jeudi 8 novembre 2012

Livre (Comics) - Batman, The Dark Knight returns de Franck Miller

Franck Miller - Batman, The Dark Knight Returns : Le comics culte de 1986 ayant ouvert la voie aux super-héros torturés, réalistes et destinés aux adultes !!!

Note : 4.5 / 5

Synopsis :
Batman est vieux, perclus de douleurs, aigri. Et pourtant, il va vivre sa plus belle aventure, celle qui va le propulser de nouveau au sommet. Nous sommes à Gotham, dans un futur proche. Les deux grands sont au bord d'une nouvelle guerre nucléaire. Les gangs font la loi. Les super-héros ont été bannis. Seul reste Superman mais il a vendu son âme et n'est plus que le bras armé de la Maison Blanche. 
Voilà dix ans que le "bat-signal" n'avait pas illuminé le ciel. Batman va rendosser sa cape pour un dernier combat. Dix années que Batman n'officie plus, ni à Gotham ni ailleurs. Depuis la mort de Jason, le dernier Robin, Bruce Wayne n'a plus ni l'envie, ni la motivation, de faire régner la justice comme autrefois. 
Le commissaire Gordon n'en peut plus. Après tant d'années à servir la justice, il s'apprête à raccrocher les gants. Le justicier souhaite remettre la main sur ses ennemis mais également en profiter pour rendre la paix et la sécurité aux habitants de Gotham. Très vite, ces actes sont remarqués par les médias qui constatent que Batman opère cette fois-ci de façon beaucoup plus expéditive qu'auparavant. Qui plus est, les nouvelles méthodes du justicier ne sont guère appréciées par la police qui lance un mandat d'arrêt à son encontre.

