vendredi 19 octobre 2012

Livre - Pike de Benjamin Whitmer

Benjamin Whitmer - Pike : Un chef-d’œuvre stupéfiant et viril !!!

Note : 4.5 / 5

Synopsis :
Pike n'est plus l'effroyable truand d’autrefois, mais il a beau s'être rangé, il n’en est pas plus tendre. De retour dans sa ville natale des Appalaches proche de Cincinnati, il vit de petits boulots avec son jeune comparse Rory qui l'aide à combattre ses démons du mieux qu’il peut. Lorsque sa fille Sarah, disparue de longue date, meurt d’une overdose, Pike se retrouve en charge de sa petite-fille de douze ans. 
Mais tandis que Pike et la gamine commencent à s'apprivoiser, un flic brutal et véreux, Derrick Kreiger, manifeste un intérêt malsain pour la fillette. Pour en apprendre davantage sur la mort de Sarah, Pike, Rory et Derrick devront jouer à armes égales dans un univers sauvage, entre squats de junkie et relais routiers des quartiers pauvres de Cincinnati.

Critique :
Attention chef-d’œuvre ! On ne sait pas grand-chose du surdoué Benjamin Whitmer qui publie, avec "Pike", un premier roman sidérant. Mais ce qui est certain, c'est qu'un immense écrivain est né ! L'écrivain laboure le sillon du roman noir. Du noir, du très noir même pour ce premier roman dans lequel on plonge en apnée vers les profondeurs de la bassesse humaine. 
Les hommes sont rudes, durs au mal, cyniques, violents et n'hésitent pas à tuer celui qui viendrait faire obstacle à leurs plans. Les filles se droguent, se prostituent pour payer leurs doses. Les flics ont la gâchette facile, sont dealers ou proxénètes. A Cincinatti, dans les squats où cohabitent SDF, poivrots et drogués, une femme même morte peut servir à prendre du plaisir et un cadavre ne repose pas en paix tant que son odeur n'alerte pas les autorités. Dans les rues, les flics tirent à vue sur les dealers qui travaillent pour eux et qui auraient eu l'inconscience de grappiller une petite part du magot. Dans les bois, les vétérans du Vietnam revivent cent fois leur guerre dans des campements de fortune. Tout n'est que violence brute et animale. Celui qui croit avoir connu le pire sait que le pire est encore à venir, l'espoir n'existe pas !
Plus que noir, le décor de "Pike" est crade. Tout est crade du ciel aux immeubles, des squats de junkies aux repères à prostitués, des motels pourris aux passés des personnages. Tout n’est que vomi, pisse, odeurs pestilentielles, sang. Le seul élément qui pourrait être d’une blancheur immaculée, serait la neige qui tombe sur la ville puante et là encore, c’est raté.
L'intrigue n'a rien d'original, il est vrai, mais le style et le souffle magistral portent ce roman avec une force stupéfiante ! Grâce à une écriture sobre et efficace, des chapitres courts et incisifs, on dévore ce roman âpre, sombre et asphyxiant, mais on tourne la dernière page avec soulagement, heureux de respirer à nouveau !
Benjamin Whitmer
Whitmer a l'art de la métaphore : "Un visage de pare-brise éclaté" entre dans mon panthéon des images originales. Il a un talent pour l’ellipse, les dialogues pleins de silences avortés. Sa peinture de l’hiver, par touche subtile, insiste sur sa permanence et installe son importance dans la vie quotidienne des personnages, donnant une tonalité glacée à toute l’affaire, qui, forcément, ne peut que mal tourner. Y aura-t-il des rescapés à tout ça ? 
Mention particulière à l’éditeur pour avoir entamé chaque chapitre par une phrase prise dans celui-ci. Cela devient un jeu : la lire, la chercher, l’isoler, réfléchir à son poids : seule ou noyée dans le chapitre ? 
Whitmer saisit à bras le corps le genre noir, signant un premier roman dur, brutal, transi par le froid hivernal des Appalaches désolées. Le tout sur fond de Bruce Springsteen, visiblement le seul disque disponible dans tout le comté. Cette hargne contamine même l’écriture, rongée par des images inquiétantes ou des comparaisons grimaçantes. Les personnages rugueux, qui semblent n’avoir aucun autre horizon que la cigarette qu’ils sont sur le point d’allumer, possèdent au fond d’eux une sauvagerie au bord de l’explosion. Comme s’ils ne pouvaient qu’alimenter cette violence, incapables de faire un pas de côté pour oser, un instant, s’écarter du fleuve sanglant qui les emporte.
Une très belle découverte que je recommande vivement au lecteur suffisamment armé pour supporter toute cette misère humaine !!! 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire