bois et les anciennes pratiques sordides de l’orphelinat local sont révélées au grand jour. C’est tout le terrible passé de la ville qu’Adrian semble avoir déterré. 

Critique :
Sam Millar n'est pas exactement un auteur comme les autres. Ancien activiste de l'IRA, il a passé de nombreuses années en prison dans des conditions particulièrement dures (torture, privations, isolement,...). Des années qui ont laissé sur l'homme et sur l'auteur irlandais des traces profondes et indélébiles. Il n'est pas inutile de le savoir avant de commencer la lecture de "Poussière tu seras", son premier roman paru en français. Une lecture qui n'est pas de tout repos.
Ce premier roman est une vraie pépite noire. Les chapitres sont courts, et à l'image du style de l'auteur, incisifs. Chaque chapitre se termine sur une note sombre sans pour autant verser dans l'excès, la surenchère. Le récit n'en a pas besoin, il est aussi implacable qu'impeccable. En effet Sam Millar a choisi la concision, le juste-ce-qu'il-faut, pour créer cette atmosphère si moite, si sombre, si effrayante.
Sans avoir peur de me répéter, l'écriture est efficace, sans fioriture et implacable lors de certaines scènes qui produisent un impact visuel très fort. On est saisie par le relief qu'elles ont. Ces images nous suivent une fois le livre terminé comme une peinture lugubre dont on ne peut détacher le regard et qui induit en nous une fascination morbide. Millar a un réel talent pour décrire des ambiances inquiétantes.
Que ce soit le contexte, l’histoire, les personnages ou l’ambiance, tout est noir, pas un petit noir brillant, mais un vrai noir mat, où rien ne se reflète. Il ne faut pas chercher la moindre étincelle d’espoir, pas la moindre lumière, c’est du noir brut, brutal.
Le style de Sam Millar y est donc pour beaucoup, avec ses descriptions minimales et ses mots soigneusement choisis qui laissent planer une atmosphère brouillardeuse, glauque, mystérieuse. Et les personnages vont s’enfoncer dans cette histoire sans que le lecteur ne puisse rien faire à leur déchéance. Ils ont tous des cicatrices ou des secrets qui petit à petit font leur apparition pour nous étaler des ignominies sans nom.

La noirceur est présente à tous les instants, la peur aussi. Dans les premières pages, on ne sait pas très bien de quoi on a peur. Mais Millar sait instiller dans ses mots une sensation de malaise, voire d'épouvante qui évoque un Edgar Poe moderne. La première scène du roman, où l'on fait la connaissance d'Adrian, est particulièrement virtuose.
Adrian fait l'école buissonnière, mais ça n'est pas pour s'amuser avec ses copains. Il se promène dans la campagne, au milieu des arbres ployant sous la neige, quand il fait sa macabre trouvaille. Et sa rencontre à la fois compassionnelle et violente avec un corbeau blessé nous confirme au bout de quelques pages que nous venons de pénétrer dans un territoire interdit. Ce livre dur ne nous épargne jamais, Millar ne fait pas de concessions.
La mort, l'enfance violée, la perversion, la mémoire et le mensonge, dans "Poussière tu seras", si l'intrigue, basée sur un fait réel qui a marqué l'histoire de l'Irlande, est passionnante, ce sont néanmoins l'émotion et la puissance des mots qui l'emportent, avec des scènes particulièrement éprouvantes, sans aucune complaisance, qui atteignent leur cible en plein cœur.
Les personnages, à part Adrian qui est trop jeune pour être perverti, sont pour la plupart des êtres avec des passés pesant des tonnes. Jack, par exemple, se console dans l'alcool et la peinture. Ici, les personnages sont terribles voire horrifiques mais tellement humains, même dans l'horreur. Même si c'est l'humanité qu'on n'aime pas voir, celle dont on nie l'existence, pour dormir en paix.
Les personnages chutent comme les feuilles mortes avec pour seul destin, qui parait inévitable, une fin de course sur un sol à l'odeur de terre et de sang. Le corbeau, qui transporte les âmes des défunts ayant subis une mort violente, est présent en filigrane durant tout le livre, il achève de donner à cette histoire une atmosphère aussi sombre que les plumes de ce dernier.
Au final, on a là un véritable concentré de noirceur sur plus de 300 pages, où l'âme humaine est mise à nue. La violence et la perversité formant la trame de ce roman dans lequel l'auteur va à l'essentiel. Percutant ! Un premier roman impressionnant !!! 

Jeph Loeb et Jim Lee - Batman, Silence (Intégral) : Une nouvelle pépite par Urban Comics sur une saga époustouflante, incontournable, sublime et accessible à tous !!!


Note : 4.25 / 5 


Synopsis :
L'héritier des richissimes industries chimiques Lamont, le jeune Edward, a été enlevé par Killer Croc. Alors que Batman vole à son secours, il s'interroge sur les motivations du kidnapping. Croc n'est pas un habitué de ce genre de choses.
Pour l'homme chauve-souris, c'est le début d'une longue et tortueuse intrigue car tous ses vieux adversaires réapparaissent, manipulés, semble-t-il, par un mystérieux criminel. Avec l'aide de Catwoman, Robin ou encore Superman, le héros de Gotham explore sa culpabilité et son passé sous un nouveau jour.
Batman se retrouve donc assailli par tous ses ennemis, lorsqu’un mystérieux personnage qui dissimule son visage sous des bandelettes apparaît. Son nom ? Silence. Son but ? Harceler le justicier jusqu’à lui faire perdre raison. Catwoman saura-t-elle lui apporter l’aide et le réconfort dont il a cruellement besoin ? 

Critique :
Le Chevalier Noir a connu de nombreux succès, aussi bien sur version papier que sur pellicule. Mais il a aussi beaucoup souffert, comme dans la saga enfin sortie il y a quelque temps en France : "Batman, Silence" ("Batman Hush" en V.O.), où notre héros est franchement malmené, aussi bien physiquement que moralement.
"Silence" est l’une de ces histoires qui peuvent définir votre perception de Batman d’une façon durable. Ce n’est peut-être pas le plus grand classique du Chevalier Noir, et ce n’est certainement pas celui qui fait l’unanimité, mais voilà tout y est. Un scénario qui met en avant les talents de détective de notre héros, un dessin valorisant son univers, et surtout des personnages à foison, une sorte de "who’s who" du Bat-verse.
"Un long Halloween" fut un des grands moments de l'histoire de Batman. Déjà à l'époque, Jeph Loeb réussissait à mêler le panthéon des super-vilains de Gotham pour approfondir le personnage du justicier solitaire qu'endosse Bruce Wayne tout en menant une intrigue palpitante dans le même temps. Pour "Silence", il reprend une recette similaire mais accompagné du dessinateur Jim Lee au lieu de Tim Sale.
Jeph Loeb est un scénariste qui traîne sa bosse depuis pas mal d'années dans le milieu du 9ème art. Connu pour être aussi génial qu'irritant, capable de livrer des récits cultes comme "Un long Halloween", cité précédemment, ou de véritables catastrophes intellectuelles comme "Ultimates 3". Dans le cas de "Batman, Silence", nous sommes clairement dans la première catégorie. Jeph Loeb montre sa capacité à rendre accessible un univers complet comme celui du Dark Knight.
La recette est simple puisque l'on suit un héros qui affronte plus ou moins successivement tous les méchants les plus glorieux de son existence. Des ennemis redoutables tels que Poison Ivy, Killer Croc, Harley Quinn et son chéri de Joker, Double Face, Le Sphinx, l’Épouvantail ou même Ras’ Al Ghul. Les lecteurs croiseront aussi la divine Catwoman, Superman et les alliés de la chauve-souris. Jeph Loeb offre un casting impressionnant auquel il rajoute un nouvel adversaire de taille : Silence.
"Silence" confirme l'amour de Jeph Loeb pour les intrigues policières à tiroirs. Il élabore ainsi une intrigue complexe multipliant les fausses pistes et cultivant savamment la révélation du mystérieux Silence. On retrouve donc tous les ingrédients que Loeb affectionne. Le résultat s'avère tout aussi efficace et passionnant à lire. Pourtant, le scénariste nous réserve bien des surprises pour une œuvre qui joue sur divers tableaux.
Et avec cette aventure de Batman, effectivement, il voit gros, il voit bon, il voit bien ! Tout d'abord, ce qui frappe, que l'on soit ou non un lecteur régulier de Batman, c'est le nombre important de personnages que l'on croise donc ! Et heureusement, cette multitude de personnages n'est pas placée au hasard juste pour faire joli. Ils sont très bien intégrés à l'histoire, et sont liés d'une manière complexe et pourtant très compréhensible, tous entourés d'un complot sanglant et macabre dont la cible finale n'est autre que le mystérieux justicier masqué Batman !
Le premier élément développé compte parmi les plus incontournables : le passé de l'homme chauve-souris. Traumatisé par la mort de ses parents, le milliardaire devient un sombre justicier dans une ville corrompue. On connaissait déjà cela par cœur mais Loeb tente d'humaniser davantage son héros en lui offrant une enfance. Dans divers flash-back et grâce à ses retrouvailles avec son meilleur ami, l'auteur approfondit la dimension humaine de Wayne.
On y découvre un enfant qui n'a pas encore été bouleversé par le crime, ce qu'on a peu eu l'occasion de voir auparavant. Mais ce n'est pas tout. Si nous savions déjà le poids porté par Batman, Loeb revient sur la mort du second Robin, Jason Todd, tué par le Joker dans "Un deuil dans la famille". Événement tragique pour l'homme chauve-souris, il se révèle aussi déterminant pour comprendre la férocité renouvelée du héros face aux criminels. La mémorable confrontation avec le Joker permet d'embrayer sur la seconde piste exploitée par l'américain.
Thème central "d'Un long Halloween", la notion de justice ne pouvait naturellement pas manquer à l'appel. Mais c'est une approche plus radicale dont il s'agit cette fois. Rejoignant en cela "Dark Knight" de Frank Miller ou "Rire et Mourir" d'Alan Moore, la situation du Batman face au Joker est des plus éloquentes. L'abysse qui menace le justicier se fait de plus en plus sentir. Entre le Batman et ses ennemis, seule la loi les sépare et l'instabilité du sombre héros rend douteuse sa santé mentale.
A force de secret et de culpabilité, de peine et d'obsession, la figure héroïque présentée semble bancale. C'est d'ailleurs ce secret et cette double identité qui occuperont un autre point important du récit : l'idylle avec Catwoman. Incapable de faire confiance et solitaire par essence, comment le personnage peut-il trouver l'amour si ce n'est avec un de ses semblables ? Explosive rencontre entre deux héros costumés, la relation permet aussi de comprendre la nécessaire solitude du Batman.
Avec un récit aussi agréable et spectaculaire, il fallait bien un artiste inspiré pour propulser "Silence" parmi les indispensables de Batman. C'est à Jim Lee que la tâche fut confiée. Le dessinateur américain dont la popularité n'a jamais décru depuis les années 90 offre probablement l'une de ses plus belles prestations, voir la meilleure jusqu'ici. Le Dark Knight est charismatique, Catwoman sexy en diable, les méchants effrayants... Et que dire du découpage, des décors et des cadrages ? Jim Lee parvient en plus à maintenir ce niveau de qualité tout du long.
Les dessins sont d'une extrême beauté, Jim Lee a fait un travail exceptionnel et on en redemande. Tous les personnages sont détaillés à souhait, leurs charisme est authentique et aucun personnage n'est négligé. Les dessins sont violents et vifs, et les couleurs très contrastés rehaussent l'intensité et subliment le tout. Les couleurs font partie intégrante du comics. Elles dépeignent le monde de la chauve-souris en collant, avec parfois des tons sombres à souhait et parfois des contrastes lumineux saisissant qui mettent en valeur les parties obscures ou bien définissent une autre ambiance. En témoigne la partie dans Métropolis qui est tout à coup beaucoup plus éclairé et plus propre qu'une scène se passant à Gotham City.
Il retranscrit ici parfaitement l'univers sombre du Caped Crusader avec un coup de crayon racé nous offrant de magnifiques planches. Ces dernières sont précises et flamboyantes avec une dynamique particulièrement réussie, le dédoublement des personnages lors des combats est une idée aussi simple que payante. On appréciera  les pages de Métropolis ou encore celles concernant le passé du Batman. Sans surprise, Lee fait honneur au récit de Loeb.
L’intérêt de "Batman, Silence" est aussi de pouvoir offrir une porte d'entrée sur l'univers Batman en nous présentant une grande partie des personnages de cet univers sans pour autant avoir besoin de références antérieures pour comprendre les événements (d'ailleurs de petites explications sont là pour vous aider). Si vous êtes réticents au style de "Batman, Année Un" ("Year One"), "Silence" est le comics par lequel vous devez commencer.
Cette nouvelle édition d'Urban Comics s'appuie sur la version "Absolute" parue aux USA, ce qui signifie que de nombreux bonus (80 pages !) ont été inclus dont certains dessins préparatoires de Jim Lee. Avec une édition archicomplète et aussi soignée, nul doute que les retardataires se jetteront sur cette saga très bien écrite et divinement illustrée. Une de celle dont on ne garde que d'excellents souvenirs des années plus tard !
Au final, dans "Silence", les scènes d'actions sont de haute voltiges, impressionnantes et fluides, les révélations y sont tortueuses pour un dénouement bluffant (qui ne plaira pas à tout le monde), avec une histoire rythmé et extrêmement bien écrit. Les planches sont précises et flamboyantes avec une dynamique particulièrement réussie, aucune case n'est là pour remplir bêtement la page et la narration à la première personne est remarquable. C'est bien simple, que l'on ne connaisse rien à l'univers de Batman ou, au contraire, que l'on soit un lecteur régulier, lire ce fabuleux comics ne laissera personne indifférent.
Urban Comics frappe encore un grand coup en nous sortant un très bon comics sur le Chevalier Noir. Une sublime version hardcover de 372 pages comprenant 80 pages de croquis et commentaires de Jim Lee, et pour 35 euros ce serait une erreur de s'en priver !!!

Brian K. Vaughan et Fiona Staples - Saga T1 : De la space fantasy fiévreuse et captivante !!!


Note : 4.25 / 5 

Synopsis :
Dans l'arrière-salle d'une carrosserie, Alana, une jeune femme portant des ailes dans le dos et ancienne soldat, et Marko, un lunien orné de cornes de bouc et ayant des dons pour la magie, vivent des instants merveilleux avec la naissance d'Hazel, leur petite fille. Cet enfant n'aurait pourtant jamais du naître. Alana et Marko viennent tous deux de planètes différentes et d'espèces en guerre depuis longtemps.
Considérés comme des parias, ils sont recherchés de toutes parts. Un baron robot et des soldats de la coalition les ont retrouvés et les tiennent en joue. Trois luniens font aussi irruption. Par miracle, le couple et leur bébé parviennent à s'échapper et à mettre la main sur une carte. Sur celle-ci figure un lieu synonyme d'espoir : la forêt de la fusée.
Là-bas, ils pourront quitter Clivage et se rendre sur une autre planète. Mais leur fuite ne se fera pas sans danger, car les différents camps ont engagé des mercenaires indépendants, réputés pour leur méthode expéditive et leurs résultats. 

Critique :
La space fantasy, voilà un genre bien casse-gueule. Mais quand on s’appelle Brian K. Vaughan, bâtir une série galactique avec des luniens cornus, des robots à tête cathodique, des fantômes rosâtres et des combattantes à ailettes, n’est pas du tout mission impossible. Pour preuve ce premier tome de "Saga", quête héroïque et romantique qui met en scène deux amoureux fuyant la guerre que se font leurs peuples respectifs, ainsi que les tueurs lancés à leurs trousses. Car ils portent un symbole d’espoir plus fort que la haine : un nouveau-né, narrateur de cette épopée éclatante.
Parti durant quelques années dans l'industrie de la télévision pour participer à l'écriture de séries télé comme "Lost", Brian K. Vaughan a laissé de nombreux fans dans l'expectative de son retour. Il faut dire que le scénariste canadien a livré de jolies pépites de l'art séquentiel avec "Y, le dernier homme", "Les Seigneurs de Baghdad" ou "Ex Machina". Avec "Saga", l'auteur créé une histoire aux confluents des genres, entre le space opera, le récit d'aventure et la love-story.
La collection Urban Indies de Urban Comics accueille des titres indépendants qui ne sont donc pas issus de l’univers DC Comics. Ce premier volet, qui reprend les épisodes 1 à 6 de "Saga", va ainsi piocher dans le catalogue d’Image comics et permet surtout de retrouver l’excellent Brian K. Vaughan. Ce dernier revient sur le devant de la scène avec une nouvelle série particulièrement prometteuse qui mélange space opera, romance, géopolitique, aventure et même une petite touche de fantasy. Bref, un ovni que je vous conseille vivement.
Démarrant sur les chapeaux de roue, cette aventure spatiale a d’abord des allures de road-movie fantasy relativement traditionnel. Mais, très vite, les personnages imaginés par Vaughan et surtout son humour mordant font décoller le récit bien au-dessus du lot. À partir d’une trame de facture classique, il brode une bande dessinée ambitieuse aux confins des genres, un conte moderne tantôt tendre, tantôt cruel, et véritablement palpitant.
Tout ici est un prétexte à une aventure spatiale où l’action sait parfois laisser sa place à un peu d’humour et de sentiments tout en permettant à l’auteur d’apporter des nombreuses idées toutes aussi originales les unes que les autres. C’est là que réside la principale force du récit d'ailleurs.
"Saga" est une aventure hors du commun dans un univers foisonnant d'espèces étranges et dangereuses. Débute alors une aventure parfaitement rythmée au sein d’un univers fourmillant d’excellentes trouvailles et d’espèces insolites. Des fantômes de la planète Clivage à l’arbre-fusée, en passant par les pouvoirs magiques des habitants de la lune Couronne, l’album regorge ainsi d’idées originales.
L’idée de base, qui consiste à opposer deux peuples qui ont exporté leur conflit sur d’autres planètes de la galaxie afin de préserver les leurs, s’avère excellente. L’univers proposé est du coup non seulement extrêmement vaste, multipliant ainsi les possibilités scénaristiques, mais cela permet surtout à Brian K. Vaughan d’intégrer de nombreux peuples à son récit et quand on connaît sa capacité à exploiter pleinement ses personnages, cela est certainement un autre des gros plus de la série.
Brian K. Vaughan effectue un retour payant, avec un récit racé et doté de dialogues affutés. Le naturel de ceux-ci en étonnera plus d'un et l'humour qui ressort de certaines tirades est proprement irrésistible. "Saga" est également très dynamique, le lecteur ne cesse de découvrir de nouveaux lieux ou de nouvelles menaces. Et puis quelle bonne idée de faire parler les luniens en espéranto, une langue auxiliaire créée au XIXème siècle.
Avec un scénario aussi inspiré, il fallait bien un visuel en adéquation. C'est la dessinatrice canadienne, elle aussi, Fiona Staples qui se charge d'offrir des planches étonnantes et des designs aussi surprenants que déstabilisants. Entre les robots barons (des écrans de télé sur des corps humains) ou la Traque (nom d'une des mercenaires indépendants), l'originalité déborde des cases. Le travail sur les décors est minutieux et se joue des perspectives. Si certains n'accrocheront peut être au premier coup d’œil au visuel de Fiona Staples, nul doute qu'en entamant la lecture de "Saga", ils sortiront, une fois l'album terminé, finalement conquis, le visuel étant juste parfait pour un tel récit.
Les design sont orignaux et plaisants tandis que l’ensemble du travail est très soigné et les couleurs maitrisées. Fiona Staples nous offre là une atmosphère unique pour un récit qui ne l’est pas moins ! Staples donne vie à des créatures au look très réussi et installe une ambiance toujours adéquate, à l’aide d’une colorisation qui accompagne toujours parfaitement le ton du récit. La dessinatrice canadienne offre également un découpage efficace qui contribue à une lecture fluide qui incite à tourner les pages à grande vitesse.
Au final, grâce à des héros aux sentiments et réactions si humains, à des figures secondaires hautes en couleurs (le prince robot, les chasseurs de têtes) et des trouvailles jouissives, Vaughan développe une histoire d’amour S-F accessible et rapidement fascinante, parfaitement mise en image par la Canadienne Fiona Staples, dont le dessin, en apparence rêche et froid, se révèle finalement plus chaleureux que prévu. Une belle réussite du label Image, et encore une bonne pioche pour Urban Comics. "Saga" est donc une série de science-fiction et, surtout, un comics absolument génial à l'univers hyper dense et peuplé de créatures magnifiquement dingues !!!

Angle Mort
                d'Ingrid Astier


Note : 4 / 5


Synopsis :
"La nature a horreur du vide. Dans le banditisme peut-être plus qu'ailleurs". Diego est braqueur, né à Barcelone. Il vit à Aubervilliers, dans une hacienda délabrée, avec son frère Archibaldo et des souvenirs. Leur sœur, Adriana, a fait d'autres choix. Artiste au cirque Moreno, elle rêve d'accrocher son trapèze à la tour Eiffel.
Paris, bassin de la Villette. Lors d'un braquage, le gérant d'un bar s'effondre, terrassé par un coup de batte de base-ball. La brigade criminelle du 36 et le 2e DPJ sont co-saisis. Les commandants Desprez et Duchesne, aidés de la Fluviale, tirent le fil qui les fera remonter à Diego.
La traque est lancée, du quai des Orfèvres au canal Saint-Denis, des marges du Grand Paris aux cerveaux des indics, du port de l'Arsenal aux replis secrets d'Aubervilliers. Entre flingages et virées nocturnes, Diego garde toujours un temps d'avance. Comment piéger celui que rien n'arrête ?
Au fil de l'enquête, les histoires se tissent. Celle d'un homme dont le salut passe par les armes. Celle d'une jeune femme en lutte contre son hérédité. Diego prêt à tout pour protéger sa sœur. Adriana prête à tout pour protéger son frère. Quand les sentiments viennent bouleverser les liens de sang. 


Critique :
Chez Ingrid Astier, le caractère obsessionnel du geste de l'écrivain évoque le travail d'un peintre. Qu'elle décrive un commissariat de banlieue ou la piste aux étoiles d'un cirque, aucun détail ne manque au tableau. Quand elle trace les mots Paris, Saint-Denis ou Aubervilliers sur le papier, elle veut que la littérature cesse d'être cosa mentale et que le lecteur sente, entende et voie.
"Angle Mort" est un roman noir superbe, dont on souhaite qu’il ne séduise pas seulement pour ses qualités techniques. Certes, on ne peut que rester agréablement pétrifié devant la qualité de sa documentation : armes, méthodes de casse, procédure policière, on jurerait qu’Ingrid Astier a passé une partie de sa vie dans le milieu très fermé des braqueurs de banlieue avant de se reconvertir chez ceux qui les traquent.
Cependant, si ce professionnalisme concourt au parfum d’authenticité du récit, les véritables mérites du roman sont ailleurs. Avec maestria, sans embellissement épique ni dénigrement racoleur, Astier a choisi de présenter trois semaines d’affrontement à Aubervilliers entre un jeune hors-la-loi rageur et suicidaire et des policiers coriaces.
Il y a des livres dont les premiers mots nous sautent aux yeux comme des fléchettes sur une cible. C’est le cas "d’Angle mort" : "Les armes, c’est comme les femmes, on les aime quand on les touche". Voilà un style qui fait mouche même si l’on dit que les revolvers et les fusils sont des symboles phalliques. Ici l’auteur est une femme et elle voit midi à sa porte. Dans ce polar nous ne sommes ni à Chicago ni à Tokyo et encore moins à Singapour. L’intrigue se déroule à Aubervilliers donc.
Magistralement mise en scène, la cité a vu, avec la disparition de ses usines et d’une classe ouvrière organisée, les solidarités se dissoudre dans les égoïsmes individuels et la volonté de s’en tirer contre plutôt qu’avec. Loin des clichés et du mépris courant pour l’humanité ondoyante et diverse qui s’y mélange, de la peinture au vitriol d’une ville forcément sinistre et sinistrée, l’auteur témoigne une véritable compréhension à ses habitants, jusqu’aux moins recommandables. La ville est d’ailleurs une des héroïnes du récit. Comme la Seine, lorsqu’à bord d’une embarcation de la brigade fluviale, on découvre un monde insoupçonné avec la même frayeur émerveillée que les lecteurs du XIXe siècle l’océan à travers les hublots du Nautilus.
Dans cet univers reconstitué avec un soin maniaque, ses personnages évoluent avec un naturel confondant, restituant les grandeurs et misères de l'humanité contemporaine de part et d'autre du périphérique nord parisien dans les premières années du XXIe siècle. Il y a Diego, le braqueur catalan, qui travaille avec son petit frère Archibaldo et veille sur la fragile Adriana, sa sœur trapéziste au cirque Moreno. Mais aussi les commandants Desprez et Duchesne, de la brigade criminelle, que l'on retrouve trois ans après "Quai des enfers", premier roman d'Ingrid Astier. Comme dans ce premier roman noir, ces policiers à la faconde audiardesque peuvent compter sur le soutien de leurs collègues de la brigade fluviale, et notamment sur celui de Remi Jullian, un plongeur habitué à éclairer les mystères de Paris en inspectant ce qui se passe sous le fil de l'eau.
Astier sait créer de véritables personnages, fouillés, fascinants, attachants. Elle est très douée pour maintenir l’attention des lecteurs, une politesse qui n’est pas donnée à tout le monde. Elle campe bien ses personnages qu’elle fait évoluer dans une trame à rebondissements.
Le rythme et la construction du livre, alternant (simple, mais si efficace) regards des tenants de la loi, et ceux des voyous, sont minutés par un en-tête de chaque chapitre ("lundi 27 juin 2011 – 10h50 – Paris XIXè – croisement du quai de Seine et de la rue Riquet – bar-PMU le Bellerive"). Tout, mené à train d’enfer, vous faisant avaler les 500 pages, sans presque reprendre le souffle (une poursuite dans le canal Saint-Martin est digne d’un très grand film américain).
Toutefois, les amateurs de sensations fortes mais invraisemblables seront certainement déçus, "Angle Mort" prend autant le temps que son prédécesseur pour planter un décor et une atmosphère qui sont, il faut le rappeler, très différents. Les très nombreux détails ne nous sont pas livrés pour alourdir le texte, mais pour coller à une réalité, y être fidèle et accréditer le roman par son aspect documentaire.
Cette densité n'empêche en rien les accélérations soudaines d'une action qui privilégie la vraisemblance aux frissons faciles. L'ambiance qui rappelait Simenon ou Vargas qui a attiré beaucoup de détracteurs pour "Quai des Enfers" laisse place à une brutalité banlieusarde dont l'auteure a su gommer la plupart des clichés au bénéfice de réalités ignorées par d'autres polars dit "sociaux".
Au final, "Angle Mort" est un produit littéraire des plus réussis. Ingrid Astier a trente-sept ans, elle est française. Son roman, magistral, évoque pourtant les chefs-d’œuvre du cinéma américain noir des années quarante. "Angle mort" frappe par la netteté de son style, la précision souveraine de son déroulement, la puissance de ses sombres images et la hauteur de son ambition !!!

Rémi Guérin et Guillaume Lapeyre - City Hall : Un manga français au visuel léché et au scénario original !!!

Note : 4 / 5 


Synopsis :
Un drame a eu lieu à City Hall : le ministre des finances a été tué. Très vite, l'inspecteur-chef Lester est sur le dossier. Il se rend compte que le crime a été commis de façon improbable. Sur le cadavre, un papier est découvert. Lester le saisit et, tout en le dissimulant sous son manteau, se rend chez le maire Malcolm Little. Ce dernier fait appel au romancier Jules Verne pour enquêter sur cette affaire.
Accompagné de son assistant Arthur Conan Doyle, l’écrivain a pour mission de retrouver le criminel. Le choix du maire énerve l'inspecteur, mais il le justifie par le fait que le papier a disparu depuis plusieurs décennies et qu'il fut longtemps utilisé comme support magique. Les écrivains les plus talentueux pouvaient ainsi laisser vagabonder leur imagination et créer des créatures aussi immenses que dangereuses. Pour Jules Verne et Arthur Conan Doyle, qui n'ont jamais connu l'utilisation du papier, débute une enquête où leur intelligence et leur talent seront mis en valeur.

Critique : 

Ankama a montré depuis plusieurs années que les mangas pouvaient parfaitement venir de France ! Après "Debaser" (et sa rock attitude) et "Appt.44" (et son extra-terrestre caché au milieu d'une colocation), l'éditeur lance "City Hall". Les auteurs sont loin d'être des inconnus dans le 9ème art : Rémi Guérin (le scénariste) et Guillaume Lapeyre (le dessinateur) ont déjà œuvré sur de nombreuses séries.
"City Hall" est une création réellement originale. Et de plus, c'est un manga français, ce qui est assez rare pour être souligné vu les difficultés que les auteurs français rencontrent pour publier ce genre de projet. Un manga français donc. Et Ankama a mis le paquet pour que ça ne se voie pas. La maquette, la jaquette, le format, tout vous fera penser à la BD nippone.
Habitués en Neuvième Art, Rémi Guérin ("Kookaburra Universe", "Les Véritables légendes urbaines") et Guillaume Lapeyre ("Ether", "Les chroniques de Magon", …) n’en sont pas à leur première collaboration, puisque "Explorers" avait déjà été pour eux l’occasion d’un travail commun. L’occasion également de broder, déjà, sur les travaux de Jules Verne et d’Arthur Conan Doyle. C’est donc logique qu’on retrouve à présent en chair et en os ces deux personnages en héros de leur nouvelle œuvre.
"City Hall" se déroule dans un univers dépourvu de papier et dans lequel l’écriture manuscrite, interdite depuis des siècles, n’est plus enseignée. La raison en est simple, tout ce que vous écrivez prend vie. Devenu une arme trop dangereuse, le papier a été à l’origine d’une guerre d’ampleur planétaire destinée à l’éradiquer de la surface du globe qui dura près de deux cent ans.
Après quoi, ce monde a suivi un autre chemin que le nôtre et la technologie s’est développée plus rapidement que la Révolution Industrielle. Nous voici donc dans un environnement mécanique, prônant le travail à la chaîne comme une nouvelle méthode de rentabilité révolutionnaire, mais possédant déjà internet et des écrans LCD.
100% certifié français, "City Hall" n’en obéit pas moins scrupuleusement à tous les codes du manga, du format au style graphique en passant par la découpe des cases. Seule la lecture, de gauche à droite, échappe aux règles nippones du genre. Non content de mixer les cultures, "City Hall" mixe aussi les genres ! Empruntant son Londres victorien et ses mécanismes chuintants au courant steampunk, il y allie des auteurs, sinon classiques, tout du moins à l’image vieillissante auprès des jeunes générations, qu’il transforme en sorte de super-héros. Ne parlons pas de l’aviatrice Amelia Earhart soudainement dotée d’un décolleté plongeant et des plus sexy.
Des crimes sont commis à City Hall et tout indique que l'assassin serait un utilisateur de papier, chose impossible puisque cela fait normalement plusieurs centaines d'années que ce matériau a été détruit à cause de ses propriétés magiques. C'est alors que le maire confie à deux écrivains talentueux, Jules Verne et Arthur Conan Doyle, de stopper cette série de meurtres. L'imagination est évidemment au cœur de cet album.
Un lecteur assidu de manga trouvera peut-être qu'il y a des similitudes avec "Death Note". En effet, dans ce monde, écrire sur un cahier devient une arme. De plus, les deux héros de l'histoire pourront vous faire penser aux duels de cerveaux de "Death Note", notamment Conan Doyle (auteur de "Sherlock Holmes") qui est capable de trouver des indices un peu partout tout en restant méthodique et froid. Ils seront accompagnés par une charmante jeune fille chargée de les "protéger".
Ainsi, si le principe initial pourrait rappeler "Death Note", sans le côté sombre et sadique, "City Hall" se distingue néanmoins par une narration millimétrée. Rémi Guérin délivre un récit solide, un peu bavard par instants et spectaculaire à d'autres. Les personnages sont bien en place et disposent d'un caractère travaillé. Explosif et mené à toute allure, ce cocktail hétéroclite dépoussière avec humour les héros de notre Histoire. Loin du méli-mélo pâteux que cette réunion improbable aurait pu produire, le premier tome de "City Hall" frappe un grand coup grâce à son humour et son univers étonnant.
Guillaume Lapeyre rend lui aussi une très jolie performance avec un visuel très fin, détaillé et ambitieux. Côté dessin, là aussi, on emprunte allégrement aux codes du manga. Visages expressifs, trait fin qui ne s'attarde pas sur les détails mais qui a le mérite d'être très lisible. Sur la couverture, Jules Verne vous fera sans doute penser, là encore, à Light de "Death Note". Et c'est certainement voulu. Le découpage est ultra dynamique et ne laisse que peu de répit au lecteur alternant scènes d'action intensives et moments de réflexion plus calmes.
Au final, sous le trait assuré de Guillaume Lapeyre, et grâce aux talents de conteur de son compère, les héros de cette aventure londonienne prennent vie aussi sûrement qu’un papercut entre les mains de Lord Black Fowl. Si le scenario n’a guère le temps que de s’esquisser dans ce premier tome qui pose surtout les règles de son univers, nul doute que la suite saura vous tenir en haleine d’un bout à l’autre.
Ce manga est aussi frais et original que l’idée qui le fait vivre. A croire qu’il y a effectivement du Jules Verne là-dessous. C’est beau, un rien bavard, mais bien pensé et rythmé. Les auteurs s’amusent à ajouter des héros de renom face à un vilain rusé, insaisissable, et les pages défilent avec action et humour !!!

Sylvain Runberg et Josep Homs - Millenium : Une adptation réellement réussie...chose rare !!!


Note : 4 / 5


Synopsis :
Journaliste et copropriétaire du magazine Millenium, Mikael Blomkvist déteste ce surnom qu’il a glané en offrant plusieurs articles d’investigations qui ont fait grand bruit. Celui de "Super Blomkvist". D’autant qu’en ce matin suédois frileux, devant le parterre de confrères qui lui tendent leur micro à la sortie du tribunal, il ne sent pas "Super" pour deux sous. Il vient en effet d’écoper d’une amende de 300 000 couronnes et de 3 mois de prison pour diffamation aggravée. Et ce, en raison d’un article accusant Hans-Erik Winnerström de détournement de biens sociaux.
Le pire pour lui dans tout ça est de voir Winnerström partir du tribunal totalement innocenté. Rapidement, pour que son journal ne soit pas une des victimes collatérales de la condamnation, Blomkvist décide de démissionner. Il en fait l’annonce le soir même à son associée et maîtresse, Erika Berger, lors de fougueux ébats. Un sympathique divertissement bientôt interrompu par l’appel de l’avocat d’Henrik Vanger, un homme d’affaires puissant. Via l’agence Milton Security et en particulier de l’une de ses employées Lisbeth Salander, l’avocat sait que Blomkvist est l’homme de la situation.
Aussi l’invite-t-il à rencontrer Vanger dans sa propriété d’Hedeby, pour qu’il lui expose la mission qu’il souhaite lui confier. Et de fait, dès le lendemain, Blomkvist est mis au parfum : Vanger souhaite qu’il enquête sur la disparition de sa nièce, Harriet, dont il est sans nouvelle depuis plus de 40 ans. Fugue, assassinat ? La police n’a jamais eu la moindre piste. Pourtant, depuis plus de 40 ans, pour son anniversaire, le vieil homme reçoit une fleur séchée encadrée. Exactement comme celle que lui offrait sa nièce avant sa disparition. 

Critique :
A l’origine, "Millenium" est une trilogie de romans policiers du journaliste et écrivain suédois Stieg Larsson décédé avant la publication de ces livres. Publiée en Suède de juillet 2005 à mai 2007, cette saga titrée "Millenium", dans les éditions en suédois et dans diverses autres langues a obtenu un succès planétaire avec plus de 50 millions d'exemplaires vendus à l’heure d’aujourd’hui. Après des adaptations au cinéma version suédoise et une version américaine avec Daniel Craig, "Millenium" débarque en BD aux éditions Dupuis sous la houlette des auteurs Sylvain Runberg et Josep Homs pour les deux premiers tomes.
Au départ, on voit "adaptation BD de Millenium", et on grimace un peu. Les adaptations de roman en bande dessinée sont nombreuses ces dernières années, et la déception est parfois grande tant l’exercice est difficile. Car transposer une œuvre d’un média, le roman, à un autre, la BD, implique un autre rythme, une narration différente, mais aussi de mettre concrètement en images ce qui n’était que des mots.
Pour "Millenium", en plus, il y a le fait qu’il y a déjà eu deux adaptations (la série suédoise, et le film américain) et qu’on voit suspicieusement venir le titre commercial qui voudrait surfer sur le succès de la franchise. Oui mais je vous arrête tout de suite, on aurait vraiment tort de penser ça du "Millenium" que nous offre Runberg et Homs.
Succès éditorial, télévisuel et cinématographique colossal, la fabuleuse trilogie du suédois Stieg Larsson s’offre aux talents conjugués de Sylvain Runberg (scénariste français résidant à Stockholm) et José Homs pour une excellente adaptation en bande-dessinée. Confié à un suspens policier à tiroirs et sellé par la force d’attraction de ses protagonistes principaux, chaque opus de la trilogie originelle sera traité en deux tomes.
Que l’on ait lu ou pas les romans de Stieg Larsson, que l’on ait vu les films ou non, le plaisir sera au rendez-vous. Le duo a réussi le tour de force de réinventer "Millenium", sans jamais le dénaturer. C’est la même histoire et pourtant, c’est différent. Sylvain Runberg, le scénariste, a retravaillé le roman de telle manière qu’il nous propose de regarder chaque évènement, chaque détail, sous un angle différent. Et Homs, dessinateur incroyablement talentueux, allie une mise en scène impeccable à un dessin sublime (et la colorisation est superbe elle aussi). Le rythme du roman était lent, ici la tension grimpe à chaque page. La part belle est faite à la Suède, véritable personnage de l’histoire. Les héros, eux, n’ont rien perdu en personnalité, et cette Lisbeth-là concurrence sans problème Noomi Rapace question charisme.
Pour cette première immersion en terre suédoise, on se laissera immédiatement prendre par la mécanique du récit. Pour fil rouge, l’intrigue se gorge en effet d’une enquête sur la disparation, 44 années plus tôt, d’Harriet Vanger, héritière d’une famille au passé nauséeux. Enquête qui sera menée dans le huis-clos d’une île par un journaliste à succès en disgrâce, Mikael Blomkvist. Le patriarche de la famille Vanger lui promet ainsi de le réhabiliter grâce à quelques juteuses informations, si toutefois il résout l’énigme de cette disparition.
On suivra également avec attention, dans le même mouvement, le tumulte de l’existence de Lisbeth Salander dont les connexions avec Blomkvist sont pour l’heure à peine filigranées, mais dont le personnage ne manque pas immédiatement d’interpeler. Rien à redire sur le plan de l’adaptation ! Les coupes nécessaires pour une lecture dans ce nouveau format sont en effet judicieusement choisies pour garder la substantifique moelle du récit. Surtout, le rythme en tension, alimenté par un impeccable découpage, des rebondissements pointus et d’énigmatiques visions d’horreurs, agrippe avec force dès la lecture entamée. Et ce quand bien même on connait déjà, pour les avoir lus ou vus, les tenants et les aboutissants du récit.
Cette adaptation est donc une pure merveille. Le scénario, on le connaît, est très riche et son intrigue et ses personnages ne peuvent vous laisser indifférent. Mais ce qui est frappant dans avec cette BD, c’est l’alchimie entre le scénario et un graphisme franchement brillant. Le dessinateur Homs recrée avec brio l’ambiance sombre, angoissante, parfois suffocante ou malsaine de "Millenium". On retrouve ces personnages qui frappent, qui cognent et qui vous laissent sur le carreau. Un franc bravo à Homs, sa partition fait de ce premier opus une pure réussite.
Cette mise en bouche est donc plus que satisfaisante, parfaitement rythmée, dense et tisonnant furieusement la future association de Blomkvist et Salander. Josep Homs se saisit quant à lui brillamment de cette adaptation, grâce à un dessin élégant et on ne peut mieux cadré. On aime aussi sa mise en couleurs, qui assume parfaitement la charge émotionnelle du récit. Enfin il garde aussi l’intelligence de ne pas s’éloigner radicalement des images cinématographiques imprimées malgré nous dans un coin de notre cerveau, tout en offrant sa propre personnalité.
Fans des romans ou simplement amateurs de polar, ruez-vous sur cette merveille ! Runberg et Homs sont allés bien au-delà de la simple adaptation, et nous livrent un vrai petit bijou, sombre et lumineux à la fois, qui n’aurait, à coup sûr, pas déplu à feu Stieg Larsson.
Au final, cette première adaptation en BD ne surfe pas uniquement sur l’effet de mode mais montre à quel point l’intrigue de la saga colle à celle du genre. L’action, le suspense, l’angoisse, tout est là, et c’est un régal. Les choix graphiques de Josep Homs sont très convaincants, l’auteur ayant par ailleurs un art certain de la mise en scène, apte à captiver le lecteur. Au scénario, Sylvain Runberg trouve le juste équilibre entre une adaptation fidèle et la retranscription d’une ambiance suédoise qu’il connait bien.
En d’autres termes, on ne s’ennuie pas une seconde et on prend un plaisir fou à redécouvrir une histoire qu’on connaît pourtant par cœur. C’est là un joli tour de force !!!

Butcher Bird
                    de Richard Kadrey



Note : 4.25 / 5 

Synopsis :
Spyder est un tatoueur spécialisé dans les motifs anciens, les runes et les symboles ésotériques. Parce que sa copine vient de le larguer, il décide d'aller noyer son chagrin au Bardo, le seul bar tibétain de San Francisco, dont la saleté des sanitaires est proverbiale. Alors qu'il vide tequila sur tequila en se demandant qu'elle est la pire façon de mourir, il rencontre une aveugle fort désirable, Pie-grièche.
En sortant du bar, Spyder est agressé par un démon. Mais comme les démons n'existent pas, il décide qu'il s'agit plutôt d'un junkie de taille inhabituelle. Au moment où il va recevoir le coup de grâce, Pie-grièche intervient et décapite le monstre avec sa canne-épée.
Le lendemain, perclus de douleurs, Spyder découvre une Californie hantée par des démons aztèques, tibétains, et bien d’autres créatures fabuleuses qu'il est le seul à voir. Une personne peut lui expliquer ce qui lui arrive : Pie-grièche. Mais on ne se mêle pas impunément des affaires de la belle tueuse de démons. 


Critique :
Décidément, Denoël/Lunes d’encre a connu une étincelante année 2012. Après "Soldat des brumes" et "Armageddon Rag", l’éditeur a encore changé de registre, avec un roman signé Richard Kadrey, un roman qui nous fait basculer à cette occasion du côté de la fantasy urbaine. Mais pas seulement.
Richard Kadrey n'est pas un inconnu en France : il y a été publié deux fois, dans la défunte collection Présence du Futur. "Métrophage" parut en 1988, et "Kamikaze l'Amour" en 1997. Les deux s'attirèrent plutôt de bonnes critiques. Alors, comment cela se fait-il que l'on n'ait plus croisé ensuite l'auteur ? Tout simplement parce que Kadrey était un auteur rare jusqu'à il y a peu.
Sur les sept romans qu'il a publiés, cinq datent de moins de dix ans. Et la cadence s'est accélérée depuis 2007 et la parution de "Butcher Bird" : à partir de 2009, il écrit un roman par an dans la série "Sandman Slim", que Denoël devrait faire paraître à partir de 2013. Ajoutez à cela une passion pour la photographie, notamment fétichiste (dont on peut voir certains clichés en cherchant "Kaos Beauty Klinik" sur le net, mais attention, ils ne conviennent pas à tous publics), et vous comprendrez sans doute mieux que l'on n'a pas affaire ici à une carrière d'auteur classique.
"Butcher bird" est le quatrième livre de Kadrey, une incursion dans l'univers impitoyable des anges et des démons qui se livrent un éternel combat. Le pitch est plus que classique : un homme a priori normal, quoiqu'un peu en marge de la société et qui, du jour au lendemain, découvre un tout autre univers auquel lui-même appartient sans jamais en avoir eu conscience.
Avec un tel début on ne peut s'empêcher de penser à quantité de romans ou de films qui font figures de références. Pour peu qu'on précise que cet univers s'étend sur plusieurs niveaux (on parle de sphères), qu'il est peuplé de monstres, de démons et d'anges, qu'il est écrit avec une bonne dose d'humour et qu'il frise la satyre par moment, le choix se limite alors à des auteurs tels que Hal Duncan, Neil Gaiman, et à des films tels que "Dogma".
D'ailleurs, à la lecture de la quatrième de couverture, ou même des premiers chapitres, on pourrait se croire dans une aventure de fantasy urbaine comme l’on en croise finalement souvent (malgré quelques indices nous laissant penser le contraire !), avec un univers caché qui se dévoile à notre héros, l’irruption de la magie dans son quotidien, des dialogues qui n’ont rien de châtié pour insister sur le caractère fort en gueule des personnages, sans même parler des traditionnelles références à la pop-culture, aussi bien pour ancrer le récit dans notre monde que pour adresser quelques clins d’œil au lecteur.
Toutefois, malgré les références classiques qui s’en dégagent, ce qui est attrayant ici, c'est que le roman a indéniablement un côté manga avec ses combats à l'arme blanche, les batailles et certaines scènes cocasses. Ils sont savamment orchestrés, facilement visualisables et spectaculaires. Ça et l’humour dans les dialogues. Ainsi, pour peu que ce cocktail soit efficace, et c’est le cas, les références de l’auteur ou ses seconds rôles atypiques suffiraient à hisser le roman largement au-dessus de l’essentiel de la production du genre, en particulier en lorgnant du côté des rayonnages encombrés de la Bit-Lit.
Le style de Richard Kadrey est vivifiant, direct et sans fioriture. L’atmosphère de "Butcher Bird" est brûlante et électrique. Le rythme est soutenu avec une intrigue solide combinée à de l’action et de l’humour, ce périple est un vrai plaisir à lire. Bien que la trame de fond ne soit pas très innovante, la guerre ancestrale entre le Bien et le Mal, l’auteur a su avec brio faire prendre à la légende une tournure intéressante et rafraîchissante. D’ailleurs, on a du mal à lâcher le roman une fois commencé, les pages défilent toutes seules sous nos doigts. De plus, l’univers est passionnant, bien pensé, bien défini et expliqué avec sa faune surnaturelle riche et hétéroclite et ses différentes sphères qui englobent des mondes variés entourés de magie noire et de mystère.
Il suffit de patienter une poignée de chapitres pour que les choses s’emballent nettement : aussi bien au niveau de l’intrigue proprement dite que du côté de la plume de Kadrey, qui nous dépeint tout à coup des scènes réellement dantesques et fait preuve d’une imagination débordante qui rivalise avec certaines idées d’un Neil Gaiman période "Sandman" ou "Neverwhere" ou bien encore d’un John C. Wright façon "Guerriers de l’Eternité". Le roman acquiert alors une tout autre ampleur, une tout autre couleur, et le rythme ne faiblit plus à partir de là, le roman se découpant qui plus est en courts chapitres qui s’avalent les uns après les autres, sans imposer le moindre temps mort.
C’est avec un plaisir jubilatoire que l’on se laisse littéralement emporter par ces montagnes russes déjantées et roublardes, entrecoupées de répliques cinglantes mais aussi de rencontres souvent aussi dangereuses que savoureuses.
En ce qui concerne les personnages justement, ils sont charismatiques, originaux, attachants et fascinants. Du reste, Richard Kadrey a effectué un excellent travail avec le Prince des Ténèbres qui est surprenant. C’est avec un réel et attachant amusement que nous avons suivi les joutes verbales entre nos protagonistes qui sont à la fois sarcastiques et intelligentes.
Alors, bien sûr, on pourra trouver justement que les dialogues forcent parfois un peu le trait, que la relation entre Spyder et Pie-grièche n’est pas follement originale ou que certains fils de l’intrigue se concluent de façon quelque peu abrupte, mais, très honnêtement, ce serait bouder son plaisir et jouer les pisse-froid !
Après un roman cyberpunk ("Métrophage") puis un digne successeur du Ballard de "La forêt de cristal" ("Kamikaze l'Amour"), Kadrey change donc une nouvelle fois de registre en arpentant les terres de la fantasy urbaine. Il nous livre ici un livre particulièrement réjouissant, un roman de démonologie mâtiné de roman d'aventures picaresques, entre batailles aériennes et plongée étourdissante dans les entrailles de la Terre, le tout traversé par des personnages particulièrement déjantés.
C'est sympa, rythmé, léger mais aussi parfois grave, et surtout c'est porté par un humour corrosif qui s'exprime essentiellement par des dialogues percutants. Et n'oublions pas le recours permanent à des éléments de culture et de contre-culture. Ce plaisir de la langue fleurie, et des discussions à n'en plus finir (comme lorsque John Travolta et Samuel Jackson préfèrent différer un règlement de comptes dans "Pulp Fiction" afin de pouvoir finir leur café peinards), participe beaucoup à l'attrait de ce roman.
Au final, "Butcher Bird" se révèle un livre fort plaisant, une distraction démonologique et rock. C'est une urban-fantasy moderne à la beauté brutale et élégante où un antihéros et une héroïne maudite se retrouveront mêlés au sort du monde. On ira de rebondissements en révélations où se côtoient violence et douceur, religion chrétienne et bouddhisme. Richard Kadrey est un conteur brillant qui nous entraîne dans un road trip divertissant.
"Butcher bird" est un livre fantastique où il est question d'anges et de démons. Jusqu'ici, rien de nouveau. La fraîcheur des anti-héros, l'humour présent de bout en bout et les rebondissements en font néanmoins, à défaut d'être un très grand roman, un grand divertissement. C'est aussi une porte d'entrée idéale dans l'univers de Richard Kadrey que l'on dit complètement déjanté avec notamment "Sandman Slim" et que l'on espère rapidement lire en France !!!

Chiho Saitô, éditions Soleil - Le Vicomte de Valmont, Les Liaisons Dangereuses : Un classique remis au goût du jour par un rythme dynamique et avec une belle illustration !!!


Note : 3.75 / 5 

Synopsis :
Paris, 18ème siècle. Cécile de Volanges, 15 ans, a été élevée dans un couvent et, un mois après sa sortie, la demoiselle ignore tout des choses de la vie, son absence de connaissance n’ayant d’égale que sa candeur. Sa mère a prévu de la marier au comte de Gercourt, un homme largement plus âgé qu’elle, mais elle craint que la jeune fille ne puisse survire dans le milieu mondain.
Aussi, elle demande à sa cousine, la marquise de Merteuil, de l’aider à parfaire l’éducation de Cécile. La marquise accepte volontiers mais ne compte pas tout à fait faire ce qui lui est demandé. En fait, elle souhaite se venger du comte de Gercourt et écrit donc une lettre à un de ses anciens amants, le vicomte de Valmont, dont le tempérament libertin est connu de tous. Elle lui demande de l’aider à déflorer Cécile pour que le futur époux de cette dernière soit humilié le jour des noces.
Valmont refuse car il a une autre proie en vue, qui promet beaucoup plus de challenge : la présidente de Tourvel, une femme très pieuse dont le mari est absent. La marquise de Merteuil lui trouve toutefois un remplaçant : le chevalier Danceny qui s’est amouraché de Cécile, ce qui est réciproque. Commence alors un jeu entre les deux correspondants : la marquise de Merteuil remportera le pari si Cécile perd sa chasteté avant que Valmont ne fasse de la présidente de Tourvel sa conquête.
Critique :
Qui n’a jamais entendu parler du célèbre roman "Les Liaisons Dangereuses" de Pierre Ambroise François Choderlos de Laclos ? Pour ceux-là, je rappellerais qu’il s’agit de l’histoire d’un duo de libertins sadiques, la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont, qui vont faire d’innocentes personnes les victimes de leurs cruels jeux de séduction. Cette œuvre célèbre du XVIIIème siècle, se déroulant à Paris, dévoile la correspondance des lettres entre le vicomte de Valmont et la marquise de Merteuil, tous deux libertins, pervers et manipulateurs donc.
"Les Liaisons dangereuses" ont fait l’objet de nombreuses adaptations cinématographiques, télévisuelles, théâtrales, musicales… Le manga en deux volumes signé de la mangaka Saitô Chiho, auteure entre autre "d'Utena, la fillette révolutionnaire", a été publié en 2010 par Shogakukan au Japon. Le premier tome est paru en France le 9 janvier 2013 aux éditions Soleil Manga et le deuxième et dernier volume est paru le 6 mars 2013.
L’auteure "d’Utena" nous propose ici une adaptation assez fidèle au roman. En effet, dans l’œuvre classique, on suit le déroulement des jeux pervers de Merteuil et Valmont grâce aux lettres qu’ils s’envoient : ici, une partie des textes est reprise et vient faire office de légende aux images. Ainsi, on peut bénéficier de la richesse des écrits tout en voyant les personnages évoluer. De plus, l’intrique ne fait pas d’écart réel par rapport au roman et on apprécie de voir que cette retranscription respecte son original. La narration est fluide et on s’immerge rapidement dans le récit, les stratégies déployées étant très rusées et psychologiquement redoutables.
L’adaptation en manga est plutôt réussie et se lit aisément du fait que l’histoire ne comporte que les éléments essentiels du roman. C’est d’ailleurs toujours un exercice périlleux que d’adapter un roman contenant un nombre de pages conséquent, notamment en manga avec deux volumes. Objectivement, Saitô Chiho nous sert un récit concis, bien mené sans détails soporifiques et avec des graphismes agréables.
Pour ce qui est de ces derniers, le trait fin fait tout à fait honneur à la beauté des personnages, dont le design et les toilettes sont séduisants. Les planches sont fournies et dynamiques, les décors sont détaillés et la mise en scène est très efficace. Ainsi les graphismes sont très fins et très expressifs, les costumes et les décors d’époque étant magnifiquement mis en valeur.
Si les adaptations en manga de chefs d’œuvre de la littérature sont souvent bâclées, ce n’est absolument pas le cas de celui-ci qui est le parfait exemple de ce qu’on souhaite lire. Si l’on ne connaît pas encore ce classique magnifique, voici une excellente occasion de le découvrir et pour ceux qui le connaissent, une excellente occasion de le redécouvrir !!!

Johns, Reis et Mahnke - Blackest Night, T1, Debout les morts : Un cross-over ambitieux et complètement prenant !!!


Note : 4 / 5 

Synopsis :
William Hand a toujours été passionné par la mort. Il a grandi dans le funérarium où son père exerçait. William a toujours été fasciné par les choses mortes et il a souvent empaillé des animaux, dont son propre chien de compagnie. Un jour, alors qu'il se balade dans un cimetière, il croise Atrocitus, qui voit en lui un doux espoir, celui des ténèbres absolues.
Avant que la créature soit capturée par Sinestro et Hal Jordan, deux Green Lanterns, elle confie à William un objet. Ce dernier permet à Hand d'utiliser la lumière verte telle une arme. Des années durant, il se battra contre Green Lantern sous l'identité de Black Hand afin d'éteindre la lumière qui l'empêche de dormir.
Seulement, un jour, William Hand entend une voix. C'est la mort qui l'appelle et l'invite à le rejoindre. Black Hand rentre alors au funérarium et élimine chaque membre de sa famille. Il garde son dernier geste pour lui et s'effondre, le crâne transpercé par la lumière de l'objet qu'Atrocitus lui avait confié. La mortelle blessure se remplit soudainement d'un liquide noir. Un anneau noir arrive et ramène William à la vie.
Black Hand est à présent conscient, il se fait l'exécuteur d'une mystérieuse entité. Dans les heures qui viennent, Black Hand ramène d'anciens super héros à la vie. L'objectif est simple : conquérir le monde avec les hordes de morts-vivants qui sont sous ses ordres. 

Critique :
Un fan de Green Lantern de DC Comics, ne peut décemment pas rater cet album. "Blackest Night" est sans doute une des meilleures sagas de ces dix dernières années pour l'éditeur américain. C'est un cycle paru avant la remise à zéro New 52 (Renaissance, chez Urban), qui apporte une forme de conclusion aux intrigues lancées depuis 2005 par Geoff Johns autour de l'univers des Green Lanterns. Absolument incontournable, donc !
Les récits de super héros donnent régulièrement lieu à de gigantesques cross-overs, des évènements gigantesques où tous les personnages se croisent et s'affrontent. "Blackest Night" fut publié entre 2009 et 2010 chez D.C. Comics. Urban réunit dans une magnifique intégrale la première partie (sur deux) de cet "event". A la barre de ce projet, on retrouve Geoff Johns, le scénariste de "Green Lantern". Ce dernier propulse le DC Universe dans une saga où, bien évidemment, les Corps des différents Lanterns jouent un rôle énorme.
L'histoire de Johns est simple et bigrement efficace. Centré sur l’univers "Green Lantern" pré-relaunch donc, ce cross-over épique débute avec le suicide d’un super criminel, le sinistre Black Hand. Ressuscité par des forces qui dépassent l’entendement, le vilain devient l’agent d’un mal indéfinissable, qui s’attaque à tous les corps de Lanterns existants en ressuscitant les morts. Et dans ce contexte mi-chemin entre l’univers héroïques et un bon gros survival de Zombie, nos héros favoris vont devoir lutter pour le sort du cosmos.
Comme souvent avec l'auteur, on retrouve un récit dense, bien construit, où les manipulations et les rebondissements sont nombreux. Geoff Johns inclut de nombreux héros et ce qui aurait pu être un frein majeur pour le néophyte, ne l'est pas grâce aux qualités narratives de l'auteur et à quelques petites astuces éditoriales. "Blackest Night" se montre donc un récit intense.
Toutefois, "Blackest Night" n’est pas qu’une histoire de zombie. Certes des personnes décédées ressuscitent tout au long des 300 pages de ce tome 1 publié par Urban Comics en France, mais assimiler cette série à une vague histoire de morts-vivants serait réducteur. Car avant tout c’est cette limite si faible entre la fiction et la réalité dont il est question ici.
Fiction car nous sommes avant tout plongés dans le monde merveilleux des super-héros de comics, dotés de super-pouvoirs et aux arcs narratifs tellement longs que c’est à se demander s’ils sont capable de mourir. Et c’est là que la réalité prend place. Car oui, le héros peut mourir et chaque mort constitue un moment crucial dans la continuité. Et dès lors, le lecteur est renvoyé à sa situation de pauvre mortel qui lit des histoires de super-héros pas si immortels que ça, et ce dès les premières pages car tout commence le jour où l'on commémore les défunts héros.
Vous l’aurez compris, ceux qui oseront feuilleter les pages de "Blackest Night" n’en reviendront pas indemne ! Avec ce pitch dantesque, Geoff Johns fait culminer des années de travail sur l’univers "Green lantern" dans une bataille impliquant non seulement les gardiens d’émeraude, mais aussi tout le reste de l’univers DC. Autant vous le dire tout de suite, ceux qui n’ont pas un minimum de connaissances sur cet univers risquent de se heurter à quelques incompréhensions. Heureusement cependant, Urban a pensé aux débutants, en complétant son album de quelques explications fort utiles, qui permettent notamment de faire le lien entre cet univers pré-relaunch et celui développé chaque mois en kiosque dans les sagas.
Urban Comics se démène pour permettre aux néophytes de suivre ce qui se passe à l'aide de résumés, de présentations de personnages, voir même d'épisodes supplémentaires facilitant la compréhension, et régale les habitués avec plusieurs pages de commentaires des épisodes par les artistes y ayant contribué ou avec les pages du Journal de Black Hand. Impossible d'être perdu ou de se sentir floué par une telle édition.
Parlons un peu dessin maintenant. Il semble évident que "Blackest Night" est clairement une œuvre de scénariste. C'est le bébé de Geoff Johns. Mais Ivan Reis, pour parler de lui avant tout, et Doug Mahnke sont des dessinateurs fantastiques. Ils livrent une copie sombre à souhait. Leurs styles sont différents : Reis encre plus ses planches que Mahnke. Mais une fois dans la lecture, cela ne choque pas du tout.
Ils nous proposent régulièrement des pages doubles, des splash-pages comme on dit en anglais, à tomber par terre. L'une d'elle montre un fond noir avec les zombies en uniforme noir, et reste pourtant parfaitement lisible, on peut dénombrer et identifier tous les personnages. Leur style au trait fin, énergique, convient parfaitement à la multitude de fils d'intrigues développés par leur collègue scénariste. De plus, ce premier Tome est remarquablement mis en couleur.
Au final, "Blackest Night" est donc un épisode-clé de la continuité DC dans lequel le scénariste Geoff Johns dévoile tout ce qu’il a mis en place depuis cinq ans. A la fois sur Terre et dans l’espace, le monde des super-héros sera bouleversé à jamais car ceux qu’ils croyaient disparus à jamais reviennent les hanter pour en plus tenter de les tuer. Même s’il n’en porte pas le nom et qu’il ne concerne pas le multivers, l’événement s’apparente à une crise car il touche tout l’univers DC.
L’œuvre est aussi une ode à l’âge d’argent des comics car les protagonistes en sortent tout droit, après avoir été ressuscités par Johns. Et au-delà des combats qui s’enchaînent, la série offre une véritable réflexion sur la part d’humanité que détient chaque super-héros. Enfin, pour ceux qui hésiteraient encore, n’oubliez pas qu’après la nuit, aussi sombre soit-elle, vient le jour.
Assez peu accessible en tant que tel, "Blackest Night" gagne en simplicité grâce au travail d’Urban Comics. Épique de bout en bout, ce premier tome fait donc partie de mes coups de cœur chez DC Comics et je remercie Urban Comics de nous le proposer sous une si belle version. Encore un album qui tiendra une très bonne place dans nos bibliothèques, et à fort juste raison. Accrochez-vous après cette lecture, vous n'aurez fait que la moitié du chemin. Il y a un tome 2. Avec des dessins d'excellente facture et un scénario bien écrit, "Blackest Night" débute de la plus belle des façons et donne clairement envie de connaître la suite !!!

Istin, Duarte et Saito - Elfes, Tome 1, Le crystal des Elfes bleus : Un superbe moment d'évasion magnifiquement imagé, mais qui manque légèrement d'originalité !!!

Note : 3.75 / 5 


Synopsis :
C’est la débandade dans le royaume des elfes. Le village Ennlya a été sauvagement attaqué et tous ses habitants elfes ont été retrouvés massacrés. La belle elfe Lanawyn, assistée de l’humain Turin, mène l’enquête et se rend au village pour constater les dégâts. Elle y trouve un spectacle apocalyptique et un indice précieux : une dague qui appartient au clan brutal des Yrlanais.
Dans le même temps, une expédition elfique est chargée d’une mission des plus délicates : accompagner Vaalann au royaume des eaux pour y récupérer le Crystal. Cet objet magique et précieux désignera l’élu, celui capable de maîtriser les mers et les océans. Pendant que Vaalan plonge dans les tréfonds de l’océan pour récupérer le Crystal, Lanawyn et Turin plongent dans la gueule du loup en rendant visite aux Yrlanais. Jamais le destin des elfes n’avait connu de telles turpitudes. 

Critique :
Les éditions Soleil lancent une série concept de cinq albums autour de ce peuple mythique que sont les Elfes, avec des auteurs différents à chaque fois. Cette première histoire propose d’aller à la rencontre des Elfes bleus, dont l’univers est lié à l’eau, et c’est Jean-Luc Istin qui s’y jette.
L’heroïc-fantasy a toujours laissé une grande part aux personnages des elfes, peuple noble et élégant, doué de sagesse et de magie. Quoi de plus naturel, du coup, que de leur consacrer une série en bande dessinée ? Pour ce faire, Soleil invite l’inévitable Jean-Luc Istin à s’occuper du scénario. Grand adepte de l’aventure et des récits légendaires, Istin n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’il a enchaîné bon nombre de récits sur la légende d’Arthur, l’histoire des Templiers et autres aventures épiques. Ce savoir-faire se ressent très vite dans l’album. Istin nous transporte dans un monde enchanté plein de dangers et de péripéties.
Le scénariste et directeur de collection est très à l’aise avec l’imaginaire et cela se ressent. Bien sûr, le tout souffre du format one-shot qui n’autorise pas le développement des caractéristiques propres aux "longues oreilles". Cependant, l’alternance entre l’enquête sur le massacre des villageois d’Ennlya et le parcours de Vaalan pour devenir le guide de son peuple est habillement agencée. La narration ne souffre d'aucun temps mort, les personnages, malgré le manque d’espace, sont intéressants et bien présentés.
Avec ce premier tome, le scénariste joue la carte du dépaysement total puisqu'il nous immerge dans un monde médiéval onirique qui est partagé principalement entre les hommes, les elfes et les orks. Fort de cet exotisme très bigarré, il nous introduit dans le climat particulièrement tendu entre chaque ethnie, chacune ayant sa particularité physique et morale (les uns, belliqueux, les autres, immortels et sages et les derniers, nécromanciens). Ce brassage génère ainsi une intrigue profonde dont le départ est le massacre de tout un village elfe.
Alternant donc deux histoires en parallèle, on assiste à deux récits classiques, dignes des romans : une enquête sur une affaire criminelle des plus sombres (le massacre du village Ennlya) et un récit d’initiation (Vaalann qui devient l’élu). Deux éléments classiques d’une histoire, qui ont tous deux pour sujets les elfes. Avec des dialogues soignés et une narration savamment orchestrée, le lecteur est rapidement transporté dans le royaume des elfes et familiarisé à leurs us et coutumes.
Toutefois, si le récit reste des plus classiques, il est tout à fait plaisant, et est magnifiquement mis en images par Kyko Duarte ("Chronique de la guerre des Fées"). Le dessinateur espagnol passe avec une égale réussite de plans rapprochés sur les protagonistes à de grandes cases proposant des décors majestueux, en particulier ceux liés au royaume marins des êtres bleus. Le cadrage varié sert efficacement l’aventure.
Tout comme Istin, Duarte n'en est pas à son coup d'essai. Ce dernier, aiguisé par le travail remarquable réalisé dans les séries "Chroniques de la guerre des fées", "De sang-froid", "Le Capitaine Fracasse", nous démontre une fois de plus son savoir-faire dans la manière de mettre en images un univers imaginaire bien léché, indubitablement magique peuplé de créatures disparates. Le geste, maîtrisé, proportionnel, plein de créativité, peut se révéler doucereux quant à l'apparence des elfes féminins mais également incisif quand il s'agit de décrire la cruauté et la dureté de certains autres personnages.
Le voyage dans cet univers, là aussi devenu classique, est donc surtout assuré par le dessin de Duarte des plus spectaculaires. Ainsi, alternant dans de grandes cases de somptueux paysages et des scènes de combats resserrés, l’artiste espagnol offre un spectacle visuel superbe. Il faut dire que les couleurs de Saïto y participent grandement : dans des teintes vives et chatoyantes, admirez les monts enneigés du village d’Ennlya, la beauté fine du royaume des elfes ou encore la fureur et la puissance des mers.
Au final, même si, compte tenu du thème, un soupçon d’originalité aurait été le bienvenu, cette épopée possède suffisamment d’atouts pour séduire les lecteurs désireux de s’offrir un bon moment d’évasion. Le spectacle est impressionnant.
Dans ce bel écrin graphique, l’histoire se déploie majestueusement. Istin prend le temps de décrire les personnages importants : la colère du roi Rinn, la perfidie du conseiller Siemir, la cruauté sournoise des orcs… De plus, la fin réserve de belles surprises. Récit d’heroïc-fantasy dépaysant et prenant, le pilote de cette œuvre sans prétention offre un beau moment de détente et de plaisir. Une première partie engageante qui mêle harmonieusement monde légendaire et quête aventureuse fantastique. A suivre donc !!!

Le nom du vent,
                    Chronique du Tueur de Roi                                                                                      de Patrick Rothfuss 

Note : 4.25 / 5 

Synopsis : 
J'ai libéré des princesses. J'ai incendié la ville de Trebon. J'ai suivi des pistes au clair de lune que personne n'oserait même évoquer. J'ai conversé avec des dieux, aimé des femmes et écrit des chansons qui font pleurer les ménestrels. J'ai été exclu de l'Université à un âge où l'on est encore trop jeune pour y entrer. J'y étais allé pour apprendre la magie, celle dont on parle dans les histoires. Je voulais apprendre le nom du vent. Mon nom est Kvothe. Vous avez dû entendre parler de moi. 
Raconté par Kvothe lui-même, voici le conte de ce jeune homme, naturellement doué pour la magie et qui deviendra ce magicien que tout le monde connait. Voici le récit intime de sa jeunesse auprès d’une troupe de baladins, de ses années noires comme orphelin au milieu d’une cité où le crime guette, de son pari fou pour s’inscrire à une école de magie légendaire, et de sa vie passée comme fugitif après la mort d’un roi. 

Critique : 
Premier tome de la trilogie "Chronique du Tueur de Roi" et premier roman de Patrick Rothfuss, ce livre est une véritable réussite. On y découvre le personnage de Kvothe, arcaniste légendaire qui nous propose un récit de sa vie et de ses aventures relatées en l'espace de trois jours ("Le nom du vent" correspondant à la première journée de narration). On est très vite happé par l'univers fascinant dépeint par l'auteur, tant par les paysages et villes évoqués que par l'originalité et la complexité du système de magie élaboré. 
Écrit à l’origine en un seul tome, mais trop long pour être publié dans ce format, il a été découpé en une trilogie. Les deux tomes suivants sont donc déjà écrits. Classique, déjà-vu, pourrait-on dire ? Oui, c’est vrai, Patrick Rothfuss reprend les codes bien connus de la high-fantasy, mais, et c’est plus rare, il le fait avec élégance et brio ! L’écriture est superbe, légère, le style fluide, et plus les pages défilent plus il devient compliqué de s’arrêter. Ce livre arrive à procurer une réelle sensation de manque, un besoin de lire la suite, une difficulté à le reposer.
Il y a par moments des livres qui arrivent à faire évoluer un genre, à l’amener vers d’autres horizons. "Le Nom du vent" fait partie de ses ovnis dignes d’être décortiqués à chaque page, chaque ligne, chaque mot. Il se veut digne des plus beaux romans d’apprentissages et nous fait suivre la première partie des aventures de Kvothe : son éducation, son entrée à l’Université à un âge précoce et ses multiples péripéties, drames, qu’a connus sa jeunesse. 
Le récit est construit d’une manière classique, à l’aide d’un schéma souvent utilisé et plus particulièrement au cinéma : le début du livre voit Kvothe d’un certain âge dictant son histoire à un scribe. Et donc au lecteur. Et ne vous attendez-pas à un récit avec un héros pompeux, sans défauts. Kvothe est jeune et ça entraîne les bons et mauvais côtés de la jeunesse.
L'attrait de ce premier tome est renforcé par une singularité : la cohabitation de deux modes de narration ! La troisième personne pour le présent de Kvothe, et la première personne pour son passé. Cela rend le héros principal très attachant, met en exergue ses émotions, et on ne peut que compatir aux différents coups durs auxquels il doit faire face. 
"Le nom du vent" est une gigantesque fresque, fabuleuse dans ces descriptions et fabuleuse dans le parti pris narratif de l'auteur. Roman à tiroirs, oscillant entre focalisation interne et externe, avec des histoires dans l'histoire, Patrick Rothfuss ne choisit pas la facilité. Le roman n'est absolument pas tourné vers l'action, ici pas d'épées qui s'entrechoquent, pas de grands champs de batailles et très peu de violence, on est dans une fantasy sage et propre ce qui en temps normal n'est pas du tout mon style. 
Pourtant, il faut le reconnaître, malgré certaines longueurs et certains temps morts, "Le nom du vent" est un grand roman que l'on ne lâche pas si facilement. Là où Rothfuss est fort c'est dans la construction de ces personnages qui du secondaire au méchant sont tous attachants, avec leurs particularités et leurs défauts. 
Une fois les premières pages passées servant à mettre en place les personnages, l'univers et la rencontre entre Kvothe et Chroniqueur, le lecteur n'a plus qu'à se laisser plonger dans la vie captivante du héros. Une vie remplie de souffrances, de désillusions mais aussi de rencontres, d'amours et de quêtes. Une vie trépidante et palpitante qui fait qu'on a du mal à abandonner ce livre. L'auteur maîtrise parfaitement bien son histoire et joue avec une grande efficacité sur les rebondissements et les effets de surprises mais aussi sur les émotions et les moments plus intimes de la vie de Kvothe. 
Concernant l'univers on retrouve avec plaisir un univers vraiment magique et efficace remplis de peuples différents, de magies passionnantes, d'un bestiaire vraiment intéressant mais aussi un univers d'artiste ou la musique et la poésie ont une grande place et rendent l'histoire vraiment agréable. Ce premier tome pose des bases solides et efficaces concernant l'univers comme par exemple sur la mythologie des "chandrians" dont on espère en apprendre plus dans les prochains tomes. L'auteur a vraiment réussi à mettre en place un univers agréable et magique. 
Autre grande force du roman, la description des lieux et des villes : on y est ! On marche le long de grandes bibliothèques remplies de livres interdits, on est dans des villes souvent lumineuses, des tavernes sordides et à chaque fois le danger ou l'amour guettent notre héros. Sachant que la plupart du roman se situe dans l'université des magiciens, ces descriptions sont très précieuses pour le lecteur qui voit devant ces yeux vivre tout l'Arcanum et ses passages secrets ! La description des mythologies est aussi assez surprenante et très travaillée. 
"Le nom du vent" porte en lui les germes d'une grande épopée et reste très plaisant à lire pour qui aime ce genre d'histoires, malgré quelques défauts. On pourra noter certaines longueurs, mais on les oublie vite devant la magie de la lecture. Non, le principal défaut de ce roman, c’est sa fin, ou plutôt devrait-on dire son absence de fin ! Et oui l’histoire s’arrête d’un coup, sans cliffangher rocambolesque ou conclusion rapide, et l’on retrouve les impressions de découpages sauvages de romans bien connues des lecteurs français, cette frustration de découvrir un roman incomplet. 
Toutefois, n'oublions pas que "Le nom du vent" est le premier roman de Rothfuss. L’auteur a commis certes des erreurs, mais n'est-ce pas choses inévitables pour une première œuvre ?! Cela n'entache en rien la qualité de l’œuvre ! 
Au final, "Le nom du vent" est un livre qui offre un excellent moment de lecture. L'auteur connait parfaitement les codes de la fantasy et sais les réutiliser avec brio et efficacité nous offrant une intrigue efficace et palpitante. Kvothe est un personnage fascinant et charismatique et l'écriture de l'auteur est vraiment fluide et efficace. Il y a bien quelques longueurs principalement au début mais elles sont vite balayées par la magie de l'histoire, dont on reprochera juste à l'auteur la fin trop abrupte. 
Bref un roman à ne surtout pas manquer, un petit bijou de la fantasy vraiment agréable à lire. "Le nom du vent" est une expérience exceptionnelle qui mérite d’être vécue tant par sa fraîcheur que son originalité. Et il permet de mettre en avant un auteur qui risque de devenir rapidement un pionner de la fantasy : Patrick Rothfuss !!!

Geoff Johns & Jim Lee - Justice League, Aux Orignines : Un reboot époustouflant des origines de la Ligue des Justiciers !!! 

Note : 4.25 / 5 

Synopsis :
Il y a de cela 5 ans, le monde ne connaissait pas l'existence des super héros. A cette époque, ceux-ci n'étaient que des légendes urbaines. Pourtant, tout allait changer lorsqu'une nuit, deux d'entre eux virent leur route se croiser.
Sur les toits de Gotham, Batman traque un monstre agressif. Au moment où il le rattrape et commence à le frapper, une lumière verte apparaît. Il s'agit de Green Lantern, qui, alerté par les médias, est venu calmer la situation. La créature profite de l'arrivée d'Hal Jordan pour fuir, en explosant au passage les hélicoptères de la police qui surveillaient la scène. Batman et Green Lantern la retrouvent dans les égouts. Ils l'observent installer une sorte de cube sur le mur. Celle-ci les repère et explose.
Batman et Green Lantern saisissent l'objet et ne parviennent pas à l'analyser. Il a tout l'air d'être de provenance extra-terrestre. Or, récemment, à Metropolis, un dénommé Superman s'est manifesté. Et il n'a pas l'air d'être très humain. 

Critique :
DC Comics dispose de nombreuses séries de super héros. En 1960, Gardner Fox et Mike Sekowsky ont l’idée de réunir les figures marquantes de l'éditeur pour lutter contre des menaces encore plus grandes que celles qu'ils ont affrontées individuellement. De nombreuses aventures furent créées mais en 2011 aux USA, DC Comics a choisi de remettre ses séries à zéro. C'est donc le moment idéal pour se lancer dans de nouveaux titres. "Justice League" revient sur les origines de la formation de cette équipe.
Pourtant censée être la série porte étendard de la licence DC Comics, en réunissant ses plus grandes icônes, la "Justice League" (anciennement "of America") n’a pas passionné depuis des années. Enchainant les scénaristes peu inspirés, souvent dépendant des évènements se déroulant dans les séries individuels des personnages les plus importants ("Batman R.I.P.", "New Krypton", etc.) et les dessinateurs de secondes zones jamais à leur plus haut niveau, le titre ne se vendait pas et passionnait guère.
Il est donc normal, qu’à l’occasion de la Renaissance de l’univers, les pontes de la DC, Geoff Johns (qui a redonné ses lettres de noblesses à "Green Lantern") et Jim Lee, le légendaire dessinateur, mettent les mains dans le cambouis. Deux superstars de l’industrie des comics pour, enfin, donner l’ampleur que la série mérite, en livrant simplement l’une des meilleures histoires de la Ligue des Justiciers de ses dernières années.
Ce tome1 est donc consacré à la création de la Ligue. On assiste donc à l’introduction de chacun des personnages au fur et à mesure des pages. La progression de l’histoire fait que les personnages se rencontrent de manière plutôt naturelle, par la force des événements, preuve de leur envie commune de protéger la terre. Ce déroulant 5 ans avant les autres titres, certains d’entre eux sont assez différents par rapport à leur titre solo. Ce gap amènera surement de nombreux flashback nous expliquant les éléments qui les ont changés, fait murir.
C'est le scénariste Geoff Johns qui se charge de recréer cette situation. Comme souvent avec lui, le récit est très abordable et multiplie les séquences de bravoure. Le casting de héros est bien sûr prestigieux. On retrouve Batman, Superman, Flash, Wonder Woman, Aquaman et Cyborg. L'histoire est vraiment très dynamique et l'on arrive très vite à la fin de l'album sans s'être ennuyé une seule fois !
On reprend donc au début et Johns nous introduit un par un les héros qui vont se joindre à la Justice League et il le fait très bien, il prend le temps de montrer chaque membres de l'équipe et quels sont les forces et faiblesses de chaque personnages. Johns arrive a tirer le meilleur de chaque personnages pour nous faire découvrir une Justice League vraiment solide.
On redécouvre aussi pour l'occasion un méchant classique de l'équipe, à savoir Darkseid, qui lui aussi a subit un petit lifting des origines et du design. Il marche vraiment bien comme méchant pour introduire la ligue et réunir les personnages et nous offre aussi un combat vraiment épique.
Geoff Johns a ici la lourde tâche de donner le ton, et de réintroduire tout ce joli beau monde en collants. Et force est de constater que le bonhomme le fait avec brio, et cela surtout grâce à son talent de dialoguiste. L’auteur écrit des dialogues savoureux, riches de sens et cernant avec brio chaque personnage : Green Lantern est un casse-cou un brin vantard, Batman un justicier qui n’aime pas trop le travail d’équipe, Wonder Woman une amazone un peu paumé et en décalage avec le monde qui l’entoure… Bref, Johns nous représente toute cette galerie de protagonistes d’une bien belle manière, en jouant sur cette lutte entre égos qui vont devoir s’unir contre une seule et même menace.
Des écrits jouant également sur l’aspect comique, Johns plaçant ci et là quelques bonnes vannes dans la bouches de personnages, jouant sur un certain décalage entre toutes ses personnalités. Une équipe pas très uniforme qui a du mal à se coordonner, un sentiment constant jusqu’à la fin, mais dont pourtant l’on entre-aperçoit une certaine dynamique de groupe se créer.
Toutefois, la qualité du récit passe aussi par les dessins de Jim Lee. Ce dernier s'est fait très rare ces dernières années et en voyant le niveau qu'il atteint tout au long de cet album, on ne peut que le regretter. Ses planches sont absolument divines ! Le design des personnages est soigné, les décors bénéficient d'un haut niveau de détail et les cadrages sont spectaculaires. Jim Lee livre six épisodes de très haute volée et l'on espère qu'il ne faiblira pas pour les prochains.
Les scènes d’actions et situation dantesques de Johns sont transcendées par le dessinateur coréen. Adulé pour ses travaux chez "Wildstorm" ainsi que sur "Batman" ("All Star", "Hush"), l’artiste livre ici un magnifique travail, qui donne enfin du grandiose à cette équipe. Lee signe des planches très dynamiques, bourrés d’action, hyper fun et souvent jouissives. Avec un chara-design tout en muscle et en posture, il joue avec ses justiciers masqués, en offrant des planches iconiques des plus impressionnantes. L’artiste compose des doubles pages d’une beauté et d’un équilibre époustouflants.
Au final, la promesse derrière une BD comme "Justice League" est enfin tenue ! C’est une excellente série d’action super-héroïque que nous offre Geoff Johns et Jim Lee, mettant en scène les icônes de DC Comics de la plus belle des manières. Porte étendard de la "Renaissance DC", cette nouvelle version, modernisé, est des plus fun et relance l’intérêt de personnages maintenant vieux de quelques décennies. Une lecture de qualité à mettre entre toutes les mains.
Pour ce titre il n'y a aucun contexte à prendre en compte étant un reboot complet des origines de la Justice League et donc c'est un comics qui est fait pour ceux qui découvre DC Comics et la Justice League. C'est donc l'introduction des personnages et de l'équipe qu'on découvre ici ! La seule chose à savoir c'est que le titre se passe 5 ans avant tout les autres du reboot.
"Justice League" a été l'un des gros succès lors de sa parution aux USA l'été dernier. Il n'y a rien d'étonnant lorsque l'on voit le plaisir retiré à la lecture de ce premier opus. Si ce n'est pas déjà fait, précipitez-vous dans votre librairie ou comicshop le plus proche et procurez-vous cette petite bombe ! Vous ne le regretterez pas !!!

La théorie des cordes
                             de José Carlos Somoza


Note : 4.5 / 5 


Synopsis : 
Isolée sur un atoll de l'océan Indien, la fine fleur de la physique mondiale est en quête du Graal. Elle œuvre à un ambitieux projet fondé sur la théorie des cordes, qui permettrait d'ouvrir le temps. S'ils parviennent avec ravissement à contempler le passé de l'humanité (la crucifixion du Christ ou la terre à l'ère jurassique), les scientifiques perçoivent rapidement que ce programme, financé par de mystérieux fonds privés, pourrait connaître des applications moins angéliques. Un drame conduit à la suspension immédiate des recherches, dispersant aux quatre vents les apprentis sorciers. 
Dix ans plus tard, dans une université de Madrid, Elisa Rohledo déplie un journal pour étayer une thèse de physique théorique. Une fraction de seconde lui suffit à comprendre qu'elle est en danger de mort.
Aux côtés d'un confrère, depuis toujours intrigué par la modestie des aspirations professionnelles de la séduisante physicienne au regard de son cursus académique, Elisa et ses anciens acolytes retournent aux origines de la tragédie, sur cet îlot où ils avaient profané le temps. 

Critique : 
"La Théorie des Cordes", malgré son titre qui fait peur à ceux qui n'y comprennent rien à la physique, est un roman très prenant. Il est construit comme un thriller, avec un suspens haletant. Quatrième roman de l’auteur originaire de la Havane, Somoza s’attaque cette fois à la science dans ce qu’elle a de dangereux et mystique, à ses limites et ses buts.
L'auteur sait tisser un suspens qui captive le lecteur. Il joue sur le fait que le lecteur ne sait rien : il débarque, et n'a que les maigres renseignements que veut bien lui donner Elisa par le biais de sa pensée. Le lecteur se rend encore mieux compte qu'il arrive en plein milieu de la vie de quelqu'un. Le fait de ne pas tout savoir dès le départ est gênant, mais plus réaliste.
Admirablement découpé, le scénario de "La Théorie des cordes" renvoie le plus machiavélique des scénaristes hollywoodiens au vestiaire et déroule sa ligne narrative sans heurt. Dans son style fluide habituel, Somoza dresse la trame d’une sorte de thriller scientifico-fantastique, vendeur et accrocheur. Le roman se lit sans ennui, il capture aisément l’attention, il intrigue, il noue les fils de personnalités fortes mais néanmoins floues.
Il m'a été tout simplement impossible de me détacher de ce roman, malgré ses 500 pages. Le rythme est soutenu et palpitant, la plupart des rebondissements sont assez inattendus. Les personnages ont suffisamment d'épaisseur et de failles pour que l'empathie fonctionne à merveille. Ils sont attachants et le lecteur ressent leur détresse, à tel point qu'il s'identifie parfaitement à eux. 
Mais surtout, José Carlos Somoza est un maître du fantastique et de l'indicible. Tous nos sens sont en éveil pour tenter de cerner l'invisible. L'horreur est distillée avec talent et on se prend parfois à retenir son souffle en tournant les pages. 
Chaque partie du récit est introduite par une citation choisie avec justesse qui laisse le lecteur construire ses hypothèses. Bien évidemment, il y a derrière ce récit toute une réflexion philosophique sur ce que l'homme peut ou ne peut pas se permettre de faire. Quand l'humain se prend pour un apprenti sorcier et que les scientifiques se substituent à un Dieu hypothétique.
Souvent, dans ce genre de roman, ce qui déçoit particulièrement, c'est la manie qu'ont les auteurs de verser dans le mysticisme. Non seulement José Carlos Somoza ne tombe pas dans ce travers, mais le dénouement est aussi soigné que l'intrigue, ce qui est loin d'être évident quand on choisit un tel sujet. La fin que l'auteur nous propose est en parfaite adéquation avec ce qui précède.
"La Théorie des cordes" traite avec brio du thème du scientifique qui ouvre la boîte de Pandore, qui se laisse emporter par ses découvertes, puis se rend compte tout d'un coup qu'il y a un problème et se retrouve dans l'incapacité de refermer la boîte après y avoir remis le contenu qui s'en était échappé. Un page-turner intelligent !
Au final, le roman de Somoza se dévore d'une traite et horrifie peu à peu son lecteur avec ses descriptions impeccables et cette sensation d'angoisse étonnamment bien rendue. Sexe, mort, tourments de l'inconscient et surprenante illustration d'une théorie physique séduisante, "La Théorie des cordes" fourmille d'idées géniales. Géniales, car elles n'inventent rien, mais recyclent avec bonheur l'histoire classique de la noirceur humaine. Ajoutez à cela quelques gouttes du meilleur des romans à suspense, et vous obtenez un livre d'une exceptionnelle facture, à découvrir au plus vite.
Rythmé, fouillé, documenté, passionnant de bout en bout, "La Théorie des cordes" est un roman qui marque. Pas nécessairement un chef d’œuvre impérissable, mais suffisamment jubilatoire, affreux et barré pour enthousiasmer les lecteurs. Ne passez pas à côté, José Carlos Somoza est un auteur qui fait mouche... Et mal !!!

Luc Brunschwig et Roberto Ricci - Urban, Les règles du jeu : Un Sin City futuriste...du moins dans l'esprit !!!

Note : 4.25 / 5 


Synopsis : 
Monplaisir est un vaste complexe de loisirs, le dernier endroit de la galaxie où il est encore possible d’assouvir tous ses fantasmes et d’oublier ses frustrations, durant deux semaines par an. Mais une telle débauche ne va pas sans certains excès.
Les forces de l’ordre veillent donc à ce que le séjour de chaque client soit un véritable enchantement. Ainsi en décembre 2058, Zach, un jeune fermier plutôt musclé, intègre-t-il l’académie de police de Monplaisir, afin de devenir un Urban Interceptor. A.L.I.C.E, le système de gestion de l’information, supervise certes l’ensemble du complexe et veille sur la sécurité courante des 18 millions de visiteurs quotidiens. Mais l’IA ne gère pas les investigations criminelles qui demeurent encore la prérogative des humains.
Toutefois, elle assure la promotion des enquêtes, dont la retransmission en direct, auxquelles nul ne peut se soustraire, constitue un spectacle particulièrement prisé par les visiteurs de Monplaisir. D’importants paris sont même organisés sur leurs circonstances. Mais, cette fois ci, Zach ne sera pas Urban Interceptor : c’est dans les bras d’Ishrat, une ex-femme Pub devenue liftière, qu’il regardera celui qui l’a supplanté se faire tuer par un certain Antiochius Ebrahimi. Ce que Zach ignore, c’est que derrière cette façade de plaisir, de futilité et de jeu, Monplaisir cache une réalité plus sordide, dont le meurtre d’un policier venu de Ganymède constitue le dernier élément en date. 

Critique : 
Luc Brunschwig a connu en 2011 une année particulièrement faste puisqu’après les deux suites du "Pouvoir des Innocents", voici qu’il reprend un album déjà édité en 1999. Publié alors chez les Humanoïdes Associés, sous le titre "Urban Game", l’album était dessiné par Jean-Christophe Raufflet. Désormais chez Futuropolis, Brunschwig refonde, a priori, l’album en profondeur et s’associe pour la circonstance à Roberto Ricci.
Brunschwig nous entraine dans un futur assez proche pour une histoire dans le genre thriller/SF. Avec ce premier tome, "Les règles du jeu", il nous présente l'univers de Monplaisir, le personnage de Zach et met en place l'intrigue principale. Après la découverte de la cité, de certains de ses codes et de ce qui attends Zach, Brunschwig place peu à peu son intrigue policière avec la découverte de quelques femmes assassinées et de la première mission d'Isham, celui qui a battu Zach dans le combat pour définir le meilleur policier de la cité.
Toutefois au-delà de l’histoire de Zach dans les méandres de Monplaisir, Brunschwig aborde, l’air de rien, une multitude de sujets sociétaux. Ce qui est intéressant dans ce "nouvel" album, ce n’est pas tant les thématiques traitées, qui l’ont déjà toutes été maintes fois aussi bien au cinéma, en littérature ou en BD, mais la manière dont elles sont agencées pour constituer une histoire.
Sur la base de ce premier album, celle-ci semble cohérente, avec cependant quelques interrogations ! L’abrutissement des masses au travail ou durant leurs temps de loisir, la solitude au sein de la foule, la misère au milieu de l’opulence, le voyeurisme de la téléréalité, la "Big-Brotherisation" de la société, etc., tout y passe ! Et c’est ce qui fait l’attrait de cet album et en rend la lecture enrichissante.
Un véritable scénario d’anticipation implacable qui jette magnifiquement les règles du jeu. Au terme de ce premier tome, plusieurs personnages se démarquent, dotés d’un certain charisme et de personnalités bien développées. Un personnage atypique vient compléter le tableau cependant, Monplaisir. L’entité urbaine joue de son ambiguïté tantôt chaleureuse tantôt destructrice. Son apparence ludique cache un vivier de réseaux parallèles : petites frappes, tueurs professionnels, mafia… des acteurs incontournables à Monplaisir.
Ses attractions s’adressent à tous les milieux sociaux mais la majorité des touristes est issue des classes défavorisées. L’immersion de l’individu est totale, Monplaisir le dévore corps et âme grâce à la présence d’A.L.I.C.E. et de Springy Fool. D’ailleurs, ce dernier est le seul personnage commun à "Urban Games" et "Urban". Cette "créature médiatique" est à la fois organe du pouvoir et élément principal de la propagande politique. Son image omniprésente dans le paysage urbain étouffe tout libre-arbitre ou toute liberté de pensée des individus.
Brunschwig nous offre donc un univers riche et terriblement cohérent, une histoire passionnante, un personnage attachant pour une superbe introduction qui nous promet tant de choses à venir ! Le meilleur des scenarii ne serait cependant rien sans un dessinateur qui sait en exploiter les qualités.
Sur "Urban", Roberto Ricci sait donner toute la mesure de son talent. Le trait est serein, sûr, et l’univers graphique mis en page offre une réelle épaisseur. Tout juste est-il possible de regretter le manque de lisibilité des séquences de téléréalité, mais ce n’est qu’un détail qui devrait-être vite réglé. 
Roberto Ricci ("Les âmes d'Helios") signe ici, pour le moment, l'un de ses plus beaux travaux en tant que dessinateur et coloriste. Il suffit juste de regarder l'une de ses planches ou une case pour s'en rendre compte. Il a su instaurer une belle atmosphère dans cette aventure et donner une belle architecture, ainsi que de beaux designs pour les véhicules dans cette histoire. Oui, il semble indéniable que le récit de Brunschwig l'a vraiment inspiré. L'artiste rend aussi hommage à quelques héros de cinéma, de bandes dessinées ou de dessins animés dans les premières pages du livre. Saurez-vous reconnaitre Bender, Pinhead, Batman, Dark vador et Leia, Wonder Woman, Robocop entre autres dans ces cases ?
Servi par les illustrations de Ricci, l’univers "d’Urban" campe les décors d’une société futuriste ludique et cynique. L’architecture urbaine créée est un régal, les décors des scènes en extérieur fourmillent de détails. Des ocres-rouilles cohabitent avec des gris-verts. Le dessinateur a su matérialiser une ambiance atypique, progressivement l’apparente bonhomie de la cité s’efface pour une noirceur plus marquée. Il y a ici une alchimie très appréciable entre le scénario et le graphisme !
Au final, Brunschwig et R. Ricci nous offrent un monde terriblement cohérent et d’une grande richesse. Le scénariste crée une histoire plausible, touchante même du fait de ce héros un peu naïf, dans un univers où il s’inspire du notre, y ajoutant un passé, des mythes et même un super-héros emblématique. L’illustrateur, lui, rend les architectures réalistes et la foule vivante en s’attachant à chaque personnage, à chaque détail. Les deux s’associent donc à la perfection pour nous plonger littéralement dans cet univers.
Et c’est bien la force de ce premier volume, qui ne sert pour l’instant que d’introduction, terriblement immersive pourtant. L’histoire est suffisamment dense et  intéressante pour nous tenir en haleine jusqu’au bout. Mais tout comme ce monde riche, ce sont surtout les différents détails, les nombreuses pistes qu’il reste à développer, le mystère sans cesse entretenu qui font de ce volume une grande réussite.
Le graphisme, en parfaite adéquation avec l’histoire, est tout simplement somptueux, avec une mention spéciale à l’usage des différents jeux de lumière. Avec tous ses détails, toutes ses qualités, son ambiance exceptionnelle, son originalité et son effroyable crédibilité, ce premier tome constitue une formidable introduction pour une série déjà très prometteuse !!!