Critique :
Imaginé en 1939 par Bob Kane et Bill Finger, Batman est l'un des super-héros les plus populaires et les plus prisés jamais créé. Au fil des années, le personnage a fini par s'affubler d'une image légèrement kitsch dont le summum est sans nul doute la série télévisée issue des années 60. 
Pour comprendre l'impact de ce "Dark Knight Returns", il semble nécessaire de se transposer à l'époque de sa sortie. 1986. Le petit monde des comics américains fait pâle figure. Les super-héros n'ont plus le succès d'antan. Cette situation s'apprête à changer du tout au tout. D'abord grâce à un anglais génial et encore peu connu, Alan Moore. Avec son cultissime "Watchmen", il malmène le mythe du super-héros et révolutionne l'univers des comics. 
Mais c'est cette même année qu'un autre génie choisit de remuer les lecteurs américains. Il s'appelle Frank Miller. Auteur de "Ronin" ou du renouveau de "Daredevil", il s'attaque à une autre légende : "Batman". A la fois dessinateur et scénariste, il accouche d'un électrochoc. Immensément noir, déconstruisant le mythe du justicier, "The Dark Knight Returns" achève de retourner l'univers du comics. Après lui, rien n'a plus été pareil. Retour sur un chef-d'œuvre total.
Après diverses tentatives, c'est donc finalement en 1986 à Frank Miller que la tâche de réanimer "Batman" est confiée. L'auteur est un artiste complet qui a révolutionné la narration et le dessin des comics depuis la fin des années 70. Alors qu'il sort d'un run gigantesque sur "Daredevil" (42 tomes), il revisite le héros en le vieillissant et en le montrant aigri et désabusé. 
Absent depuis quelques années, le Dark Knight marque son retour dans les rues de Gotham en faisant preuve d'une violence qu'il s'était jusqu'ici interdite. C'est avec une vision radicale que Miller a fait passer le justicier d'une lecture grand public à celle plus adulte que de nombreux auteurs ont repris aujourd'hui.
Au dessin comme au scénario, Frank Miller se lance dans une mini-série de quatre tomes narrant les aventures d'un Bruce Wayne de 55 ans, ayant raccroché depuis dix ans cape, masque et gadgets, plus tourmenté que jamais par ses vieux démons, entre le meurtre de ses parents et la culpabilité ressentie quant à la mort de Jason. Vieilli, affaibli, dégouté de voir une jeunesse nihiliste et violente terroriser les habitants de Gotham, il se décide presque malgré lui à revêtir une dernière fois le costume de l'homme chauve-souris, au risque de réveiller de vieux ennemis.
Dressant le portrait d'un Batman plus névrosé que jamais, à la limite de la schizophrénie, Frank Miller assombrit le personnage, lui conférant une aura de ténèbres qui plus jamais ne le quittera. Dans toute la production ultérieure liée à l’homme chauve-souris, impossible de s’affranchir de la vision de Miller.
Le scénario est de très haute qualité. Appuyant dès le départ sur l’importance des médias dans le retour souhaité ou honni de Batman, Frank Miller fait de l'homme chauve-souris un symbole, une icône de l’ordre face au chaos, érigé par les habitants de Gotham en dictateur au sens romain du terme. 
Miller a utilisé de multiples trouvailles narratives, comme l'utilisation des médias qui commentent chaque scène. Il décrypte également les années 80 et nous fait le portrait d'une Amérique désabusée. Ingénieux et provocateur, son "Batman" marque les esprits dès les premières pages. Sa critique de la politique est aussi très dure, notamment vis à vis de la réelle utilité d'un Président. 
On retrouve les habituels ennemis de la chauve-souris comme Double Face ou le Joker. Contrairement aux aventures passées, le héros utilise cette fois-ci ses muscles et les criminels risquent de le sentir passer. Sombre et épique, le récit vous saisit au corps et ne vous relâche qu'une fois la dernière page refermée, Frank Miller s'appuyant sur son style atypique et original.
Graphiquement, l’ensemble est superbe. Non content de livrer un récit d'une densité proprement incroyable, Frank Miller le met en images. Son trait dur et sombre, plein de violence et de noirceur, permet d'approfondir l'impact de l'œuvre sur le lecteur. Les pages bénéficient d'une précision effarante et d'une inventivité omniprésente. Il faut dire que Klaus Janson encre cette histoire avec un immense talent. Certaines des planches présentes dans le comics s'avèrent d'une beauté véritablement incroyable, on pense notamment à cette scène où le Batman tient dans ses bras un corps dans un drapeau américain, comme un hymne funéraire à une Amérique que Miller rejette
Seuls points négatifs, s'il faut en trouver, tout en muscles, massifs, lourds, Batman et consorts pèsent à l’œil et privent certaines planches d’un peu d’espace et d’aération. Rajoutant à ceci les interventions constantes des médias en petites bulles et cases en enfilade qui parfois lassent dans leur répétition graphique. Cependant, cela n'entache en rien la qualité du récit, comme du dessin !
Si "The Dark Knight Returns" s'est taillé une si grande réputation, c'est aussi pour le plus célèbre affrontement des comics américains qui oppose Batman à Superman. Ce dernier, au contraire de Bruce, n'a pas vieilli et se trouve en pleine possession de ses moyens. Pourtant, Miller nous présente ce héros de l'âge d'or comme un outil du gouvernement, un toutou du président. 
On comprend rapidement que pour continuer leur exercice, les héros ont dû se soumettre aux autorités ou prendre leur retraite. Superman s'affiche comme un play-boy obéissant docilement. Quand Batman menace l'équilibre de la nation, c'est naturellement Superman qu'on envoie. Avec l'aide de Green Arrow, Batman s'y oppose et va mettre au héros de Metropolis la plus cuisante des corrections. Miller porte sa destruction du mythe jusqu'à ce moment précis où l'homme bat le super-héros, où Batman a ses mains autour de la gorge de Superman. Après cette confrontation épique, rien dans l'univers des comics américains ne sera plus jamais pareil.
Au final, Miller interpelle, secoue et marque définitivement son lecteur. Excellentissime comics, "The Dark Knight Returns" transforme Batman en héros gothique violent, radical, paranoïaque et finalement aussi fou que ses ennemis. Son égoïsme remet en cause l'idéal d'un héroïsme désintéressé. Batman est une drogue pour Wayne, pas la preuve de sa philanthropie. A travers une ville de Gotham rongée par le vice, Miller nous dépeint une Amérique totalitaire et sécuritaire et attaque sans vergogne les médias. Les super-héros sont les parias d'une société qui veut les soumettre, faisant de Batman un héros révolutionnaire qui ne lutte finalement que pour sa propre liberté.
Ce comics est donc resté dans les mémoires comme étant celui qui, avec "Watchmen" d'Alan Moore, a lancé l'âge sombre des comics en 1986, aux héros torturés et aux thèmes plus proches de la réalité.
Œuvre fondamentale non seulement du "Batman" mais des comics dans leur ensemble, "The Dark Knight Returns" envoie Frank Miller au firmament. Extrêmement dense et intelligente, transfigurant totalement la figure du justicier et se jouant du politiquement correct, l'œuvre fait date. On pourrait encore écrire des pages sur ce chef-d'œuvre mais on le résumera par un mot : culte !!!

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