jeudi 27 décembre 2012

Musique - An Awesome Wave d'Alt-J

Alt-J - An Awesome Wave : Un British Pop dont le charme opère dès la première écoute !!!

Note : 4.5 / 5

Les quatre anglais d’Alt-J (Δ) ne veulent pas faire comme tout le monde. Déjà par leur nom, qui n’est autre que celui du raccourci macintosh clavier pour écrire "Δ". De même leur musique est moins simple à cerner que ce qu’on s’imagine quand on l’entend pour la première fois. On pense alors être en face d’un de ces bons albums de pop indépendante que l’Angleterre produit de temps à autre, sans réaliser que ce disque est un peu plus que cela.
Le quatuor de Leeds débarque avec des idées plein les chaussettes et des chansons souples, cotonneuses, fabriquées avec une douceur virtuose. Claque immédiate. Le style frais et métamorphe inventé par Alt-J décrit des formes arrondies absolument irrésistibles. Et, à mon sens, ce premier album, "An Awesome Wave", est impérial !
Si les triangles semblent parfois tourner à l’obsession chez le chanteur et guitariste du groupe Joe Newman ("triangles are my favourite shapes", "les triangles sont mes formes préférées", susurre-t-il sur "Tessellate", métaphore habile pour parler de triolisme), tout n’est pas question de géométrie chez le jeune groupe de Leeds. Au contraire, leur pop sinueuse, imprévisible, ne respecte aucune loi arithmétique : elle est physique plutôt que mathématique.
La première bonne surprise de ce premier opus, c’est qu’il est construit comme un véritable album, qu’on se doit d’écouter dans l’ordre. Ainsi "l’Intro", après quelques mesures de piano, laisse échapper un "1, 2, 3, Yeah" sonnant comme une invitation à oublier ses repères et à les suivre dans un monde un peu différent. Après un interlude vocal qui ne laissera pas l’auditeur indifférent, l’excellente "Tessellate" introduit cette notion de folk-step que le quatuor anglais attribue à son album. 
On y trouvera cette opposition latente entre rythmique ultra-recherchée et l’expression trainante de la voix si particulière de Joe Newman. C’est aussi un des éléments de la réussite de "Breezeblocks", ou de "Fitzpleasure" où on se plonge avec plaisir dans cette batterie au bord du désordre, tandis qu’il ne faudra pas très longtemps pour chanter la mélodie d’instinct.
Alt-J jouent la discrétion et l'image floue, tout à l'opposé de leur musique, élégamment rigoureuse et singulière. Ce quartette de nerds, cérébraux admirateurs de Radiohead revendiquant les appellations de folk-step ou d'avant-pop, réussit un joli tour de force : concevoir scientifiquement, en gardant la tête froide, des chansons étrangement sensibles et émouvantes. 
On songe, dans l'esprit plus que dans la forme, à The XX, Vampire Weekend ou Wild Beasts. Un rock ligne clair, esthète, qui ne se laisse pas emprisonner dans sa préciosité. Tout comme la voix haute perchée, troublante et caméléonesque de Joe Newman joue habilement des contrastes, les claviers, la guitare et la rythmique trouvent un harmonieux équilibre entre sons organiques et synthétiques.
Alt-J créent du neuf en donnant l’impression de ne rien calculer, de jouer entièrement relâchés. Bien qu’extrêmement réfléchies et branchées simultanément sur plusieurs genres musicaux, leurs compositions dégagent la tranquilité d’un hit reggae et le groove efficace d’un bon beat hip-hop. Alternant retenue et explosivité sécurisée. L’ensemble sonore, pourtant libre et renversant, aboutit quand même sur des tubes légers, faciles à ingérer et digérer. Et ce constat se répète inlassablement durant les différentes fulgurances des britanniques.
Secondée par celle de Gus Unger-Hamilton (clavier), avec lequel s’installe sans cesse un jeu d’harmonies vocales intenses (les sublimes "Breezeblocks", "Ripe & Ruin"), la voix de Joe, tantôt papier de verre, tantôt soie, cimente ensemble les treize morceaux de l’album à la production diabolique. Elle installe aussi, étonnamment, une sensualité parfois troublante. Décomposés, pleins de fractures, de revirements, la charnelle "Tessellate", l’exotique "Taro", brillante conclusion de l’album, "Fritzpleasure" et ses beats-poignards deviennent, grâce à elle, des numéros d’équilibristes organiques, grisants, voire étourdissants.  
De plus en plus de groupes brouillent les frontières du commercial et de l’expérimental, mais Alt-J est sûrement l’un de ceux qui maîtrisent le mieux les deux aspects. Seul point faible : de petites interludes ici et là (trois au total) et quelques chansons, contrairement à d’autres, très peu mémorables viennent laisser planer le doute qu’un travail de remplissage aurait été effectué. Sur treize pièces, trois interludes non nécessaires et, disons, trois autres titres faibles, c’est beaucoup.  
Notamment "Matilda". Ce n’est pas tant que la chanson est mauvaise, mais plutôt que dès "Ms", la piste suivante, les quatre anglais se plient au même exercice avec plus d’originalité. La reprise des instruments après "Into one glass of water" est d’ailleurs un des moments forts de cet album, amenant une sensation de douceur un peu cotonneuse qu’on rechigne à laisser partir. 
Au final, les chansons d'Alt-J, malgré leurs mélodies alambiquées, s'installent en douceur dans notre cerveau pour ne plus le quitter. Si je devais vous conseiller un disque d'indie-pop-rock cette année, ce serait  "An Awesome Wave". Parce qu’il est fantastique, déjà, mais aussi parce qu’il semble pourvu d’une durée de vie quasiment illimitée !!!

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