Izu et Shonen - Lords of Chaos : Une nouveauté française dont on attend beaucoup et qui est très prometteuse !!!

Note : 4 / 5 


Synopsis : 
Au fin fond de l'Antarctique, en 1993, des scientifiques font une curieuse découverte avec le fossile d'un être vivant dont l'apparence n’avait jamais été vue jusqu'ici. Peu après, des membres de l'Ordre de Qlipoth, les adorateurs des Seigneurs du Chaos, font irruption et massacrent les chercheurs.
En 2013, dans le monastère d'Embrun, en France, des examens sont en cours pour que soient élus les futurs chevaliers de Sephiroth, un Ordre combattant celui de Qlipoth. Alice et Esteban forment un des binômes du monastère. Si le jeune homme est le meilleur élève, il fait équipe avec la bonne dernière. Celle-ci n'a d'ailleurs qu'une seule envie : quitter le monastère et découvrir la vie à l’extérieur.
Le tandem a beau bénéficier de talents inédits, ils ratent leur examen de passage, suite à une erreur d'appréciation d'Alice. Pourtant, alors qu'ils ne peuvent se représenter que dans 5 ans, leur maître leur donne une mission : Alice et Esteban doivent surveiller un jeune homme, Mickaël Stern, dont les mages de Sephiroth pensent qu'il a tout pour devenir un des terrifiants Adam Kadaman, c’est-à-dire l’hôte d’un démon. Malgré le risque éventuel, Alice est super heureuse car le lieu des opérations se trouve à Paris. 

Critique :
Les fans de manga ont découvert le duo Izu - Shonen sur "Omega Complex", une série publiée aux Humanoïdes Associés il y a quelques années. Le scénario et les dessins s'étaient mis au diapason pour offrir un récit absolument passionnant (État du Nevada, Etats-Unis, 1987. Dix ans après la fin de la guerre nucléaire, le traitement Ghost permet de mettre en veille les effets des radiations sur l'organisme et même de les contrôler. Certains acquièrent des superpouvoirs : les Erynies. Kama, agent fédéral raté de 23 ans, les chasse). Voir les deux compères revenir aux affaires a de quoi réjouir.
Avec "Lords of Chaos", Shonen et Izu reviennent avec un titre plein d'action, de magie et d'humour destiné à un public ado-adulte. L'histoire est assez complexe et on remercie les auteurs d'avoir aménagés des pages explicatives tout au long du récit. Ainsi, pas de problème majeur de compréhension du contexte et des enjeux. D'ailleurs, ce premier tome sert avant tout à poser les bases du récit et à présenter les différents personnages. Bien qu'on ne s'ennuie pas durant la lecture, l'action ne démarre réellement qu'au trois quart du récit. 
"Lords of Chaos" développe un nouvel univers. Izu y croise la science-fiction, le fantastique et l'action. Son histoire est vraiment ambitieuse et, à l'instar "d'Omega Complex", possède de nombreuses annexes entre les chapitres pour mieux appréhender les personnages ou les événements. Pour le moment, l'intrigue se met en place doucement. L'auteur met en avant le duo Alice et Esteban. Ces deux recrues de l'Ordre de Sephiroth voient leur vision du monde être confrontée à la réalité de la société. Le décalage est amusant, troublant et permet d'alléger une histoire qui pourrait paraître un peu indigeste sans tous les efforts du scénariste. 
Ce premier tome est une bonne surprise et très agréable à lire. Les explications fournies rendent accessibles les idées de l’auteur et le petit mot d’Izu en début de tome permet de bien cerner les grands thèmes qui seront présents dans cette série (la kabbale, la magie, la place des hommes dans l'univers). Shonen y va aussi de son petit mot en fin de volume. 
Concernant ce dernier, Izu s'appuie sur lui, l'un des dessinateurs les plus talentueux en France, pour magnifiquement mettre en image ses propos. Les cadrages sont spectaculaires, ses planches soignées et efficaces, le design de ses héros est réussi. Bref, visuellement le résultat est à la hauteur des meilleures espérances ! 
En mêlant habilement Kabbale (mystique juive), manga et tranche de vie de lycéens français, "Lord of Chaos" touche au but. L’histoire conjugue en effet humour, action et mystère, servie par le trait péchu de Shonen qui a encore progressé. Izu et Shonen nous offrent une nouvelle série énergique, pleine d’action et de mysticisme. Une série qui vous plongera dans l’univers de la Kabbale, grâce au scénario documenté et puissant du mystérieux Izu, servi par le trait de plus en plus affirmé du dessinateur autodidacte de BB Project. 
Un récit touffu et prometteur allié à des dessins de haute voltige font de ce premier opus de "Lords of Chaos" une lecture inévitable pour 2013 !!!

Le Livre de Johannes
                                      de Jorgen Brekke


Note : 3.75 / 5

Synopsis : 

En août 2010, le cadavre décapité et écorché d’Efrahim Bond est retrouvé au musée Edgar Allan Poe de Richmond, Virginie. L’assassin a, par ailleurs, emporté sa peau. L’enquêtrice Felicia Stone s’aperçoit rapidement que peu avant sa mort, la victime avait envoyé un morceau de la reliure en cuir d’un livre pour analyse. Quand elle prend connaissance des résultats de celle-ci, elle ne doute plus que le meurtre soit lié à ce mystérieux ouvrage relié en peau humaine.
L’auteur nous transporte alors cinq siècles en arrière, sur les traces de ce mystérieux manuscrit intitulé "Livre de Johannes" qui décrit les observations du premier médecin de l’histoire pratiquant des autopsies. Selon la rumeur, le chirurgien ne se contentait pas de subtiliser des corps dans les cimetières mais fabriquait lui-même les cadavres indispensables à ses travaux !
Quelle fascination cette histoire séculaire exerce-t-elle sur l’assassin et pourquoi écorche-t-il chacune de ses proies, car Efrahim Bond n’est que la première victime d’une longue série ?
 
Critique : 
"Le Livre de Johannes" est un roman sur les romans, sur des amoureux des livres qui se retrouvent embarqués dans une folle histoire. Jorgen Brekke nous livre un excellent thriller. Il nous entraîne dans les enquêtes de deux meurtres, un commis à Richmond en Virginie et l’autre à Trondheim en Norvège, dont le point commun est le Livre de Johannes qui a été relié en peau humaine. 
Nous sommes donc entrainés dans deux examens judiciaires qui vont se recouper. Le premier sera conduit par l’enquêteur américain Felicia Stone. Le second par son pendant norvégien, le détective Singsaker. Les enquêtes sont bien ficelées et nous tiennent en haleine jusqu’à la fin.
Brekke nous tient en haleine jusqu’au bout grâce à de nombreuses fausses pistes. De nombreux personnages sont suspects par leur attitude ou leur passé : le chef de la sécurité de la bibliothèque de Trondheim qui ne se souvient plus des derniers instants passés avec une des victimes et qui a déjà été suspecté de meurtres, la nouvelle bibliothécaire un peu trop entreprenante et curieuse qui a une prédilection pour tout ce qui touche au polar, la reproductrice de livre ancien  bien pressée devant les policiers, un universitaire américain qui semble en savoir plus sur le livre de Johannes que ce qu’il dit, etc.
Bien que le meurtrier commette des crimes affreux (il dépèce ses victimes après leur mort), vous n’y verrez pas de portrait trop macabre ou dégoûtant. La plume subtile de l'auteur décrit à merveille les choses sans entrer dans des détails non nécessaires. On visualise bien assez facilement les scènes, aucun besoin de rajouter des particularités sordides. Superbement écris.
Les personnages, quant à eux, sont très variés et très nombreux. Cet aspect est à la fois la force et la faiblesse du "Livre de Johannes". Déjà, nous suivons deux enquêtes parallèles et ses acteurs, mais nous sommes aussi confrontés à quelques retours dans un lointain passé. Il y a donc un enchevêtrement de récits qui peut mêler les idées à certains moments. Toutefois, outre cet aspect un légèrement négatif, les protagonistes ont un vécu bien défini, des réactions qui leur sont propres et un tempérament réaliste. 
Ainsi le livre n’est pas seulement une simple enquête. Il y a toute une partie historique, qui se passe au début du XVIe siècle, en Norvège puis dans l’Europe. On y suit un moine mendiant, qui va raconter une histoire particulière, dans laquelle il va côtoyer un barbier chirurgien et un médecin anatomiste.
Cette histoire fait froid dans le dos ! Il s'agit d'abord d'une histoire où les corps sont découpés au scalpel pour découvrir les origines de l’homme et le fonctionnement de son corps. Pour être repris par la suite, quelques siècles plus tard, afin d'assouvir le questionnement d'un psychopathe. D’où venons-nous ? Comment sommes-nous à l’intérieur ?
De fait, Brekke nous ballade dans ce thriller entre les différents suspects et protagonistes mais aussi entre les différentes époque (2010 et le seizième siècle) nous menant sur les traces du Livre de Johannes, manuscrit comportant les observations du premier légiste qui n’aurait pas seulement prélevés les corps à disséquer dans les cimetières mais qui serait à l’origine de la perte de vie des personnes qui se retrouvaient sur sa table.
Au final, ce premier roman de Jorgen Brekke est une réussite. On se laisse rapidement emporter par cette histoire et par ces personnages. Au début le changement de lieux et d’époque ainsi que le nombre important de protagoniste sont un peu perturbant, mais le récit est assez prenant et soutenu pour happer le lecteur. 
Une des bonnes idées de ce thriller a été d’utiliser Edgar Allan Poe en tant que fil rouge : nom du musée, auteur préféré ou détesté de certains personnages… Quoi de mieux que de faire apparaître le maître des récits macabres dans un thriller tout aussi macabre. Enfin, quelle bonne initiative d’avoir nommé ce livre relié en peau humaine "Johannes", prénom de Gutenberg, inventeur de l’imprimerie et de la typographie.
Pour un suspense qui nous tient en haleine, avec des personnages bien définis et un meurtrier sadique, je conseille ce roman aux amateurs du genre !!!

Dargaud - Asgard, Tome 1 "Pied de fer" : Un univers nordique parfaitement restitué par une narration fluide et dynamique et une écriture efficace et percutante !!!

Note : 4.25 / 5


Synopsis :
Il y a 40 hivers, les Dieux du Northland l’ont puni en faisant de lui à la naissance un "skraëling", littéralement "un homme laid", un infirme. Différent parce que né avec un seul pied. Son père aurait dû s’en débarrasser pour éviter que sa maison soit marquée du sceau de la malédiction. Mais il n’a pas pu. Et en une ultime ironie, il lui a donné le nom d’Asgard, nom du royaume que les Dieux lui avaient refusé.
On le surnomme aujourd’hui "Pied-de-Fer". Et ce matin-là, il recueille sur le rivage Sieglind, une jeune esclave affranchie et à demi-consciente, la seule survivante du naufrage d’un petit navire de pêche. Comme bien d’autres avant lui, l’équipage vient de faire une funeste rencontre : un Krökken, un monstre marin sorti des enfers. La bestiole immonde fait des ravages en décimant la population du village de Dyflin ou en empêchant les drakkars royaux de prendre la mer pour livrer combats et rapporter leur butin. 
Asgard n’était pas là par hasard. Il est en effet un chasseur de monstres réputé. En raccompagnant la jeune fille à Dyflin, il propose d’ailleurs aux villageois de ramener la tête du monstre contre 1000 talents d’argent. La somme est rondelette. Kristen, du clan des Aardvern, lui offre pour tout paiement ses deux bras et son navire, le dernier du village. Svenn Larssen, le scalde, propose quant à lui ses talents d’ancien marin expérimenté. "Pied-de-fer" s’apprête à refuser ses offres, quand un valeureux guerrier de la garde royale propose sa vaillance et 2000 talents d’argent. Après quelques préparatifs, l’équipage prend la mer.
Critique : 
A la barre "d’Asgard", on retrouve Xavier Dorison  ("Long John Silver", "Le Troisième Testament", "Sanctuaire",…) au scénario et Ralph Meyer ("Berceuse Assassine", "Ian") au dessin. Prévu en deux tomes aux éditions Dargaud, "Asgard" revoit donc le duo Dorison / Meyer se reformer depuis leur association sur la collection "XIII Mystery" qu’ils avaient entamée avec le premier album "La mangouste". C’est donc avec une certaine excitation qu’on les retrouve pour cette histoire nordique. 
Au centre du récit, un quadra maudit (en raison d’une infirmité congénitale), ex-guerrier, solitaire et chasseur réputé de grosses vilaines bestioles. Pour faire craquer sa grosse carapace, une orpheline animée d’une redoutable énergie. Tout autour s’anime alors, avec une justesse rigoureuse, un univers viking dont les contours esquissés dans ce premier tome rappellent ceux de "Thorgal", ni plus ni moins.
Un peu de vocabulaire viking, un peu de folklore nordique, un dessin mature et voilà une bonne histoire de viking qui n’a rien de banale, même si elle reste assez classique. Traitée simplement, on ressent tout le poids des histoires personnelles des personnages et en particulier le lien qui va se tisser entre Sieglind, orpheline de parents esclaves et Asgard le "skraëling". Et si chacun a beaucoup à gagner à s’embarquer dans cette aventure, ils ont aussi beaucoup à perdre, et en particulier la vie. 
Avec Asgard, on voit tout de suite que Dorison veut se concentrer sur la chasse épique de son petit groupe et décide pour se faire de tout miser sur l’efficacité maximum et un rythme soutenu. Tout se met en place assez vite et, surtout, avec justesse. En ça l’auteur décide d’aller à l’essentiel en fournissant les informations nécessaires aux lecteurs, sans s’encombrer de superflu. Ce choix permet de nous faire vivre la tension présente sur le bateau et de s’assurer que notre concentration est à 100 % là où Dorison veut qu’elle soit.
Cette pratique est assez risquée, mais au final l’exercice est maîtrisé et rend le tout assez atypique. On a donc affaire à des planches avares en dialogues, mais diablement fluides qu’on enchaîne rapidement afin de suivre les mésaventures de Pied de Fer et sa troupe. Mais voilà, bien que cela soit efficace c’est peut-être bien là son principal défaut. Le rythme étant si haletant et rapide qu’on enchaîne un peu trop vite les pages, sans toujours bien prendre le temps d’observer à leurs justes valeurs les casses de Meyer, et en peu de temps, on se retrouve déjà à reposer l’album que l’on vient de dévorer.
Pour autant dédié principalement à l’aventure et l’action, le récit (prévu en 2 tomes) s’ouvre un large potentiel. Dorison n’explore en effet que par petites touches parcimonieuses le profil de son personnage principal en laissant plusieurs balises qui, exploitées a posteriori, pourraient nous offrir une série au long court. 
Sans entrer trop dans les détails, le scénariste nous présente à la fois le cadre historique, culturel, environnemental et les personnages qui peuplent ce monde. À travers la série "Asgard", l’auteur arrive à traiter de vastes thèmes comme celui de la lutte d’un homme contre les dieux, contre son destin, mais aussi de sa place dans la société et l’inefficacité de cette dernière à s’adapter aux changements. 
Très impressionnant, le dessin de Ralph Meyer nous gratifie de quelques belles cases avec de belles gueules. En particulier, le personnage d’Asgard exprimant à la fois virilité et sagesse. On perçoit un homme endurcit par la vie, mais ayant acquis une certaine expérience issue de ses désillusions et de la connaissance de la nature humaine. 
Meyer arrive à nous proposer une mise en scène qui lui est propre et qui ne cherche pas à imiter le style d’un autre auteur. Le découpage est excellent, et rend l’aventure vibrante, énergique, et donne du sens à l’histoire de chasse. Le trait du dessinateur arrive à la fois à donner de la puissance aux personnages nordiques durs et massifs que sont les guerriers vikings, tout en donnant de la finesse et fragilité au personnage de l’innocente Sieglind.
En ce qui concerne les paysages, Meyer arrive à jouer la carte du dépaysement en nous offrant des paysages de fjords magnifique, et se joue de cet effet carte postale, pour faire le contraste avec l’arrivée de la bête monstrueuse. Chaque planche est vraiment un bonheur pour les yeux tant le dessin est beau précis et plein de détails. Plus important encore, le trait de Meyer participe à la fluidité de l’histoire et sert aussi à masquer l’absence fréquente de texte.
L’idée du mouvement est parfaitement retranscrite, et la colorisation oscillant entre les gris bleutés, gris verts et les rouges orangés retranscrivent bien l’aspect glacé et sombre que l’on peut se faire de cet univers nordique. Ainsi son travail est un sérieux atout pour la réussite de ce projet. Bref, son talent explose littéralement et font de cette entame un véritable petit bijou.
En résumé, "Asgard" est une œuvre qui regorge de technicité afin de livrer au lecteur un résultat accessible, prenant, montrant le niveau de savoir-faire des deux artistes qui savent très bien ce dont est capable l’autre. Bien qu’assez classique l’histoire de Pied de fer n’en reste pas moins efficace, intéressante et est l’une des bonnes surprises franco-belge de l’année 2012.
"Asgard" est une fresque épique parmi les vikings ! Une légende que doit affronter un guerrier maudit des dieux : le terrible serpent-monde, fils des dieux et incarnation d'une terrible prophétie. On s'attache à ce farouche guerrier qui ne recule devant rien et personne, poursuivant inlassablement sa quête. Les graphismes sont très beaux, réalistes et parés de couleurs vives. Un excellent premier tome !!!

Jeph Loeb et Tim Sale - Batman, Un long Halloween : Un comics haletant et sombre qui a marqué l'histoire du genre !!!

Note : 4.5 / 5

Synopsis : 

La carrière de Justicier de Batman ne fait que commencer. Un mystérieux tueur opère à Gotham City, liquidant ses victimes pendant les fêtes.
Un nom lui est rapidement attribué : celui d’Holiday. En étroite collaboration avec le lieutenant de police James Gordon et le procureur Harvey Dent, Batman cours contre le temps, tentant de découvrir l’identité du meurtrier avant les prochaines fêtes. 

Critique : 
"Un long Halloween" figure à raison dans la collection DC Essentiels d'Urban Comics. En 1996, Jeph Loeb et Tim Sale ne se sont pas contentés de signer un des plus beaux Batman, ils ont juste créé une saga d’anthologie ! Et même deux, puisque "Amère victoire", sa suite, est tout aussi géniale (et rééditée l'an dernier). Si les collaborations entre Jeph Loeb et Tim Sale ont su prouver l'efficacité de ce duo, c'est indéniablement avec ce comics-book qu'ils graveront leurs noms dans l'histoire de Batman et des comics en général. 
Une année, c’est le temps que dure cette magnifique histoire. Une année étalée sur treize chapitres et au cours de laquelle nous sommes plongés dans Gotham City, Gotham la ville de la Pègre, la ville du crime mais également la ville du Chevalier Noir, la ville du Batman. Comme le fait désormais Scott Snyder ("Sombre Reflet", "La Cour des Hiboux"), Jeph Loeb s’attarde sur cette ville qui tient une place centrale dans son récit. Et pour nous parler de Gotham, Loeb traite avant tous de ses habitants notamment ses familles, et pas n’importe lesquelles puisque ce sont les familles mafieuses qui sont au centre de ce récit : les Maroni et les Falcone.
Véritable roman noir, "Un Long Halloween" est d’abord un polar centré sur la Pègre de Gotham et Loeb s’amuse tout au long des 300 pages à nous en raconter le fonctionnement, les objectifs mais aussi ses déboires. Car voilà, le gros du propos de Loeb est que désormais, la Pègre n’est plus le seul maître à bord à Gotham. D’abord, les grandes familles sont désormais divisées et le récit s’attarde également sur la lutte de pouvoir entre les Maroni et les Falcone, mais il nous montre aussi qu’outre les divisions internes, la Pègre doit désormais faire face au Batman et au nouveau procureur de la ville : Harvey Dent, qui peut passer pour le véritable héros du comics.
L'histoire de Jeph Loeb a même des faux airs du "Parrain", et certaines séquences y renvoient directement. Quant au récit, il repose sur une trame de pur polar, où l’action ne constitue jamais le premier centre d’intérêt. Le triptyque Gordon-Dent-Batman a tout d’un triumvirat, où le rôle de chacun se négocie, ainsi que les limites des interventions envisagées. 
Toute cette mise en scène sous la forme d'une enquête policière restitue un but bien précis. Holiday et sa traque ne sont que la base qui sert à Loeb pour réfléchir sur la justice et sa dualité. A travers la lutte contre les grandes familles de la mafia, l'auteur confronte Batman et ses alliés à la figure du justicier, qu'il soit masqué ou non. "Un long Halloween" choisit d'aborder un thème central dans la mythologie de l'homme chauve-souris, celui de la frontière entre la loi et le crime. Entre la vengeance et le devoir. 
On se doute que le principal concerné sera Harvey Dent dont le personnage s'avère le plus fouillé et le plus marquant du comics. Il flirte avec le précipice durant toute l'intrigue pour finir par y sombrer illustrant à merveille le prix à payer pour faire de Gotham une ville meilleure. Quant à Batman/Bruce Wayne, il aborde peu ce conflit. Bien sûr, on repérera bien quelques états d'âmes du super-héros, mais ceux-ci rejoignent plus la thématique de la nature même du Batman telle qu'on la retrouve plus développée dans "L'asile d'Arkham". Pour finir, Jim Gordon incarne un flic intègre et un père de famille aimant, chose que le comics régulier ne nous avait pas habitué à voir. 
Même si la majorité du récit gravite autour des familles mafieuses et du Romain, cela n'empêche pas Jeph Loeb d'intégrer, un à un, les protagonistes costumés les plus connus de l'univers de l'homme chauve-souris. On a premièrement ceux introduits par Miller dans "Batman, Année 1" (Catwoman et Harvey Dent, alias Pile-ou-Face) et ceux déjà traités par Loeb dans "Batman, Halloween" (l'Epouvantail, le Chapelier Fou, le Joker, Poison Ivy et le Pingouin), mais également l'Homme Calendrier, Solomon Grundy et le Sphinx (The Riddler).
La vraie force de Loeb est d'être parvenu à intégrer tous ces personnages de manière crédible à son récit, tout en développant habilement les liens entre les différents protagonistes. Du Joker, mort de jalousie des crimes de Holiday, à l'Homme Calendrier, copiant Hannibal Lecter, chaque apparition est soignée et contribue à la force du récit. Le climax étant obtenu lors de l'apparition simultanée de Catwoman, Batman, Pile-ou-Face, l'Epouvantail, le Chapelier Fou, le Joker, Poison Ivy et du Pingouin dans une des pièces de la maison du Romain. 

Graphiquement, "Un long Halloween" est tout simplement fascinant ! Une ligne pure, où Batman se détache souvent de l’ombre. Il surgit et disparait en un clin d’œil, marquant sa présence de sa froide puissance. Habituellement, Gotham est la transposition de New-York, cette fois-ci la ville a plus que jamais un faux air de Chicago, livrée à la mafia et corrompue jusqu’au dernier degré.
Sale parvient en effet à instaurer une ambiance de "film noir" au fil des cases. Cases impressionnantes d’ailleurs, autant par la taille que par la composition, jouant sur de grands panels, voire des doubles pages. Les couleurs sont sobres, et jouent sur les contrastes. Les couleurs emblématiques des nombreux "vilains" parsèment les pages de ce polar.
Si certains n’accrochent pas avec l’artiste, pour ma part, je trouve qu'on en prend plein la vue et l’artiste ne cesse d’étonner tout au long des treize chapitres qui composent l’œuvre. Le nombre de détails est impressionnant et Tim Sale sort l’artillerie lourde en ce qui concerne d’abord la taille de ses compositions, avec ses sublimes doubles-pages, ou encore son large panel de couleurs. Jouant sans cesse sur les contrastes de couleur, l’artiste nous éblouit avec des pages très sombres à dominante noire (qui ne font que renforcer l’aspect polar de l’œuvre) tout en n'oubliant pas de placer des couleurs vives dans son récit.
Sale nous livre des planches de la vieille école, dénuées de toute informatisation. Le résultat achève de convaincre du caractère exceptionnel du travail accompli. Offrant une apparence bien à lui à des monstres bien connus tels que le Joker ou Poison Ivy, il livre également une partition des plus convaincantes dans le changement d'atmosphère au gré des fêtes et des circonstances. On saluera également le magnifique travail du coloriste Gregory Wright qui donne un caractère particulier au travail de Sale. L'utilisation de séquences en noir et blanc ne laissant qu'un élément de couleur au cœur de la planche figure dans la liste de ces petits plus indéniables.
En résumé, "Batman, Un Long Halloween" fait partie de ces rares perles qui ont marqué à la fois l’histoire du héros qu’elles abordaient, mais aussi le genre des comics en lui-même. Nous avons là une histoire aux formes de roman policier qui se révèle être intelligente, haletante, émouvante et pessimiste. Loeb s’attache à Gotham, et plus précisément aux liens l’unissant à ses habitants, et notamment à Batman. Il nous montre que la ville semble se dégrader au contact du Chevalier Noir et que la lutte contre le crime de ce dernier peut faire de nombreux ravages, notamment dans son entourage. 
L'histoire passionnante permet à Jeph Loeb de dévoiler tout son talent au lecteur encore sous le charme des magnifiques dessins de Tim Sale. Ne cédant pas aux sirènes de la facilité, le récit n'oublie jamais d'être intelligent et parfois même poignant. "Un long Halloween" figure d'emblée comme une œuvre culte et fondatrice. 
Véritable bible, "Un Long Halloween" reste peut-être l’une des œuvres les plus abouties en la matière et ce n’est pas pour rien qu’aujourd’hui encore, de nombreux artistes s’en inspirent et tentent de reprendre les ingrédients qui ont fait son succès. Une lecture IN-DIS-PEN-SA-BLE !!!

Makoto Yukimura - Vinland Saga : Un manga dur, froid, exacerbé et passionné !!!

Note : 4.25 / 5

Synopsis : 

Depuis qu'Askeladd, un chef de guerre fourbe et sans honneur, a tué son père lorsqu'il était enfant, Thorfinn le suit partout dans le but de se venger. Mais bien qu'il soit devenu un guerrier redoutable, il ne parvient toujours pas à vaincre son ennemi. 
Au fil des ans, enchaînant missions périlleuses et combats afin d'obtenir des duels contre l'homme qu'il hait plus que tout, le gentil Thorfinn est devenu froid et solitaire, prisonnier de son passé et incapable d'aller de l'avant. Jusqu'à ce que la vie le force à regarder le monde différemment. 

Critique : 
"Vinland Saga" est un manga original, qui nous plonge dans un univers plutôt inhabituel pour le genre : celui des vikings. Il fait partie de ces grands récits d’aventures typique du manga. Un seinen tout en puissance où l’intrigue se joue entre luttes de pouvoir, trahison et grosses épées. Nous ne sommes pas dans la poésie et dans la finesse ici. Mais il faut avouer que tout cela est très efficace et les amateurs d’histoire et d’aventure devraient trouver ce qu’il cherche.
L'histoire se déroule à des milliers de kilomètres du Japon puisque "Vinland Saga" raconte les aventures de Thorfinn, un jeune islandais qui rejoint une flotte Viking pour devenir fort et venger la mort de son père. Tout au long du manga, on se tranche la tête, on se coupe les jambes, on se crève les yeux à tout va. Ici, la violence fait partie du quotidien.
Venger son père, Thorfinn ne vit que pour cela. Si ce gamin de 14 ans accompagne Askelaad et sa troupe de mercenaires vikings dans leurs campagnes, c'est uniquement dans l'espoir de pouvoir le tuer. Mais dans cette Angleterre du XIe siècle, mise à sac et pour moitié contrôlée par les Danois, les règles de la tragédie classique n'ont pas cours. Tuer celui qu'on abhorre n'est pas aussi simple qu'il y paraît.
L'intrigue initiale est riche et de nombreux développements intéressants se profilent tout au long des 11 tomes existants. Brutale, palpitante et extrêmement bien documentée (l'auteur, Makoto Yukimura, s'est plongé dans les sagas islandaises et a multiplié les voyages d'études), cette fresque guerrière penche souvent vers le récit initiatique. Entre deux passes d'armes joyeusement gore, les personnages se révèlent, s'interrogent, gagnent en nuances et en densité, à l'exemple d'Askelaad, salaud magnifique et complexe, digne d'un Richard III.
Au deçà du graphisme tout à fait agréable et pour une fois lisible dans les phases de combat, la véritable réussite de "Vinland Saga" tient donc avant tout à la vraie présence de ses personnages principaux et secondaires (et ils sont nombreux). Même si ces derniers répondent aux critères habituels des récits d’aventure historique, ils ne sont pas non plus des pions qui se baladent sans réfléchir. Ainsi, les rythmes de l’histoire se basent sur leurs décisions. Des chapitres entiers peuvent être tendus comme un arc alors que d’autres seront bien plus calmes laissant l’histoire suivre son cours.
Les nombreux focus et flashbacks enrichissent l’ensemble du récit et surtout apportent une profondeur d’âme aux différents protagonistes. De plus, leurs positions sont rarement figées. Les limites, un peu trop manichéenne dans ce genre d’histoire, sont vite gommées par le jeu des rebondissements et des alliances parfois inattendues. 
Cependant, les rebondissements sont tout de même parfois un peu gros, il faut se l'avouer, on sent que le besoin de relancer le récit à de temps en temps amené l’auteur à tirer un peu sur la corde. De plus, les vikings et leurs échelles de valeurs sont assez proches du samouraï, un peu trop proche même pour des occidentaux. Toutefois ces légers défauts n'entachent en rien la qualité de l’œuvre !
Pour poser des bases saines, l'auteur offre un premier volume présentatif, un deuxième pour explorer le passé avant de se lancer enfin dans le grand bain. Entre mythes nordiques, bases de stratégie, découvertes de grands espaces et guerriers légendaires, ce seinen possède des arguments convaincants. Bien plus complexe qu'il n'y paraît, l'addiction apparaît rapidement surtout lorsqu'on connaît le potentiel narratif de Yukimura ! 
"Vinland Saga" a d'ailleurs quelque chose d'éminemment théâtral dans sa mise en scène, son graphisme souvent outrancier et sa façon d'apostropher le lecteur. Assassinats, complots, farce et humour tragique : depuis sa précédente et remarquable série, Planètes, on savait Yukimura grand fan de science-fiction classique ; on le découvre ici amateur éclairé du drame shakespearien.
Assez réaliste et violent, Yukimura ne tombe pas non plus dans ce qu’on reproche, parfois à tord, à ce genre de manga. A savoir, une certaine célébration de la violence. Au contraire, le manga, avec des scènes parfois difficile et sous les traits de son personnage principal, dénonce l’absurdité de la guerre et de la vengeance. 
Point de vue courageux, contradictoire et avouons-le plutôt réussi. Se basant sur un dicton chinois ("si on veut montrer la blancheur d'une chose, il faut l'entourer de suie pour qu'elle nous paraisse encore plus blanche"), le but du mangaka était d'illustrer, non pas la violence, mais le refus de la violence. 
Ce manga est plutôt envoûtant, et ces paysages de grand froid vous happent comme une tempête de neige. Cela donne envie d'en savoir plus et de percer l'écorce de ce jeune héros solitaire et à la beauté sauvage. Méritant une attention particulière, "Vinland Saga" est une petite bombe sur pattes dont on attend énormément après des débuts prometteurs. Un pari assez peu risqué aux vues de premiers volumes flamboyants et à la personnalité d'un mangaka qui arrive à surprendre souvent où il n'est pas attendu.
Au final, "Vinland Saga" est une lecture des plus agréable et bien construite. Un très bon seinen qui se plonge dans une réalité historique parfois cruelle (même très dure dans certains chapitres). Un très bon moment de lecture avec du sang, des tripes, mais aussi des doutes, des larmes, de la poussière, des embruns et du casque à cornes. Bref, tout ce qu’on aime quoi !!! 

Le chant des âmes
                                 de Frédérick Rapilly


Note : 4.25 / 5

Synopsis : 

Le cadavre mutilé d’une jeune femme est découvert en Bretagne, dans la forêt de Brocéliande, quelques jours après la traditionnelle rave-party qui se tenait dans les environs. Les autorités soupçonnent un rituel païen ou satanique, et placent en garde à vue plusieurs suspects.
Alors que les médias se déchaînent, un ex-grand reporter et une photographe mènent une contre-enquête. Rapidement, leur chasse au scoop se transforme en chasse à l’homme. Il apparaît que ce meurtre n’est pas isolé ; en Thaïlande, en Ukraine, aux Canaries, et en Australie, des jeunes femmes sont retrouvées mortes en marge d’évènements similaires. Notre duo de journalistes se lance alors sur les traces d’un tueur en série obsédé par la musique qui choisit ses proies dans la fièvre des festivals électro. 

Critique : 
On dit d'une œuvre réussie (que ce soit un film, un livre, de la musique, ...) qu'elle est capable de vous intéresser à n'importe quel sujet, même un auquel vous seriez de prime abord récalcitrant. Pour tout vous dire, le monde du journalisme ne me passionne pas vraiment et je n'apprécie pas tellement la musique électro. Et pourtant "Le chant des âmes" a réussi l'exploit de me captiver. 
Un thriller qui se passe dans le milieu de la musique techno/électro me semblait peu attractif de prime abord. Pourtant il s'est avéré réellement original. L'enquête nous plonge dans l'univers très spécifique des DJ et des raves parties, et découvrir leurs codes et fonctionnements est très instructif. 
C'est Marc, un ex grand reporter et Katie, une photographe, qui mènent l'enquête et nous font voyager aux quatre coins de la planète. L'un est brisé par la vie et s'interdit d'aimer, l'autre est une fonceuse et va prendre les choses en main. N'oublions pas Jillian, DJ en vogue et élément déclencheur. La course poursuite du techno killer par ces deux journalistes commence à Brocéliande pour se poursuivre entre autres en Thaïlande, en Ukraine, en Pologne ou encore à Bali. Le style est impeccable, l'intrigue est prenante et on ne s'ennuie pas une seconde. La musique techno est omniprésente et certaines pratiques underground font froid dans le dos si elles sont réelles. La motivation du serial Killer est effrayante et, malheureusement, crédible.
Le mystère de ce livre commence dès la première de couverture où sont disséminées des photos des auteurs des éditions Critic. Un clin d’œil qui, dès le début, amuse et intrigue. Ensuite, le récit commence et là quelque chose et certain, Frédérick Rapilly a un don pour transporter son lecteur dans l'histoire. Cela faisait longtemps que je n'avais pas eu cette sensation d'être attirée et fascinée. L'histoire est originale et bien documentée, on sent que l'auteur au demeurant DJ s'y connaît en musique. 
Car si je vous dis que Frédérick Rapilly est à la fois grand reporter et DJ, serez-vous surpris ? Sans doute pas, c'est tout son savoir-faire et sa culture personnelle que l'auteur met en scène dans ce roman. Un livre très musical (on trouve en fin d'ouvrage de quoi se concocter une belle petite play-list, même lorsqu'on n'est pas un fan de techno...), qui nous fait entendre aussi de la pop, du rock, du classique. D'ailleurs, toutes les têtes de chapitres sont assurées, si on peut dire, par Nick Cave et les Bad Seeds, des textes extraits de l'album "Murder Ballads", ce qui vient accroître encore le côté sombre de ce "Chant des âmes". 
La première partie du livre est assez lente, l'enquête de Marc et Katie piétine. Ils font chou blanc un peu partout, même s'ils ont une encolure d'avance sur la gendarmerie. Néanmoins cette partie permet de faire connaissance avec les personnages. En parallèle l'auteur aborde légèrement, par petite touche, l'enfance perturbée de celui dont on se doute qu'il est notre psychopathe. 
Les personnages sont bien campés et pas clichés. A la fois attachant et mystérieux, le personnage principal, Marc Torkan, est à lui seul une énigme. Son accolyte Katie incarne une photographe noire américaine atypique et qui complète le caractère du personnage principal. 
Marc a un passé chargé lui aussi, il a souffert, a voulu se couper de tout. Mais la fibre journalistique reprend le dessus, et c'est l'infernale marche en avant pour LE scoop. Le duo qu'il forme avec Katie, une photographe d'art à la base, qui se trouve embarquée dans ce fait-divers sans avoir eu le temps de dire ouf, est vraiment efficace. Elle a un fichu caractère, ne s'en laisse pas conter et, surtout, réussie à imposer ses idées, c'est assez rafraîchissant !
Puis vient la deuxième partie et quelle claque ! On se fait embringuer par la construction des chapitres judicieusement emmêlés dans le temps, dans les lieux, passant d'un personnage à l'autre. Les paragraphes sont tronçonnés et présentés comme un script : lieu de l'action, date, heure. Le style devient de plus en plus percutant. L'intrigue s'intensifie, l'enquête nous embarque aux quatre coins de la planète, et on ne peut plus lâcher le livre. C'est prodigieusement bon. Quant à la fin, elle serait décevante s'il n'y avait cet incroyable épilogue !
Connaissant lui-même bien le milieu techno, Rapilly nous en propose un portrait certes sans concession, mais qui évite aussi les clichés qui sont souvent véhiculées sur cette musique et ces festivals, souvent organisés dans la clandestinité, voire l'illégalité. Autrement dit, on ne nie pas la présence de drogues ou d'évènements un peu glauques souvent inhérents aux grands rassemblements humains, mais on s'attache aussi à mieux faire comprendre la créativité des artistes technos (parfois hard-core, certes) ainsi que la si étrange et si contagieuse attraction que peut avoir cette musique, cette rythmique, plutôt. 
Le rythme lui aussi est assez musical, avec des mouvements rapides et des mouvements lents, mais on est plus dans un roman noir que véritablement dans un thriller à l'américaine. C'est une enquête minutieuse, hors des sentiers battus, plus qu'une course-poursuite dératée, que nous propose Rapilly, avec une touche d'exotisme, même si les touristes que l'on croise ne vont guère découvrir les cultures locales.
Le style de l'auteur est particulier. Pas dans le sens spécial mais plutôt spécifique. On sent la pâte de l'auteur qui s'est attaché à décrire et à travailler son texte. Il dissémine intelligemment dans le texte des indices sur le dénouement mais également sur le tueur qui se découvre petit à petit dans certains chapitres et que le lecteur peut s'amuser à débusquer. 
Dans son thriller, Rapilly campe une intrigue réaliste et rondement menée, il respecte les codes du thriller et les casse aussi par moments, le tout avec beaucoup de talent. Fréderic Rapilly parvient avec brio à donner vie à ses personnages, leur interactivité fonctionne pleinement et on s’y attache rapidement. La fin est frustrante (dans le bons sens du terme) et appelle une suite, qui est d'ailleurs déjà disponible ("Le chant du diable").
Mais, la véritable qualité de ce roman est qu'il saura vous intéresser même si vous n'y connaissez rien en techno, même si vous ronchonnez en disant que ce n'est pas de la musique, même si vous les considérez encore simplement comme un ramassis de drogués. Alors n'hésitez pas à entrer dans la danse et à vous laisser hypnotiser par ce thriller assez particulier. 
Jusqu'au bout du roman, jusqu'à la terrible révélation finale, impossible de décrocher. Et même une fois la dernière page tournée, fiévreux, la gueule de bois, le cœur battant la chamade, vous ne pourrez vous sortir de la tête les dernières notes du "Chant des Âmes" !!!

Le vent des Khazars : Un roman de Marek Halter adapté avec brio par Pierre Makyo !!!

Note : 4 / 5

Synopsis : 

Au milieu du Xème siècle, un peuple a choisi contre vents et marées d'adopter la foi judaïque. Il est entouré de l'influence et de la puissance des pays catholiques et musulmans voisins, établi dans les montagnes entre mer noire et mer Caspienne. Sa réputation traverse le continent pour atteindre le rabbin de Cordoue. Il se dit que ce peuple peut vivre sa foi sans contrainte, sans devoir monnayer son existence, sans subir ni joug, ni domination d'aucune sorte. Le rabbin décide alors d'envoyer Isaac Ben Eliezer à la rencontre du Khagan des Khazars, le très respecté leader de ce peuple libre et fier, pour lui porter un message de la plus haute importance.
Plus de 1000 ans après ces évènements, Marc Sofer, un écrivain à succès en mal d'inspiration, reçoit la visite d'un juif qui cherche à fuir la Géorgie, et lui demande son soutien pour pouvoir séjourner en France ou en Europe. Pour attester de sa bonne foi et pour convaincre l'écrivain, le mystérieux visiteur lui laisse une pièce de monnaie récupérée dans une grotte secrète au cœur de sa Géorgie natale. Une grotte inconnue des hommes, dans laquelle son propre père aurait découvert une synagogue et une bibliothèque pleine de livres anciens. Il fixe rendez-vous à Sofer trois jours plus tard. Ce laps de temps laisse à l'écrivain le temps de faire expertiser la mystérieuse pièce de monnaie. Celle-ci révèle alors son extraordinaire origine. 

Critique : 
Cet album nous entraîne donc sur les traces d’une civilisation juive méconnue, les Khazars ! L’histoire débute en 939 et nous montre la princesse Attex et son frère Joseph qui se font attaquer par une peuplade rivale. Nous revenons en 2000, Marc Sofer, un écrivain célèbre, participe à une conférence de presse. Ephraïm Yakubov le contacte pour lui demander des papiers afin de rentrer chez lui.  
Un récit en deux phases, avec de nombreux aller-retour passé-présent, qui nous montre que les deux périodes son liées. On pourra ainsi suivre l’enquête de Marc et découvrir les intrigues de palais avec la belle princesse Attex et son frère, le roi des Khazars. 
Pierre Makyo nous fait partager un scénario très intéressant en nous faisant voyager sans cesse entre une enquête réalisée de nos jours et l'époque lointaine des Khazars, d'abord musulmane, puis reconvertis au judaïsme, grâce à un récit fluide et mené de mains de maître. Toute l'expérience de Pierre Makyo est perceptible dans cet album qui, à aucun moment, ne donne le sentiment d'un effort d'adaptation pour passer du roman de Marek Halter au récit en BD.
L'alternance répétée entre les deux époques (les années 955 et 2000) est fluide et bien rythmée, les dialogues sont efficaces et pas trop nombreux. Cela aboutit à un album qui se lit sans effort. L'intérêt pour l'histoire du peuple Khazar, plutôt méconnue, est par ailleurs réel, lorsqu'il enrichit une intrigue aux facettes multiples.
Les dessins de Federico Nardo et les couleurs d'Antoine Quaresma nous plongent dans l'aventure d'une manière quasi cinématographique. Les "prises de vues" sont soignées et les costumes et décors précis et travaillés. Nardo livre une partition impeccable dans un style réaliste fouillé et nerveux. Il bénéficie d'une colorisation réussie de Quaresma. Dans une mise en scène efficace qui ne nécessite aucun texte d'explication, l'histoire progresse avec régularité, après seulement quelques pages de mise en place. 
A la fin de ce premier tome, le suspense est total. On se trouve réellement au cœur d'un roman destiné au grand-public. Et gageons qu'il faudra à nouveau 72 pages pour que le tome 2 (à venir) conclue cette épopée sans trop de précipitation. Un bel album qui annonce donc une suite et fin des plus intéressantes !!!

Kyle Higgins et Eddy Barrows - Nightwing, Pièges et Trapèzes : Une excellente surprise, indispensable pour les lecteurs de la saga "Batman, La cour des Hiboux" !!!

Note : 4 / 5

Synopsis : 

Dick Grayson a été Robin par le passé, puis Nightwing. Lors de la disparition de Bruce Wayne, il a enfilé le costume de Batman pendant toute une année. Au retour du milliardaire, Dick a enfin repris sa liberté et surveille Gotham dans son costume de Nightwing.
Ces derniers temps, des crimes sont produits par divers désaxés. Le super héros n'hésite pas à intervenir. Une fois sa tâche effectuée, Dick se rend dans un coin très précis de la ville, où le cirque Haly a déplié son chapiteau. S'il l'observe, c'est tout simplement parce qu'il s'agit du cirque dans lequel il a grandi et dans lequel ses parents sont morts. 
Après plusieurs jours d'hésitation, Dick franchit le pas et salue ses anciens amis. L'accueil est chaleureux et le plaisir de revoir la belle Raya immense. En partant, Dick est agressé par un homme masqué et particulièrement agile. Ce dernier parvient à s'enfuir mais pour Nightwing, ce n'est que le début d'une nouvelle enquête. 

Critique : 
Alors que la France entière attend la suite de "Batman : La Cour des Hiboux", il est temps de retourner à Gotham. C’est à l’oiseau de nuit d’entrer en scène. Avec le relaunch DC (Renaissance ou The New 52 en version originale, remise à zéro des cinquante-deux séries de l’univers DC proposant notamment une nouvelle porte d’entrée à tous les néophytes) et la pétarade de sorties chez Urban Comics, nous retrouvons Dick Grayson sous le costume de Nightwing après avoir endossé les collants, ou plutôt les tenues, de Robin et même de Batman, plus récemment, suite au départ imprévu de ce dernier. L’histoire se déroule en parallèle du génial Batman de Capullo et Snyder, vous vous en doutez donc qu’il va y avoir du Hibou au menu !
Ce premier Tome de "Nightwing", entièrement écrit par Kyle Higgins et dessiné par Eddy Barrows, Eduardo Pansica, Gerald Borges et Trevor McCarthy contient les sept premiers numéros de "Nightwing". L'auteur offre une magnifique leçon de rattrapage aux nouveaux lecteurs en revisitant le passé de Dick Grayson, suite à la visite d'un cirque en ville et pas n'importe lequel, puisqu'il s'agit de celui où il a grandi et où il a perdu ses parents. 
La narration est assez agréable et empreinte des tonalités assez sombres. Il faut dire que très vite le héros est pris pour cible par un agresseur masqué et dont la force et la violence sont pour le moins extrêmes. Higgins inclue aussi pas mal d'action, une love story et des caméos aux événements de l'univers. 
L’objectif est ici de poser le personnage de Dick. Ainsi c’est avec le retour du Cirque Haly à Gotham que tout se construit. Les souvenirs resurgissent laissant Dick confus (il n’est jamais retourné au cirque) alors qu’un nouvel adversaire fait son apparition à Gotham. Il se nomme Saïko et souhaite la mort de Dick Grayson, le qualifiant de meurtrier.
Ce retour en arrière permet non seulement aux néophytes de découvrir l’histoire de ce héros, mais permet surtout à Kyle Higgins de donner un peu plus de profondeur au personnage. L’apparition de Saïko, et un team-up avec Barbara "Batgirl" Gordon, permet également au scénariste de proposer une intrigue bien construite, parsemé d’action et de suspense. Mais, le plus intéressant est, sans aucun doute, le secret à la base de ce tome, dont la réponse se situe au cœur du cirque, et qui finit par lier ce récit à l’excellente histoire racontée par Scott Snyder dans "Batman : La Cour des Hiboux". Ces liens qui se tissent progressivement entre ces deux sagas s’annoncent donc très prometteurs pour la suite de cette série. 
Les dernières parties du numéro sont, pour moi, les plus intéressantes. Le rythme s’accélère, l’arc prend fin efficacement et l’affrontement tant attendu a lieu. Le secret que Dick découvre lui fait froid dans le dos. Bref, le scénariste fait un très bon travail et s'appuie sur des dessinateurs aux devenirs certains. Eddy Barrows assure la quasi-intégralité des épisodes et se débrouille bien mieux encore que sur la couverture. 
Le dessin est très réussi, c’est du haut niveau, ce genre de licence est un régal pour les yeux. D’autant plus quand le scénario est en accord. Le design est différent de celui de Capullo, c’est ici beaucoup plus lisse, moins crayonné, l’ambiance est moins malsaine mais non moins sombre. C’est différent et c’est voulu. Visuellement donc, le travail d’Eddy Barrows (surtout) est splendide, avec des scènes d’action et des acrobaties qui en mettent plein la vue.
Pour conclure, "Nightwing" est un titre nécessaire. Quant à la compréhension du personnage, le secret qui tourne autour du Cirque Haly est très bien trouvé, le rythme de l’histoire est plutôt dynamique, on lit très facilement et on retrouve des planches plutôt belles et bien colorées. La suite du titre promet de belles choses, à suivre dans le Tome 2 ! L’édition que nous propose Urban Comics est quasi un sans-faute, un petit problème de numérotation est présent (page 89) mais aucune page n’est manquante. 
Je ne peux que vous conseiller ce "Nightwing : Pièges et trapèzes". Ce n’est pas parfait mais c’est excellent, il serait dommage de passer à côté. Et même si les dernières pages de cette lecture rendront votre attente du prochain Batman encore plus insoutenable, cela reste un régal. Ce personnage est classe à souhait et apporte certaines choses que Batman ne peut pas apporter. C’est comme un élan de fraîcheur à Gotham et c’est bon.
Au final, sans figurer parmi les indispensables du genre, "Nightwing" se lance avec un premier album ciselé et qui plaira sûrement aux fans du "Batman" de Snyder !!!

La formule de Dieu
                             de José Rodrigues Dos Santos


Note : 3 / 5

Synopsis : 

Printemps 1951, deux espions de la CIA épient une rencontre de la plus haute importance entre David Ben Gourion, "premier" Premier Ministre de l'État d'Israël, et Albert Einstein. L'objet de leur discussion : l'obtention de l'arme nucléaire par le jeune état juif et l'existence de Dieu.
Cinquante ans plus tard, Tomas Noronha, expert en cryptologie, est appelé au Caire par une mystérieuse jeune femme. Sa mission : déchiffrer un cryptogramme caché dans un document détenu par le gouvernement de Téhéran. Un manuscrit écrit de la main d'Albert Einstein dont le contenu pourrait bousculer l'ordre mondial.
Tomas Noronha devient alors un agent double censé collaborer avec les Iraniens pour informer l'Occident. Mais au cours de son enquête, il découvre que le fameux manuscrit contient beaucoup plus de choses que ne l'espéraient ses différents commanditaires. Il serait tout simplement la preuve scientifique de l'existence de Dieu. 

Critique : 
Pour beaucoup d'entre nous, Dieu est mystère mais pour d'autres son existence peut être prouvée scientifiquement. Tel est en quelques mots le sujet de "La formule de Dieu" du reporter et journaliste vedette portugais José Rodrigues dos Santos. Ce livre à suspens à mi-chemin entre spiritualité et science, qui s'est déjà vendu à deux millions d'exemplaires, mêle, plus ou moins, habilement un manuscrit d'Einstein, la CIA et une enquête dans le monde entier.
Avec cette "Formule de Dieu", nous sommes en présence de ce que les anglo-saxons nomment un "pageturner novel". Entendez un livre qu’on ne lâche qu’à la fin. A ce petit jeu, José Rodrigues dos Santos ne semble pas le plus manchot à première vue. Il faut dire, aussi, que son sujet est des plus ambitieux. Il y compose une enquête à cheval sur trois continents et y défend un postulat impossible : prouver l’existence de Dieu grâce à une formule. 
Son héros, Tomàs Noronha, s’y trouve "forcé" de décrypter un document sensible, manuscrit apocryphe d’Albert Einstein appelé à bouleverser le statu quo établi pour la paix des contrées entre physique, espace/temps et religion. De là, l'auteur cherche, assez maladroitement à mon sens, à imbriquer rebondissements et retournements de situations propres à écheveler l’amateur d’énigmes ! Sur une trame ardue, voire rédhibitoire, l’auteur vulgarise les données, et remplit finalement le contrat que se devrait d’honorer tout créateur d’histoires : élever son public. 
Attention toutefois ! Pas question ici de prouver l’existence d’un Dieu anthropomorphe, pourvoyeur de morale, colérique et grand censeur. Ici, c’est du Dieu de Spinoza dont il s'agit, du Dieu qui correspond à la Nature, à l’univers et aux forces qui le gouvernent. "La Formule de Dieu" n’a rien d’un thriller ésotérique. 
Le roman commence très bien. Les premiers chapitres du livre font presque croire que nous sommes en présence d'un véritable roman d’espionnage : très vite, le pauvre Tomas Noronha est pris dans des conflits qui le dépassent, et on retrouve la classique figure de l’agneau convoité par trop de loups. Très vite aussi, l’enjeu scientifique et métaphysique se met en place. Les développements autour du manuscrit d’Einstein sont assez passionnants, et les personnages se transforment en vulgarisateurs. C’est parfois un peu poussif, mais nécessaire et surtout relativement très intéressant. 
Sur ce point d'ailleurs, c'est une très bonne et très ambitieuse vulgarisation scientifique que nous livre José Rodrigues Dos Santos. De la théorie de la relativité à celle de l'indétermination quantique en passant par la théorie du chaos et à celle des cordes (pour cette dernière, on reste un peu sur sa faim cependant, a fortiori lorsque l'on a lu "La théorie des cordes" de José Carlos Somoza) sans parler des paradoxes autoréférentiels et des philosophies orientales, le roman se caractérise par un savoir universel, une grande clarté d'exposition et une volonté de cohésion aboutissant à la proposition d'un univers cyclique. Même si le sujet est ardu, l'auteur le rend assez passionnant !
Toutefois, il reste des tas de maladresses dans ce livre, des passages qui utilisent un peu trop clairement les ficelles des best-sellers, ou dans lesquels les personnages sont un peu maladroitement peints. La partie proprement romanesque ne suit pas, l'écriture, durant ces passages, n'étant pas vraiment éblouissante. L'intrigue est assez peu crédible et, surtout, trop téléphonée : les méchants Iraniens qui prennent le manuscrit où Einstein n'apporte rien moins que "la preuve scientifique de l'existence de Dieu" pour la formule d'une bombe facile à réaliser et pas trop chère !
 Quant aux protagonistes, jeunes beaux et amoureux comme il se doit, ils se tirent des griffes de leurs opposants avec des ruses dérisoires. Décryptage et décodage des formules initiales et finales, ce qui était le grand suspens de l'ouvrage, sont, quant à eux, à la limite du ridicule ! C'est le danger de ce genre d'ouvrage : l'auteur n'aurait pas pu faire passer son savoir et ses théories auprès d'un grand public sans utiliser le romanesque, mais le romanesque est faible.
Ceci étant, "La formule de Dieu" reste assez passionnant et stimulant, et contient pas mal d’idées géniales. Il en reste tout de même un énorme travail de grande qualité, une somme d'informations bien plus palpitantes que celles portant sur les ébats de Jésus et Marie Madeleine !
Au final, "La formule de Dieu" reste un bon divertissement, même si certains passages sont assez ardus. Pour les novices, il permet de découvrir les avancées majeures faites dans le monde des mathématiques et de la physique. La théorie développée dans ce livre est vraiment bien trouvée au détriment des personnes qui ne sont pas du tout développés et d'une conclusion décevante. Ce n'est pas de la grande littérature, mais ce n'est pas ce que l'on vient chercher dans un tel ouvrage !!!

Lee Bermejo - Batman, Noël : L'étrange noël de Mr. Bruce "Batman" Wayne !!!

Note : 4.25 / 5

Synopsis : 

C'est la nuit de Noël et la neige tombe sur Gotham. Sur les toits, une ombre court et saute d'immeuble en immeuble. Il s'agit bien sûr de Batman.
Il observe les faits et gestes de Bob, un petit malfrat qui livre des marchandises pour un plus gros poisson : le Joker. Selon les consignes qui lui ont été donné, l'homme de main dépose un paquet dans une vieille boutique et récupère celui du Joker. A peine a-t-il fait quelques mètres, que le Chevalier Noir sort de sa cache et attrape le livreur.
Batman lui réclame des informations, mais il comprend que Bob est juste un intermédiaire dont les choix de vie ont toujours été mauvais. Il le laisse partir en lui greffant un mouchard sur ses vêtements. De retour à la Batcave, le Chevalier Noir apprend qu'une autre de ses connaissances sème le trouble dans les ruelles de Gotham. 
Dans la nuit de Noël, Batman pourchasse donc son pire ennemi. Mais à mesure que son enquête progresse, le Chevalier Noir s'interroge sur ses motivations de super héros. Un Dark Knight version Dickens particulièrement savoureux. 

Critique : 
La période de Noël a inspiré des centaines de contes différents. Charles Dickens a notamment écrit "A Christmas Carol", mettant en scène Scrooge. Ce personnage patibulaire, égoïste, avare et misanthrope connaîtra un jour de Noël qui le changera à jamais. Lee Bermejo a eu la riche idée de croiser sa plume avec celle de Dickens, pour un nouvel opus plus que réussi de Batman, chez Urban Comics, "Batman, Noël".
Sorti en novembre 2011 aux USA, ce roman graphique est l’œuvre de Lee Bermejo. Cet artiste, dont la critique et les afficionados ne cessent de vanter les qualités depuis moult années, a déjà magnifié Gotham et son héros dans "Joker" (dont j'avais déjà réalisé une chronique) ou "Batman Deathblow". L'auteur se la joue solo pour revisiter le classique de Charles Dickens : "Chant de Noël". Cette célèbre histoire met en scène Ebenerez Scrooge, un vieillard avare et égoïste qui, en recevant la visite de trois fantômes, va changer sa façon de concevoir les choses. Lee Bermejo manipule ce postulat et place les figures marquantes de Gotham en lieu et place des protagonistes du conte. 
Dans ce graphic novel, Lee Bermejo a donc pris le pari risqué d'adapter complètement le récit de Dickens dans l'univers du Chevalier Noir. Il décide de garder l'esprit original de l'oeuvre et de faire que son graphic novel ressemble autant à un comics qu'à un véritable conte illustré.
Et autant être clair d'emblée, le pari est remporté haut la main ! Non seulement la trame est là, mais beaucoup de petits évènements présents ici sont directement tirés du conte original, transposés à Gotham City dans des "rôles" interprétés par des personnages parmi les plus connus de l'univers de Batman. Pour garder cet esprit de conte de noël, il se targue même d'un narrateur racontant l'histoire, non pas au lecteur, mais a sa progéniture, donnant ainsi une mise en abîmes assez ironique.
La séquence d'introduction de l'album bénéficie d'une narration très prenante et d'un découpage mettant en avant l'immense talent de l'artiste. Bien mené, le récit parvient à mêler les aspects propres à Dickens à ceux du Bat-universe. 
Le reste du scénario persévère dans cette lignée d'astucieuses adaptations, de transfiguration du super-héros en protagoniste de conte, de dialogues bien tournés avec son lot de répliques pas loin de devenir mémorables. On appréciera d'ailleurs le choix du "casting", que ce soit pour les trois fantômes de noël ou les personnages secondaires présents, rien n'est fait au hasard. Le choix du fantôme qui initie la quête spirituelle de notre héros est aussi très bien pensé et ne manquera pas de nous remémorer quelques souvenirs. Du début à la fin, Bermejo montre un certain talent pour l'écriture qui n'est pas sans rappeler l'ingéniosité percutante d'un Garth Ennis ou la finesse d'un Grant Morrison. 
Cependant, au-delà de la trame scénaristique, l'efficacité de l'histoire s'appuie surtout sur un visuel exceptionnel. Bermejo offre des planches sublimes où le jeu d'ombres se montre hallucinant de réalisme. Ses personnages sont charismatiques, sa version de Catwoman tend même vers celle d'Adam Hughes. 
Coté mise en page et illustrations, Bermejo se surpasse et offre un véritable régal pour les yeux. Un souci du détail, une mise en scène admirable, une structure efficace parfois osée, un trait précis, et une impression d'Art qui vient se poser sur la majorité des planches de cet album. L'ensemble ici est homogène sans être uniforme pour autant. L'atmosphère entre les diverses parties du récit se transmet via quelques petits détails, parfois insignifiant, et pourtant rien ne passe vraiment inaperçu.
A travers les dessins, la mise en scène prend forme, tantôt pur comics, tantôt simple conte, avec quelques envolées d'actions et quelques planche plus "contemplatives" qui nous laissent apprécier la magie de ce conte de noël pas comme les autres. La colorisation de Barbara Ciardo, quant à elle, vient parfaire l'ensemble en ne gâchant aucunement le travail de l'artiste. D'ailleurs, en fin d'album, vous pourrez voir quelques croquis que l'on qualifiera d'impressionnants.
Au final, cette histoire de Batman en forme de conte sombre de Noël est excellente. Le graphisme de Lee Bermejo est toujours impeccable, les plans sont cinématographiques à souhait, les ambiances sont parfaites, dramatiques et théâtrales. Superposer ce conte classique et l’univers du chevalier noir était une idée audacieuse. Mais le pari est payant. On se régale de bout en bout. Qui a dit que les grands n’aimaient pas qu’on leur raconte des histoires ? Quand elles sont aussi bonnes que celle-là, moi, j’adore !
"Batman Noël" n'est certes pas le combat le plus épique qu'ait livré le Dark Knight dans son histoire, mais la maîtrise et la qualité de l'ensemble font de ce graphic novel une oeuvre d'exception !!!

Enfants de poussière
                                     de Craig Johnson


Note : 4 / 5


Synopsis : 

Le comté d'Absaroka, dans le Wyoming, est le comté le moins peuplé de l’État le moins peuplé d'Amérique. Aussi, y découvrir en bordure de route le corps d'une jeune Asiatique étranglée est-il plutôt déconcertant. Le coupable paraît pourtant tout désigné quand on trouve, à proximité des lieux du crime, un colosse indien frappé de mutisme en possession du sac à main de la jeune femme. 
Mais le shérif Walt Longmire n'est pas du genre à boucler son enquête à la va-vite. D'autant que le sac de la victime recèle une autre surprise : une vieille photo de Walt prise quarante ans plus tôt, et qui le renvoie à sa première affaire alors qu'il était enquêteur chez les marines, en pleine guerre du Vietnam.
Enfants de poussière entremêle passé et présent au gré de deux enquêtes aux échos inattendus. Ce nouveau volet des aventures du shérif Longmire et de son ami de toujours l'Indien Henry Standing Bear, nous entraîne à un rythme haletant des boîtes de nuit de Saïgon aux villes fantômes du Wyoming.

Critique :
Craig Johnson a été policier et pêcheur professionnel avant de s'installer dans un ranch bucolique, au cœur du Wyoming, lieu même où se déroule l'intrigue de son "Enfants de poussière". Johnson part de faits de société souvent peu connus pour élaborer une intrigue qui se tient. Grâce à une écriture concise, efficace, qui a l'art du petit détail précis, sans préambules ni digressions inutiles, on se retrouve très vite au cœur d'un sujet costaud, ici le passé des vétérans de la guerre du Vietnam, via le shérif Longmire.
Après les excellents "Little Bird", " Le camp des morts" et  "L'indien blanc", c'est avec plaisir que l'on retrouve dans une nouvelle enquête le désormais célèbre shérif et son entourage. Rapidement, des éléments de l'enquête obligent le toujours aussi sympathique shérif à se replonger dans son moins sympathique passé.
Johnson, encore une fois, nous surprend par sa capacité à constamment se renouveler. Si le style est désormais familier et tout à fait identifiable, il n'en reste pas moins que chacun des épisodes de la série "Longmire" a une identité propre et des sujets variés. Je ne sais pas si cette aventure est la plus ambitieuse comme le stipule la quatrième de couverture. Je trouve que les deux intrigues qui s'entrecroisent sont assez simples. Johnson nous ayant habitués à des scénarios souvent beaucoup plus complexes et par cela des meurtriers moins décelables. Par contre, comme à son habitude, il nous emmène sur des sentiers inattendus.
Le premier personnage de son nouveau polar, retrouvé au bord d'une autoroute, est un cadavre. Celui d'une jeune Vietnamienne auprès de laquelle rôde un marginal, un Indien étrangement mutique tout désigné pour être le coupable. Mais le shérif Walt Longmire n'est pas homme à se laisser abuser et il mènera une longue enquête qui, à cause d'une photo jaunie découverte dans la doublure du sac de la victime, le conduira peu à peu vers son propre passé, quatre décennies plus tôt, quand il débarqua dans l'enfer de la guerre du Vietnam. Alternant les époques et les énigmes, Johnson signe un thriller remarquable, dans un Wyoming rempli de revenants.
Le récit alterné nous fait découvrir deux aspects de l’Amérique que nous ne connaissons pas forcément très bien : la rurale d’aujourd’hui, bien loin des villes modernes où il est très compliqué d’avoir une connexion wifi ou un réseau de téléphone portable et celle de Vietnam qui a laissé une trace profonde dans les esprits des deux camps.
Comme toujours, Craig Johnson s'arme d'une documentation très fournie pour rendre l'ambiance et les décors les plus réalistes possible. Sans faire l'apologie de la guerre, loin s'en faut, il est bien renseigné sur tout ce qui est armes et moyens logistiques afin de nous transporter dans l'environnement de la base aérienne américaine de Tan Son Nhut. Quant à son style, très reconnaissable comme je le disais plus haut, il s'enrichit d'une nouvelle gamme narrative très bien maîtrisée : l'ellipse. Les flashbacks arrivent à point nommé, les allers-retours passé-présent répondent à une belle retranscription de l'esprit humain et des associations d'idées qu'il peut faire selon les circonstances. 
Tout est suggéré en peu de mots, les dialogues sont brefs et rapides, et le rythme d'ensemble est mené savamment crescendo. Un polar, certes, mais qui dérange. Johnson est un décrypteur, un analyste de la société et de ses ombres. Policiers, psychologiques, sociologiques, ses livres sont à la fois des témoignages, des dénonciations et un regard "autre", dans lequel la pire violence n'est pas forcément celle du crime, mais celle que nous impose toute civilisation qui sacrifie ses plus faibles. Et c'est la voix de ceux-là que Johnson nous donne à entendre, celle des sans-grades, des oubliés et des victimes de mafieux sur lesquels la très honorable société ferme plus ou moins les yeux.
Craig Johnson
En plus de nous donner à voir avec réalisme certains aspects de la guerre du Vietnam, l'auteur nous régale en décrivant son Wyoming d'adoption et en faisant vivre ses personnages. Aux protagonistes principaux que l'on retrouve avec plaisir (en plus de Walt, citons Henry Standing Bear, le meilleur ami du shérif, Vic, sa séduisante adjointe et Saizarbitoria, son autre bras droit), il faut ajouter des personnages secondaires réussis et pas délaissés pour un sou. Certains ne manquent pas de piquant, comme ces deux vieux frères célibataires dont l'un est persuadé que leur mère, morte depuis un quart de siècle, lui prépare encore son café du matin. Comme dans les autres opus de la série, l'humour occupe une belle place, aussi bien dans les situations que dans les dialogues et les pensées de Walt. 
Au final, il n'y a donc rien à redire à ce nouveau volet. Les petites faiblesses de l'intrigue policière à proprement parlé étant largement compensées par le toujours et même dynamisme stylistique et par encore tout ce qu'on peut apprendre de notre shérif préféré et de son entourage. S'il ne s'agit peut-être pas du meilleur livre écrit par Craig Johnson à ce jour, "Enfants de poussière" n'en demeure pas moins un très bon roman. Un bien agréable moment de lecture passé avec Walt, Henry, Vic et les autres dans les sublimes paysages du Wyoming !!!

Luis et Romulo Royo - Malefic Time Apocalypse : Une œuvre pluridisciplinaire, originale et ambitieuse, qui mérite vraiment le détour !!!

Note : 4.5 / 5


Synopsis :
En 2038, la ville de New York n'est plus que l'ombre d'elle-même. L'apocalypse l'a ravagée. La métropole est totalement vidée de ses habitants et des créatures étranges hantent désormais les lieux. 
Une secte s'implante dans ce décor en ruine. "Les Treize Ombres", telle qu'elle se nomme, surveillent un entrepôt désaffecté et s'apprêtent à une lutte acharnée contre ces monstres. Baal rend visite à Luz, son élève. Afin d'être prêt au combat, il lui confie une épée, mais pas n'importe laquelle. Il s'agit de Malefic, une lame qui traverse l'histoire et fait régulièrement couler le sang. Pour Luz, Malefic est le prétexte rêvé pour enfin venger sa compagne.

Critique :
Les fans de l'artiste espagnol Luis Royo attendaient avec impatience ce projet débuté en 1994. "Malefic Time" a dévoilé quelques-unes de ses planches dans l'artbook "Malefic". A l'instar de "Dead moon", Luis Royo narre une histoire qu'il illustre aussi. Si cet exercice n'en fait pas une bande dessinée à proprement parler, les amateurs d'heroic-fantasy et de beaux dessins apprécieront bien évidemment cet univers post-apocalyptique.
L’Apocalypse selon les Royo est humide, glacial et peuplé de créatures sorties d’une parade gothique. Le Manhattan de l’année 2038 est devenu le champ de bataille d’un conflit opposant des forces ésotériques supérieures. Après avoir planté ce décor, le récit du roman graphique s’attarde sur le personnage de Luz, une goth mélancolique et dangereuse qui, en raison de ses origines mystérieuses, sera appelée à jouer un rôle qui la dépasse. Elle est accompagnée de Soum, membre d’une secte occulte nippone, envoyée en mission dans ce New York ravagé, et d’un geek vaguement emo, Allen.
Impossible de faire autrement que de baver devant les magnifiques illustrations. Du visuel de couverture à la dernière page, tout n'est que sensualité et beauté sombre jusque dans les moindres détails. Devenu incontournable depuis "Dead moon", Luis Royo nous offre un album riche, à mi-chemin entre le néogothique et la Dark Fantasy, d'une complexité fascinante, qui nous entraîne dans un monde post-apocalyptique, brutal, sans concession, mais passionnant. L'artbook lui-même est une pépite, accompagné d'un DVD très intéressant qui propose quelques suppléments non négligeables.
Si la narration n’est pas un modèle de fluidité, les textes de Romulo Royo semblant davantage destinés à contextualiser les superbes illustrations de son père Luis, le récit se révèle plus maîtrisé que sur "Dead moon" et conserve de petites zones d'ombre sur ce qui se passera dans les deux autres volets prévus. L’intérêt de l’ouvrage réside cependant surtout dans ses illustrations. 
Essentiellement des huiles et acryliques sur papier, les peintures de Luis Royo sont splendides. L’artiste a eu la bonne idée de lever le pied à la fois sur l’aérographe et sur l’usage des couleurs, pour livrer des tableaux sobres, quasi monochromatiques, dans des tons gris ou sépia, relevés parfois d’une touche de rouge ou de bleu. Avec un sens aigu de la lumière (voir par exemple le vol épique des "anges" dans la cathédrale St. Patrick), Luis Royo retranscrit magnifiquement l’atmosphère de solitude et de désolation qui règne dans l’univers gothique et post-apocalyptique de "Malefic Time".
L’artiste offre de sublimes vues de son Manhattan déchu : des gratte-ciel rongés par l’humidité, des rues désertes dévorées par la brume, des carcasses de voitures abandonnées, des rames de métro désaffectées… Certaines illustrations s’étalent sur des doubles-pages à couper le souffle qui invitent le lecteur à promener longuement son regard pour s’y immerger pleinement. Quant aux femmes, sujet de prédilection de Luis Royo, elles sont, sous l’ahurissante finesse du trait de l’artiste, plus éthérées et plus gracieuses que jamais.
Ainsi visuellement, il semble inutile de dire que Luis Royo atteint un niveau de finition assez hallucinant. D'une beauté incroyable, ses personnages sont fins et possèdent un aspect sensuel indéniable. Luis Royo partage chaque étape créatrice avec Romulo Royo, son fils, aux dessins et au scénario. On peut donc dire que les Royo délivrent ici une saga pleine de promesses.
Le livre est accompagné d’un DVD offrant de nombreux bonus : une sorte de making-off, des scènes coupées, un commentaire de l’œuvre, un musée virtuel ainsi que cinq titres composés et interprétés par le groupe de métal mélo-progressif espagnol, Avalanch, sur le thème de "Malefic Time". Tout ceci afin de prolonger et d’approfondir l’expérience.
De la couverture jusqu’à la quatrième de couverture cet album est une véritable réussite dont il nous tarde de voir la suite. En bref, une réussite de par son contenu mais également grâce à l'édition très soignée de Milady Graphics qui nous balance, pour cette fin d'année, une véritable bombe à ne surtout pas manquer !!! 

Baltimore
            de David Simon


Note : 4 / 5


Synopsis : 

Baltimore, fin du siècle dernier. Une des villes au taux de criminalité le plus élevé des États-Unis. Journaliste au Baltimore Sun, David Simon a suivi pendant un an, jour après jour, les inspecteurs de l’unité des homicides de la ville. 
Depuis le premier coup de fil annonçant un meurtre jusqu’au classement du dossier, David Simon était là, inlassablement, derrière l’épaule des enquêteurs, sur les scènes de crime, dans les salles d’interrogatoire, au service des urgences. Durant de longues heures, il a partagé jour et nuit leur quotidien dans les rues de la ville, aux marges de la société. 
Des tensions raciales aux circuits de la drogue, en passant par les décisions politiques, judiciaires et administratives, parfois aberrantes, David Simon passe en revue chacun des aspects du crime à Baltimore. De ce document exceptionnel naîtra, quelques années plus tard, la série "Sur écoute" ("The Wire" en anglais), aujourd’hui légendaire, que David Simon a écrite en collaboration avec George Pelecanos, Richard Price et Dennis Lehane.

Critique :
David Simon est en particulier connu pour ses apports au monde de la télévision avec de nombreuses séries à son actif en tant que scénariste et producteur : "Homicide", "The Corner", "The Wire" et "Treme". Avant de se lancer au petit écran, David Simon a passé 12 ans en tant que journaliste au Baltimore Sun.
En 1988, il convainc la police de Baltimore de le laisser suivre pendant un an complet les inspecteurs de la Criminelle. Il en résulte "Baltimore", sorti au États-Unis en 1991. Plus tard, cette expérience donnera lieu à la série "Homicide". Par la suite il passera deux ans dans les rues de Baltimore au cœur du trafic de drogue à ciel ouvert qu'il décrit dans le livre "The Corner" adaptée elle aussi en mini-série télévisée.
Ces deux livres et sa rencontre avec l'ex-inspecteur devenu professeur Ed Burn ont formé le matériau nécessaire pour réaliser la série devenue culte "The Wire" ("Sur écoute"), qui traite de façon admirable sur cinq saisons les sujets suivants : les dessous du marché de la drogue de Baltimore, l'impuissance de la police, l'influence de la politique, la faillite du système éducatif et le rôle des médias.
Fresque sur le trafic de drogue à Baltimore alternant les points de vue des policiers, des divers échelons de trafiquants, des consommateurs mais aussi des hommes politiques, des journalistes, des enseignants ou encore des dockers, "The Wire", avec l'aide de coscénaristes aussi prestigieux que Richard Price, George Pelecanos ou Dennis Lehane, est un fascinant tableau d'ensemble qui vient clore des années de travail pour David Simon.
Mais revenons au livre, que les éditions Sonatine ont décidé de publier en octobre 2012 au titre de "Baltimore, une année dans les rues meurtrières". Le 1er janvier 1988, David Simon, 27 ans, a enlevé sa boucle d'oreille. La veille, il s'était coupé les cheveux et avait acheté une veste. Ce matin-là, il est entré à la brigade criminelle de Baltimore (Maryland) en qualité de stagiaire. Une couverture exceptionnelle accordée au jeune journaliste par le chef de la police pour une raison qui demeure encore mystérieuse à l'intéressé.
Il en résultera une œuvre imposante, tant par son aspect (937 pages pour un bon kilogramme) que par son contenu. Ce livre-enquête nous laisse à voir bien plus que le quotidien de flics chargés d'enquêter sur les quelques 234 Homicides commis à Baltimore en 1988.
Simon nous parle bien sûr des enquêteurs. De leur opiniâtreté, de leurs grandes gueules ou de leur professionnalisme, mais aussi du fond de racisme dans les services qui tend à remonter parfois, de leurs erreurs de jugement ou de la mesquinerie dont peuvent faire preuve entre eux des types qui partagent les mêmes bureaux et qui ne s'entendent pas forcément. Cependant Simon nous parle aussi de la manière dont est gérée par les services municipaux la lutte contre la criminalité : boucs-émissaires, arrangements avec les statistiques par la presse, par la justice et, bien entendu, comment cette lutte est vécu par ceux qui la subissent.
David Simon détaille le moindre rouage, le plus petit aspect de la procédure. Il sait dépeindre les physionomies, transcrire les inflexions, mettre au jour les tensions, détecter les signes du burn-out. L'analyste le dispute au styliste, l'observateur se double d'un conteur pour, au-delà des individus, dépeindre Baltimore, comment on y vit, comment on y meurt, sans toujours savoir pourquoi. Ce document d'exception fait entendre le pouls d'une ville au bord de l'implosion.
Simon a choisi de mettre son rôle en retrait et de décrire les faits comme s'il n'était pas là, simplement en tant que témoin. Le récit n'est pas non plus construit comme un journal de bord, au contraire l'auteur utilise le recul de son année passée à la Criminelle pour analyser sans cesse les conséquences de certaines actions. On trouve aussi un véritable guide du bon inspecteur avec par exemple : "La règle n°2 du guide de la Criminelle : la victime se fait tuer une seule fois, mais une scène de crime peut être assassinée un millier de fois."
David Simon
Ce faisant, Simon dresse un portrait bien sombre de Baltimore en particulier (et, encore, en 1988, l'épidémie de crack n'est pas encore apparue et les gangs ne font pas encore la loi) et de l'Amérique en général : racisme, exclusion, paupérisation, justice à plusieurs vitesses et, bien sûr, crimes violents qui ne méritent déjà plus qu'un entrefilet dans le journal local tant que les victimes ne sont ni des touristes ni des enfants.
Le contenu est ainsi extrêmement riche et intéressant. Le style de David Simon, sans fioritures, est très agréable à lire et les années passées au Baltimore Sun n'y sont pas étrangères. Ainsi "Baltimore" est un livre incontournable, une plongée incroyable dans la vie de la Crim' bien plus propice à la réflexion sur notre société qu'un reportage racoleur.
Tout cela est fait avec une honnêteté confondante par un David Simon dont on se demande (et il se le demande d'ailleurs lui-même en épilogue) comment la police de Baltimore et les inspecteurs qu'il a suivi ont pu lui laisser écrire ce livre. Témoignage mais aussi véritable œuvre littéraire car Simon est doté d'une vraie bonne plume, "Baltimore" est un instantané fascinant et un livre intelligent.
Les accros à "The Wire" se laisseront tenter et l'on ne peut que conseiller à ceux qui ne connaissent pas encore de se laisser entraîner dans le monde âpre mais réel de David Simon !!!

Franck Miller - Batman, The Dark Knight Returns : Le comics culte de 1986 ayant ouvert la voie aux super-héros torturés, réalistes et destinés aux adultes !!!

Note : 4.5 / 5


Synopsis : 

Batman est vieux, perclus de douleurs, aigri. Et pourtant, il va vivre sa plus belle aventure, celle qui va le propulser de nouveau au sommet. Nous sommes à Gotham, dans un futur proche. Les deux grands sont au bord d'une nouvelle guerre nucléaire. Les gangs font la loi. Les super-héros ont été bannis. Seul reste Superman mais il a vendu son âme et n'est plus que le bras armé de la Maison Blanche. 
Voilà dix ans que le "bat-signal" n'avait pas illuminé le ciel. Batman va rendosser sa cape pour un dernier combat. Dix années que Batman n'officie plus, ni à Gotham ni ailleurs. Depuis la mort de Jason, le dernier Robin, Bruce Wayne n'a plus ni l'envie, ni la motivation, de faire régner la justice comme autrefois. 
Le commissaire Gordon n'en peut plus. Après tant d'années à servir la justice, il s'apprête à raccrocher les gants. Le justicier souhaite remettre la main sur ses ennemis mais également en profiter pour rendre la paix et la sécurité aux habitants de Gotham. Très vite, ces actes sont remarqués par les médias qui constatent que Batman opère cette fois-ci de façon beaucoup plus expéditive qu'auparavant. Qui plus est, les nouvelles méthodes du justicier ne sont guère appréciées par la police qui lance un mandat d'arrêt à son encontre.

Critique :
Imaginé en 1939 par Bob Kane et Bill Finger, Batman est l'un des super-héros les plus populaires et les plus prisés jamais créé. Au fil des années, le personnage a fini par s'affubler d'une image légèrement kitsch dont le summum est sans nul doute la série télévisée issue des années 60. 
Pour comprendre l'impact de ce "Dark Knight Returns", il semble nécessaire de se transposer à l'époque de sa sortie. 1986. Le petit monde des comics américains fait pâle figure. Les super-héros n'ont plus le succès d'antan. Cette situation s'apprête à changer du tout au tout. D'abord grâce à un anglais génial et encore peu connu, Alan Moore. Avec son cultissime "Watchmen", il malmène le mythe du super-héros et révolutionne l'univers des comics. 
Mais c'est cette même année qu'un autre génie choisit de remuer les lecteurs américains. Il s'appelle Frank Miller. Auteur de "Ronin" ou du renouveau de "Daredevil", il s'attaque à une autre légende : "Batman". A la fois dessinateur et scénariste, il accouche d'un électrochoc. Immensément noir, déconstruisant le mythe du justicier, "The Dark Knight Returns" achève de retourner l'univers du comics. Après lui, rien n'a plus été pareil. Retour sur un chef-d'œuvre total.
Après diverses tentatives, c'est donc finalement en 1986 à Frank Miller que la tâche de réanimer "Batman" est confiée. L'auteur est un artiste complet qui a révolutionné la narration et le dessin des comics depuis la fin des années 70. Alors qu'il sort d'un run gigantesque sur "Daredevil" (42 tomes), il revisite le héros en le vieillissant et en le montrant aigri et désabusé. 
Absent depuis quelques années, le Dark Knight marque son retour dans les rues de Gotham en faisant preuve d'une violence qu'il s'était jusqu'ici interdite. C'est avec une vision radicale que Miller a fait passer le justicier d'une lecture grand public à celle plus adulte que de nombreux auteurs ont repris aujourd'hui.
Au dessin comme au scénario, Frank Miller se lance dans une mini-série de quatre tomes narrant les aventures d'un Bruce Wayne de 55 ans, ayant raccroché depuis dix ans cape, masque et gadgets, plus tourmenté que jamais par ses vieux démons, entre le meurtre de ses parents et la culpabilité ressentie quant à la mort de Jason. Vieilli, affaibli, dégouté de voir une jeunesse nihiliste et violente terroriser les habitants de Gotham, il se décide presque malgré lui à revêtir une dernière fois le costume de l'homme chauve-souris, au risque de réveiller de vieux ennemis.
Dressant le portrait d'un Batman plus névrosé que jamais, à la limite de la schizophrénie, Frank Miller assombrit le personnage, lui conférant une aura de ténèbres qui plus jamais ne le quittera. Dans toute la production ultérieure liée à l’homme chauve-souris, impossible de s’affranchir de la vision de Miller.
Le scénario est de très haute qualité. Appuyant dès le départ sur l’importance des médias dans le retour souhaité ou honni de Batman, Frank Miller fait de l'homme chauve-souris un symbole, une icône de l’ordre face au chaos, érigé par les habitants de Gotham en dictateur au sens romain du terme. 
Miller a utilisé de multiples trouvailles narratives, comme l'utilisation des médias qui commentent chaque scène. Il décrypte également les années 80 et nous fait le portrait d'une Amérique désabusée. Ingénieux et provocateur, son "Batman" marque les esprits dès les premières pages. Sa critique de la politique est aussi très dure, notamment vis à vis de la réelle utilité d'un Président. 
On retrouve les habituels ennemis de la chauve-souris comme Double Face ou le Joker. Contrairement aux aventures passées, le héros utilise cette fois-ci ses muscles et les criminels risquent de le sentir passer. Sombre et épique, le récit vous saisit au corps et ne vous relâche qu'une fois la dernière page refermée, Frank Miller s'appuyant sur son style atypique et original.
Graphiquement, l’ensemble est superbe. Non content de livrer un récit d'une densité proprement incroyable, Frank Miller le met en images. Son trait dur et sombre, plein de violence et de noirceur, permet d'approfondir l'impact de l'œuvre sur le lecteur. Les pages bénéficient d'une précision effarante et d'une inventivité omniprésente. Il faut dire que Klaus Janson encre cette histoire avec un immense talent. Certaines des planches présentes dans le comics s'avèrent d'une beauté véritablement incroyable, on pense notamment à cette scène où le Batman tient dans ses bras un corps dans un drapeau américain, comme un hymne funéraire à une Amérique que Miller rejette
Seuls points négatifs, s'il faut en trouver, tout en muscles, massifs, lourds, Batman et consorts pèsent à l’œil et privent certaines planches d’un peu d’espace et d’aération. Rajoutant à ceci les interventions constantes des médias en petites bulles et cases en enfilade qui parfois lassent dans leur répétition graphique. Cependant, cela n'entache en rien la qualité du récit, comme du dessin !
Si "The Dark Knight Returns" s'est taillé une si grande réputation, c'est aussi pour le plus célèbre affrontement des comics américains qui oppose Batman à Superman. Ce dernier, au contraire de Bruce, n'a pas vieilli et se trouve en pleine possession de ses moyens. Pourtant, Miller nous présente ce héros de l'âge d'or comme un outil du gouvernement, un toutou du président. 
On comprend rapidement que pour continuer leur exercice, les héros ont dû se soumettre aux autorités ou prendre leur retraite. Superman s'affiche comme un play-boy obéissant docilement. Quand Batman menace l'équilibre de la nation, c'est naturellement Superman qu'on envoie. Avec l'aide de Green Arrow, Batman s'y oppose et va mettre au héros de Metropolis la plus cuisante des corrections. Miller porte sa destruction du mythe jusqu'à ce moment précis où l'homme bat le super-héros, où Batman a ses mains autour de la gorge de Superman. Après cette confrontation épique, rien dans l'univers des comics américains ne sera plus jamais pareil.
Au final, Miller interpelle, secoue et marque définitivement son lecteur. Excellentissime comics, "The Dark Knight Returns" transforme Batman en héros gothique violent, radical, paranoïaque et finalement aussi fou que ses ennemis. Son égoïsme remet en cause l'idéal d'un héroïsme désintéressé. Batman est une drogue pour Wayne, pas la preuve de sa philanthropie. A travers une ville de Gotham rongée par le vice, Miller nous dépeint une Amérique totalitaire et sécuritaire et attaque sans vergogne les médias. Les super-héros sont les parias d'une société qui veut les soumettre, faisant de Batman un héros révolutionnaire qui ne lutte finalement que pour sa propre liberté.
Ce comics est donc resté dans les mémoires comme étant celui qui, avec "Watchmen" d'Alan Moore, a lancé l'âge sombre des comics en 1986, aux héros torturés et aux thèmes plus proches de la réalité.
Œuvre fondamentale non seulement du "Batman" mais des comics dans leur ensemble, "The Dark Knight Returns" envoie Frank Miller au firmament. Extrêmement dense et intelligente, transfigurant totalement la figure du justicier et se jouant du politiquement correct, l'œuvre fait date. On pourrait encore écrire des pages sur ce chef-d'œuvre mais on le résumera par un mot : culte !!!

Le Combat d'Hiver
                          de Jean-Claude Mourlevat


Note : 4 / 5


Synopsis :
 
Quatre orphelins, Miléna, Helen, Milos et Bartolomeo, prennent conscience de leur identité. Ils sont les enfants de résistants à la Phalange. Ce groupe, implanté dans un monde dont on ignore le nom gouverne avec tyrannie depuis une quinzaine d'années.
Le combat d'hiver est donc celui de nos quatre adolescents, évadés de leur orphelinat-prison, pour reprendre la lutte perdue par leurs parents, quinze ans plus tôt. Ont-ils la moindre chance d'échapper aux terribles "hommes-chiens" lancés à leur poursuite dans les montagnes glacées ? Pourront-ils compter sur l'aide généreuse du "peuple-cheval" ? Survivront-ils à la barbarie des jeux du cirque réinventés par la Phalange ? Leur combat, hymne grandiose au courage et à la liberté, est de ceux qu'on dit perdus d'avance. Et pourtant. 

Critique :
Il est devenu rare en littérature de jeunesse fantastique de trouver un tome unique et autonome, un "one-shot" en quelque sorte. Jean-Claude Mourlevat nous prouve que l’entreprise est encore réalisable, de surcroît avec qualité.
L’histoire sombre, violente souvent, explore un fantastique sans effets faciles, mais à la limite de l’effrayant justement de par sa volonté réaliste. Dès le départ, Jean-Claude Mourlevat réussit à créer un univers un peu trouble et étrange. Les consoleuses, les hommes-chiens, les hommes-loups participent de cette impression. Cependant, il le fait avec un tel réalisme, décrivant un monde qui pourrait être le nôtre (sans l'être vraiment), que cela en est troublant !
On a l'impression de se mouvoir dans un monde gris et triste, flirtant avec ceux décrit par Orwell dans "1984", ou Huxley dans "Le meilleur des mondes" ou bien encore celui de "V pour Vendetta", tout en étant dans un tout autre monde. Un monde avec un orphelinat très particulier digne d'une prison, où des policiers s'aident de mutants mi-chien, mi-homme beaucoup plus féroces que de simples chiens. Mais aussi un monde peuplé d'hommes simples, braves et très forts qui ont de ce fait hérité du nom d'hommes-chevaux. Et puis surtout un monde qui connaît l'horreur des combats d'hiver, ces combats à mort sur le principe des antiques jeux des gladiateurs romains. 
Mourlevat montre, décrit, explique et raconte autour de ça. Il fait le récit de la prise de conscience d'un peuple qui va vers la révolution. Avec lui, on n'a pas le temps de s’ennuyer ! Dès les premières pages, nous sommes plongés dans l’univers de ces adolescents, dans leur internat très sombre ou terreur et angoisse règnent en maître. Le thème principal du livre, bien que déjà vu, est vraiment prenant. Suivre ces quatre adolescents qui reprennent un dur combat mené par leurs parents autrefois est un réel plaisir.
Ainsi, bien que l'histoire soit du vue et du revue donc, elle se veut tout de même passionnante. C'est un peu comme en fantasy où l'auteur fait toujours le récit du bien contre le mal et trouve, pour les plus doués, des variantes. Ici c'est le cas, Mourlevat ne va pas dans l'évidence, il fait vivre ses personnages et n'hésite pas à jouer avec leur vie.
Le narrateur externe cherche à ne privilégier aucun des quatre personnages, s’attardant même sur l’ignoble Mills et la relation ambiguë qu’il entretient avec son homme-chien. Cependant, on ressent clairement que des quatre personnages principaux, l'accent est surtout mis sur Helen, loyale et pleine d'empathie, une Mademoiselle-tout-le-monde, comme vous et moi. Son amitié pour Milena, puis son amour pour Milos, l'amènent à prendre des risques inédits, mais Helen reste le genre de personnage témoin des événements, de ceux qui les vivent au quotidien, non de ceux qui en sont à l'origine et qui agissent.
Milena et Bartolomeo en sont l'exact inverse, des personnages plus inaccessibles, emportés par leur combat, d'autant que la jeune fille est l'incarnation de cette Culture qui lutte pour exister, à travers sa voix extraordinaire qui lui vient de sa mère. Une grande place est donc accordée à la musique. D'ailleurs l'idée de l'évocation du pouvoir des mots et des notes sur les gens (des émotions qui les transportent et qui leur fait trouver la meilleure partie d'eux-mêmes) est une belle trouvaille. Un formidable message d'espoir où l'Art révèlerait la beauté humaine dans cette aventure sombre et fantastique, allégorie du combat de la Culture contre l'obscurantisme.
Cependant, "Le combat d'hiver" n'est pas exempt de défauts, qui n'entache en rien la qualité de l'œuvre, et qui sont, à mon humble avis, essentiellement dus aux fait que le livre soit un "one-shot". En effet, on peut regretter que Mourlevat n'aille pas plus loin dans l'exploration de son monde, à la frontière du fantastique et du réel. En mettant davantage l'accent sur les sentiments des adolescents que sur les descriptions et le déploiement de cet univers, on ne peut s'empêcher de ressentir, à certains moments, un manque, voire une légère déception.
Malgré ce léger point négatif, au final, "Le combat d'hiver" est un solide roman mené de main de maître par un très bon auteur, capable de mettre au monde des histoires plus surprenantes les unes que les autres !!!

Snuff
       de Chuck Palahniuk


Note : 3.75 / 5


Synopsis : 

Cassie Wright, star du porno sur le retour, a décidé de terminer sa carrière sur un coup d’éclat : se faire prendre devant les caméras par six cents hommes au cours d’une seule nuit. Dans les coulisses, les heureux élus attendent patiemment leur tour.
Parmi eux les numéros 72, 137 et 600 font part de leurs impressions. Mais, entre fausses identités, désirs de vengeance et pulsions homicides, la nuit ne va pas du tout se dérouler comme prévu.

Critique :
Longtemps le snuff movie a été une vilaine légende urbaine racontant qu'il existe un réseau de pornos clandestins, où les actrices se faisaient trucider en direct. L'expansion d'Internet a malheureusement permis à ce fantasme de devenir réalité (je pense notamment Luka Rocco Magnotta !).
Le sujet avait déjà inspiré le cinéma avec, notamment, le génialement oppressant "8 mm" de Joël Schumacher (avec Nicolas Cage et Joaquin Phoenix). C'est au tour de la littérature de s'y intéresser. Ainsi, après  les clubs de baston ("Fight Club"), les ados terroristes ("Pygmy") et  les renégats tarés ("Peste"), Chuck Palahniuk continue d’arpenter la société américaine par les marges et s’intéresse cette fois au milieu du porno. Et à son côté le plus extrême, glauque et répugnant, le snuff movie ! 
"Snuff", son dernier roman, se déroule justement en plein tournage d'un porno tout ce qu'il y a de plus régulier. Une entreprise qui va dégénérer, comme nous le promet le titre ainsi que, dès l'ouverture, l'un des quatre narrateurs. L’histoire est racontée par trois acteurs, un débutant, un acteur confirmé et une star masculine mythique du porno, auxquels il faut ajouter l'assistante de Cassie Wright, Sheila.
Palahniuk choisit donc de raconter les événements du point de vue de ces quatre protagonistes. De ce fait, nous suivons le tournage à travers les monologues intérieurs du numéro 75 (un admirateur de Cassie), le numéro 132 (son ancien partenaire), Sheila (son assistante) et Monsieur 600. Ce dernier devra jouer la scène finale et transformer "l'innocent" gang bang en snuff.
Comme d’habitude, Palahniuk ne s’embarrasse pas de dispositif narratif trop élaboré.  Son talent est dans la précision et la simplicité de sa langue. L'auteur de "Fight Club" a choisi ici une langue qui colle littéralement à son sujet : appauvrie, crue et bancale. En évacuant tout fantasme de glamour de l'industrie du porno, Palahniuk essaye de se livrer à une véritable réflexion sur l'obscénité.
Avec "Snuff", Palahniuk prend une recette qui fonctionne : celle de "Peste". Il abandonne la narration fixée-panoramique au-dessus des personnages ou la première personne pure, pour un récit multiforme et polyphonique qui s'articule autour de témoignages, qu'ils soient ici oraux ou flux de conscience. Exactement comme pour "Peste", mais à plus petite échelle, le récit prend la forme d'une enquête, enquête de seconde zone peut-être, mais enquête malgré tout. L'enjeu : décrypter l'envers d'une réalité donnée par le biais de visions multiples et fragmentées.
On reconnaît facilement un roman de Chuck Palahniuk. Le parti pris est toujours volontairement chargé, osé, trash, la narration est toujours brève et sèche, les paragraphes courts et les constructions répétitives. Il y a toujours ces petits slogans qui reviennent toutes les cinq ou dix pages pour forger une marque de fabrique qui accroche, idem pour les paragraphes-phrases dont le but est de renforcer lapidairement en quelques syllabes le propos du paragraphe précédent. C'est souvent sec et cynique, c'est souvent acide et violent, tant pis pour l'Amérique bien-pensante.
Le récit va crescendo avec des moments saisissants. Palahniuk joue beaucoup sur l’aspect visuel, le rythme trépidant, les sensations bien plus que les sentiments, dérangeant le lecteur qu’il cherche à interpeller, ou le paragraphe d’après à le séduire, le tenter ou encore le dégoûter le renvoyant à ses propres turpitudes. Le talent de cet écrivain se situe dans cette virtuosité, ce vertige, qu’il rend aussi drôle que terrifiant. Les anecdotes constituent alors l’analyse sociologique qui apporte un vrai sens à cette intrigue quelque peu décousue, racontées froidement en contraste avec la tension, la drogue et le rock'n'roll qui règne sur ce tournage crépusculaire, cru où la mort semble l’aboutissement inéluctable, horriblement rassurant.
Cependant, Palahniuk tombe une fois de plus dans le piège qu’il se tend lui-même. Il commence par dénoncer avec un talent fou la noirceur de notre société de consommation qui vend du sexe comme des surgelés. Mais finit par  aimer ce qu’il dénonce. Cet exercice est si jubilatoire, si jouissif que l’on sent que l’auteur bascule avec un vrai bonheur dans cette folie ambiante. La fascination est si perceptible que c’est bientôt elle qui peu à peu nous dérange plutôt que le propos. Le lecteur devient alors un complice, la complaisance s’installe avec un réel bonheur et l’ensemble tourne en rond par moment, perdant de sa force et de sa puissance.
"Snuff" est vraiment plaisant (quoi qu'un peu mécanique), quand on apprécie l'auteur et son style !!! 

Morvan, Looky et Thill - "Hercule, Le sang de Némée" : Une relecture futuriste des douze travaux d'Hercule aux dessins époustouflants !!!

Note : 4.5 / 5


Synopsis : 

Hercule est un puissant MerK. Mi-homme, mi-extraterrestre grâce aux greffes cellulaires, il n’a pas peur de la mort. Une part de lui est déjà morte : hanté par le crime commis sur sa femme et ses enfants, il doit expier en acceptant les ordres, même les plus fous, des Officiers. 
Hercule n’a pas le choix, il doit traquer des extraterrestres se crashant sur des planètes colonisées par des humains. Sa première mission sera de tuer le lion de Némée, dont le vaisseau s’est crashé et qui protège sa femme très gravement blessée. Il a besoin du sang des humains qui vivent sur place pour la guérir. Le combat entre Hercule et le lion sera aussi sauvage qu’émotionnel et réveillera de bien douloureux souvenirs dans l’esprit de notre héros.

Critique :
Scénarisée par Jean-David Morvan et dessinée ainsi que colorisée par Looky et Thill, cette série relate les douze travaux d’Hercule en version science-fiction. À l’origine, dans la mythologie Hercule (nommé Héraclès par les grecques) est le fils illégitime de Zeus et d’Alcmène. Hercule après avoir tué sa femme et ses enfants dans un accès de folie est condamné à servir pendant douze ans le roi de Tirynthe, Eurysthée, années au cours desquelles il effectuera douze travaux. Lors du premier il doit éliminer un lion monstrueux à Némée dont la peau est impénétrable. C’est donc avec une énorme massue qu’il a confectionné qu’Hercule assommera la bête puis l’étrangla.
"Hercule, Le sang de Némée" est donc une transposition de la mythologie grecque ou romaine dans un univers de science-fiction. Du déjà vu me direz-vous. Et bien pas vraiment ! Le travail fournit par Jean David Morvan et Looky est époustouflant.  
Si les ambiances de départ, les errances des héros et l'incursion des forces supérieurs font parfois penser à des séries de SF à l'esprit bon enfant comme "Ulysse 31", l'approche graphique évoque surtout des univers visuels plus rudes, notamment ceux de certains classiques de type "Métal Hurlant". Grands panels, découpages empruntés aux comics, couleurs fortes, design robotique et sexuel, on retrouve ici de multiples influences. On pense parfois à "L'exterminateur 17" de Bilal et Druillet, avec moins de maestria certes, mais avec beaucoup de modernité.
La recherche graphique est formidable. La créativité est là. Le concept est connu, certes. La mythologie d'hercule et ses douze travaux ne sont plus à présenter. Nous aurions pu avoir une bête utilisation de cette légende. Il n'en est rien. Le dessin est efficace et plus que cela puissant ! Les couleurs sont belles et finement choisies également. L'univers est radical et surprend dès les premières pages. Cet album est digne des meilleures productions américaines d'un Simone Bianchi ou d'autres dessinateurs de ce calibre. C'est une vraie réussite. Les planches sont découpées au cordeau avec beaucoup d'inventivité. Il se dégage des dessins une réelle sensualité. 
Côté technique, on entrevoit les modélisations par ordinateur déjà observées dans le "Blanche-Neige" du même dessinateur paru chez Ankama. C'est parfois un peu figé, mais le plus souvent c'est surtout époustouflant. 
Le personnage d'Hercule est très intéressant. L'univers est riche et passionnant. Il  s’éloignera cependant clairement du héros lisse et sans reproche. Ici, il est dépeint sans émotions, mort de l’intérieur, après avoir tué femme et enfants. De quoi allécher les amateurs de relectures antiques façon SF.
L'album est donc à conseiller aux amateurs du genre. On connaît peut-être la trame de fond, mais la variation autour du thème est un voyage terriblement beau !!!

Defense Devil : Du nouveau dans le monde des mangas et... des avocats !!!

Note : 4 / 5


Synopsis : 

Chassé des enfers à cause de son caractère trop gentil, Kucabara est un démon qui transite dans une zone située entre le monde des humains et celui des démons. Afin de retrouver son prestige et son pouvoir, il décide d'aider les âmes condamnées injustement en devenant l'avocat de la défense. 
Son but : rassembler de la dark matter, l'énergie à la source du pouvoir des démons que les pêcheurs produisent et qu'il pourra s'approprier en les aidants. Avec Bichura, son assistant, il va tenter de prouver leur innocence avant que les shinigami (dieux de la mort) ne s'en emparent et ne les jettent en enfer. La bataille juridique commence.

Critique :
"Faites que le crime paye, devenez avocat", disait l'humoriste américain Will Roger. Coluche parlait de deux types de justice : celle où l'avocat connaît bien la loi, et celle où l'avocat connaît bien le juge. Il y a eu Al Pacino en "Avocat du diable", et maintenant on voit surgir un avocat-diable dans "Defense Devil", et c'est du nouveau !
Petite série terminée en 10 tomes, "Defense Devil" est un manga sympathique et drôle. Le héros est un démon qui a la particularité de vouloir aider les humains ! Surfant sur la vague des mangas parlant de démons, celui-ci se démarque assez bien grâce à son graphisme et son scénario bourré d'humour, notamment grâce au duo Kucabara / Bichura.
Quand on parle, dans le résumé, de la "gentillesse excessive" de Kucabara, je m'attendais à voir un mec "trop gentil", un peu benêt, se faisant marcher sur les pieds, tout ça. Et bien pas du tout ! C'est un démon, avec un sale caractère, parfois vulgaire et à l'humour à deux balles (qui, du coup, fait énormément rire). Ce qu'on appelle gentillesse est surtout, ici, une envie de rendre justice, même aux Enfers. En effet, plutôt que de condamner directement chaque âme arrivant en Enfer, Kucabara va préférer enquêter pour connaître le fin mot de l'histoire, et essayer de trouver des preuves de l'innocence des gens. Le voilà Avocat des Enfers !
Depuis quelques temps, les plus gros succès mangas, de "Death Note" à "Judge", se basent sur la culpabilité, la responsabilité, la dette envers la société. "Defense Devil" semble tout d'abord s'inscrire dans cette mouvance, mais il a une touche décidément plus shônen et humoristique, qui fait passer une morale et des interrogations le sourire aux lèvres, le ton restant toujours léger.
Ce n’est pas réellement difficile de conclure sur "Defense Devil", puisque clairement ce manga possède toutes les qualités requises et bien plus encore. Une magnifique bouffée d’air, donnant cet esprit nouveau dans un style beaucoup trop exploité et finalement très restreint qu'est le shônen, on ne s'ennuie pas du début à la fin et on prend plaisir à suivre les différents procès qui permettent petit à petit de mieux cerner l'histoire et le personnage principal. A découvrir !!!

Benjamin Whitmer - Pike : Un chef-d’œuvre stupéfiant et viril !!!

Note : 4.5 / 5


Synopsis : 

Pike n'est plus l'effroyable truand d’autrefois, mais il a beau s'être rangé, il n’en est pas plus tendre. De retour dans sa ville natale des Appalaches proche de Cincinnati, il vit de petits boulots avec son jeune comparse Rory qui l'aide à combattre ses démons du mieux qu’il peut. Lorsque sa fille Sarah, disparue de longue date, meurt d’une overdose, Pike se retrouve en charge de sa petite-fille de douze ans. 
Mais tandis que Pike et la gamine commencent à s'apprivoiser, un flic brutal et véreux, Derrick Kreiger, manifeste un intérêt malsain pour la fillette. Pour en apprendre davantage sur la mort de Sarah, Pike, Rory et Derrick devront jouer à armes égales dans un univers sauvage, entre squats de junkie et relais routiers des quartiers pauvres de Cincinnati.

Critique :
Attention chef-d’œuvre ! On ne sait pas grand-chose du surdoué Benjamin Whitmer qui publie, avec "Pike", un premier roman sidérant. Mais ce qui est certain, c'est qu'un immense écrivain est né ! L'écrivain laboure le sillon du roman noir. Du noir, du très noir même pour ce premier roman dans lequel on plonge en apnée vers les profondeurs de la bassesse humaine. 
Les hommes sont rudes, durs au mal, cyniques, violents et n'hésitent pas à tuer celui qui viendrait faire obstacle à leurs plans. Les filles se droguent, se prostituent pour payer leurs doses. Les flics ont la gâchette facile, sont dealers ou proxénètes. A Cincinatti, dans les squats où cohabitent SDF, poivrots et drogués, une femme même morte peut servir à prendre du plaisir et un cadavre ne repose pas en paix tant que son odeur n'alerte pas les autorités. Dans les rues, les flics tirent à vue sur les dealers qui travaillent pour eux et qui auraient eu l'inconscience de grappiller une petite part du magot. Dans les bois, les vétérans du Vietnam revivent cent fois leur guerre dans des campements de fortune. Tout n'est que violence brute et animale. Celui qui croit avoir connu le pire sait que le pire est encore à venir, l'espoir n'existe pas !
Plus que noir, le décor de "Pike" est crade. Tout est crade du ciel aux immeubles, des squats de junkies aux repères à prostitués, des motels pourris aux passés des personnages. Tout n’est que vomi, pisse, odeurs pestilentielles, sang. Le seul élément qui pourrait être d’une blancheur immaculée, serait la neige qui tombe sur la ville puante et là encore, c’est raté.
L'intrigue n'a rien d'original, il est vrai, mais le style et le souffle magistral portent ce roman avec une force stupéfiante ! Grâce à une écriture sobre et efficace, des chapitres courts et incisifs, on dévore ce roman âpre, sombre et asphyxiant, mais on tourne la dernière page avec soulagement, heureux de respirer à nouveau !
Benjamin Whitmer
Whitmer a l'art de la métaphore : "Un visage de pare-brise éclaté" entre dans mon panthéon des images originales. Il a un talent pour l’ellipse, les dialogues pleins de silences avortés. Sa peinture de l’hiver, par touche subtile, insiste sur sa permanence et installe son importance dans la vie quotidienne des personnages, donnant une tonalité glacée à toute l’affaire, qui, forcément, ne peut que mal tourner. Y aura-t-il des rescapés à tout ça ? 
Mention particulière à l’éditeur pour avoir entamé chaque chapitre par une phrase prise dans celui-ci. Cela devient un jeu : la lire, la chercher, l’isoler, réfléchir à son poids : seule ou noyée dans le chapitre ? 
Whitmer saisit à bras le corps le genre noir, signant un premier roman dur, brutal, transi par le froid hivernal des Appalaches désolées. Le tout sur fond de Bruce Springsteen, visiblement le seul disque disponible dans tout le comté. Cette hargne contamine même l’écriture, rongée par des images inquiétantes ou des comparaisons grimaçantes. Les personnages rugueux, qui semblent n’avoir aucun autre horizon que la cigarette qu’ils sont sur le point d’allumer, possèdent au fond d’eux une sauvagerie au bord de l’explosion. Comme s’ils ne pouvaient qu’alimenter cette violence, incapables de faire un pas de côté pour oser, un instant, s’écarter du fleuve sanglant qui les emporte.
Une très belle découverte que je recommande vivement au lecteur suffisamment armé pour supporter toute cette misère humaine !!! 

Philippe Aymond - "Highlands, Le portrait d'Amélia" : La première partie d’un diptyque historique et romantique impeccablement mené !!!

Note : 4.5 / 5

 

Synopsis :
En aout 1743, sur le quai d’un port écossais, le docteur Murdoch accueille bras ouverts son filleul Joseph Callander, de retour d’Italie. Désormais adulte, celui-ci revient de plusieurs années d’étude de la peinture. Il découvre un contexte politique tendu : l’Angleterre essaie d’absorber diplomatiquement l’Écosse, et les anciens clans font de la résistance, notamment dans les Highlands. Sous une pluie torrentielle, le carrosse de Murdoch fait un détour par le manoir de l’un de ses patients, le Duc de Plaxton, favorable à l’Union. Durant la consultation, Callander attend son parrain dans le carrosse resté dans la cour. Il a alors la surprise d’y voir monter la fille de Plaxton, la belle Amélia. 
Celle-ci vient d’être sournoisement enlevée par des indépendantistes, qui lancent aussitôt le carrosse vers l’extérieur du manoir. Les soldats de Plaxton se livrent à une course-poursuite. Mais d’autres brigands leur tendent un guet-apens depuis les collines environnantes. Le carrosse s’arrête enfin dans un sous-bois, repaire des indépendantistes. Callander parvient alors à faire diversion et à attirer l’attention des soldats : Amélia est sauve. Au manoir, Plaxton le remercie chaleureusement. Le Duc découvre en outre les talents artistiques de Callander et l’embauche aussitôt en tant que peintre de la famille.

Critique :
Philippe Aymond, jusqu'à présent, s'était distingué comme dessinateur pour illustrer des récits de Pierre Christin ("Les Voleurs de Villes"), Laurent-Frédéric Bollée ("Apocalypse Mania") et Jean Van Hamme ("Lady S"). Avoir collaboré avec ces scénaristes lui a sans doute appris et donné confiance pour se lancer à son tour comme auteur complet : "Highlands" est ainsi la première bande dessinée où Philippe Aymond signe à la fois l'histoire, la couleur et le dessin. L'auteur est attendu au tournant pour sa première œuvre en solo. Et il faut avouer qu'il s'en sort plutôt bien et avec les honneurs.
Aymond nous entraîne dans un contexte géographique et historique rarement exploré dans le genre. Les Highlands et les rebellions jacobites du XVIIIème siècle ! Les Highlands c'est l’Écosse, ses lochs, ses monts et ses châteaux, comme vous pouvez le constater sur la belle couverture de ce livre. En effet, Le diptyque proposé prend pour contexte les rebellions jacobites qui se déroulèrent au milieu du XVIIIème siècle, contre l’indexation de l’Écosse à l’Angleterre.
Le contexte historique choisi présente l'avantage d'une certaine originalité puisque la France des lumières a davantage séduit les auteurs que les Highlands déchirées par les rivalités entre Écossais et Anglais. En choisissant de prendre comme personnage principal un jeune peintre talentueux, qui se remet d'un amour tué dans l’œuf, Philippe Aymond prend là encore une option qui sort des sentiers battus. Et tout au long du récit, une jolie atmosphère se met en place, avec des regards expressifs qui en disent long sur des sentiments qu'on veut taire et un arrière-plan politique qui tisse des intrigues autour d'une relation naissante. La narration est intelligente, mettant habilement en place les événements comme les personnages dans ce récit annoncé comme un diptyque.
Parfaitement menée et documentée, l’intrigue va donc toutefois au-delà du simple exposé politique, en proposant un récit romantique, donc tragique. Tourmenté par un passé encore méconnu, un beau et talentueux héros se laisse porter par l’espoir d’une idylle impossible avec la belle et riche héroïne et tombe dans ce qui ressemble à un piège fatal.
Le graphisme d'Aymond est toujours aussi efficace. Son trait réaliste fonctionne et nous fait revivre avec une certaine facilité l'Écosse en cette année 1743. Il y a de très belles scènes comme ce combat amical entre Joseph et le sergent Hunt, dans de merveilleux paysages qui nous font sentir les parfums des Highlands ! Évidemment, le fait que l'auteur assure lui-même le passage au dessin facilite l'adéquation entre ses planches et l'ambiance qu'il veut créer. Le trait est classique et élégant, avec un joli travail sur les angles de vue qui confère beaucoup d'efficacité à l'ensemble. La mise en couleurs, discrète, donne de l'ampleur au dessin travaillé et minutieux. 
Tous les ingrédients qui forgent les grandes séries sont présents : passions interdites, jalousie, trahison, complot, tout cela sur fond de tensions politiques entre l’Angleterre et l’Écosse. Le théâtre parfait pour cette intrigue rondement mené dans laquelle l’auteur parvient même à distiller un soupçon de poésie et qui nous fait découvrir chez lui un vrai talent d’écriture. 
Au final, fin, soigné et d’une belle maîtrise, le dessin réaliste est à la hauteur du scénario, faisant la part-belle aux expressions des visages et aux costumes, sans oublier les décors sauvages des Highlands. La psychologie des personnages et les dialogues ne sont pas en reste, tout aussi équilibrés que rigoureux. Au terme de ce premier opus, c’est totalement convaincus que nous abandonnons le héros en bien fâcheuse posture.
"Highlands" est une série à découvrir pour ses ambiances et son efficacité. Les amateurs de contexte historique devraient apprécier ce premier album, d'autant qu'il ne s'agit pas de se lancer dans une série à rallonge, ce qui est appréciable dans un contexte de vaste production BD !!! 

Le monde à l'endroit
                                     de Ron Rash


Note : 4.5 / 5


Synopsis : 

Travis Shelton est un jeune gars de dix-sept ans, en perpétuel conflit avec son père, un peu bravache, un peu paumé. L’été où débute ce roman, un jour de pêche à la truite, le hasard lui offre l’occasion de commettre la bêtise qui va sans doute changer le cours de sa vie : il tombe sur une plantation clandestine de chanvre indien. C’est un jeu d’enfant de couper quelques pieds et de charger le plateau de son pick-up.
Pour écouler la moisson miraculeuse, il s’adresse à un ancien prof devenu dealer, Leonard Shuler. Trois récoltes scélérates plus tard, Travis est surpris par le propriétaire du champ, l’intraitable Carlton Toomey, qui lui sectionne au couteau le tendon d’Achille, histoire de lui apprendre qu’on ne vole pas le bien d’autrui. Mais ce ne sera pas la seule leçon de cet été-là : Travis quitte ensuite la maison paternelle et trouve refuge dans le mobile home de Leonard, qui va devenir son mentor.
À cette occasion, Travis découvrira les lourds secrets qui pèsent sur la communauté de Shelton Laurel depuis un massacre perpétré pendant la Guerre de Sécession, et se trouvera confronté aux doutes engendrés par le passé. Le passage à la stature d’homme se fera certes, et comme souvent, au prix de la découverte de l’amour et de la rupture avec le père, mais il y aura aussi un prix plus fort à payer, qui aura pour monnaie le sang.

Critique :
Trois ans après "Un pied au paradis" et un an après "Serena", voici "Le Monde à l'endroit", nouvelle virée dans un monde âpre, archaïque où les hommes et les femmes sont élevés dans la rudesse, où la religion et les superstitions cohabitent, où les fantômes n'ont pas besoin de draps blancs pour vous faire sentir leur présence. Troisième roman de Ron Rash donc, "Le monde à l'endroit" impose l'auteur comme l'écrivain des Appalaches, fidèle à cette tradition du nature writing, chère à Jim Harrison. 
Cette fois, Ron Rash nous dit que non seulement l'homme est façonné par la nature qui l'a vu naître et grandir (ici les montagnes de Caroline du Nord) mais également par le passé qui peut ressurgir à tout instant. Presque classique. Son personnage principal, Travis Shelton, 17 ans est une caricature de rebelle à l'autorité paternelle, un white anglo saxon protestant de base. Sauf que le destin va en faire un personnage lumineux.
D'un côté, une nature intègre, paisible, lumineuse. Des montagnes, à pic, des cours d'eau paisibles, nimbés de douceur. De l'autre, des hommes, des femmes, d'une noirceur sans fin, sans fond. Travis, un adolescent de 17 ans, s'essaye à vivre dans ce milieu, tant bien que mal. Un monde à l'endroit ? Il a plutôt l'impression d'être comme sur un manège à la foire, dans un monde qui n'est plus trop d'aplomb. D'ailleurs, quand on y regarde de plus près, ce paysage en apparence tranquille et rassurant recèle des ombres cachées, des fantômes d'un autre temps. C'est ce qu'il va apprendre au contact de Leonard, un dealer paumé qui le recueille. Entre ombres et lumière, la vie et la mort se côtoient tandis que le temps laisse "tomber ses secondes goutte à goutte".
"Le monde à l'endroit" demeure un roman noir tout du long. À l'inverse des deux premiers Rash, ce nouveau roman est plus ramassé et centré sur les hommes. Ce que veut Rash, c'est creuser au plus profond du passé américain, pour en comprendre les hommes et déterrer leurs actions déraisonnables. Pour Travis, son irascible de père, l'inquiétant Toomey et le mystérieux Leonard sont trois défis qu'il va devoir relever pour grandir et se dépasser. Pour Ron Rash, la rédemption peut venir du savoir : connaître ses origines, son histoire, permet de grandir et d'échapper à un morne destin.
"Le monde à l'endroit" est un roman noir qui joue habilement sur les contrastes. On est frappé d'emblée par la majesté des paysages décrits dans une langue poétique apaisante. Le rythme est lent, Ron Rash semble poser le décor. L'envers des mots laisse cependant affleurer une réalité en demi-teinte : "les arbres se firent plus denses, quelques bouleaux des rivières pareils à des lames de lumière emprisonnées parmi les feuillus plus sombres". Car les montagnes portent ici, dans leur majesté même, leur part de menace et d'obscurité. Les fantômes de la guerre de Sécession hantent les lieux. Ron Rash joue aussi sur le contraste entre le passé et le présent, liés par un fil ténu qui reste, au moins au début, énigmatique.
Lyrique et terrien, usant d'une écriture ample et sans artifice, Ron Rash n'est pas un donneur de leçons, mais il pense que les livres peuvent sauver les hommes. Dans un paysage somptueux, sauvage, Ron Rash, contemplatif, démontre que la fureur des hommes reste dévastatrice, mortifère. Pendant la Guerre de Sécession comme aujourd'hui. "Le monde à l'endroit" est aussi riche en chlorophylle qu'il est fort en testostérone, un roman initiatique dur, tragique, qui confirme le talent extravagant de cet auteur.
"Le monde à l'endroit" est une œuvre lumineuse dans sa façon de distiller la noirceur humaine, perpétuellement aux prises avec ses parts d'ombres, ses errances, ses failles, mais aussi ses forces et points d'appui. Un livre puissant et implacable, tressage habile du passé et du présent sur une terre maudite qui met en exergue l'enfermement dans les valeurs familiales et les limites humaines !!!

Les âges sombres
                         de Karen Maitland


Note : 4 / 5


Synopsis : 

1321. Les habitants d’Ulewic, une petite cité isolée de l’est de l’Angleterre, sont sous le joug de leur seigneur et de l’Église, celle-ci ayant supplanté, depuis quelques années, le paganisme qui régnait dans la région. Non loin du village s’est installée une petite communauté chrétienne de femmes, des béguines originaires de Belgique. Sous l’autorité de sœur Martha, elles ont jusqu’alors été assez bien tolérées. 
Mais les choses commencent à changer. Le pays connaît en effet des saisons de plus en plus rigoureuses, les récoltes sont gâchées, les troupeaux dévastés et le besoin d’un bouc émissaire se fait sentir. Neuf hommes du village, dont on ignore l’identité, vont profiter de la tension qui commence à monter pour restaurer un ordre ancien et obscur. Renouant avec de terribles rites païens, usant de la terreur, du meurtre et de la superstition, ils vont s’en prendre aux béguines, qui devront les démasquer et élucider les secrets du village avant que la région ne soit mise à feu et à sang.

Critique :
"Les âges sombres" est un roman époustouflant, tout en atmosphère, qui nous piège dans un huis clos fantasmagorique. A côté du village, du béguinat et du manoir, il y a "la forêt", cette zone de non-droit, hors du temps, où vivent encore les anciens dieux et où tout peut arriver. L’auteur décrit avec brio cette petite communauté, vivant sur elle-même depuis des générations (les villageois ont tous la même anomalie physique, deux doigts collés à la main droite) et montre comment cette autarcie ainsi que la peur née de l’ignorance, crée la xénophobie. 
D’autant que cette ignorance est entretenue par l’église et ses assertions, "la lèpre est la punition pour le péché de luxure". Alors ce que les villageois ne savent pas, ils l’inventent et quand ils ne comprennent pas, ils vont chercher l’explication dans les vieilles superstitions.
Thriller à l’ambiance noire et prenante, "Les Âges sombres" embarque le lecteur dans une autre époque où croyances et peurs étaient intimement liées, dictant la plupart des comportements, comme partie intégrante de la vie de tous les jours. L’univers mis en place par Karen Maitland nous présente avec précision les mœurs et manières de vivre de l’époque et nous transporte directement au début des années 1320. Le côté historique est particulièrement bien rendu et il est très facile de s’imaginer les préoccupations et activités de cette période.
Après l'excellent "La compagnie des menteurs", l'auteur nous entraine une fois de plus dans son moyen-âge crasseux et sombre. Un roman très documenté et assez passionnant tant il regorge d'anecdotes sur les mœurs et les croyances de l'époque comme dans son précédent roman. En plus de cette ambiance réaliste, l’auteur construit un univers parsemé de croyances, où la foi est part entière du quotidien, où la frontière entre sainteté et sorcellerie est mince, où chaque action est vérifiée, et où il faut surtout prendre garde à ne pas devenir sacrilège de peur de voir fleurir les bûchers.
Le roman est sombre, réellement, autant dans le cadre boueux de ce grand récit à plusieurs voix que dans la nature humaine des protagonistes. Les grandes figures hiératiques sont là, prêtre fou, femme intransigeante, villageois manipulés, gamins paumés, sorcières païennes, et les ambitions intellectuelles nouvelles des uns doivent affronter l'obscurantisme d'une religion et d'une seigneurie dévorées par le goût du pouvoir. Passionnant, original, et noir.
Le suspens est terriblement bien entretenu car les personnages sont pour la plupart détenteurs d’un secret qui les amènera à faire des choix surprenants. Ainsi des personnages plutôt sympathiques se révéleront redoutables et d’autres nous surprendront agréablement. Les personnages évoluent donc dans une atmosphère bien particulière, que ce soient les béguines et leur Martha, le curé, les simples gens, les nobles ou les Maîtres-Huants. Beaucoup ont des secrets avec lesquels ils doivent apprendre à composer, et qui nous sont révélés au fil des chapitres, quand vient le tour de chaque protagoniste d’être narrateur et de nous présenter sa vision des choses.
Karen Maitland
L'histoire est racontée de manière originale par le point de vue de cinq personnages, à chaque fois à la première personne. Seul petit bémol cependant, l'histoire prend son temps à se mettre en place. En effet ce n'est pas un thriller classique avec un serial killer et de l'action non-stop. L'action se déroulant sur une année, l'auteur choisit de nous conter son histoire par les différentes petites intrigues et complots entre les personnages. L'histoire commence vraiment à se préciser après le premier tiers du roman. 
Toutefois, il y a quand même des passages assez stressants voir gores qui permettent de redonner du souffle à l'histoire, et une petite touche de fantastique pour relever le tout. Le style de l’auteur, parfois cru donc, souvent direct, s’adapte parfaitement à l’atmosphère de l’histoire et décrit avec précision la suite d’évènements et les ressentis des uns et des autres.
Au final, Karen Maitland nous offre ici un roman aussi réussi que "La compagnie des menteurs" (malgré une construction complètement différente), dans une atmosphère sombre et ensorcelante, elle fait évoluer des personnages originaux et complexes, dont les liens et les secrets créent un suspens prenant qui pousse le lecteur à dévorer ces quelques sept cents pages. Donc un très bon roman, qui ne plaira sans doute pas à tout le monde à cause de sa construction, mais qu'il serait dommage de bouder tant l'univers est riche et ses personnages haut en couleur. Un grand plaisir de lecture. Un polar érudit et foisonnant à découvrir d’urgence !!!

Virtus : Un Ken le survivant à l'époque romaine !!!

Note : 3.75 / 5


Synopsis : 

An 185 de l’ère chrétienne. L’empereur Commode, cruel et sanguinaire, entraîne Rome à sa ruine. Peu pressé de gouverner, il préfère combattre dans l’arène. Pour Marcia, concubine du tyran, Rome a perdu ce qui faisait le fondement de sa grandeur : la “virtus”, la force d’âme, la droiture.
Désespérée, elle sollicite l’aide d’une sorcière, qui fait venir par magie à Rome des hommes capables de rappeler cette valeur fondamentale au tyran. Le sort choisit un groupe de prisonniers japonais du XXIème siècle. Précipités sur les sables de l’arène, ils vont découvrir la cruauté du destin des gladiateurs : brutalité des entraînements, férocité des combats, brimades quotidiennes au ludus. Les intrigues politiques et la corruption de la capitale impériale parviendront-elles à briser l’esprit de ces hommes ?

Critique :
Après "Thermae Romae" (manga sur les bains publics romains et japonais), Rome continue d'inspirer les mangakas. Les éditions Ki-oon nous proposent "Virtus". Une histoire plutôt virile pour lecteurs avertis : L’empereur Commode se défoule régulièrement dans l’arène et mène  Rome à sa ruine, alors sa concubine s'associe à une sorcière pour ramener du japon, et du XXIème siècle, un mystérieux judoka qui saura faire revenir tout le monde à la vertu !
"Virtus" est un seinen de testostérone, une lecture bourrine où les pages sont à lire parce qu'elles déménagent, et qu'on se laisse emporter par l'action en oubliant toute réflexion. Beaucoup d'action donc, de violence, et de combat. Les auteurs n'y vont pas de main morte et proposent des pages parfois très "gores" pour le grand bonheur des amateurs du genre !
Ce qui frappe en premier c'est l’esthétique old school de ce manga, que l'on pourrait croire avoir été dessiné dans les années 80. Trait épais, musculatures surdéveloppées, yeux globuleux exsangues et déformations extrêmes des corps meurtris par les coups.
Découlant directement de ce parti pris old school, la lecture se révèle très efficace. Le tome se dévore et l'on parvient à la fin sans vraiment sans apercevoir. Le style y est donc pour beaucoup : on se délecte du graphisme réaliste, aux traits d'une épaisseur cohérente avec le côté "brut" de l'histoire. Le dessin, très détaillé, possède aussi une puissante expressivité et beaucoup de dynamisme. Les visages en colère, les mouvements, et autres faciès de lion d'arène ont une sacrée gueule et nous font frémir ! Cependant, le dessinateur a beaucoup plus de peine avec les visages souriants ou inexpressifs, qui parfois dérangent un peu l’œil au milieu de tant de réussite. Mais comme il n'a pas si souvent que ça l'occasion de les dessiner, ce n'est pas en fin de compte ce qui marque le plus.
Ainsi, son aspect clairement old school lui donne un charme désuet sympathique, à défaut de transcender la série graphiquement parlant. Si le dynamisme, la mise en scène et les coups d'éclats sont bien là, l'aspect gothique, surchargé parfois, ajoute à toute une ambiance qu'il est difficile de renier : à la lecture de ce premier tome, "Virtus" est avant tout un défouloir qui fonctionne ! Ajoutons à cela une source fantastique, proche de ce que l'on a connu dans l'excellent "Thermae Romae", à savoir le choc des cultures de la Rome antique et du Japon contemporain, pour donner à ce "Virtus" un ambiance assez unique, il faut bien le dire.
Le manga mélange ouvertement "Gladiator", "Rome" la série (le héros étant un gentil géant un peu frustre à la Titus Pullo) et divers mangas de baston. On pensera d'ailleurs à "Coq de combat" concernant les détails techniques des affrontements et à "Hokuto no Ken" ("Ken le survivant") concernant le dessin et l'ambiance réalistico-gore !
Au final, on ne lit pas "Virtus" pour sa finesse ni sa morale, mais pour sa redoutable efficacité dans l'illustration des différents combats que va aligner Takeru Narumiya avant sa probable rencontre finale avec Commode. Réponse en cinq volumes !!!

My lady vampire : Une série qui ne révolutionne pas le genre, mais qui apporte des nouveautés intéressantes !!!

Note : 3.75 / 5 


Synopsis : 

En 1825, Aloïs, bâtard du Marquis de Tullencourt, est accosté par le ténébreux Faust, assassin et vampire de son état. Après avoir été mordu jusqu'au sang, le jeune homme découvre qu'il est mort et devenu un vampire. De fait, son tortionnaire lui propose d'œuvrer pour lui durant le demi-siècle à venir. 
Au bout d'une trentaine d'années, alors qu'il s'est acquitté normalement de ses missions, Aloïs se voit pris dans un traquenard tendu par la meute dont dépend Faust. In extremis, il sauve sa peau pour échouer gravement blessé en Cambridge, au manoir du Comte Shelley dans lequel vit Loreleï, jeune aveugle après l'accident mortel de sa mère. Ne sera-t-elle pas la prochaine victime du vampire ou, au contraire, va-t-elle être celle qui va influer sur la destinée du fuyard ?

Critique :
Vu l'abondante production d'histoires de vampires parues ces derniers temps, faire preuve d'originalité dans le genre n'est guère une entreprise aisée. Pourtant, s'apparentant à la romance paranormale de par ses thèmes et ses atours, "My Lady Vampire : Deviens ma proie", de la collection Strawberry de chez Soleil, fait figure de bonne surprise. Une impression positive due à l'efficacité de l'histoire. 
On ne s'ennuie à aucun moment lors de la lecture de ce premier tome : une intrigue solide prend place rapidement, la galerie de personnages se réclame intéressante et les grandes lignes d'une romance complexe s'ébauchent. Force est de constater que la lecture de ce premier épisode est des plus agréables, bien rythmé, même s'il ne bouleverse pas le genre. On y trouve quelques bonnes trouvailles liées aux vampires et à leur mode opératoire.
La série s'adresse principalement aux filles, le titre et la couverture de ce premier tome ne font d'ailleurs guère mystère de la tonalité sentimentalo-gothique de la BD. Néanmoins, dès les premières planches, la série aborde deux petites originalités qui font plaisir. Premièrement, les humains découvrent tout de suite qu'Aloïs est un vampire (ce dernier ne s'en cache pas vraiment) ; ensuite, il ne tombe pas sous le charme de la charmante humaine Loreleï, du moins pour le moment. Du coup le récit concocté par Audrey Alwett ("Ogres", "Triskell", "Voyages aux ombres") y gagne en rythme et en intérêt.
L’histoire est attrayante et la lecture fluide. Son intérêt vient surtout d'une sorte de contre-emploi que la scénariste use adroitement dans la psychologie de certains de ses personnages (en particulier la jeune Loreleï). De même, certaines scènes s'écartent des ambiances ouatées, type fleur bleue liées à la collection Strawberry, en tombant dans une violence assez surprenante et dans une causticité bien accrocheuse qui donne réellement un certain mordant.
Les dessins de cette nouvelle série sont assurés par Silvestro Nicolaci, auteur italien ayant déjà participé au collectif "Sweety sorcellery", en illustrant une histoire courte. La partition visuelle se montre à la hauteur du récit. Le dessinateur réussit avec efficacité les transitions entre les ambiances nocturnes et diurnes. De même, son travail sur le character-design permet de distinguer aisément les vampires des humains.
Graphiquement donc, le dessin possède un très bon potentiel. Appuyé par une colorisation très réussie, le trait de Nicolaci est gracieux, assuré, plein de détails et anime un univers historique homogène qui colle aux intentions scénaristiques et plaisant à parcourir. Si les décors, dans leurs proportions, sont un tant soit peu "cartoonesques", il n’en demeure pas moins que la qualité picturale est au rendez-vous et se veut indéniable grâce à des personnages au charisme et au physique envoutants.
"My Lady Vampire : Deviens ma proie" est une BD qui s'adresse aux lecteurs en quête d'une fiction rappelant les grandes tragédies anglaises pleines de cruauté, de sensualité et de sentiments. Le tout saupoudré de fantastique. Une bonne entrée en matière d’une aventure au mordant assuré que filles et pourquoi pas garçons grignoteront bien volontiers. Un premier tome qui fait bonne impression et génère l'attente de sa suite avec une certaine impatience !!!

Qu'avons-nous fait de nos rêves ?
                                                           de Jennifer Egan


Note : 4 / 5


Synopsis : 

Qui n'a jamais rêvé de monter un jour sur scène ? De quitter l'ombre pour se retrouver sous les feux des projecteurs ?
C'est l'ambition que partage une petite bande d'adolescents dans le San Francisco débridé des années 1970. Avec leur groupe de musique punk, ils jouent dans des bars, font des pogos et se donnent l'illusion d'une désinvolture propre à leur jeunesse. Mais le temps passe et l'irrévérence laisse bientôt place aux contraintes de la vie adulte. Bennie, ancien mélomane passionné, est devenu producteur de musique et se contente de sortir des tubes insipides. Lou Kline, dragueur invétéré, se retrouve seul dans sa belle maison. Et que dire de la belle Sasha qui, après un passé tumultueux, a le sentiment d'entraîner les échecs ? Et pourtant, ils n'ont pas dit leur dernier mot.

Critique :
L'un des temps forts de la rentrée littéraire est la traduction aux éditions Stock du prix Pulitzer 2011, "Qu'avons-nous fait de nos rêves?", de Jennifer Egan. Née à Chicago en 1962, aujourd'hui installée à New York, l'auteur de "L'envers du miroir" (Belfond, 2003) relie dans ce livre une série de courtes nouvelles, autant d'histoires où les destins s'enchaînent "en restituant le passage du temps et les aléas du désir".
Il y a mille et une façons de raconter une histoire, commencer par le début pour aller vers la fin n'est qu'une des options, assez académique mais pas obsolète pour autant, non plus que forcément banale. Ce n'est pas celle qu'a choisie la romancière américaine Jennifer Egan, dont "Qu'avons-nous fait de nos rêves ?" s'offre à contempler, à lire, à savourer comme une constellation (de personnages, de scènes, d'épo­ques) dont l'ordonnancement, assurément savant, répond à une logique qui ne doit rien en apparence à la chronologie. Jennifer Egan démontre une grande ironie, qu'elle pratique avec bonheur et délicatesse. Ludique, chatoyante est l'architecture romanesque qu'elle met en place avec brio, mais sans bousculer en profondeur les codes. 
Séduisant, virtuose, ancré dans notre temps, "Qu'avons-nous fait de nos rêves ?" demeure un beau roman mélancolique, au cœur duquel se déploie une méditation sur le temps et le destin de l'individu. On dit toujours que l'intelligence nuit au romanesque. Jennifer Egan prouve le contraire. Elle sait ce qu'elle fait et où elle va. La technique n'est pas incompatible avec l'émotion.
Beaucoup de personnages, plus ou moins liés au monde de la musique : producteurs, musiciens, parfois bien installés dans leur existence, mais toujours avec une pointe d'insatisfaction, ou bien partant à la dérive. Le livre est un roman hybride, ni roman ni recueil de nouvelles, qui regroupe différentes histoires axés sur un de ces personnages alors que les autres passent au second plan, sans continuité chronologique, et dans un style d'écriture très différent d'un chapitre à l'autre, l'un d'entre eux par exemple est le journal d'une adolescente écrit en Powerpoint. Chaque chapitre se concentre donc sur un personnage et un moment de sa vie.
Jennifer Egan
Chaque personnage a un côté obscure, et on a l'occasion de lire Face A et Face B pour chacun d'entre eux. On fait régulièrement des bons dans le temps, voir dans l'anticipation pour l'un des chapitres. Un livre plein d'énergie, de rire ou de larmes et de réflexions sur nos destins quotidiens.
Prix Pulitzer en 2011, "Qu'avons-nous fait de nos rêves ?" est addictif comme une série télé, le livre entremêlant les destins et les époques pour dire les désillusions et le temps qui passe. Jennifer Egan parle d'ailleurs de lui comme un livre se situant entre Proust et Les Sopranos !
Qu'est-il arrivé à tous ces personnages ? Quelqu'un peut-il leur expliquer ce qui est arrivé ? La réponse attend peut-être page 146. "Je suis comme l'Amérique", dit un des personnages, "je me suis sali les mains". Une ribambelle d'autres questions surgissent dans ces chapitres enlevés. Pourquoi les joggeuses portent-elles des brassières ? Un punk peut-il avoir des taches de rousseur ? Où ont disparu les espoirs ? Qui a bousillé les illusions ? Comment se fait-il que le monde n'ait pas changé ?
Au-delà des questionnements, ce livre est une peinture de la société si juste et violente qu'il résonne forcément en chacun de nous et nous laisse un goût de nostalgie. Un livre dense, qui remue et ne laisse pas indifférent. Difficile de résumer ce roman brillant et ambitieux, en tous cas une chose est sûre il faut le lire absolument !!!

Une place à prendre
                           de J. K. Rowling


Synopsis : 

Bienvenue à Pagford, petite bourgade anglaise paisible et charmante : ses maisons cossues, son ancienne abbaye, sa place de marché pittoresque... et son lourd fardeau de secrets. Car derrière cette façade idyllique, Pagford est en proie aux tourmentes les plus violentes, et les conflits font rage sur tous les fronts, à la faveur de la mort soudaine de son plus éminent notable.
Entre nantis et pauvres, enfants et parents, maris et femmes, ce sont des années de rancunes, de rancœurs, de haines et de mensonges, jusqu'alors soigneusement dissimulés, qui vont éclater au grand jour et, à l'occasion d'une élection municipale en apparence anodine, faire basculer Pagford dans la tragédie.

Attente :
"Une place à prendre" ("The casual vacancy" en anglais) est le nouveau roman très très très attendu de J. K. Rowling. Il sera disponible le 28 septembre prochain en France. Il est traduit par Pierre Demarty pour les éditions Grasset. La quatrième de couverture nous dit : "Attendue de tous, J.K. Rowling revient là où on ne l'attendait pas et signe, avec ce premier roman destiné à un public adulte, une fresque féroce et audacieuse, teintée d'humour noir et mettant en scène les grandes questions de notre temps". Espérons seulement que ce n'est pas simplement une manœuvre marketing et que ce roman "noir" sera à la hauteur des expectatives !
L’auteur, quant à elle, le présente comme le symbole d’une "nouvelle page de sa vie d’écrivain". "Une place à prendre" s’annonce, selon elle, représentatif de "la liberté d’explorer de nouveaux territoires que le succès d’Harry" lui a conféré. Ce livre-là sera donc très différent d’Harry Potter.
C’est aussi ce que laisse entendre l’éditeur Neil Denny qui parle de ce roman noir de 500 pages environ dans les termes suivants : "Ce livre n’est clairement pas un polar traditionnel, il sonne original, il sonne intéressant et ambitieux. C’est un créneau peu exploité et vide, que peut-être, elle seule peut combler."
Bien décidée donc à repartir de zéro, comme une débutante, J.K. Rowling s'apprête à publier, le 27 septembre en Angleterre et le lendemain en France, son premier roman destiné aux adultes. Aucun doute que la démarche de l'auteur des sept volumes d'Harry Potter, publiés entre 1997 et 2007 et vendus à plus de 450 millions d'exemplaires, est sympathique voire même courageuse. Reste que J.K. Rowling ne s'attendait sans doute pas à ce que le public réponde avec si peu d'enthousiasme à son changement de cap littéraire.
En effet, les précommandes "d'Une place à prendre" sont faibles, aussi bien à Paris qu'à Londres. Ainsi, dans la librairie anglaise de Paris, WHSmith, rue de Rivoli, Hannah, responsable de la communication, reconnaît que depuis la mise en place d'un système de prévente il y a trois mois, seule une vingtaine de commandes a été passée: "Nous sommes surpris et déçus", glisse la jeune femme qui fait tout de suite la comparaison avec la sortie en 2007 du dernier volet des aventures de "Harry Potter" : "Dans le même laps de temps nous avions eu plus de 500 ouvrages pré-vendus".
Les aficionados de l'auteur ne semblent pas suivre ce changement de direction. Pour ma part, je ne peux qu'espérer et souhaiter que ce roman me plaira. L'imagination et le sens du détail de J. K. Rowling étaient si impressionnants dans "Harry Potter" que je me ferais un devoir d'être un des premiers lecteurs français de ce nouveau roman "Une place à prendre" !!!

Runberg et Juzhen - Konungar : Une aventure épique et fantastique qui mêle brutalité et subtilité !!!

Note : 4.5 / 5

Synopsis : 

Aux confins nordiques de l'Europe, dans le Royaume d'Alstavik, la menace est partout. Les Centaures, ennemis mortels des Vikings, s'apprêtent à franchir la muraille d'enceinte qui les protège depuis la dernière invasion. 
Du côté de la mer, les Celtes du royaume de Moh Ruith se font pressants, alors que le Royaume est toujours en proie à une guerre civile effroyable. Car depuis le décès du roi, ses deux fils Rildrig et Sigvald se disputent le trône. Contraints par le péril qui gronde partout, les frères ennemis s'associent pour faire face aux menaces extérieures.

Critique :
Konungar nous entraîne dans un récit d’héroïc fantasy nordique de grande qualité. Bien des dangers fragilisent le royaume d’Alstavik au premier rang desquels la guerre fratricide à laquelle se livrent Sigvald et Rildrig. Mais les deux frères vont devoir tenter de mettre leur haine de côté afin de réunifier le royaume car la menace du peuple centaure se fait sentir à nouveau.
Sylvain Runberg aime les récits de guerre, dans des lieux reculés, peu traités en BD, avec une pointe de fantastique. Après "Reconquêtes" et l’Asie mineure, voici donc "Konungar" et les terres scandinaves. Un cadre réaliste où l’on trouve pourtant centaures, personnages fictifs et magie runique. La construction est ici un peu la même que "Reconquêtes", avec la menace naissante dans les premières pages suivie de la description des forces en présence, avec une alternance des personnages et des époques. "Reconquêtes" n’avait pas particulièrement touché, contrairement à "Konungar".
Le scénario de Runberg reprend de nombreux thèmes récurrents du genre, cependant  il construit son récit habilement entre passé et présent et parvient à nous happer grâce à sa fluidité. La saga s'étalera sur trois tomes, évidemment il y a quelques raccourcis pris dans le scénario mais rien qui ne vienne gâcher le plaisir. L'univers est bien mis en place, on s'attache très rapidement à la galerie de personnage et le bestiaire est un pur régal ! L'action, quant à elle, est très bien parsemée dans le récit, avec des flashbacks courts et efficaces qui s'inscrivent dans le récit sans lui nuire ! Le scénario de ce premier tome intitulé "Invasions" fourmille donc de scènes d’action et le lecteur devient ainsi spectateur de combats hors du commun. Le fantastique vient aussi se glisser dans cette épopée mouvementée avec en particulier un humain mort, transformé en une véritable bête sanguinaire et destiné à devenir une machine de guerre. Un cobaye qui pourrait bien donner naissance à beaucoup de créatures de son genre.
Un scénario assez simple donc rendu pourtant original par sa mise en place progressive, puisque la raison des tensions s’explique progressivement au fil de ces flashbacks, les liens se complexifient, l’histoire s’enrichit. Véritable force de "Konungar", ils ont aussi malheureusement l’effet pervers de rendre par moment l’ensemble un peu confus, le rythme un peu haché. On passe pourtant facilement outre ces quelques détails, "Invasion" se présente bien comme une introduction, délimitant les cadres, tout laissant penser que le rythme s’accélèrera considérablement avec les tomes suivants.
Une histoire passionnante illustrée avec brio par Juzhen. A noter, au début de la bande dessinée se trouve une superbe illustration d’un Centaure sur une pleine planche. Les expressions et les visages des personnages sont réalistes et minutieusement travaillés. Les ombres et les lumières permettent aussi de donner vie aux mouvements des personnages, d’accentuer les reliefs des paysages, la texture des cheveux, des vêtements, etc. Juzhen utilise aussi différents angles de vue et de perspective contribuant au dynamisme de l’ensemble tout comme les dispositions variées des cadres et leurs diverses tailles. Côté dessin donc, la précision et le souci du détail sont bluffant. Juzhen ne recule pas devant la difficulté.
Graphiquement, pas grand-chose à redire par conséquent, au contraire même. Un dessin très abouti, vraiment joli dans l’ensemble malgré un design des centaures assez déroutant au départ. Le trait met parfaitement en valeur les décors monumentaux et la brutalité des affrontements alors que les personnages gardent un aspect lisse pas désagréable. Un ensemble finalement assez original et très réussi. La colorisation est, quant à elle, tout simplement superbe !
Avec son premier opus "Invasions", Sylvain Runberg parvient à nous initier à son nouveau contexte aventureux, un contexte ô combien imprégné d'ambiances ancestrales nordiques, de violence barbare et de conflit fratricide. Le deuxième opus, "Les guerriers du néant" (sorti depuis peu), n'échappe pas à la règle désormais établie et nous donne les répercussions de l'alliance entre les frères ennemis, Rildrig et Sygwald. 
Force est de constater que la puissance évocatrice des évènements antérieurs perdure dans cette suite, nous promettant ainsi une intrigue toute aussi puissante pour ne pas dire massive. De fait, le scénariste joue sur plusieurs tableaux distincts, s'attachant à faire monter en puissance son aventure de tout côté. Cette conjonction scénique dévoile ainsi avec force, dans un sens du découpage inné, les faits présents qui sous-entendent une trahison latente bien amenée. Pour mieux en apprécier la profondeur de cette dernière, des séquences de dix ans en arrière, elles-mêmes porteuses d'un mystère à découvrir prochainement, viennent les entrecouper audacieusement.  
A n'en pas douter, cette aventure de par sa vigueur barbare et de ses accents fantastiques, possède un potentiel tonitruant plaisant à déguster. Sylvain Runberg pousse à l'extrême ses personnages et leurs caractères entiers, dans une férocité démesurée, pour mieux appréhender leurs aspirations parfois bonnes, parfois machiavéliques. De même, en fin stratège, il nous désoriente volontairement pour laisser entrevoir une autre perception de son histoire, perception que l'on aura au final de cet épisode.
Il ne fait aucun doute que Juzhen semble être dans son élément quand il s'agit de jouer la carte de la démesure. Il suffit pour cela de regarder ses personnages, mythiques ou réels, qui ont un charisme totalement surdimensionné. La puissance évocatrice de ces derniers se ressent par leur apparence massive, sauvage et sanguinaire, et se veut de fait impressionnante. Une deuxième partie tonitruante d'une épopée viking qui ne laisse pas indifférente. Au final, "Konungar" se trouve être une excellente aventure qui promet et qui ne génère qu'un seul regret inévitable, celui de devoir patienter pour lire la suite !!!

Indignation
             de Philip Roth


Note : 4 / 5


Synopsis : 

Nous sommes en 1951, deuxième année de la guerre de Corée. Marcus Messner, jeune homme de dix-neuf ans, intense et sérieux, d’origine juive, poursuit ses études au Winesburg College, dans le fin fond de l’Ohio. Il a quitté l’école de Newark, dans le New Jersey où habite sa famille. Il espère par ce changement échapper à la domination de son père, boucher de sa profession, un homme honnête et travailleur, mais qui est depuis quelque temps la proie d’une véritable paranoïa au sujet de son fils bien-aimé. Fierté et amour, telles sont les sources de cette peur panique. Marcus en s’éloignant de ses parents, va tenter sa chance dans une Amérique encore inconnue de lui, pleine d’embûches, de difficultés et de surprises.
Indignation, le vingt-neuvième livre de Philip Roth, propose une forme de roman d’apprentissage : c’est une histoire de tâtonnements et d’erreurs, d’audace et de folie, de résistances et de révélations, tant sur le plan sexuel qu’intellectuel. Renonçant à sa description minutieuse de la vieillesse et de son cortège de maux, Roth poursuit avec l’énergie habituelle son analyse de l’histoire de l’Amérique, celle des années 1950, des tabous et des frustrations sexuelles, et de son impact sur la vie d’un homme jeune, isolé, vulnérable.

Critique :
Un roman, même mineur, de l'écrivain américain du New-Jersey reste un évènement littéraire. Avec "Indignation", un des plus grands auteurs américains vivants narre la difficile année 1951 d'un jeune homme juif de 19 ans dans une université de l'Ohio.
Roman d'apprentissage aussi drôle que désespéré, le livre met avant tout en exergue l'hypocrisie et la dureté de la société américaine d'après-guerre, tout en soulignant les frustrations sexuelles d'un jeune homme comme tant d'autres. Véritable maître de la peinture sociale, Roth braque son télescope sur une période méconnue de l'histoire du XXe siècle : la guerre de Corée.
Tout Philip Roth peut tenir dans une phrase : l’ironie et la morale, la chance et le destin. Des paradoxes implacablement à l’œuvre dans toute vie, c’est pourquoi on ne peut réduire "Indignation" à la seule dénonciation de l’hypocrisie puritaine de l’Amérique des années 50. Philip Roth, bien entendu, nous délivre toujours quelque chose de plus profond que le background sociétal de ses romans. Ici, mine de rien, il nous montre comment, point par point, toute existence peut sombrer dans la tragédie, ou plus modestement, le drame, que toute vie n’est que la somme de ses actes, même les plus infimes.
Philip Roth
Le héros, Marcus Messner, nous parle d'outre-tombe. Ce jeune diplômé vient de trouver la mort au combat. Depuis son au-delà (pensé par Roth comme un endroit vide où, solitaire, chacun est condamné à se souvenir à jamais des menus détails de sa vie), Marcus essaie de reconstruire les mœurs qui régnaient sur le campus où sa vie bascula. Pour échapper à la surveillance constante d'un père fou d'angoisse à l'idée que son fils unique affronte les périls de l'existence, Marcus a quitté Newark et s'est inscrit dans une université paumée du Midwest. Là, il découvre qu'il ne peut échapper à une autre tyrannie : celle des conventions. Assister à l'office religieux, suivre des camarades de chambrée dans leur mutisme ou leur chahut, intégrer la communauté universitaire,... tant d'obligations qui indignent Marcus. Furieux, humilié, amer, ce dernier a beau trouver l'amour (ou ce qui lui ressemble) dans les bras de la Reine de la fellation 1951, il considère comme inadmissible ce monde décervelé. Où le mènera sa perpétuelle indignation ?
La brève vie de Marcus, c'est en fait l'histoire d'un garçon de bonne volonté, modeste, droit, honnête, dont l'existence brutalement dérape, Roth ne faisant rien pour le retenir dans sa chute. Laquelle se produit sur le campus de l'université de Winesburg, Ohio, où la sincérité naïve de l'attachant Marcus finira par se retourner contre lui. Caustique, poignant, le roman embrasse en outre toute une série de motifs constitutifs de l'univers de Roth : l'histoire moderne des États-Unis, la société américaine d'avant la révolution sexuelle, les relations filiales hautement problématiques, la sexualité comme énergie vitale... Au destin de Marcus, le romancier n'appose nulle conclusion édifiante, nulle morale et le pouvoir d'impact "d'Indignation" n'en est que plus grand.
Le style est fluide et agréable. Tout s'enchaîne et se suit. La construction "d'Indignation" donne en permanence le sentiment que nous n'avons aucun contrôle sur ce qui arrive. "Indignation" est un roman extraordinairement humain. Il est le miroir d'une époque et d'un milieu. Il dévoile un pan de l'histoire des États-Unis peu connu. Une période de frustration sexuelle des étudiants sur les campus des années 1950 et de boucherie guerrière en Corée. L’Amérique est vorace. Elle dévorera ses enfants qui ne sont, quoiqu'en disent les parents, amis ou doyens, ni rebelles, ni coupables. 
"Indignation" est la tragédie de celui qui n’a pas su adapter sa vie à son temps, le contredisant sans cesse, s’y heurtant continuellement comme un pauvre petit papillon de nuit au lampadaire qui finira par lui consumer les ailes. Mais n’est-ce pas cela, être révolutionnaire ? Ainsi, Marcus Messner est l’un des plus beaux personnages de Roth, plongé dans un monde auquel il ne comprend rien, suivant son désir jusqu’à la mort, incapable de faux-semblants, incarnation du désir de liberté de toute une génération !!!

Vampire, L'âge des ténèbres : Un jeu de rôle passionnant et aux possibilités de déroulement gigantesque !!!

Note : 4.75 / 5


Synopsis : 

Ils sont partout. Ils sont parmi nous depuis le début des temps. Ils se nourrissent du sang des mortels, et tirent leur puissance de leur propre flux sanguin, don ou malédiction hérité du premier d’entre eux : Caïn. Premier meurtrier de l’humanité, premier à avoir versé le sang, premier Vampire.
Les siècles ont passé, Caïn a engendré des infants, qui à leur tour ont étreint de nouveaux vampires, perpétuant et développant ainsi la race des damnés de la nuit, appelés caïnites, du nom de leur Père à tous. Mais au fil des générations, le sang originel se dilue de plus en plus, rendant les nouveau-nés de moins en moins puissants. Des lignées de vampire se sont construites au fil du temps, pour finalement former de véritables clans, treize en tout, chacun ayant hérité de pouvoirs et de tempéraments particuliers.
En cette période obscure qu’est le Moyen-Âge, la survie des vampires est l’objet d’une lutte constante. Si les conflits entre les clans sont parfois très meurtriers, la préoccupation majeure du caïnite est avant tout de se nourrir. Et s’il est facile de se cacher parmi les ombres de la nuit, s’intégrer dans une société qui ne vit que sous le règne de l’astre solaire, et dont l’activité nocturne est plus que réduite, est un combat quotidien.
Pour vivre, et survivre, les caïnites devront parfois mettre leurs rivalités de côté, et s’allier, de gré ou de force, avec quelques initiés mortels. Ce n’est qu’à ce prix que les Vampires pourront sortir de l’Âge des Ténèbres.
Critique :
Imaginez des villages médiévaux, isolés dans les ténèbres. Imaginez des cathédrales illuminées par les torches des fanatiques religieux. Imaginez des forêts impénétrables, hantées par des créatures dont les hurlements résonnent dans la nuit. Imaginez les volets qui claquent à votre approche, les regards apeurés, les gens qui se signent. Vous ne craignez que vos semblables, et vous avez, par goût ou par nécessité, voué votre immortalité à la lutte pour le pouvoir, pour votre survie. La nuit est à vous, elle vous appartient. Enfin, c'est ce que vous croyez, parce que la vie d'un vampire au Moyen-Age n'est pas des plus faciles.
"Vampire : L'âge des ténèbres", ou "Vampire : Dark age" en son titre original, décline le principe de "Vampire : la Mascarade", en l'adaptant au Moyen-Age. Le contexte est celui de l'Europe en l'an 1199, en pleine époque des croisades, des bâtisseurs de cathédrale, et des premiers échanges commerciaux. L'ambiance devient au XIIème siècle "médiéval-sombre", et l'Europe de fiction du jeu est fortement marquée par l'obscurantisme, la superstition, et le surnaturel. Des monstres sont tapis dans l'ombre, la magie est une réalité, et qui veut être prudent ne sort pas de chez lui à la nuit tombée.
Armoiries cappadociennes
Le concept à la base du jeu se caractérise par le fait que les vampires sont des prédateurs nocturnes figés éternellement dans un état entre la vie et la mort, déchirés par un conflit intérieur entre leur partie humaine, et la bête assoiffée de sang qui sommeille en eux. La malédiction vampirique, transmise par morsure de "génération" en "génération", remonterait à Caïn, père de tous les vampires et "grand-père" des fondateurs des clans de vampires.
La division clanique est à la base de la société vampirique que les "caïnites" ont constituée en marge de celle des mortels : treize lignées existent (les Assamites, les Brujah, les Cappadociens, les Fils de Seth, les Gangrels, les Lasombras, les MAlkaviens, les Nosferatus, les Ravnos, les Toréadors, les Tremere, les Tzimisces et les Ventrues), fondées par les treize vampires de troisième génération qui se sont révoltés contre les enfants de Caïn, de seconde génération. Chaque clan apporte en héritage à ses membres un caractère, des capacités, des affinités et des faiblesses héréditaires. Outre son appartenance clanique, la position d'un vampire vis-à-vis de ses pairs est basée sur son ancienneté. L'âge, et le nombre de générations qui séparent le vampire de Caïn, le premier d'entre eux, conditionnent le statut social du "caïnite".
 
Armoiries tzimisces
Les vampires du XIIème siècle sont marqués par le mysticisme de leur époque, et s'interrogent sur la raison de leur damnation. Certains ont même réussi à concilier leur foi de mortel et leur code de conduite vampirique.
En 1199, les vampires vivent en seigneurs de la nuit, qu'ils contrôlent un territoire ou aient décidé de mener une vie vagabonde. La société vampirique de l'époque est brutale et rigide. Les Anciens utilisent dans leurs querelles de clocher les jeunes vampires comme de la chair à canon, et aucune autorité ne vient tempérer la puissance d'un Prince sur son Domaine. Le nombre de vampires étant très important par rapport à la population humaine, les Traditions sont implacablement appliquées, et la mortalité chez les jeunes vampires est très importante. Seule l'ancienneté compte, et c'est ce qui provoquera quelques siècles plus tard le schisme entre les clans et la création du Sabbat, à l'époque de l'Inquisition. Car la méfiance de la population, l'absence d'activité humaine à la nuit tombée, la présence de garous dans une nature encore sauvage, sont des facteurs qui rendent la dissimulation particulièrement difficile, et la menace de l'Inquisition se rapproche.
Vous l'aurez compris, "Vampire : L'âge des ténèbres" possède un background extrêmement développé, permettant des possibilités quasi illimitées de création de jeu. Certainement le plus passionnant des jeux qui traitent des vampires. Il ouvre donc au conteur des possibilités de déroulement gigantesques. Le nombre impressionnant des clans permet de créer des personnages très variés : du guerrier assamite au dilettante toréador, en passant par le plus retors des Lasombras, etc. Des disciplines et des pouvoirs variés, et la possibilité d'en créer d'autres, tout est là pour passer de bons moments dans la peau d'un caïnite. Doté d'un background extrêmement détaillé, complet, fourmillant de milliards d'idées de scénarios, ce jeu est un concentré de bonheur rôlistique ! 
Certainement mon jeu de rôle préféré et assurément le meilleur concernant le monde vampirique !!!

Naruto : Un concentré d'idées nouvelles sur un thème connu qui a fêté ses 10 ans d'existence !!!

Note : 4.5 / 5


Synopsis : 

L'histoire commence pendant l'adolescence de Naruto, vers ses douze ans, à Konoha (un puissant village de ninja). Orphelin, éternel cancre et grand farceur, il fait toutes les bêtises possibles pour se faire remarquer. Son rêve : devenir "Hokage" (le plus haut niveau hiérarchique auquel puisse accéder un ninja, c’est donc bien évidemment la caste la plus puissante mais également la plus difficile à atteindre) afin d'être reconnu par les habitants de son village. En effet, le démon scellé en lui a attisé la crainte et le mépris des autres villageois, qui, avec le temps, ne font plus de différence entre le Kyûbi (le démon-renard à neuf queues) et Naruto. 
Malgré cela, Naruto s'entraîne dur afin de devenir "genin", le premier niveau chez les ninjas. Après plusieurs essais, il arrive finalement à recevoir son bandeau frontal de Konoha et la promotion qui va avec. Il est alors inclus dans une équipe de trois apprentis ninjas, avec Sakura Haruno et le talentueux Sasuke Uchiwa. Peu après, ils rencontrent leur "jōnin" (maître instructeur et ninja de niveau supérieur), celui qui s'occupera de leur formation : le mystérieux Kakashi Hatake.
Au début craint et méprisé par ses pairs, il va peu à peu monter en puissance et gagner le respect et l'affection des villageois grâce notamment aux combats dantesques qu'il remportera face aux ennemis les plus puissants de Konoha parmi lesquels se trouvent plusieurs anciens villageois. Peu à peu, les sombres desseins de domination mondiale de l'un d'entre-eux se dessinent.

Critique :
Demandez le nom d'un manga à un non-adepte, il vous répondra "Naruto". Une référence donc. 
"Naruto" est un Shônen, un récit mettant en avant un héros juvénile auquel le lecteur s’identifie facilement, possédant aussi un talent caché qui lui permettra de se dépasser et d’accomplir de grandes choses. Le lecteur est immédiatement plongé dans l’action. Les auteurs optent d’ailleurs souvent pour une mise en page qui exalte les prouesses de leurs personnages.
L'originalité de ce manga est que son histoire se déroule dans un monde rétro-futuriste où, bien que de nombreuses technologies modernes aient vu le jour, les ninjas et, dans une moindre mesure, les samouraïs sont restés de véritables puissances militaires. 
Concernant le dessin, celui-ci est vraiment correct pour un shônen, détaillé et très dynamique grâce à l'utilisation des hachures mais aussi dans le découpage des planches. De plus les personnages sont vraiment expressifs et pour une fois ils ne se ressemblent pas. Ainsi, ils ont chacun un style bien particulier et unique.
En outre, ce style unique des personnages se retrouve aussi au niveau de leur comportement et de leur caractère. On remarque que l'auteur a particulièrement travaillé sur les sentiments et réactions de ses acteurs. Toutefois attention car on reste comme même dans un shônen et donc les personnages sont toujours légèrement stéréotypés avec le héros, Naruto, mauvais-garçon mais porteur d'un grand pouvoir ; Sasuke, taciturne mais avide de vengeance, et Sakura, groupie avec 0 de QI mais totalement dévouée. En outre, l'humour a logiquement une place très importante avec des noms de techniques voir des techniques plus que loufoques, des blagues salaces, des combats de vannes voir des situations mémorables.
Enfin, ce qui m'a le plus marqué c'est en fait le personnage de Naruto. L'auteur arrive à rendre vraiment son héros intéressant mais surtout humain. On ressent réellement la solitude et les sentiments qui habitent le héros tels que la tristesse et l'incompréhension. L'auteur arrive alors à distiller un message sur les thèmes de l'exclusion et de la tolérance.
Dans l'ensemble, "Naruto" a été bien accueilli au Japon et aux États-Unis comme dans le reste du monde. Au total, le manga s'est vendu à 4 261 054 exemplaires au Japon en 2008, devenant ainsi la deuxième série la plus lue dans le pays.
Acclamé par beaucoup, le petit ninja orange (devenu grand depuis!) fête ses 10 ans d'existence ! Afin de fêter comme il se doit cet événement, les éditions Kana publieront en 2012, les 8 volumes collector sortis au Japon pour la même occasion.
Ces 8 tomes exceptionnels correspondent aux volumes 1 à 27 de la série. Qui dit édition collector, dit stock limité. Autant vous prévenir, il n'y aura aucune réimpression ! Afin de respecter au mieux l'édition originale, Kana éditera ces 8 opus au format "Shonen Jump", comprenez par-là, 178 x 258 mm. En plus de cela, vous trouverez de nombreux goodies dans chacun des volumes. Autant dire que les fans de Naruto seront aux anges !!!

Dijan, Legrand et Ryser - Les derniers Argonautes : Une trilogie offrant une réflexion intéressante sur la pertes des repères !!!

Note : 4 / 5


Synopsis : 

Un beau jour, les Dieux ont cessé de parler aux Hommes, les abandonnant aux désastres et au désespoir. Un seul homme peut mener à bien la quête qui restaurera l’équilibre du monde : Jason, le héros légendaire qui, jadis, emmena les Argonautes chercher la toison d’or. 
Mais les temps ont changé, Jason est devenu un vieil homme hanté par de terribles souvenirs. Il va cependant accepter de partir pour une ultime aventure à la tête d’une bande de héros que rien ne semble prédestiner à entrer dans la légende !

Critique :
Que s'est-il passé ? Pourquoi les dieux d'ordinaire si intrusifs, ont-ils délaissé l'humanité ? Nul ne le sait. Certains affirmèrent que les dieux étaient morts. A mesure que la rumeur enflait, l'humanité se laissait aller vers ses plus viles inclinaisons : meurtres, viols, rapines, guerres, etc. C'était un peu comme si, avec la disparition du regard divin, s'envolait une partie de l'âme humaine. Comme si seule la peur du courroux avait été le garant de la paix sociale. Mais un jour dans un royaume reculé, les dieux adressent un dernier message : leurs paroles guideront les hommes le jour où l'orbe qui leur fut dérobée leur sera rendu ! Pour cela, il faudra des braves pour aller jusqu'en Hyperborée et convaincre Jason, le dernier des Argonautes, de les conduire jusque-là.
Voilà le postulat de départ de cette BD aux multiples degrés de lecture. Dijan et Legrand avaient déjà marqué les esprits à travers la série "Les quatre de Baker Street". Cependant cette variation sur le mythe de Jason semble réellement plus ambitieuse !
Tout d'abord Jason semble être représenté par les auteurs comme une sorte "d'amphore" dans laquelle ils ont pu engager une réflexion sur la perte des repères. Paradoxalement, l'absence de dieux paraît mettre en exergue leur existence. La BD est véritablement une mise en perspective des croyances religieuses. Les dieux seraient donc à la fois la conscience et le miroir de l'humanité. Les derniers Argonautes partent donc à la découverte de leur âme. En effet, tous les héros sont unis par un sentiment d'incomplétude, voire d'inaccomplissement.
Ensuite, en mettant de côté les considérations sur le fond, la forme captera tout autant le lecteur, notamment par une mise en couleurs terriblement efficace. Les variations d'ambiance procurent une dimension onirique à l'histoire, participant pour beaucoup à la narration. Le génie de Ryder est de considérer la couleur comme étant au service du récit et du dessin.
Concernant ce dernier, l'emploi d'un canon inhabituel permet au dessinateur d'accentuer la dynamique des situations, particulièrement celle des combats. La représentation longiligne des argonautes fait référence aux héros antiques tout en conservant une expressivité plus que moderne !
Au final, "Les derniers Argonautes" est servi par un scénario solide et une mise en image très originale, qui offre des grilles de lecture plus qu'intéressantes. Cette trilogie, dont le premier tome est déjà dans les bacs, mérite amplement d'être citée parmi les très bonnes surprises de l'été !!! 

A la trace
          de Deon Meyer


Note : 4 / 5


Synopsis : 

L'art du pisteur, évoqué par une citation en début de chapitre, illustre la manière dont chacun des protagonistes va laisser des traces. Toutes, à un moment donné, se recouperont : septembre 2009.
Milla Strachan, lasse de vingt ans de mariage-maltraitance, plaque son mari et est embauchée par la Presidential Intelligence Agency, branche des services secrets. La PIA surveille un groupuscule islamiste qui semble attendre une importante livraison par bateau. Milla s'entiche d'un aventurier, Lukas, prétendument archéologue, en réalité archéologue-gentleman-cambrioleur. Il combat un gang allié aux Islamistes qui a embarqué par accident ses économies et refuse de les lui restituer. L'action de Lukas va croiser celle des services secrets, qui le prennent à tort pour un terroriste.
Lemmer, l'antihéros de Lemmer l'invisible, est chargé par un défenseur des espèces animales menacées d'assurer le transfert à la frontière du Zimbabwe de deux inestimables rhinos noirs. Lors d'une fusillade, il est dépossédé de son Glock, où ses empreintes abondent. Il n'aura de cesse de le récupérer. 
Mat Joubert, au service de l'agence de détectives privés créée par l'ex-inspecteur Griessel enquête sur la disparition de Davie Flint, cadre de l'Atlantic Bus Company, qui s'est volatilisé devant son club de gym.

Critique :
C’est un fait, le polar et l’Afrique du Sud se sont peu rencontrés. On se rappelle Wessel Ebersohn, découvert dans les années 1990, le haut-fonctionnaire et romancier Louis-Ferdinand Despreez. On se rappelle aussi que le Français Caryl Férey avait été y voir avec "Zulu" (2008), qui va d’ailleurs être adapté au cinéma. C’est un beau tableau, mais resserré.
Jusqu’ici, Deon Meyer s’était fait connaître en France par six polars fort bien troussés, en particulier "Jusqu’au dernier" (2002), "Les Soldats de l’aube" (2003) et "L’Âme du chasseur" (2005). Des romans qui évoquaient l’Afrique du Sud d’après 1994 et l’arrivée de l’ANC au pouvoir à travers notamment le trafic d’armes, la reconstruction de l’armée et de la police et la collaboration d’anciens du parti boehr et d’anciens de l’ANC à la tête des administrations.
Ici, ces thèmes sont toujours là, mais il y ajoute une touche d’espionnage (cette fameuse Agence présidentielle de renseignement), le trafic d’animaux rares et l’islamisme. Le tout dans une Afrique du Sud qui n’est plus obsédée par son propre passé, mais par le continent africain, par le monde, et surtout par le futur. "A la trace" est donc un mix entre ce qu’écrivait Meyer jusqu’ici et cette voie nouvelle.
L'art du pisteur consiste à identifier les signes, puis à les interpréter. Dans son nouveau roman, Deon Meyer (né en 1958) s'appuie sur ces techniques de traque animale pour déployer une histoire où chaque personnage laissera des traces qui finiront par se recouper. Le romancier sud-africain de langue afrikaans, auteur notamment des mémorables "Soldats de l'aube" (2000), rappelle du même coup les fondamentaux du thriller : la chasse et la fuite, le chasseur et le gibier, le fort et le faible. Mais, en scrutant les failles et les conflits internes d'une poignée d'hommes inquiets et de femmes déroutées, il évite également toute forme de manichéisme.
Découpé en quatre parties d'apparence distincte, "A la trace" entremêle donc trois histoires : celle de Milla, jeune femme blanche qui tente de se construire une nouvelle vie et qui va se retrouver entraînée dans une aventure digne d'un roman d'espionnage. Puis on retrouve un des personnages favoris de Deon Meyer : Lemmer ("Lemmer, l'invisible") qui va devoir convoyer a travers le désert deux rhinocéros sauvages, mais ce qu'il ignore c'est que la sauvegarde des animaux n'est le seul enjeu de ce voyage. Et enfin la dernière partie qui concerne également un personnage déjà rencontré, Matt Joubert ("Jusqu'au dernier"), ancien flic devenu enquêteur qui va se lancer sur la trace d'un mari disparu. Évidemment, toutes ces histoires vont s'entrecroiser et le puzzle finira par s'assembler. On ne perd pas le fil, on bascule d'une histoire vers une autre, on est entraîné et finalement sidéré, d'avoir lus ces 700 pages avec autant de facilité et de plaisir.
Deon Meyer
Chaque partie du livre aurait pu donner à elle seule un roman. Mais le tout, mélange on ne peut plus réussi, efficace, de roman d'espionnage, de procédure policière et d'aventure, offre au lecteur un vaste panorama d'une Afrique du Sud en pleine mutation depuis la fin de l'apartheid. Au-delà de la construction implacable, des personnages incarnés, il y a donc le pays : une Afrique du Sud post-apartheid qui ne se résume pas à la ville du Cap. On quitte les chics banlieues résidentielles pour se perdre dans des parcs nationaux et rouler au cœur de la brousse. On entend les bruits de la nuit, le hurlement du chacal, le chuintement des crocodiles, pour finir la soirée à manger un bobotie au riz jaune et patates douces.
Deon Meyer maîtrise, encore une fois, totalement sa partition. Il réussit à mener parfaitement son histoire avec rythme et densité même si la dernière partie est en demi-teinte, la fin un peu précipitée. Avec une construction remarquable, il signe son roman le plus complexe et le plus audacieux. L'habileté de ses intrigues, la force de ses descriptions, sa passion sincère pour un pays dont il connaît les fragilités, en font, à mon sens, un des meilleurs auteurs de roman policier contemporain !
Le Sud-Africain aux origines alsaciennes Deon Meyer est donc de retour avec "À la trace", son septième roman en dix ans, et de loin le plus ambitieux. Un demi-kilo d’intrigues, de traques, de bastons et de coups fourrés dans une Afrique du Sud qui, sortie de l’apartheid et de ses conséquences, fait désormais face à la mondialisation de la finance et du crime !!!   

La maison des tocards
                                   de Mick Herron

Note : 4 / 5

Synopsis :
River, Louisa, Sid, Rodredrick, Min, Catherine, Jed et Jackson, travaillent tous pour le MI5, mais dans le service le plus pourri des services secrets de Sa Majesté. Pourquoi ? Parce qu’à un moment ou à un autre, ils ont fait une erreur, ce qui leur vaut cette affectation au Placard. 
Seulement voilà, avant d’être des ratés se sont des agents secrets, et lorsqu’un groupuscule menace de décapiter un jeune homme en direct sur internet, leurs instincts prennent le dessus et plus rien ne peut les arrêter ! Et si c’était leur dernière chance de réintégrer Regent’s Park.

Critique :
Que l’on soit amateur ou non de romans et de films d’espionnage, nous avons tous des stéréotypes bien ancrés dans nos mémoires de cet univers particulier, fait d’ombres et de silences, de  trahisons et de complots. Dans ce domaine de grands noms ont apporté leur pierre à l’édifice de notre imaginaire. De William Le Queux au début du XX siècle, à Ian Flemming en passant John Bucan , sans oublier John Le Carré ou Gérard de Villiers, tous ont contribué à forger l’image de l’espion ne pouvant compter que sur lui-même, animal au sang-froid ayant une parfaite maîtrise de soi et faisant face à toutes les situations. Bien sûr avons-nous retenu les gadgets de James Bond et l’ingéniosité d’un Jason Bourne.
Alors sans doute est-il temps pour vous de pénétrer dans l’univers de Mick Herron. Un univers où ne brille pas le flamboyant, où le temps ne court pas après lui-même, et où l’envers du décor est sombre, sent le désœuvrement et où la mort sociale étouffe peu à peu votre existence. Débutant un peu comme une histoire dans laquelle Max la menace aurait le beau rôle, ce roman pourrait aussi s’inspirer des œuvres de Peter Cheney lorsqu’il s’adonna au genre de l’espionnage ("Héros de l’ombre", "Sombre interlude", "Duel dans l’ombre") les boissons alcoolisées en moins. En effet un léger humour se dégage, surtout dans les dialogues, subtilement, sans vraiment être poussé, afin de laisser une chance aux Tocards de se réhabiliter et ne pas tomber dans la parodie, mais suffisamment noir et machiavélique pour entretenir le suspense de façon prégnante.
Pas vraiment roman d’espionnage, d’ailleurs il n’est pas annoncé comme tel, il s’inscrit plus dans un roman noir. Il met en scène une sorte de guerre des services, et le côté policier réside dans l’enlèvement d’un jeune Pakistanais vivant en Grande Bretagne, dont les jours sont comptés selon les ravisseurs, jouant sur les multiples facettes de la manipulation et pointant d’un doigt mollement tendu la résurgence de l’extrême-droite et du racisme.
Si le thème de ce roman aurait pu prêter à l’écriture d’une histoire riche en situations cocasses et pleine d’humour (ce dernier, savamment distillé, servant surtout à relever l'intérêt du lecteur), il n’en est absolument rien dans le livre de Mick HERRON. Au contraire, il s’agit d’un roman sombre, noir, avec ses drames et ses rebondissements.
Les personnages sont savoureux, entre le hacker asocial et l’éternel étourdi ayant laissé un dossier ultra-secret sur la banquette du métro, l'otage, prénommé Hassan, devrait se faire du souci. Condamnés, pas tout à fait morts, plus vraiment vivants, parqués là par une administration qui refuse de donner le coup de grâce en les virant, les laissant prendre eux même le soin de se suicider professionnellement en démissionnant, ils traînent leur faute sans échappatoire, sans possibilité d’expiation. Mais la vidéo de la prise d'otage va offrir à tout ce petit monde l’occasion de la rédemption !
L'auteur brosse une galerie de personnages conditionnés par le goût du secret, installés dans une paranoïa les amenant à se méfier de tout, de tous. Le romancier connaît bien la nature humaine. Il sait la capacité de renoncement à toute dignité de ceux qui veulent gagner ou regagner une place, qu'il s'agisse de politiciens, de responsables économiques ou administratifs. Mike Herron élabore une histoire astucieuse s'appuyant sur la propension des spécialistes du renseignement à monter les scénarios les plus improbables, mais pas toujours pour servir la raison d'État.
Mick Herron a su modernisé les classiques du genre. Non, vous ne trouverez pas dans ces pages le super agent secret entouré de belles femmes et avec tout un assortiment de gadget plus fou les uns que les autres. Mais ne soyez pas déçus parce que vous rencontrerez des personnages authentiques et savoureux capables de donner le meilleur comme le pire d’eux même. Des agents qui ne demandent qu’une seule chose, qu’on croit en eux! Vous découvrirez les rouages du système, des théories du complot, des bourdes médiatiques, des revirements de situation ! Tout le monde à quelque chose à cacher, et encore plus dans les services secrets ! Quoi de mieux pour commencer l’année ! Vous l’avez deviné ? C’est un coup de cœur !!!     

Seuls les innocents n'ont pas d'alibi
                                      de Giorgio Faletti


Note : 3.5 / 5


Synopsis : 

Francesco Marcona, alias Bravo, n'est pas à proprement parler un enfant de choeur. Au volant de sa vieille Austin Mini, ce voyou ambitieux au physique de jeune premier écume chaque nuit en loup solitaire tout ce que le Milan de la fin des années 1970 compte de lieux interlopes, autant pour y prendre du bon temps que pour y faire prospérer ses affaires. Son créneau ? Le commerce des femmes. "Proxénète haut de gamme" à l'impressionnant carnet d'adresses, Bravo se propose de gérer au mieux les intérêts de ses protégées, de jeunes beautés avides d'argent, en les mettant en relation avec des hommes riches en quête d'aventures sexuelles.
D'aventures sexuelles, Bravo, lui, n'a guère le loisir d'en avoir. Et quand bien même il le souhaiterait, il ne le pourrait pas. Car Bravo a un signe très particulier : il n'a pas de sexe. Ou, plus précisément, il n'a plus de sexe depuis que, quelques années plus tôt, il a été châtié au couteau, ses attributs virils sacrifiés sur l'autel de mystérieuses représailles... Mais l'abstinence sexuelle, qu'elle soit volontaire ou contrainte, n'empêche pas les sentiments. Aussi, lorsque le hasard place sur sa route Carla, prête à vendre ses charmes pour s'offrir une vie meilleure, Bravo tombe-t-il aussitôt éperdument amoureux. Un coup de foudre, bientôt suivi de coups de feu, qui pourraient bien lui faire perdre ce qui lui reste de peau. 
 
Critique :
Touche-à-tout de génie, Giorgio Faletti, soixante ans, a débuté sur les planches des cabarets de Milan dans les années 1970 avant de devenir l'un des acteurs de télévision et de cinéma les plus populaires d'Italie. Il a ensuite entamé une carrière d'auteur et d'interprète de chansons. Au début des années 2000, Faletti s'est tourné vers l'écriture, connaissant un succès aussi fulgurant que retentissant dès la parution de son premier roman noir, Je tue (Flammarion, 2006), qui s'est vendu à 3,5 millions d'exemplaires dans la Péninsule.
Auteur donc de romans noirs à succès, Giorgio Faletti n'a pas son pareil pour façonner des labyrinthes dont lui seul connaît la sortie. "Seuls les innocents n'ont pas d'alibi", dont l'action se déroule en 1978, au moment de l'enlèvement du dirigeant démocrate-chrétien Aldo Moro, en apporte la plus brillante des illustrations. Dans le sillage de Bravo, à travers ce Milan des années 1970 qu'il a bien connu et au terme d'un suspense assez haletant, Giorgio Faletti, nous conduit à vive allure jusqu'au cœur des ténèbres des années de plomb italiennes marquées au fer rouge par l’ultra-violence terroriste. 
"Seuls les innocents n'ont pas d'alibi" est donc l’histoire d’un proxénète. Vie insouciante, argent facile, sentiment de pouvoir, servilité… Tout va bien pour lui puisque rien ne se fait sans l’assentiment de ces femmes qui sont à la recherche d’argent vite gagné. Un flic probablement mal intentionné vous crache son mépris ? Qu’à cela ne tienne ! Très vite, cependant, cette existence paisible cède la place au cauchemar.
Nous sommes dans les années 70, au moment où la criminalité change de registre et se double d’une violence sans concession.
Le terrorisme arrive, la mafia n’est jamais bien loin et les hommes politiques, certains en tout cas, semblent céder aux sirènes de la compromission. Sans parler d’une police qui parfois emprunte des chemins qu’elle devrait ignorer. Tous les ingrédients sont là pour emporter le lecteur dans un tourbillon où la peur le dispute à l’envie d’en savoir plus.
Giorgio Faletti
Cependant, ceux qui s'attendent à un opus du niveau de "Je tue" et "Droit dans les yeux", ses deux premiers romans, seront, à mon sens, assez déçus ! Le rythme, bien que prenant pour une bonne partie du livre, n'est plus le même, Faletti nous offrant même des longueurs. Et surtout, il ne s'agit plus vraiment d'un Thriller. Le fond ressemble plus à une critique de la société italienne, avec ses magouilles et ses terroristes. Ceci étant dit, cela reste une lecture pleine de rebondissements, qui, si on la regarde d'un poids de vue politico-social, rend très bien compte de l’Italie de la fin des années 70, où règne la violence et où les compromissions entre la mafia, les politiques, les terroristes et plus simplement le milieu sont rendues avec un suspense bien distillé par l’auteur.
La ville, Milan, tient une grande place dans ce livre. On s’y déplace beaucoup, la nuit de préférence. Cela permet de voir du monde, ces intermédiaires avec qui l’on fait des affaires et les autres. Les hôtels de luxe, les restaurant prestigieux, des établissements mal famés, des hangars désaffectés transformés pour une nuit en salles de jeux. Et la rue, théâtre d’ombre et de lumière parfois très crue.
Au final, bien que Faletti se repose sur son talent de l'écriture, sans apporter de réel nouveauté, "Seuls les innocents n'ont pas d'alibi" reste une très bonne lecture, l'auteur réussissant tout de même à nous accrocher !!! 

Servitude : Une nouvelle vision du médiéval fantastique !!!

Note : 4.5 / 5


Synopsis : 

Les Puissances sont les premières à avoir peuplé la Terre. Lorsque l’Homme apparut, il suscita parmi elles passion et division. Toutes choisirent alors de prendre forme physique : Dragons, Géants, Anges, Sirènes et Fées. Vint alors le temps des combats, des guerres intestines…
Aujourd’hui, mille ans ont passé, les Géants ont disparu, les Dragons ont survécu, les Sirènes se sont retirées dans les profondeurs des océans, les Anges et les Fées ne sont plus que des mythes. Mille ans ont passé, et les Fils de la terre ont fini par fonder le plus grand des royaumes. Pour eux, les Puissances ne sont plus que des légendes… Mais les Dragons sont sortis de leur repère ! Un nouvel âge s’annonce : est-ce la fin ou le début de la servitude ?

Critique :
Après le one-shot "Live War Heroes", le duo David et Bourgier revient avec une série d'heroic fantasy, toujours chez Soleil. L'éditeur est connu pour la multiplicité de ses titres dans le genre, on pouvait donc attendre "Servitude" au tournant. L'histoire est complexe, et montre comment l'annonce du mariage politique d'un homme (Kiriel) avec une fille de roi fait naître une guerre sournoise et violente. Riche en informations, compilant habilement de nombreux codes et légendes, le scénario promet de tenir en haleine sur la totalité des cinq tomes annoncés. Le graphisme soigné, fouillé, et magnifiquement colorisé dans une gamme de tons sépia "dé-saturés", achève de rendre l’œuvre excellente, et donne furieusement envie de voir défiler les quatre tomes suivants.
Passé le cap de la couverture, un chant traditionnel d’Anorœr et une carte du Royaume des Fils de la Terre nous installent déjà confortablement dans un univers médiéval fantastique intriguant. Un univers où Géants, Dragons, Sirènes, Anges et Fées ne sont plus que mythes et où les Fils de la Terre sont dorénavant maîtres du Royaume. C’est dans cet univers qu’apparaît le héros Kiriel, maître d’arme du Roi, galopant vers la capitale pour être marié à Lérine, fille du roi Garantiel d'Anorœr. Ce mariage entre une princesse et un homme aux intentions plus nobles que son sang n'est pas forcément bien perçu et beaucoup trouvent inacceptable que le roi puisse marier sa fille à un roturier. Le prince Vériel refuse d'ailleurs d'assister à la cérémonie. Ce mécontentement s'ajoute à la tension grandissante dans le pays depuis quelques temps. A l'est du Royaume des Fils de la Terre, une forme de rébellion s'organise et le soir de la noce une cohorte postée non loin du château se fait décimer par d'étranges guerriers masqués. Dès qu'il apprend la nouvelle, Garantiel d'Anorœr demande à Kiriel d’aller surveiller les agissements suspects sur le territoire des cousins.
D'un point de vue scénaristique, où on notera d'emblée que, dès le premier volume, on se retrouve face à un excellent background de l'univers ! On peut y voir pelle mêle cour d'intrigues, actions et personnages hauts en couleurs. Malgré une thématique et un univers tout à fait conventionnels, ce premier des cinq tomes prévus par les auteurs de "Live War Heroes" sort clairement des sentiers habituels de chez Soleil. Dans son approche de l'heroic fantasy, Servitude se rapproche pourtant grandement des codes utilisés dans "Le Seigneur des Anneaux", qui reste la référence du genre pour de nombreuses personnes. Le scénario de Fabrice David est réellement bien construit, installant de façon compréhensible cet univers médiéval et ses personnages et développant en arrière-plan un mystère flirtant avec le fantastique, avec d’étranges personnages masqués aux intentions intrigantes et d’énigmatiques guerriers qui s’entraînent en plein désert. Si l’histoire médiévale de base se suffit à elle-même, tout au long des nombreuses pages de cet album copieux, l’auteur a cependant su distiller les codes de l'héroic fantasy avec intelligence et parcimonie. La fin du premier tome mouvementé, mêlant luttes de pouvoir et trahisons familiales, ne laisse cependant que peu de doutes concernant le rôle plus important que viendra jouer la fantasy par la suite.
Graphiquement, la série est tout simplement stupéfiante ! L'excellent travail graphique d’Éric Bourgier, qui nous offre des planches d'une grande précision, est axé sur les ombres et sur les chocs. Que ce soit dans les décors que dans les costumes, on se rend compte que l'artiste a su mettre en image un univers d'heroic fantasy plutôt réaliste et surtout sans en faire trop. Le graphisme se place au diapason de cette histoire sombre et distille une ambiance proche du noir et blanc qui sied à merveille à cet univers médiéval et accentue encore l'ambiance sombre et glauque de ces royaumes pervertis. Un trait fin, fouillé, expressif et vivant, sublimé par une colorisation aux tons sépia qui confère à chaque page un charme particulier et qui insuffle esthétisme et sobriété à un genre trop souvent fidèle aux techniques numériques et aux couleurs criardes. Un dessin d’une grande lisibilité, fourmillant de détails, qui s'appuie sur un réalisme frappant. Proposant des arrière-plans travaillés, tant sur les décors intérieurs que sur les paysages extérieurs, le dessinateur peaufine son monde moyenâgeux jusque dans les moindres détails. 
La suite de la série "Servitude", "Drekkars" (Tome II) et "L'adieu aux Rois" (Tome III), réussit, après l'éblouissement et la mer de respect dans lequel nous a plongé le tome 1, à ne pas décevoir et à rester de la même qualité quasi irréprochable. La magie opère encore et toujours dans ces deux autres volets de "Servitude". Le monde élaboré par les auteurs continue d'enchanter, gagnant ici une touche supplémentaire dans l'esthétisme. Les tons sépia de la saga donnent, notamment au peuple drekkar et à l'aventure qui se joue dans leur empire, un aspect proche du cinéma japonais des années 50, et notamment "Les Sept Samouraïs", à la photographie si particulière. On sent d'ailleurs avec force l'importance du cinéma et la recherche du cadrage dans la conception graphique d’Éric Bourgier, tant les pages semblent véritablement animées, et tant les différentes scènes sont imprégnées d'une mobilité propre au langage cinématographique, empruntant chacune au style idoine.
Alternant instants graphiques d'intense contemplation, moments de pleine action et grands déclamations teintées d'honneur et de bravoure, "Servitude", "Tome 1 : Le chant d'Anoroer" lance visiblement et visuellement une très bonne série de fantasy, qui prend pleinement sa place dans le renouvellement constant que nous propose ce genre littéraire. Un véritable classique de demain !!!

Victoria Francès - Favole : Un livre d'illustrations oniquement gothique !!!

Note : 4.5 / 5


Synopsis :
"Favole" par la jeune illustratrice espagnole Victoria Francés, a tous les ingrédients nécessaires pour plaire aux amateurs du style gothique ! Elle associe à la force de ses illustrations des qualités indéniables d'écriture. Châteaux, cimetières, vampires prennent tous vie dans les pages de ce magnifique recueil d'illustrations gothiques. "Favole" est le premier titre d'une collection d'albums de cet auteur qui va sûrement enchanter le public gothique !
 
Critique :
Victoria Francés est une artiste-peintre née à Valence, en Espagne, le 25 octobre 1982. Elle est diplômée de la Facultad de Bellas Artes de San Carlos de l'Universidad Politécnica de Valencia.
Citant volontiers des auteurs tels qu'Edgar Allan Poe, Anne Rice et H. P. Lovecraft, et des illustrateurs tels que Luis Royo et Brom dans la liste de ses influences, son travail est fortement inspiré par le fantastique et l'univers gothique. Ainsi, évoluant dans des environnements lugubres, vampires, succubes ou simplement jeunes femmes spectrales vêtues de robes traditionnelles sont le genre de personnages que l'on retrouve souvent dans ses œuvres.
"Favole", est un petit bijou de poésie, de romantisme et surtout, un petit bijou artistique. Toute la beauté obscure des dessins de Victoria Francès accompagne la fable cruelle qui est celle de "Favole". Le seul point faible de la version de Norma est la traduction assez mauvaise du récit. Mais ce qui prime dans ce livre d'art, c'est la beauté des croquis et des peintures de l'artiste. 
Elle nous entraine avec Favole dans un univers onirique puissant aux atmosphères gothiques et romantiques époustouflantes, ou je cite: "elle nous met en scène des thématiques qui nous mènent vers un monde symboliste, magique, ancestral et qui soulignent l'importance du sentiment de l'esthétique décadente des époques médiévales. Toute la souffrance des êtres proscrits de ce monde est décrite sous la forme de chateaux sombres et de manoirs aux lumières clignotantes."
Ce premier tome est une invitation au voyage mélancolique à travers trois villes, Vérone, Venise et Gênes ou l'héroïne, une jeune vampire récemment initiée au monde de la nuit chasse les ombres à la recherche de son amant Ezéquiel. Elle poursuit son oeuvre d'une beauté poétique magnifique avec un deuxième tome "Libères moi" paru en 2005, qui confirme tout le talent insolent de la belle du haut de ses vingt-trois ans, ou Favole son héroïne poursuit sa quête à la recherche de son aimé. Toujours avec autant de brio qui laisse le lecteur pantois. Le troisième tome, "Lumière glacée" conclu cette trilogie fantasmagorique et réjouit tous les amateurs de romantisme mélancolique.
A la fois merveilleux, sinistre et cruel, "Favole", c'est la puissance du gothique, de la sensualité, de la cruauté et de l'amour mêlées !!! 

Allan Moore et David Lloyd - V pour Vendetta, L'intégral : L'édition définitive de ce chef-d'oeuvre britannique !!!

Note : 4.5 / 5


Synopsis : 

Dans les années 1980, une guerre mondiale éclate ; l'Europe, l'Afrique et les États-Unis d'Amérique sont réduits en cendres par des armes nucléaires. La Grande-Bretagne est épargnée par les bombardements mais pas par le chaos et les inondations issues des dérèglements climatiques. Dans cette société anglaise post-apocalyptique, un parti fasciste, Norsefire, prend en main le pouvoir et tente de rétablir le pays après avoir procédé à une épuration ethnique, politique et sociale sans pitié.
En 1997, au moment où le parti semble avoir la situation sous contrôle, un anarchiste commence une campagne pour ébranler tous les symboles du pouvoir. Cet anarchiste qui se fait appeler V porte un masque représentant le visage de Guy Fawkes, le plus célèbre membre de la conspiration des poudres. Lors de sa première action d'éclat, le dynamitage du Palais de Westminster, V sauve Evey, une jeune fille de 16 ans qui risquait d'être violée puis exécutée pour prostitution.
 
Critique :
Cette BD orwellienne, aux côtés du cultissime "Watchmen" du même Allan Moore, fait figure de référence dans le domaine des œuvres d’anticipation. Alan Moore, scénariste de génie, s'empare à sa manière de la légende du vengeur masqué pour le replacer dans un univers d'une Angleterre fasciste. Derrière le charisme de "V", il y a aussi toute la force de l'anonymat de ce vengeur masqué. Celui dans lequel tout le monde retrouvera ses craintes, ses peurs, mais aussi sa force.
Graphiquement, le dessin peut paraître déroutant au premier abord, comme souvent dans les comics scénarisés par Moore. Il faut parfois écarquiller les yeux pour bien saisir la scène mais, à chaque fois, la récompense est à la hauteur de l'effort. Les dessins, simples mais corrects, aux couleurs pâles et sombres siéent parfaitement à l'ambiance de l'histoire, l’atmosphère oppressante étant parfaitement rendue par un trait noir et épais.
Le scénario, véritable point fort de cette BD, est réellement puissant et subversif ! Derrière un scénario dense, Alan Moore réussit une nouvelle fois à nous renvoyer une réflexion sociale sur le monde actuel, qui englobe tout : politique, culture, justice, anarchie... Il dissémine des messages de résistance au fil des pages à l’encontre des systèmes totalitaires, qui même derrière nos façades de démocratie, ne sont jamais bien loin, toujours prêts à réprimer ce qu'ils perçoivent comme une menace potentielle. Quant au masque porté par V, il sert à la fois à conserver l’anonymat face à un pouvoir répressif, mais représente aussi l’immortalité des idées, que jamais le plus féroce des régimes ne parviendra à supprimer !
Malgré une lecture se révélant parfois ardue, il ne faut en aucun hésiter à se lancer dans la lecture de cette sublime œuvre. "V pour Vendetta" est un vibrant plaidoyer en faveur de l'anarchie, comme une des seules solutions aux dérives totalitaires !!!

Prison avec piscine
                         de Luigi Carletti


Note : 4.5 / 5


Synopsis : 

Une piscine tranquille, au cœur d'une sage résidence romaine. Une piscine vers laquelle convergent tous les regards, parfois indiscrets. Une piscine où Filippo consent à descendre de temps à autre sur son fauteuil roulant, accompagné de "l'Indispensable", le fidèle Péruvien au service de sa famille depuis des lustres. 
Villa Magnolia est semblable à un petit bourg, tout le monde s'y connaît... Mais lors d'une chaude matinée d'été, survient un inconnu, un nouveau locataire. Au bord du bassin, l'homme exhibe son dos traversé par trois horribles cicatrices. 
Quelques jours plus tard, il intervient manu militari pour défendre une résidente agressée par deux voyous que l'on retrouvera par la suite carbonisés dans leur voiture ! Mais qui est cet énigmatique individu ? Et pourquoi devient-il peu à peu nécessaire à tous ?

Critique :
Cinquième roman de Luigi Carletti (le premier traduit en français), "Prison avec piscine" débute comme un remake à l'italienne du Fenêtre sur cour de Hitchcock, avec son voyeur au rire jaune et aux idées noires. Mais le récit prend bientôt la tangente, lorsqu'on découvre dans une voiture un duo de corps carbonisés. Et qu'à leur suite surgissent dans la paisible villa une série de personnages au caractère bien trempé. Avec eux se mettent en place les rouages d'un piège dans lequel on plonge la tête la première !
Luigi Carletti orchestre cette comédie italienne avec rythme et originalité. Le huis-clos hitchcokien avec voyeur devient une intrigue policière avec son compte de mafieux, agrémentée de quelques touches de comédie amoureuse. Un beau mélange, qui surprend et entraine le lecteur dans cette drôle d'histoire à l'italienne.
Bien servi par des dialogues percutants et un scénario digne de Tonino Benacquista, ce huis clos brûlant marie avec bonheur l'élégance au machiavélisme. Pour relever l’ensemble, il y a donc surtout les personnages. Une belle galerie de caractères solides et bien trempés, de ceux auxquels on s’attache vite et sans peine. A commencer par le narrateur, Filippo Ermini, sociologue branché d’à peine 40 ans, dont le destin idyllique a été brisé une nuit, lorsqu’un automobiliste a percuté sa moto et l’a envoyé dans le décor où il a perdu ses jambes. Depuis, il végète dans son fauteuil roulant, tributaire de “l’Indispensable” Isidro, un sexagénaire péruvien au service de sa famille depuis longtemps, tout en préparant un grand projet qu’il prend soin de garder secret.
Puis il y a Rodolfo Raschiani, le nouveau résident aussi mystérieux que dangereusement charismatique ; Alessia, ancien amour de Filippo qui réapparaît dans sa vie ; maître Laporta, avocat opiniâtre et excessivement curieux ; Irina, femme de ménage bulgare trop canon pour être honnête…
La coexistence des membres de cette drôle de tribu en quasi huis clos (la Villa Magnolia, “prison” dorée pour à peu près tous les personnages) est l’atout majeur de ce roman, par ailleurs prenant et distrayant jusqu’à son terme. Le Steven Soderbergh d’Ocean’s Eleven en ferait sûrement un bon film ! 
Entre un Desperate Housewife transalpin et masculin et un affreux, sale et méchant contemporain, "Prison avec piscine" est la lecture estivale la plus jubilatoire qu'on puisse envisager. Il n'y a que les italiens pour mêler, avec autant de savoir-faire, bouffonnerie, tragédie, sordide et hilarité !!!

François Amoretti - Burlesque Girrrl : Le renouveau de la BD rock !!!

Note : 4 / 5


Synopsis : 

Violette est une jeune femme plutôt chanceuse. Elle est en couple avec Peter, le chanteur des Grrrl, un groupe indé et reconnu, dans lequel elle joue de la contrebasse. Pulpeuse à souhait et dotée de jolis tatouages, Violette est également modèle pour des sous-vêtements féminins. 
Lors du dernier concert du groupe, Bill Friday, directeur artistique, apprécie la performance live. Il leur donne donc rendez-vous au siège de son label. Cette nouvelle pourrait changer l'avenir des jeunes musiciens. En effet, ces derniers temps, les finances sont sèches... 
D'ailleurs, pour renflouer leur compte en banque, Violette accepte d'effectuer un show burlesque où sont invités les membres de Grrrl. Tous sont subjugués par la beauté de la jeune femme. Le lendemain, les musiciens se rendent chez Bill Friday. Malheureusement, le rendez-vous se transforme en pugilat, lorsque l'agent exige que Violette soit mise en avant pour sa plastique et que leur musique ne l'intéresse pas vraiment !
Critique :
La quatrième de couverture annonce la couleur : "Une pin-up, du rock 'n' roll et des bagnoles" ! La pin-up, c’est Violette. Une belle fille plantureuse qui sait mettre en avant ses atouts, mais qui est aussi une femme romantique amoureuse de son Peter. Le rock ? C’est pour leur groupe, les GRRRL. Trois gars et une fille, à fond dans leur musique, qui espèrent un jour passer à autre chose que des petits concerts dans des salles confidentielles. 
Nous suivons leurs péripéties dans cet univers ingrat et cruel au départ, avec les déceptions que cela implique. Heureusement que Violette ne se laisse jamais abattre et sait remonter le moral des troupes ! L'auteur construit donc son récit autour de ce quatuor, même si, la jeune femme est plus mise en avant que les autres.
Amoretti nous livre une histoire fraîche et énergique, le glamour sans rien de salace, le côté punchy du rock, et pas les travers qu’on nous dépeint souvent (drogue, alcool, orgies). Le maître mot ici c'est la musique ! François Amoretti pénètre dans un univers qu’il a appris à connaître. Un univers qui possède ses codes, ses valeurs. La maîtrise du milieu que le dessinateur dépeint ici offre de la profondeur à un scénario simple en apparence mais qui joue sur les non-dits ou les jeux de regards. 
Amoretti s'est surtout fait connaître jusqu'ici par son style graphique original. Avec "Burlesque Girrrl", d’un point de vue graphique, l’auteur arrive à poser une ambiance, une chaleur qui s’exprime par le soin donné à dépeindre les personnages et par cette profondeur de champs qui nous immerge dans les sphères des clubs de rock crasseux, des caves et autres bureaux de producteurs perdus à la raison du fric. Ce grand fan de pin-up offre un design soigné et une esthétique hors du temps, le dessin merveilleusement léché étant totalement en phase avec le tatoo art. Cette rousse aux formes généreuses n'a pas fini de faire parler d'elle !!! 

Just Kids
          de Patti Smith

 
Note : 4.5 / 5


Synopsis : 

C'était l'été où Coltrane est mort, l'été de l'amour et des émeutes, l'été où une rencontre fortuite à Brooklyn a guidé deux jeunes gens sur la voie de l'art, de la ténacité et de l'apprentissage. Patti Smith deviendrait poète et performeuse, et Robert Mapplethorpe, au style très provocateur, se dirigerait vers la photographie. 
Liés par une même innocence et un même enthousiasme, ils traversent la ville de Brooklyn à Coney Island, de la 42e Rue à la célèbre table ronde du Max's Kansas City, où siège la cour d'Andy Warhol. En 1969, le couple élit domicile au Chelsea Hotel et intègre bientôt une communauté de vedettes et d'inconnues, artistes influents de l'époque et marginaux hauts en couleur. 
C'est une époque d'intense lucidité, les univers de la poésie, du rock and roll, de l'art et du sexe explosent et s'entrechoquent. Immergés dans ce milieu, deux gamins font le pacte de toujours prendre soin l'un de l'autre. Romantiques, engagés dans leur pratique artistique, nourris de rêves et d'ambitions, ils se soutiennent et et se donnent confiance pendant les années de vache maigre.

Critique :
Cette critique ne sera pas classée dans la rubrique "Musique" mais bien dans celle des "livres", car contrairement à ce que vous auriez pu penser, il ne s'agit pas d'un nouvel album de Patti Smith mais d'un bouquin. Une autobiographie comme véritable roman de sa vie.
Râpeuse, trépidante, serrée, aimante : cette autobiographie résonne comme la voix de son auteur. Patti Smith a l'art du survol. D'une pudeur frénétique, elle effleure sa mémoire et tressaille d'une émotion contagieuse. Elle parle doucement, calmement. On est dans un des salons du Théâtre de l’Odéon, où elle donnera une performance le soir même. Cheveux longs, lâchés, jeans troués, veste d’homme oversize, bonnet, elle est, à 63 ans, d’une simplicité et d’une sincérité touchantes, elle qui, contrairement à d’autres, se souvient d’où elle vient, fidèle à elle-même, celle qu’on avait baptisée la marraine du punk-rock.
Just Kids commence comme une histoire d'amour et finit comme une élégie, brossant un inoubliable instantané du New York des années 60-70, de ses riches et de ses pauvres, de ses paumés et de ses provocateurs. Véritable conte, il retrace l'ascension de deux jeunes artistes, tel un prélude à leur réussite.
Le rock, dans ce livre, elle en parle, très peu – d’ailleurs le récit s’achève avec ses premiers concerts au CBGB et l’enregistrement de son premier album en 1975, Horses. Just Kids tient avant tout du roman d’initiation : c’est la Patti arrivée à New York en 1967, après avoir confié son bébé qu’elle a eu trop jeune à une famille d’accueil, qu’elle a choisi de raconter. La genèse de celle qui allait devenir la Patti Smith que l’on connaît.
Parmi toutes les figures emblématiques que croise Patti Smith sur sa route et qui font de son autobiographie un témoignage documentaire passionnant (Janis Joplin, Jim Morrison, Allen Ginsberg, Sam Shepard), un homme se détache. De somptueux clichés de sa figure d'ange émaillent le livre. Qu'il bâille, qu'il parle au téléphone, qu'il soit tapi dans l'ombre, son charisme saute au visage. C'est Robert Mapplethorpe, artiste plasticien qui "croyait en la loi de l'empathie, en vertu de laquelle il pouvait, par sa volonté, se projeter dans un objet ou une œuvre d'art, et influencer ainsi le monde extérieur". 
Elle débarque à New York sans argent, vit dans la rue, travaille chez Brentano’s, rencontre Robert Mapplethorpe, celui qui allait devenir l’un des plus grands photographes américains, passe son temps avec lui à dessiner et écrire, à s’aimer. Just Kids s’ouvre et se ferme sur sa mort, en 1989, du sida. Leur histoire d'amour, libre et éperdue, se niche dans leurs différences, que Patti Smith évoque la plume nouée, reconnaissante. Toxicomane et homosexuel, Robert voue une passion illimitée à sa compagne qui, le jour de leur rencontre, a su qu'il était son chevalier éternel.
Et elle s’est servi, pour ce livre qu’elle a pensé et écrit en plus de treize ans, de tous ses journaux intimes, où chaque détail était consigné, les coupes de cheveux qu’elle administre à Mapplethorpe à la lumière de la lune, ou l’atmosphère du New York des années 60 ou 70. L'intuition à vif, elle rebrousse aujourd'hui chemin tout en allant de l'avant. Et il fait bon être bercé par le roulis de ses souvenirs errants.
J'ai fermé ce livre de Patti Smith, pris par son émotion contagieuse. La rencontre fusionnel de deux êtres, qui se reconnaissent dès le premier regard, partagé par une seule et unique ambition, consacrer leur vie à l'art. Patti Smith raconte avec pudeur et émotion ces années où tout a commencé. Et si l’on referme ce livre la gorge nouée, c’est parce qu’elle parvient à nous faire ressentir la nostalgie du temps de l’innocence, ce temps où avec Robert, ils étaient "juste des gamins" !!!

L’Ange du Chaos
                        de Michel Robert

 
Note : 4.5 / 5



Synopsis :
Jeune aspirant au service de l’Empire de Lumière, Cellendhyll de Cortavar a été trahi par ses amis et accusé de meurtre. Laissé pour mort dans un cachot, il n’a dû sa survie qu’à l’intervention des puissances du Chaos.
Dix ans ont passé. Le jeune homme idéaliste est devenu un mercenaire impitoyable. II n’attend qu’une chose : se venger de ceux qui l’ont trahi.
Le seigneur Morion du Chaos lui confie alors une délicate mission : infiltrer l’Empire de Lumière et faire échouer son grand projet de conquête. Le moment est venu pour Cellendhyll d’assouvir sa vengeance...
 
Critique :
"L’Ange du chaos" est le premier tome de la série littéraire "L’Agent des ombres" de l’écrivain français Michel Robert, paru en 2004. En parlant de cette série littéraire, l'écrivain l'avait annoncé comme une nouvelle œuvre sombre et sanglante. Et en effet, "L’Ange du Chaos" est un livre sérieux et torturé, s’apparentant par certains côtés au cycle de "Elric le nécromancien" de Michael Moorcock.
Premier tome d'une longue série de Fantasy définitivement adulte, notamment avec des descriptions sans concession et des scènes érotiques détaillées, le cycle de "L'Agent des Ombres" nous plonge dans un univers riche et varié. Ce monde se décompose en fait en trois plans : la lumière, le chaos et les ténèbres, chacun régi par ses propres lois et tous ennemis les uns des autres. Loin d'une trame classique où la lumière représente le bien, les ténèbres le mal et le chaos le mystère malsain, Michel Robert insère de l'honneur et de la malveillance partout, et les Lumineux ne sont pas les derniers concernant les pires exactions !
Du côté des personnages, ils sont complexes, certains très sombres, d'autres plus hauts en couleur, mais tous aussi intéressants, le tout au milieu d'intrigues politiques intéressantes. Cellendhyll de Cortavar, véritable pilier du roman, est un personnage à la fois antipathique et charismatique, auquel on s'attache malgré ses défauts et sa froide haine qui le ronge.
Cependant le véritable point fort de ce roman est son scénario. Avec un style fluide et mature, Michel Robert réussi à ne dévoiler que ce qui était juste nécessaire à une bonne compréhension sans pour autant mettre en lumière toute l’intrigue avant les dernières lignes, laissant le lecteur se poser de multiples questions : quel est la véritable place du plan du Chaos dans cet échiquier géant ? Quelle est donc cette prophétie inachevée des Ténèbres ? Quel est le véritable but de Cellendhyl ? Un scénario donc riche et prenant, véritable point fort du livre. 
Les scènes se succèdent à un rythme effréné, ce qui pousse le lecteur à ne lâcher le roman qu'une fois arriver au bout. Autant dire que cette première aventure vous incite à continuer sans relâche, et surtout, sitôt la dernière page tournée, à enchaîner sur le suivant, "Cœur de Loki" !!!

Coq de combat : L'histoire d'un anti-héros prêt au pire pour survivre et imposer sa voie !!! 
Note : 4.5 / 5


Synopsis : 

À 16 ans, Ryo Narushima, jeune lycéen, va massacrer ses propres parents lors d’une crise de folie. Placé en maison de correction, il va subir la violence et les humiliations de ses codétenus et des gardiens. Coups, mitard, agression sexuelle... 
La rencontre d'un étrange détenu politique, un certain Kenji Kurokawa, expert en karaté, va changer le cours de son existence et faire de lui un véritable coq de combat, prêt à tout pour ne pas se faire tuer. Une fois purgée sa peine, il sera tour à tour prostitué pour femmes, homme de main dans un gang puis sportif de haut niveau, évoluant en marge de la société japonaise occidentalisée et construisant son propre karaté au fil des rencontres.
 
Critique :
Dans la plupart des mangas de baston, les héros affrontent des adversaires toujours plus forts. "Coq de combat" n'épouse pas ce modèle et préfère opposer l'ombre à la lumière. Enragé, sombre et d'une cruauté rare, "Coq de combat" est à l'image de son personnage principal : un anti-héros prêt réellement au pire pour survivre et imposer ses choix !
A déconseiller à un public trop émotif, il montre des scènes d'une rare violence, une violence qui n'est pas gratuite mais qui reflète le réalisme d'une certaine tranche de la société nippone. La truculence des dessins montre la cruauté existant au sein d'un pays dans lequel on ne soupçonnerait pas que de telles choses peuvent se produire.
Le dessin est donc très bien réalisé. Le manga est très réaliste et le fond est en adéquation quasi-parfaite avec la forme. La violence, semblant si fantasque, nous paraît si réelle avec un dessin si précis et plein de détail, que s'en est bluffant !
Cependant le véritable point fort de ce manga est son scénario, qui place en son centre un héros évoluant complétement à l'opposé de tout stéréotype. On a rarement vu un anti-héros plus anti-héros que Ryo ! Il devient toujours plus psychopathe et toujours plus incontrôlable à chaque tome. Étrangement, loin de dégoûter, cette prise de position pousse le lecteur à vouloir connaître la suite. On veut savoir s'il s'améliorera ou s'il finira par crever du vice dont il est rempli.
Véritable coup de cœur, "Coq de combat" est un petit OVNI dans le monde du manga, mais à réserver à un public averti !!!

Batman - La Cour des Hiboux (Tome 1) : Un comic-book addictif au scénario vraiment bien huilé !!!
 
Note : 4.5 / 5


Synopsis : 

Gotham est une ville complexe, sombre et souvent décrite en évoquant les multiples criminels qui la parcourent. Batman, quant à lui, pense connaître cette ville dans les moindres recoins mais il va devoir cette fois remettre ses convictions au placard car un ancien ordre légendaire, la Cour des Hiboux, auquel il n’a jamais voulu croire et que tous les habitants de Gotham connaissent à travers une comptine va faire surface et compte bien s’en prendre à une victime que Batman connaît très bien...Bruce Wayne !

Critique :
DC Comics a décidé il y a quelques mois de reprendre toutes ses principales séries de zéro (ou presque) en lançant sa nouvelle collection The New 52 (DC Renaissance en France). Celle-ci a pour but de remettre un peu d’ordre dans tous ces comics qui devenaient très compliqués à suivre et en particulier pour les néophytes qui désireraient se lancer dans l’aventure.
Renaissance vient tout juste de paraître en France il y a quelques semaines, éditée par Urban Comics, qui accomplit un superbe travail depuis leur lancement début 2012 avec des éditions de très très grande qualité. Ainsi le chevalier noir a eu droit à sa Renaissance avec "Batman : la Cour des Hiboux" dont le premier tome est sorti au début du mois de juin.
Le new-yorkais Scott Snyder reprend les manettes du scénario pour cette série, secondé de Greg Capullo au dessin et le résultat est absolument réussi. Le New Yorkais nous offre ici ce qui est sans nul doute la meilleure histoire de Batman de ces dernières années, n'en déplaise aux adorateurs de Grant Morrison.
Arrivé sur une scène de crime, Batman découvre un indice présentant la prochaine victime de ce mystérieux tueur comme étant Bruce Wayne. S'en suit la découverte d'une mystérieuse organisation contrôlant Gotham City depuis des siècles, mais aussi et surtout un Batman/Bruce qui perdra pied au fil de l'aventure, allant jusqu'à frôler la démence au cinquième épisode (sur douze au total). On le verra au cours de l'aventure voir toutes ses convictions (et donc accessoirement les nôtres) sur Gotham City, sa ville, partir en fumée, persuadé qu'une telle société secrète ne peut exister dans son dos, lui qui l'arpente toutes les nuits depuis tant d'années et jurerait en connaître tous les recoins. 
Snyder joue également beaucoup sur la métaphore animale : le hibou étant le prédateur naturel de la chauve-souris, Batman se retrouve ici dans la position de la proie, traqué jusqu'à dans son propre foyer. On est là bien loin du héros tout-puissant auquel on avait pu être habitué, et en plaçant Batman dans cette position de faiblesse presque inédite, Scott Snyder nous offre là une vision du personnage vulnérable, terriblement humaine, mais aussi diablement grandiose une fois le plan des Hiboux déjoué et son plan de vengeance mis en marche.
L'intrigue est donc forte en émotions, la tension monte, Batman "ramasse", souffre, devine peut-être, incrédule, qu'il ne semble pas être après tout la seule légende urbaine de Gotham. On se régale en feuilletant ce Batman, à la tension accrue et au dessin superbement rendu par un Greg Capullo au mieux de sa forme, mais qui a choisi bizarrement, un dessin moins gothique qu'à l'accoutumée. Pourtant la ville de Gotham et la galerie d'affreux, s'y prêteraient à merveille! Ceci étant dit, vu la qualité de l'ouvrage, cela reste un détail mineur.
Batman vs Le Hiboux
Le scénario et le dessin sont donc de grande qualité, mais l'action n'est pas en reste ! Cela cartonne et, surtout, cela détonne ! Une scène d'anthologie sort du lot, scène où l'on voit Batman et le Hibou s'affronter sur une dizaine de pages ! Fluide, lisible et terriblement bien agencé, ces scènes démontrent le travail magistral effectué par Capullo. Les combats sont chorégraphiés à la perfection, donnant une sensation de mouvement et de dynamisme hélas trop rare par ces temps-ci. 
La grande force du dessinateur américain, c'est aussi sa capacité à pondre de sublimes et vertigineux décors (le manoir Wayne, le labyrinthe) qui font honneur à l'histoire de Scott Snyder. On sent d'ailleurs une réelle alchimie entre les deux hommes, tant ils arrivent aisément à nous transmettre des émotions, le dessin accompagnant l'évolution psychologique du personnage (sa barbe qui pousse au fil des épisodes nous fait l'accompagner dans sa lente descente aux enfers).
Ce Batman est au final le condensé de toutes les qualités de scénariste de Scott Snyder, qui parvient à creuser le background des personnages pour mieux influencer et appuyer leurs aventures d'aujourd'hui. Narrateur né, dialoguiste efficace sans pour autant chercher à chaque fois la punchline qui tue, Scott Snyder met les bons mots sur cette histoire qui nous emmène aux confins de la peur et de la folie, auxquels on avait cru le Chevalier Noir immunisé. Voué à devenir un must-have du personnage, La Cour des Hiboux se permet en plus de modifier pour de bon les origines du personnage, comme Frank Miller en son temps !!!

Genesis
        de Karin Slaughter


Note : 4 / 5

Synopsis : 

L’ancien médecin légiste de Grand County, Sara Linton, travaille depuis trois ans dans un grand hôpital, à Atlanta, et essaie de reconstruire sa vie. Quand arrive aux urgences une femme très grièvement blessée, elle se retrouve plongée dans le monde de la violence et de la terreur.
L’inspecteur Will Trent du Georgia Bureau of Investigation, dépêché sur les lieux, va découvrir que la patiente de Sara est la première victime d’un tueur sadique, d’un esprit dérangé.
Retirant l’affaire à la police locale, Will et sa co-équipière Faith Mitchell vont traquer le tueur. Sara, Will et Faith (avec leurs propres blessures et leurs secrets) sont les seuls à pouvoir analyser le cerveau d’un tel détraqué et l’empêcher de perpétrer ses abominables meurtres.

Critique :
Voilà un roman qui porte parfaitement son genre, c'est un thriller, un pur, un dur, un corrosif. Un thriller, qui prend à la gorge, qui accélère le rythme cardiaque et de lecture, qui raccourci les nuits, qui rend momentanément asocial, injoignable, laconique. 
Et je ne peux que reconnaître le talent de son auteur. Toutes les recettes du genre sont là (un tueur sadique au mode opératoire aussi distinctif que pervers et des flics écorchés vifs), orchestrées de mains de maître !
Slaughter ajoute néanmoins des ingrédients assez nouveaux et originaux. Les policiers piétinent et semblent, parfois, plus préoccupés par leurs propres problèmes que par leur affaire. Si une partie d'entre-eux s'avère plutôt antipathique, les victimes, elles, se révèlent être de véritables harpies. Cela participe sans nul doute au charme de ce roman, dans lequel les personnages ne sont pas toujours ce qu'ils paraissent et où chacun porte en lui une plus ou moins importante zone d'ombre.
L'auteur met donc en scène des personnages vrais, fracassés et cassés par la vie. Pas de super-héros et cela permet au lecteur de bien s'imprégner, peut-être même de s'identifier à eux. Ils sont véritablement ancrés dans une forte réalité.
Et si le livre fonctionne si bien, c'est parce que Karin Slaughter décrit la psychologie de ses personnages avec force de détails, n'hésitant pas à parler de leur passé, de leur famille ou de leurs relations. Cela peut paraître un peu long, voir inutile, mais c'est pour mieux nous asséner un coup derrière la tête avec une scène choc !

Genesis est un roman efficace, qui se lit et se dévore, et qui sort, par son approche des enquêteurs et des victimes, des sentiers battus et rebattus !!!

Masqué : Un Watchmen à Paris !!!

Note : 4.5 / 5

Synopsis :

Tome 1 : Blessé au cours d’une mission dans le Caucase, le sergent Frank Braffort regagne Paris après six ans d’absence. Il découvre une ville en pleine mutation orchestrée par le Préfet Beauregard : Paris-Métropole. Une ville où le gigantisme rétro fait fureur et où se multiplient les “anomalies”, évènements mystérieux que nul ne peut expliquer. Une ville qui va s’emparer de Braffort et lier leurs destins à jamais…

Tome 2 : Dans les sous-sols de Montmartre, Braffort reprend conscience. Alors qu'il tente de se remémorer sa métamorphose, au-dehors, une explosion lumineuse stupéfie Paris-Métropole. Le préfet Beauregard tente de faire diversion, mais le phénomène se reproduit et frappe de plein fouet Duroc, qui se transforme à son tour. Maintenant, il est le Fuseur, un monstre vaporeux et toxique déterminé à semer la terreur...

Critique :
Masqué est d'ores et déjà présentée comme la série phare de 2012, avec quatre tomes prévus au compteur et une publication rapprochée. Influencés par les Comics, les auteurs ont décidé d'en emprunter le style mais également les méthodes. Ainsi, "Le jour du Fuseur", deuxième tome de la série Masqué dont les auteurs se sont lancés le pari de publier les 4 tomes en une année, vient de sortir, peu de temps après "Anomalies" (Tome 1).
Le premier tome est une ouverture, une mise en bouche mais qui laisse un peu sur la faim. Les explications se font rares, ce qui est logique lors d'une présentation mais, parallèlement, les informations sur les personnages sont cependant un peu légères pour une introduction. Surtout que le scénario avance trop vite pour que le décor soit parfaitement planté et pas assez pour profiter de ces ramifications. Du coup, un sentiment de vague peut émerger en fin d'album.
Malgré tout, le premier tome est prenant et donne envie de connaître la suite. D'autant plus qu'il se termine sur une apothéose presque homérique. Le deuxième tome, quant à lui, introduit la première grande confrontation de cette saga en quatre volumes, apportant déjà quelques éléments de réponse.
Scénaristiquement, ce deuxième tome est très réussi. Une nouvelle fois, nous sommes embarqués sans problème dans le scénario imaginé par Serge Lehman, qui maîtrise parfaitement son histoire. Il place petit à petit son intrigue, faisant monter peu à peu la tension pour nous entrainer dans une course-poursuite endiablée entre deux mystérieux personnages (même si leur identité est connue). Mais de nombreuses questions restent encore en suspens. Ce tome réserve de bien belles surprises. Les autres personnages sont aussi bien écrits et intéressants comme Cléo, Raphaelle ou encore Assan et le préfet Beauregard. 
Malgré l'influence très marquée des comics US, le style graphique général est bien celui de nos contrées franco-belges, avec un encrage particulièrement réussi, parce que justement dosé. C'est un des points essentiels qu'il fallait maîtriser car l'encrage est une des caractéristiques premières des comics. Les couleurs pratiquement en aplats, ultra-brillantes, proviennent d'une palette assez ample, ajustée à chaque ambiance. En un mot, les auteurs rendent une copie quasi impeccable.
Quant au dessin, le réalisme rend l'atmosphère crédible, l'anticipation quasi réelle, facilitant ainsi l'intégration du lecteur. Le rythme est volontairement soutenu, même lorsqu'il ne se passe pas grand-chose, et ce grâce à une mise en page particulièrement soignée, faite d'architectures de cases ambitieuses, de décors foisonnant et d'une grande précision. Les scènes d'actions sont justes et s'appuient sur toutes les références graphiques (mangas et comics) de Stéphane Créty. Sa mise en scène est sobre mais reste toutefois spectaculaire, comme lorsqu'à la moitié de votre lecture vous verrez entrer en action cet étrange héros contre le Fuseur. Il y a de très bons moments dans ces passages-là. Créty, grand amateur de comics US, s'amuse avec les codes du genre et nous fait plaisir. Le combat est un grand moment et sa vision du Paris au XXIème siècle est superbe.
Ce tome 2 reste une très bonne surprise. Une œuvre que je vous convie à découvrir sans plus tarder !!!

L'invisible
           de Robert Pobi


Note : 3.75 / 5

Synopsis : 

Montauk, Nouvelle-Angleterre. Jack Cole revient pour la première fois depuis près de trente ans dans la maison où il a grandi. Son père, Jacob Coleridge, un peintre reconnu et célébré dans tout le pays à l’égal de Jackson Pollock, y vit reclus depuis des années, souffrant de la maladie d’Alzheimer. Son état a récemment empiré et une crise de démence l’a conduit à l’hôpital. Si ses jours ne sont pas en danger, ses moments de lucidité sont rares. 
Jack, qui a le corps entièrement tatoué d’un chant de L’Enfer de Dante, souvenir d’une jeunesse perturbée, est lui aussi un artiste en son genre. Travaillant en indépendant pour le FBI, il possède un don unique pour lire les scènes de crime et entrer dans l’esprit des psychopathes. 
Alors qu’un terrible ouragan s’approche des côtes, Dan Hauser, le shérif de la ville, profite de la présence de Jack pour lui demander de l’aider à résoudre un double assassinat, celui d’une femme et d’un enfant dont on ignore les identités. Devant la méthode employée par le tueur, Jack ne peut s’empêcher de faire le lien avec un autre crime, jamais résolu, le meurtre de sa mère lorsqu’il avait 12 ans. 
Alors que le village est bientôt coupé du monde par la tempête, les meurtres se succèdent et Jack est bientôt convaincu que son père connaît l’identité de l’assassin. La clé réside-t-elle dans les 5 000 mystérieux tableaux qu’il a peints inlassablement ces dernières années et qui semblent constituer une sorte d’étrange puzzle ? C’est dans l’esprit de son père que Jack va cette fois devoir entrer, comme il entre d’habitude dans celui des criminels, pour trouver une vérité complètement inattendue.

Critique :
Pour son premier roman, le canadien Robert Pobi se lance dans le thriller dit "littéraire". On ne peut nier un certain talent d'écriture au bonhomme, même si son style manque de personnalité.
L'histoire est originale, glauque à souhait, sombre et violente.
Le contexte d'une enquête en plein milieu d'une tempête est plutôt une bonne idée.  Le style est tout sauf sinusoïdal, et dans ce genre c’est primordial, pas besoin d’attendre deux cent pages entre chaque moment de tension. Au contraire, Pobi parvient à maintenir une certaine tension tout au long de son livre. Il dose assez bien l'horreur et le sensationnel pour ne pas tomber dans la caricature. 
Le personnage principal est complexe, écorché et assez atypique. L'ensemble des personnages sont crédibles et entiers, ayant tous une personnalité assez bien exploitée.
Un premier roman vraiment pas trop mal. Et pourtant, malgré ses bons points, je n'ai que partiellement accroché à cette lecture, où qualités et défauts se mélangent à mon sens. On se retrouve exposé à plusieurs longueurs et redites inutiles et à une violence répétitive pas toujours nécessaire.
De plus, il vaut mieux éviter de lire la quatrième de couverture. Le parallèle avec "Ne le dit à personne" et "Le silence des agneaux" est hors de propos et purement racoleur.
Au final, un thriller captivant et surprenant malgré quelques défauts !!!

Les indiscrètes, photographies inédites de Jeanloup Sieff : L'opposition permanente du monde résumée en deux couleurs !!!

Note : 4 / 5


Jeanloup Sieff (30 novembre 1933 à Paris - 20 septembre 2000 à Paris) est un photographe français. Il est reconnu pour ses portraits de personnalités politiques et du monde du spectacle, pour ses paysages, ainsi que pour ses nus et son utilisation des objectifs grand angle. Il a travaillé essentiellement en noir et blanc et fut par ailleurs un photographe de mode et sera suivi sur cette voie par sa fille Sonia.
Ses photos sont reconnaissables entre toutes pour le traitement du noir. Le noir, le vrai noir, celui où contrairement à tous les principes de tirage, le regard se perd, se noie comme dans l'eau d'un puits, ce noir qui engloutit avec lui le secret de l'image. 
Parmi une de ses photos les plus connues, on retrouve celle de Serge Gainsbourg.
Jeanloup Sieff était donc un photographe complet. Il était celui qui revendiquait les adjectifs "superficiel" et "drôle" sans jamais vraiment convaincre, sinon de par son sens de l'humour et de sa volonté de ne pas se prendre au sérieux. Il laisse une œuvre intense, des années 50 jusqu’à l’aube du XXIème siècle, qu’il effleura. Et comme dans toute œuvre, il fut pris par la vitesse du médium et n’eut pas le temps de se plonger dans l’ensemble de ses images. 
D’où ce livre d'inédits : des commandes ou des travaux plus personnels, des images jamais publiées dans des livres, parmi lesquelles de nombreux nus.
Christian Caujolle, directeur artistique de l'agence VU (célèbre agence de photographes) dira de ce livre : "On retrouvera ici ses photographies, reconnaissables entre toutes par la profondeur de leurs noirs, le sens du contraste, l'utilisation harmonieuse et sans déformation du grand angle et, signature permanente, une lumière apprivoisée avec une justesse rare qui, de portrait en paysage, de mode en reportage et de derrière en frou frou, redonne au monde une unité et une harmonie qu'il a perdu dès que nous l'avons regardé."
Un très beau livre à avoir !!!

End - Elisabeth : Le premier tome d'une série brillamment gothique, romantique et fantastique !!!

Note : 4.5 / 5

Synopsis : 

Elisabeth Weatherley, 13 ans, est morte. Elle ne le savait pas encore quand elle assistait à ses funérailles qui lui reviennent dans un cauchemar récurrent. Fantôme perdue dans des limbes aux allures de mausolée en compagnie d’animaux étranges (un chat serpent, une chauve-souris poulet et un crapaud araignée), Elisabeth n’a de consistance que dans un bâtiment abandonné de son ancien internat religieux.
Prisonnière de l'au-delà, gardée par des esprits vaporeux aux motivations inconnues, la jeune fille veut prendre contact avec Dorothea sa sœur aînée et sa meilleur amie, Nora. Étrangement, ces dernières sont surprotégées par les instances religieuses mais alors que la première semble vivre son deuil dignement, la seconde est persuadée que la disparition d’Elisabeth est étrange, voir que celle-ci n’est pas morte.

Critique :
“END” au travers de son premier tome apparaît être un titre au scénario riche et construit. Empreint d'un mystère dense, mais sachant égrener assez de maigres réponses pour permettre de capter l'intérêt du lecteur du début à la fin, ce premier volume est beau comme une statue grecque recouverte de sumac grimpant érigée à l'entrée d'un vieux manoir abandonné. 
Ce premier tome (du triptyque prévu) s'attarde sur Elisabeth et ses trois animaux domestiques, sur son pouvoir qu'elle va devoir apprendre à domestiquer et, surtout sur le fait qu'elle soit morte...ou pas ! Il faudra attendre la fin du troisième tome pour connaître le dénouement de cette histoire clef.
D'ici là on se laisse porter par l'ambiance victorienne inquiétante distillée par la scénariste Barbara Canepa et la dessinatrice Anna Merli. Dès les premières planches, le lecteur tombe sous le charme d'un récit poignant porté par une sublime esthétique gothique.
L’ambiance est très mélancolique, et les dessins ont quelque chose de brumeux et se prêtent parfaitement à cet univers. Le trait est d'une finesse exceptionnelle, les couleurs sont doucereusement feutrées, offrant un rendu d'une bouleversante beauté.
“END - Elisabeth” est donc un album gracile et fragile qui exhale des sucs doux et enivrant d'une plante carnivore. Le régal ressenti à sa lecture étant principalement dû à la haute qualité picturale et au travail assidu des deux auteures.
Complet, complexe et ténébreusement beau, le retour de Barbara Canepa (créatrice de Skydoll) est ici à célébrer !!!

Peur Express
               de Jo Witek


Note : 4 / 5

Synopsis : 

Un train bloqué sur un viaduc en pleine tempête de neige, dans une nuit profonde. Six jeunes passagers - qui ne se connaissent pas - sont la proie de phénomènes étranges : hallucinations, accès de démence, voix de revenants, rituel satanique... Pourquoi eux ? Pourquoi dans ce train, et cette nuit-là ? Un thriller haletant, un voyage dans le paranormal qui atteint les frontières de nos croyances et de nos certitudes.

Critique :
Ce qui fait la force de ce thriller, c'est qu'il nous embarque vite dans un univers très angoissant. L'essentiel de l'intrigue se déroule dans un TGV bloqué sur un viaduc en pleine nuit à cause de la neige et du froid glacial. 
C'est dans ce huis-clos oppressant que l'on fait connaissance avec les protagonistes, six jeunes très différents mais attachants qui ont en commun une même fragilité, à fleur de peau. On tremble pour eux car à chaque instant, on sent qu'il peut se passer quelque chose d'effroyable. 
Avec cette foule de personnages à présenter, le démarrage est un peu lent, il faut bien l'avouer. L'auteur a opté pour des chapitres courts où chaque personnage est introduit selon son point de vue, petit à petit. Si ce choix entraîne un début qui traîne, il permet par la suite de vivre chaque situation irrationnelle à travers le point de vue du héros et d'en savoir petit à petit plus sur eux. J'ai donc fini par apprécier le processus. 
La première partie du roman joue vraiment avec nos nerfs ce qui contraste avec la dernière partie qui s'attache davantage à expliquer les phénomènes vécus dans le TGV. La tension retombe donc brutalement ce qui m'a dérangé au début parce que je ne m'y attendais pas ! Cependant, finalement les réflexions du professeur Michet pour expliquer ce qui dépasse l'entendement sont intéressantes et posent de nombreuses questions sans toujours donner des réponses et heureusement !
L'écriture est fluide et prenante et, malgré le public visé (les ados), le style reste assez soutenu, renforçant de fait la qualité du récit. 
Ce chaos mélangeant rire, peurs et larmes, est mené à un rythme d’enfer. Jo Witek construit un thriller original avec une intrigue bien maitrisée, "Peur express" est à découvrir de toute urgence ! 

Blanche-Neige : Un splendide petit OVNI de la BD !!!

Note : 4.5 / 5

Synopsis : 

Après la mort du Roi des Neiges, le pouvoir est immédiatement repris par la Reine qui n’a d’autres ambitions dans la vie que le pouvoir et la conquête de nouveaux territoires. Et pour se débarrasser de Blanche-Neige, à qui revient légalement le trône, elle charge son fidèle bras droit, le chasseur défiguré, de l’assassiner. Celui-ci n’arrivera pas à exécuter sa tâche une fois devant la jeune fille et va la laisser s’enfuir dans une forêt sombre où plus personne ne va depuis longtemps.
En parallèle, la Reine qui a construit un immense barrage au pied de la montagne veut faire payer un impôt pour utiliser l’eau stockée. Mais un Prince de l’un des 7 royaumes arrive à convaincre les autres chefs de clan de s’unir pour vaincre cette horrible sorcière.
Et c’est dans la fameuse forêt que ce Prince va retrouver Blanche-Neige qui vit depuis avec les 7 nains. Tous ensembles, ils vont retourner au château pour se battre contre la Reine et reprendre le pouvoir.

Critique :
Oubliez tout de suite la version Disney ! Avec Blanche-Neige, Maxe L'Hermenier (scénario) et Looky (dessins) ont totalement réinventé le conte de notre enfance.
Les auteurs nous plongent dans leur monde avec un scénario fort et sombre et, surtout, bien plus riche qu'il n'y paraît. Des auteurs à suivre avec attention.
Le dessin est magnifique, sensuel et expressif. Il n'est d'ailleurs pas sans rappeler les grands auteurs américains des 90's tels que Marc Silvestri, Jim Lee, Dave Finch, etc. Les décors, quant à eux, sont somptueux et empreints de magie tant les détails et les codes couleurs sont de qualité.
L’éditeur a en plus eu la bonne idée de mettre des dessins originaux d’autres artistes proposant leurs visions du personnage et quelques croquis de la BD.
En réussissant le tour de force de s'approprier une histoire qui n'a rien d'originale, en créant leur propre univers scénaristique et stylistique, L'Hermenier et Looky nous offre un véritable petit OVNI de la BD. A acquérir de toute urgence !!!

Juste une ombre
               de Karine Giebel


Note : 4 / 5

Synopsis : 

Cloé est brillante, elle le sait, elle est la meilleure dans son domaine, elle succédera bientôt au grand patron. De plus, elle est superbe. Cloé la guerrière, Cloé l’amazone apprend à baisser un peu sa garde lorsqu’il s’agit de s’accorder du bon temps avec son amant. Mais l’ombre guette, obscurcit son quotidien.
La menace se fait de plus en plus pesante. Des objets sont déplacés dans sa maison. Cloé se sent épiée. Stress lié au travail, alcool, drogues ? Police, amant, meilleure amie… ne peuvent croire les allégations de la jeune femme. Cloé flirte-t-elle avec la folie ?
Il n’y a pas que Cloé qui soit de plus en plus brisée par l’existence. Dans une autre partie de la ville, Gomez se bat. Un vrai flic de terrain, qui ne lâche pas sa prise, il flaire, il traque. Surtout si il peut atteindre la tête du réseau, peu importe la méthode. Être borderline, et alors ? Ce n’est pas avec de la dentelle que l’on coince les pourris. Garder le masque même devant les collègues, particulièrement devant les collègues.
Son plus grand combat, celui qu’il mène aux côtés de Sophie. Sa femme, sa moitié, qui lutte contre la maladie, contre la mort.

Critique :
Ce roman est un choc. Un livre qui vous prend au cœur, jusque dans les viscères et qui ne vous lâche plus. 
L'écriture est dense tout en restant fluide et surtout rythmée. Le tout permettant au lecteur de véritablement vivre le récit, bien plus que de le lire !
Karine Giebel a une tonalité particulière dans ses écrits. Elle modèle avec brio ses personnages qu’elle peut broyer d’une main à la page suivante. Nous ne sommes pas dans la violence gratuite, ses textes sont d’une grande intelligence.
L'intrigue nous mène vers diverses pistes et finie immanquablement par surprendre.
L'auteur met en scène deux personnages dans deux intrigues isolées : un homme (un commandant) et une femme (qui travaille dans la pub). Ces deux personnages ont des fêlures, des blessures occasionnées par un passé douloureux et omniprésent pour l'un, ou un présent tragique pour l'autre. Karine Giebel construit donc deux personnages pour qui on se prend vite d'affection. Le caractère parfois suffisant de Cloé peut exaspérer, mais derrière cette façade, c'est une femme fragile. De même, la froideur, l'autorité d'Alexandre vis-à-vis de ses collègues le rend peu sympathique, mais c'est un personnage en souffrance du début à la fin.
Habile, bien construit et prenant, on entre peu à peu dans la spirale destructrice qui va emporter les personnages. Un thriller réellement scotchant !!!

Monsieur Mardi-Gras Descendres : Une des BD les plus originales qu'il m'est arrivé de lire !!!

Note : 4.5 / 5

Synopsis : 

Mais où est donc tombé Victor Tourterelle ?
Une glissade fatale sur la petite voiture que son fils avait oubliée dans la salle de bains, et voici Victor Tourterelle expédié sans transition de l'autre côté du miroir, au beau milieu d'un désert de craie, sous un ciel noir comme l'encre. Pas un bruit, pas une âme. 
De son nouvel état, Victor se réjouit d'avoir encore toute sa conscience, qui est bien plus claire que sur Terre ! Mais de son corps, il ne reste que les os. Hagard, le trépassé n'imagine pas qu'il est à l'aube de l'aventure la plus folle qu'aucun défunt n'ait jamais tentée une fois débarqué dans l'autre monde.

Critique :
"Monsieur Mardi-Gras Descendres" d’Éric Liberge est, à coup sûr, une des BD les plus originales qu'il m'ait été donné de lire.
Elle sera cependant plutôt à conseiller aux amateurs d'humour noir et de non-sens, car le sujet principal en est la très philosophique question "qu'y a-t-il après la mort?".
A laquelle le scénariste et dessinateur Éric Liberge apporte une réponse à la fois désespérante et cruellement drôle : pour lui l'autre monde se situe entre Pluton et son satellite Charon (rappelons que Pluton est le dieu romain du monde des morts, et Charon le passeur entre les mondes des vivants et des morts, conduisant son bateau sur fleuve Lethé, le fleuve de l'oubli, dont il est aussi question dans la BD).
 
Graphiquement, c'est tout simplement époustouflant ! Un monde peuplé de squelettes où seuls les pieds et les mains restent charnus, tandis que les crânes conservent toute leur expressivité faciale. Une vraie prouesse ! La graphie a aussi été soignée, avec plusieurs polices qui renforcent l'aspect sacré ou ésotérique du message. Dans certain cas, les majuscules ont été retravaillées dans le même esprit.
Les quatre tomes illustrent la vie et les interrogations en ces confins, déclinant d'immenses perspectives et constructions architecturales (qui dans cette ambiance transcendantale évoquent aussi l'univers d'artistes visionnaires comme le polonais Zdzislaw Beksinski).
Le scénario décrit la confrontation avec tous les purgés de Pluton et de son satellite Charon, avec d’intéressantes incursions dans la métaphysique et l’histoire de la chrétienté. De fait, ces quatre tomes mériteraient une analyse approfondie des symboles et du texte, qui s'éloigneraient considérablement du cadre habituel de la bande dessinée.
Soulignons donc simplement que par l’histoire et le graphisme, il s’agit d’une œuvre profonde et très personnelle : en préface du Tome 4, Éric Liberge évoque la très longue gestation de cet univers, près d'une décennie avant la réalisation en BD. Il confirme aussi que derrière la cohérence interne de la série, chaque tome possède un caractère propre.
Une totale immersion dans  un imaginaire surréaliste de l’au-delà !!!

Arnaldur Indridason - La muraille de lave : Un roman conservant toutes les qualités de son auteur, tout en en renouvelant l'esprit !!!
Note : 4 / 5

Synopsis : 

Le commissaire Erlendur est parti en vacances sur les lieux de son enfance et il a disparu, mais son équipe continue à travailler. Tandis que Elinborg, la fine cuisinière, s’occupe d’une affaire de viol (La Rivière noire, 2011), Sigurdur Oli, le moderne formé aux États-Unis, reconnaît par hasard dans la rue l’un des témoins de l’affaire de pédophilie en partie résolue dans La Voix (2007).
Ce même jour, un ami lui demande d’aider un couple de cadres qui, pratiquant l’échangisme, fait l’objet d’un chantage. Troublé par ses problèmes de nouveau divorcé, Sigurdur Oli va cependant aller jusqu’au bout d’une histoire qui lui révèle la cupidité qui s’est emparée de la société islandaise avec l’expansion mondiale des modèles financiers.

Critique :
Comme d'habitude, ça commence comme un roman policier de facture classique, avant de dériver pour emprunter plusieurs routes tissant les trames de différentes affaires. 
Le héros est ici Sigurdur Oli, le personnage le plus en retrait dans les enquêtes d'Erlendur. Ce livre doit nous permettre d'en savoir plus sur lui et surtout de savoir comment il est devenu ce qu'il est. Il n'a pas l'humanisme de son chef, ni l'empathie d'Elinborg et il l'admet lui-même. La compassion pour les rebuts de la société, très peu pour lui. La muraille de lave humanise le second d'Erlendur qui fait face avec droiture aux enquêtes qui lui sont confiés et avec orgueil à la débâcle de sa vie privée.
Ce roman policier présente toutes les caractéristiques que j'apprécie : des enquêtes prenantes avec un aperçu de la vie privée des enquêteurs. Nous n'avons pas à faire à des êtres asociaux mais à des personnes ancrées dans le quotidien et la vraie vie. Et sous la plume d'Indridason, c'est toujours extrêmement captivant.
J'ai été happée, engloutie par le récit.
Un polar structuré, intéressant, plein d'intrigues et de suspense. Ces enquêtes douloureuses avec des sujets sensibles et graves appellent à la réflexion.
 
Un suspense incomparable et d'une grande qualité !!!

Dance with the devil
                         de Stanley Booth


Note : 4.5 / 5

Synopsis : 

Stanley Booth a suivi les Stones lors de leur tournée américaine de 1969, qui s'est achevée sur le désormais tristement célèbre concert d'Altamont pendant lequel les Hells Angels ont tué un spectateur.
Il retrace l'histoire du groupe de leurs débuts dans les clubs de l'est londonien jusqu'à la fin des années 60, la mort tragique de Brian Jones et Altamont.

Critique :
Sur fond de concerts et d’anecdotes sur The Rolling Stones, cette biographie écrite et vécu par Stanley Booth dépeint avec justesse cette époque et surtout l’année 1969, véritable tournant pour les Stones qui enterrent Brian Jones et qui doivent faire face au tristement célèbre concert d’Altamont. C’est aussi une époque charnière pour toute une génération qui tire un trait sur ses idéaux hippies.
Des limousines aux chambres d'hôtel, il retrace avec un terrible réalisme l'anarchie, les excès et les peurs d'un rêve qui conduisit à sa propre destruction. Plus qu'un simple reportage sur les Rolling Stones, Dance with the Devil est selon Harold Brodkey (écrivain américain de renom), " le meilleur livre sur les années 60 ". A juste titre à mon sens !
Vécu en 1969, le livre ne sortira lui que 16 ans plus tard. Vrai et détaillé, c'est l'un des meilleurs livres jamais écrit sur le rock ! Un authentique classique !!! 

American Gods
            de Neil Gaïman


Note : 4.5 / 5

Synopsis : 

En sortant de prison, Ombre apprend la mort de sa femme et de son meilleur ami dans un accident de voiture. À bord de l'avion qui le ramène chez lui, il se fait embaucher comme garde du corps par un étrange personnage dénommé Voyageur (Mr Wednesday dans l'original : Ombre a rencontré ce personnage un mercredi et en anglais le mot veut dire Jour de Wotan, ou Odin) qui l'entraîne dans un long périple à travers les États-Unis. 
Ombre découvre bientôt que Voyageur n'est autre que l'ancien dieu nordique Odin qui tente de rallier à sa cause les autres anciens dieux et quelques personnages folkloriques afin de mener une guerre sans merci aux divinités plus récentes de l'Amérique que sont la voiture, internet, la télévision et les médias.

Critique :
American gods est un roman fantastique qui fait quelques emprunts au conte philosophique (avec des personnages souvent métaphoriques) et road movie.
Neil Gaïman raconte le périple géographique d'Ombre. Ce périple se trouve être en réalité une quête d'identité, un véritable travail d'introspection sur son propre passé.
L'idée de départ relève d'une logique implacable. Puisque les Etats-Unis sont le pays du Melting pot, ce brassage pluriethnique, pluriculturel, ce creuset dans lequel "macère" tous les immigrants qui l'ont peuplé, il est incontestable que cette nation soit également la terre d'asile des dieux que toutes ses populations apportaient dans leurs bagages. Divinités en tous genres qui elles aussi évolueront côte à côte !
L'écriture, tout en finesse, distille les nombreuses révélations que contient le roman au fur et à mesure d'un voyage grandiose, rendant au passage un bel hommage au pays et à son terreau vivace. Le récit est dense et complétement décalé.
La maitrise de l'auteur concernant son propos et son talent extraordinaire de conteur fait de ce livre un incroyable et délicieux divertissement culturel. Gaïman faisant preuve d'un savoir-faire incroyable pour inscrire le mythologique et le mythique dans le quotidien le plus "banal", doublant son propos d'une longue réflexion sur l'Amérique contemporaine.
Un très très bon et grand moment de lecture !!! 

L'âme du Mal
     de Maxime Chattam
  
Note : 4 / 5

Synopsis : 

Pas plus que sa jeune assistante, l'inspecteur-profileur Brolin ne pense que les serials killers reviennent d'outre-tombe. Fût-il le monstrueux bourreau de Portland qui étouffait et vitriolait ses victimes avant de les découper avec précision. Mais le bourreau est mort et le carnage se poursuit, identique : un même rituel horrible. Le nouveau tueur agit-il seul ou fait-il partie d'une secte ? Pure sauvagerie ou magie noire ? Brolin a peur. Cette affaire dépasse tout ce qu'on lui a enseigné. S'immerger complètement dans la psychologie d'un monstre, le comprendre afin de le cerner et de prévoir ses crimes, devenir un monstre soi-même, tels sont les moindres risques de son métier. On dit au FBI qu'il s'en faudrait d'un rien pour qu'un bon profiteur aille rejoindre la galerie de ses pires clients. Peut-on impunément prêter son âme au mal ?

Critique :
Avec L'âme du mal, Chattam signe le premier volet de la Trilogie du Mal.
Le style d'écriture est captivant. Jamais l'auteur ne laisse de blanc. Tout est toujours sous tension, le lecteur ne peut qu'appréhender ce qui va se passer par la suite. Les descriptions ne sont pas trop violentes, les scènes de crime sont détaillées mais jamais au point d'en avoir la nausée et les méthodes criminalistiques sont toujours accessibles au lecteur.
L'ambiance du livre est très glauque, même si le début reste très soft et peut justement attirer de ce fait. Le livre est sombre et noir, moins dans ses descriptions scéniques que dans la psychologie perverse du ou des tueurs.
La cadence du livre est rythmée. On trouve beaucoup d'action, notamment à la fin, beaucoup de mystère, de suspens, un peu de sexe également, sexe déviant, à travers le meurtrier, pulsions plus avouables entre Joshua et Juliette. 
Les personnages sont, je pense, la clé de voûte du livre. Entre grandeur et courage pour certains, et malveillance et perversité assumée pour d'autres.
Le tout est un thriller palpitant qui forme la première partie d'une trilogie que j'ai eu beaucoup de plaisir à poursuivre !!!

Une brève histoire du temps
                                   de Stephen Hawking


Note : 4.5 / 5

Synopsis :


D'où vient l'univers ? Comment et pourquoi a-t-il commencé ? Telles sont les questions essentielles auxquelles s'attaque le célèbre auteur du plus inattendu des best-sellers scientifiques. L'astrophysicien britannique Stephen Hawking, victime d'une grave dégénérescence musculaire, est cloué depuis plusieurs années sur une chaise roulante et ne communique que par l'intermédiaire d'un ordinateur et d'un synthétiseur de parole. Les pires conditions qui soient pour faire de la vulgarisation scientifique ont cependant abouti à une superbe leçon de cosmologie. De big-bang en trou noir, de principe d'incertitude en flèche du temps, Hawking fait le point sur ce que nous savons aujourd'hui de l'évolution de l'univers, sans jamais avoir recours à la moindre équation mathématique. Comme il le raconte dans la préface, son éditeur lui avait dit que chaque équation diminuerait les ventes de moitié.

Critique :
Dans ce livre de médiation scientifique concernant la cosmologie, Stephen Hawking tente d'expliquer à des non-initiés des phénomènes comme le Big Bang, le trou noir, le cône de lumière ou la théorie des cordes. Le propos du livre étant accompagné de peu d'équations et de beaucoup d'illustrations.
Dans cet ouvrage de vulgarisation scientifique, Hawking fait le point sur toutes les connaissances scientifiques de notre époque avec clarté. Parfois complexe (j'avoue que certains passages restent ardus de compréhension malgré les efforts de l'auteur pour les vulgariser), il éclaire tout de même sur de nombreux points !
Au final, "Une brève histoire du temps" est passionnant et permet de découvrir les grandes théories de l'astrophysique assez facilement, même pour les non-initiés.
A noter, dans le film Donnie Darko, réalisé par Richard Kelly, traitant des voyages temporels, le livre y est mentionné par un professeur de physique lors d'une discussion avec le héros. Et dans le film Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban, réalisé par Alfonso Cuarón, on peut apercevoir un client du Chaudron Baveur lire le livre d'Hawking.

Neverwhere 
        de Neil Gaiman


Note : 4.5 / 5

Synopsis :


Richard Mayhew, jeune écossais vivant à Londres, est un homme dont l'unique fantaisie est de collectionner les petits trolls : employé de bureau lambda, il est tyrannisé par sa fiancée Jessica, un monstre d'égoïsme, très centrée sur elle-même et le qu'en-dira-t-on.
Un soir, il recueille une jeune fille blessée sortie de nulle part et venant de "la Londres d'en bas". Très rapidement, il reçoit la visite d'un duo improbable, Messieurs Croup et Vandemar, qui recherchent Porte, la jeune fille en question.
Dès le lendemain, Richard se rend compte que sa vie dans "la Londres d'en haut" s'effiloche, c'est comme s'il n'existait plus : sa fiancée l'a quitté, ses collègues l'ignorent, l'agent immobilier fait visiter son appartement. Sans autre choix, Richard s'enfonce dans "la Londres d'en bas", à la recherche de Porte.

Critique :
Neverwhere est un petit chef d’œuvre de la fantasy moderne britannique. Neil Gaimain décrit un lieu intemporel, avec des personnages hauts en couleur s'appropriant les stations de métro et les égouts de Londres, c'est un lieu de tous les possibles, royaume des peurs et des chimères de tout un chacun, un lieu délicieusement improbable, et illogique.
Le Londres du livre est conforme à celui que nous connaissons : trépidant, multiculturel, formel et fou. Mais sous cette surface coexiste un autre Londres : Neverwhere, entre quelque part et nulle part. Un monde différent qui n'est pas vraiment de notre réalité mais plutôt adjacent, à la fois totalement étrange et étroitement connecté. 
Neil Gaiman réussit le tour de force de faire cohabiter deux mondes très différents : le Londres de Woody Allen à celui de Jean-Pierre Jeunet, le monde auquel nous sommes habitués et ce monde différent, empreint de fantastique.
Le style est superbe, empreint de noirceur, dense sans être étouffant et terriblement efficace ! Les personnages sont fantastiques et variés, à la fois attachants et repoussants.
Bien que la trame de l'histoire peut paraître assez classique dans sa construction, le livre est prenant et jamais ennuyeux !!!
Avec Neverwhere, Neil Gaiman nous offre un bijou de la culture underground, ne passez pas à côté !!! 

L'art de Paul Bonner -
          Au fin fond des Forêts


Note : 4.5 / 5

Synopsis :


Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir de contempler à nouveau le soleil se coucher sur la Fantasy anémique et clichée qu'on vous sert tous les jours. Car, à peine contenue dans les 176 pages de ce livre, se trouve l'œuvre de Paul Bonner : du muscle, de la chair, du lourds, du gras, du qui tache et qui tranche, qui pollue et fait des trous dans la couche d'ozone ! L'œuvre d'un artiste intrépide capable de nous ramener ses visions éclatantes du Valhalla, d'un futur apocalyptique et de chaque étape de son périple à travers ces mondes ravagés et hantés. A l'intérieur, vous trouverez la quasi-totalité des œuvres éblouissantes de Paul Bonner.

Critique :
Fameuse figure de la fantasy contemporaine, le danois Paul Bonner est un peintre et un illustrateur de science-fiction et de fantasy, connu pour ses illustrations de jeux de figurines chez Games Workshop, FASA et Rackham.
"Au fin fond des forêts : L'art de Paul Bonner", c'est de la fantasy sauvage décoiffant les neurones, et qui fait se retourner les yeux ! La peinture de Paul Bonner reste une énigme. Elle est avant tout unique et la technique qu’il utilise ne doit rien, ni aux pixels, ni aux pigments d’un logiciel. Il part d’un crayonné très avancé, puis continue, avec un pinceau, par des aquarelles en taches épaisses mélangées avec des encres de couleurs. Il dessine d'abord l'environnement avant que les personnages n’entrent en scène. La minutie apportée aux détails, la fonctionnalité des accessoires, des armes et des armures est stupéfiante.
Les peintures de Paul Bonner ont cette curieuse étincelle de vie, et donnent le sentiment de raconter un instant particulier, une situation sur le point de se résoudre... ou de dégénérer !!!

La Sève et le Givre
                   de Léa Silhol


Note : 4.5 / 5

Synopsis :


Trois fois les Parques ont parlé: Finstern, Roi de la Cour de Dorcha, doit mourir.  Seule la belle Angharad peut contrecarrer la mort de Finstern, ou la précipiter.  Elle ignore son propre destin, et le prix à payer pour accomplir sa mission... Dans la funeste partie d'échecs qui s'engage entre les Cours d'Ombre et de Lumière, la Reine Blanche devra trouver sa voie. 

Critique :
Léa Silhol se présente comme une véritable conteuse. Plus que cela, elle réussit l'improbable en permettant une symbiose parfaite entre poésie et fantaisie.
C'est un récit hors du temps qui nous est servi.  Un récit initiatique où nous croisons plusieurs légendes du folklore celte, souvent un peu réinterprétées, qui servent de toile de fond à l'histoire d'Angharad, née du fils de la Reine d'Hiver et d'une dryade de Cour de Lumière.
Ce qui frappe le plus est le contraste naissant d'un style d'écriture élégant, suave et d'une beauté rare pour décrire un univers cruel, magnifiquement dark et sauvage !
Poétique, merveilleux et mythique !!!

Graine de cuistot Chocolat
                    de Nathalie Cahet et
                            de Fabien Veançon

Note : 4 / 5
Grâce à ce petit livre, vraiment sympa, les enfants trouveront un terrain de jeu : la cuisine !
Le livre est divisé en 5 chapitres : croquants, feuilletés, fondants, moelleux et onctueux. Les grands classiques, tels que les cookies ou le brownie, sont revisités, « chocolatisés », ou agrémentés d’ingrédients nouveaux, comme l’écorce d’orange dans le muffin. Graine de cuistot chocolat propose aussi de découvrir des recettes inédites, comme le saucisson au chocolat ou le cheesecake tout choco au coulis de fruits.
Chaque recette est présentée par un personnage rigolo : Malo le mouton sauteur donne sa recette des cannelés rebondissant, Croco Django le canibanane celle du croc’chocobanane, Azenor la bretonne au bigouden la recette des crêpes 100% chocolat ...
Les recettes, toutes très accessibles, comportent de nombreuses indications précises comme la liste des courses, les temps de préparations et de cuisson, la quantité réalisée ainsi que des astuces. Les différentes étapes sont numérotées, rédigées très simplement et agrémentées de petits dessins.
Incluant une toque et un tablier de cuistot, ce livre est idéal pour apprendre à cuisiner, s'amuser et se régaler !!!

Docteur à tuer
       de Josh Bazell


Note : 3 / 5

Synopsis :


Le Dr Peter Brown est interne dans le pire hôpital de Manhattan. Il a du talent pour la médecine, des horaires infernaux et un passé qu'il préférerait taire. Qu'il s'agisse d'une artère bouchée ou d'un projet machiavélique de procès pour erreur médicale, il connaît le mal qui se tapit dans le cœur des hommes. Il faut dire que, dans une autre vie, le Dr Brown a été Griffe d'ours, un tueur à gages pour la mafia. 
Eddy Squillante, son nouveau patient, n'a plus que trois mois à vivre, et peut-être moins, lorsqu'il découvre que sous les traits de son nouveau médecin se cache Griffe d'ours. Avec la mafia, le gouvernement et la mort en personne qui s'abat sur l'hôpital, le Dr Brown parviendra-t-il à survivre et à saisir sa dernière chance de rédemption ?

Critique :
Si je devais définir ce livre, je dirais qu'il s'agit d'un thriller déjanté et coloré, mais qui nous laisse une sensation désagréablement mitigée !
Le style dynamique et fleuri de Bazell est accrocheur mais un peu lassant.  La façon, peu littéraire, d'utiliser uniquement le présent pour décrire les scènes se déroulant à l’hôpital dérange un peu au début. Cependant, à force, on s'y habitue pour ne plus y faire très attention. Comme tous les styles trop marqués, on a tendance à penser au bout de 100 pages que l’auteur en fait trop et finit par desservir ses personnages et son roman.
Ceci étant dit, l'intrigue est assez bien travaillé et Peter Brown, le personnage principal, devient vite attachant, aussi bien pour son côté pur et lumineux que (ou surtout) pour son dark side, qu'il essaie de réprimer !
Au final, Docteur à tuer ne révolutionne pas le genre et malgré les quelques défauts que je viens d'énoncer, ce fut tout de même une lecture sympathique et divertissante !!!

Eragon, L'Héritage
        de Christopher Paolini


Date de sortie : 20 avril 2012

Synopsis :


Pourquoi Galbatorix, l’usurpateur, ne détruit-il pas l’armée en marche vers sa capitale? Pourquoi laisse-t-il les Vardens et leurs alliés poursuivre leur conquête de ses places fortes? Certes, les soldats et les magiciens de l’Empire se défendent, mais les Vardens ont avec eux Eragon et Saphira qui font des ravages dans les rangs ennemis. Cependant, leur avancée se trouve dramatiquement stoppée: c’est Eragon qui doit prendre la tête des armées rebelles. or, le garçon est loin de se sentir prêt pour une telle responsabilité…

Attentes :
Ce dernier tome du cycle de L'héritage est extrêmement attendu par les fans (3 ans !!!). Sorti en novembre 2011 en anglais, la version française sortira dans quelques jours.
Cette saga d'heroic fantasy, s'adressant au départ à un public d'adolescents, a très vite connu un succès important dans tous les groupes d'âges (il s'est vendu autant en jeunesse que pour les adultes !).
Comme pour les Harry Potter, Eragon connaît une évolution certaine dans son écriture au fur et à mesure des tomes : l'écriture et l'ambiance des livres évoluant avec le personnage d'Eragon, un ado forcé par les évènements de sa vie à devenir homme ! L'univers devient par ce fait beaucoup plus noir et cruel !!!
On verra si ce tome 4 tiendra ses promesses !!!

L'ombre du vent
        de Carlos Ruiz Zafòn


Note : 4.5 / 5

Synopsis :


Dans la Barcelone de l'après-guerre civile, " ville des prodiges " marquée par la défaite, la vie est difficile, les haines rôdent toujours. Par un matin brumeux de 1945, un homme emmène son petit garçon - Daniel Sempere, le narrateur - dans un lieu mystérieux du quartier gothique : le Cimetière des Livres Oubliés. L'enfant, qui rêve toujours de sa mère morte, est ainsi convié par son père, modeste boutiquier de livres d'occasion, à un étrange rituel qui se transmet de génération en génération : il doit y " adopter " un volume parmi des centaines de milliers. Là, il rencontre le livre qui va changer le cours de sa vie, le marquer à jamais et l'entraîner dans un labyrinthe d'aventures et de secrets " enterrés dans l'âme de la ville " : L'Ombre du Vent. 

Critique :
Avec ce tableau historique, récit fantastique dans la pure tradition du Fantôme de l'Opéra ou du Maître et Marguerite, énigme où les mystères s'emboîtent comme des poupées russes, Carlos Ruiz Zafòn mêle inextricablement la littérature et la vie.
Ce récit est surréaliste, nostalgique, poétique et violent. Zafòn décrit les ambiances comme ce n'est pas permis : c'est beau et fort, sa bibliothèque fait envie tant elle regorge d'ouvrages rares et mystérieux, Barcelone est vivante sous nos yeux et pourtant hantée par des fantômes, le cimetière des livres semble palpable !
Magistralement mené par une écriture extrêmement agréable et fluide qui donne envie de ne jamais poser le livre, les événements s'imbriquent les uns dans les autres sans laisser le temps de se lasser.
Avec ce roman Carlos Ruiz Zafòn réalise une œuvre exceptionnelle, qui est en passe, à mon sens, de devenir un classique !!!

Batman, La nouvelle aube
                   de David Finch et Jay Fabok


Note : 3 / 5

Synopsis :


Lorsque le premier amour de Bruce Wayne est kidnappé par le mortel tandem du pingouin et de Killer Croc, Batman se lance à sa recherche, prêt à tout pour les arrêter !
Mais, tapies dans l'ombre, des forces surnaturelles attendent également de jeter leur dévolu sur la jeune femme. Plaçant notre héro cornes-à-cornes avec le démon Etrigan, dans une lutte qui dépasse bien vite ses simples talents de détective.

Critique :
L'action est immédiate, et portée très adroitement par le scénario et le dessin de Finch. Rapidement, on suit le chevalier noir sur les traces d’une jeune fille disparue, dans le plus pur style policier.
Cependant, le rythme s'effondre dès que l'intrigue s'oriente vers l'obscurantisme et le surnaturelle. L'idée est bonne, mais dans le complexe univers de Batman, les scénaristes l'ont mal amenée et, en fin de compte, l'intrigue en souffre.
Au final, on se retrouve donc devant un Batman classiquement très entrainant, aux dessins superbes (vraiment superbes !!!), mais qui nous laisse un arrière goût de légèreté du à son intrigue surnaturelle bien mal introduite !!!

Le Secret de Ji
          de Pierre Grimbert


Note : 4.5 / 5

Synopsis :


Il y a 118 ans, un certain Nol l'étrange manda un émissaire de chaque royaume du monde connu pour l'accompagner sur l'île Ji, et effectuer un long et dangereux voyage. Peu d'émissaires revinrent, et aucun d'eux ne raconta les évènements qui s'étaient passés sur l'île. Les héritiers de ces derniers se réunirent régulièrement pour célébrer le voyage sur l'île Ji, et ils pensent être les seuls à se rappeler cette affaire vite étouffée, jusqu'au jour où des assassins fanatiques se mettent à les éliminer un à un. Il ne reste alors qu'une chance de survie aux héritiers : percer le secret de Ji...

Critique :
Les auteurs français de Fantasy ne sont pas foison et rares sont ceux qui connaissent un véritable succès, une réelle reconnaissance. Pierre Grimbert fait partie de ces élus !
Le secret de Ji est, à mon sens, l'un des meilleurs cycles fantasy qu'il met arrivé de lire. Je le classe dans mon trio de tête avec Le chant de la Belgariade de David Eddings et L'arcane des épées de Tad Williams !
Certains personnages de Grimbert semblent d'ailleurs avoir été inspirés par ceux de la Belgariade. Loin de gêner, cette similitude n'en rend les personnages que plus attachants. Le style est fluide et extrêmement agréable à lire, et on passe un véritable bon moment.
Le secret de Ji est un bijou de la fantasy, les amateurs du genre comme les autres vont adorer !!!

Les Anges de New-York
                       de R. J. Ellory


Note : 4 / 5

Synopsis :


Frank Parish, inspecteur au NYPD, a des difficultés relationnelles. Avec sa femme, avec sa fille, avec sa hiérarchie. C’est un homme perdu, qui n’a jamais vraiment résolu ses problèmes avec son père, mort assassiné en 1992 après avoir été une figure légendaire des Anges de New York, ces flics d’élite qui, dans les années quatre-vingt, ont nettoyé Manhattan de la pègre et des gangs. Alors qu’il vient de perdre son partenaire et qu’il est l’objet d’une enquête des affaires internes, Frank s’obstine, au prix de sa carrière et de son équilibre mental, à creuser une affaire apparemment banale, la mort d’une adolescente. Persuadé que celle-ci a été la victime d’un tueur en série qui sévit dans l’ombre depuis longtemps, il essaie obstinément de trouver un lien entre plusieurs meurtres irrésolus. Mais, ayant perdu la confiance de tous, son entêtement ne fait qu’ajouter à un passif déjà lourd. Contraint de consulter une psychothérapeute, Frank va lui livrer l’histoire de son père et des Anges de New York, une histoire bien différente de la légende communément admise. Mais il y a des secrets qui, pour le bien de tous, gagneraient à rester enterrés.

Critique :
Les Anges de New-York vous accroche dès la première ligne et ne vous lâche plus, une fois dedans plus moyen de s'en échapper !
Le style d'écriture frappe par son exactitude, sa brutalité et par sa puissance d'évocation. L'ouvrage a du rythme, de l'humour et d'une réelle vie. Les personnages sont véritablement vrai et complétement immergés dans les méandres méphitiques de leur propres réalités !!!
C'est râpeux à souhait, on en redemande !!! 

Métamorphose en bord de ciel
                            de Mathias Malzieu

Note : 3 / 5

Synopsis :


Tom Cloudman est sans conteste le plus mauvais cascadeur du monde. Ses performances de voltige involontairement comiques lui valent des jours heureux. Jusqu’à ce qu’un médecin le soignant pour une énième fracture décèle chez lui une maladie incurable. Commence alors pour Tom un long séjour hospitalier pour tenter de venir à bout de ce qu’il appelle « la Betterave ».
Lors d’une de ses déambulations nocturnes dans les couloirs de l’hôpital, cet homme qui a toujours rêvé de dévorer les nuages rencontre une étrange créature, mi-femme mi-oiseau, qui lui propose le pacte suivant : « Je peux vous transformer en oiseau, ce qui vous sauverait, mais cela ne sera pas sans conséquences. Pour déclencher votre métamorphose vous devrez faire l’amour avec moi. De cette union naîtra peut-être un enfant. Un risque à accepter. »

Critique :
Mathias Malzieu, chanteur du groupe Dionysos à ses heures perdues, est pour moi un des auteurs français contemporains qui sort le plus du rang.
Son style est empreint de poésie, de romantisme barocco-burtonien et de rêve. Son univers est réellement prenant.
Métamorphose en bord de ciel est un comte sombre et émouvant qui reflète le brio et le génie de son auteur. Hélas, avec ce roman, on ne ressent aucune évolution par rapport à ses précédents ouvrages, surtout La mécanique du cœur.
Malzieu rebrasse ses thèmes récurrents sans les décliner différemment aux vues de ses anciens ouvrages. Le problème est qu'il ne prend aucun risque ni dans l'histoire et encore moins dans la narration !!!
Métamorphose...reste cependant un bon livre qui vous fait passer un bon moment à condition de ne pas s'attendre à être surpris !!! 

Un monde sans dieux : De la Dark Fantasy âpre et sanglante !!!

Note : 4 / 5

Synopsis :


Dans un monde abandonné des dieux, une paix fragile règne entre les grandes lignées. Mais quand un ennemi ancestral, la Route Noire, surgit du passé pour reprendre sa place légitime, les clameurs de la guerre et les fracas des armes viennent briser le silence de l'hiver...pour mener à un dénouement déchirant !
 
Critique :
Dans la lignée du "Trône de fer", cette saga de 3 tomes (d'environ 600 pages chacun) est réellement captivante.
Brian Buckley nous plonge dans un monde dense, complexe et sinistrement attrayant. Les personnages sont profonds et très réalistes malgré leur nombre important, un véritable tour de force. Buckley crée avec maestria une ambiance tangible et progressivement oppressante, qui sert à merveille l'idée de sa saga.
D'une richesse impressionnante et cohérente, je vous en conseille vivement la lecture, mais attention : Un monde sans dieux n'est pas le genre de livre qu'on lit à la va-vite, Buckley nous offre un monde passionnant mais qui doit se mériter !!!   

Artemisia
     D’Alexandra Lapierre


Note : 3.5 / 5


Synopsis :


En 1611, à Rome, dans un atelier du quartier des artistes, la jeune Artemisia se bat avec fureur pour imposer son talent.
Son adversaire le plus redoutable n'est autre que son père, son maître, le célèbre peintre Orazio Gentileschi. Il voudrait cacher au monde sa sensualité et surtout son génie. Mais le destin bouleverse les plans d'Orazio : son meilleur ami viole Artemisia. 
Commence alors un duel dont le père et la fille seront tour à tour la victime et le vainqueur. Artemisia, c'est le drame d'un amour fou, de la tendresse et de la haine entre deux êtres enchaînés par les liens du sang. C'est la douloureuse rivalité entre deux artistes qui s'immiscèrent dans l'intimité des papes et des rois en un temps où art rimait avec pouvoir et politique. 

Critique :
Cette biographie romancée raconte l'aventure de l'une de premières grandes femmes peintres de l'histoire, une femme qui brisa toutes les lois de la société afin de conquérir la gloire et la liberté.
Alexandra Lapierre brosse un portrait remarquable de cette artiste du début du 17ième siècle, un portrait de femme ambigu et déchirant !
Un bon moment de lecture !!!
  

La Licorne - Tome 4
           de Gabella et Jean

Note : 4.5 / 5

Synopsis :
1565. La Renaissance... la bataille, dans l’ombre, se poursuit. Une bataille autour de la plus merveilleuse des créations : le corps humain. Dernier volet tant attendu de ce spectaculaire thriller fantastique !
Ambroise Paré et ses alliés savent enfin où se trouve la Licorne. Ils ne leur restent plus qu’un obstacle à franchir : le château du chasseur où réside le Vampire, le seul capable de contrôler les primordiaux. Le moment idéal pour frapper : lors de l’alignement de la constellation de la licorne, appelé le Jour du Baptême, qui arrive une fois l’an…
Le prochain aura lieu dans trois jours. 


Critique :
L'ambition de cette saga est de vouloir mêler le réel à la fiction mythologique afin de réviser l'histoire de la science médicale.
L'écriture et l'inventivité de Gabella étonne dès le début et nous scotche jusqu'à la fin !
Le dessin est somptueux et racé, les personnages sont extrêmement typés, mais loin des stéréotypes (ce sont une bande de vieux médecins). Dans ce domaine, le meilleur atout de La Licorne réside dans les Primordiaux : des êtres faits de muscles et d'os, aux airs de créatures mythologiques, qui forcent le respect.
Cette saga BD est mon coup de cœur, peut-être la plus réussie jusqu'à présent !!! 
  


Le Joker : Époustouflant et sanguinaire !!!

Note : 4.5 / 5


Synopsis :


Le joker sort de l'Asile d'Arkham, bien mécontent. En son absence, ses hommes ont partagé sa part du gâteau et l'ont vendue, pensant qu'il ne reviendrait plus. 
Mais le joker est de retour et il est bien décidé à mettre Gotham City à feu et à sang, même s'il doit, pour ce faire, affronter de nouveau son ennemi de toujours !

Critique :
L’esthétique est tout simplement à couper le souffle. Lee Bermejo à réaliser un travail d'orfèvre, donnant à tout l'album une profondeur de trait et un caractère frisant la perfection.
Le scénario, quant à lui, est flamboyant de noirceur. Brian Azzarello nous offre un scénario froid, dur et surtout méchamment réaliste.

Une incroyable réalisation à avoir chez soi et surtout pour soi !!!    

Le Tribunal des âmes
           de Donato Carrisi

Note : 4 / 5


Synopsis :
Marcus, enquêteur pour une organisation secrète ayant perdu la mémoire dans un accident un an auparavant, doit retrouver une jeune étudiante enlevée par un tueur en série.
Sandra, jeune enquêtrice photo pour la police scientifique milanaise, se retrouve à Rome pour tenter d'élucider la mort de son mari. Survenue un an plus tôt, cette mort accidentelle en apparence se révèle être un meurtre.
Leurs chemins se croisent dans une église, devant un tableau du Caravage, et les mèneront à la frontière de la lumière et des ténèbres.

Critique :
J'attendais avec impatience le deuxième roman de Carrisi, surtout après l'exceptionnelle impression que m'avait fait Le chuchoteur.
Le tribunal des âmes est, à mon sens, un peu moins bien réussi. Je trouve la poursuite du récit un peu décousu et, par conséquent, légèrement moins prenante que son premier roman.
Ceci dit, Carrisi est un auteur doué et le roman reste tout de même très intrigant. On avance, page après page, interagissant réellement avec les personnages. C'est un thriller intelligemment conçu et bien au-dessus des autres dans le même style !!! 


Le Chuchoteur
           de Donato Carrisi

Note : 4.5 / 5


Synopsis :
Cinq fosses sont trouvées dans une clairière, chacune contenant le bras gauche de cinq petites filles disparues.
Le criminologue Goran Gavilla et son équipe d'agents spéciaux du FBI sont chargés de l'affaire. Cependant, les indices que notre équipe de professionnels trouvent, les mènent tous vers des pistes divergentes.
Lorsqu'un sixième bras est retrouvé, ils décident de faire appel à Mila Vasquez, une policière experte en affaires d'enlèvement. 
Dans l'atmosphère étriquée d'un appartement spartiate transformé en quartier général, ils échafaudent une théorie que personne ne veut croire...ou plutôt admettre !
Quand ces fillettes sont tuées, Dieu se tait, le diable murmure !

Critique :
Inspiré de faits réels, ce thriller est le meilleur qu'il m'est arrivé de lire. Je l'ai pratiquement fini en une nuit. Il est prenant, son rythme est soutenu et, surtout, les coups de théâtre s'enchaînent jusqu'à la dernière page.
Si vous ne devez lire qu'un livre, c'est bien celui-ci ! A lire et à relire !




5 commentaires:

  1. C'est lors de mes recherches sur le VIH / Herpès que je suis tombé sur les informations relatives au VIH / Herpès; informations qui sont assez faciles à trouver lors d’une recherche sur STD sur Google. J'étais dans un complot à l'époque, je pensais que le VIH / Herpès guéri 'était un complot, c'était quelque chose d'ignorance, mais je trouvais assez intéressant de prendre des médicaments à base de plantes. J'ai posé des questions sur les remèdes à base de plantes sur les sites Web officiels VIH / Herpès et des modérateurs m'ont interdit de le faire, car ils m'ont dit que je suivais la propagande sur le VIH / Herpès. Cela renforça ma conviction qu'il existait un remède contre le vih / l'herpès. Puis je trouvai une dame allemande, Achima Abelard, Dr Itua, soigne le vih. Je lui envoyai un mail pour en parler plus longuement et m'envoya ses médicaments à base de plantes. et aujourd’hui, je n’ai pas guéri du vih / herpès dans ma vie, j’ai cherché des groupes du vih / herpès pour tenter d’établir des contacts avec des personnes afin d’en apprendre davantage sur le traitement du VIH / herpès à base de plantes. avec la même maladie, ces informations vous sont utiles et je voulais faire de mon mieux pour les diffuser dans l'espoir d'aider d'autres personnes.Le Dr Itua Herbal Medicine me laisse croire qu'il existe un espoir pour les personnes atteintes de la maladie de Parkinson. , Schizophrénie, Cancer, Scoliose, Fibromyalgie, Syndrome de toxicité à la fluoroquinolone, Fibrodysplasie osseuse progressive, Mutation familiale de facteur V Leiden, Epilepsie, Maladie de Dupuytren, Maladie tumorale desmoplastique à cellules rondes, Maladie coeliaque, Creutzfeldt-Jako b maladie, angiopathie amyloïde cérébrale, ataxie, arthrite, sclérose latérale amyotrophique, maladie d'Alzheimer, carcinome corticosurrénal.Asthme, maladies allergiques.Hiv_ sida, l'herpès, la maladie inflammatoire de l'intestin, Copd, Diabète, Hépatite, je lis sur lui comment il a mort et Tara, Conley, Mckinney et beaucoup d’autres suffrins de toutes sortes de maladies, je l’ai donc contacté. Il est médecin aux herbes avec un cœur unique de Dieu, contactez Emal..drituaherbalcenter @ gmail.com ou téléphonez au whatsapp .. + 2348149277967.

    RépondreSupprimer