vendredi 21 septembre 2012

Livre - Qu'avons-nous fait de nos rêves ? de Jennifer Egan

Qu'avons-nous fait de nos rêves ?
                                                           de Jennifer Egan

Note : 4 / 5

Synopsis :
Qui n'a jamais rêvé de monter un jour sur scène ? De quitter l'ombre pour se retrouver sous les feux des projecteurs ?
C'est l'ambition que partage une petite bande d'adolescents dans le San Francisco débridé des années 1970. Avec leur groupe de musique punk, ils jouent dans des bars, font des pogos et se donnent l'illusion d'une désinvolture propre à leur jeunesse. Mais le temps passe et l'irrévérence laisse bientôt place aux contraintes de la vie adulte. Bennie, ancien mélomane passionné, est devenu producteur de musique et se contente de sortir des tubes insipides. Lou Kline, dragueur invétéré, se retrouve seul dans sa belle maison. Et que dire de la belle Sasha qui, après un passé tumultueux, a le sentiment d'entraîner les échecs ? Et pourtant, ils n'ont pas dit leur dernier mot.

Critique :
L'un des temps forts de la rentrée littéraire est la traduction aux éditions Stock du prix Pulitzer 2011, "Qu'avons-nous fait de nos rêves?", de Jennifer Egan. Née à Chicago en 1962, aujourd'hui installée à New York, l'auteur de "L'envers du miroir" (Belfond, 2003) relie dans ce livre une série de courtes nouvelles, autant d'histoires où les destins s'enchaînent "en restituant le passage du temps et les aléas du désir".
Il y a mille et une façons de raconter une histoire, commencer par le début pour aller vers la fin n'est qu'une des options, assez académique mais pas obsolète pour autant, non plus que forcément banale. Ce n'est pas celle qu'a choisie la romancière américaine Jennifer Egan, dont "Qu'avons-nous fait de nos rêves ?" s'offre à contempler, à lire, à savourer comme une constellation (de personnages, de scènes, d'épo­ques) dont l'ordonnancement, assurément savant, répond à une logique qui ne doit rien en apparence à la chronologie. Jennifer Egan démontre une grande ironie, qu'elle pratique avec bonheur et délicatesse. Ludique, chatoyante est l'architecture romanesque qu'elle met en place avec brio, mais sans bousculer en profondeur les codes. 
Séduisant, virtuose, ancré dans notre temps, "Qu'avons-nous fait de nos rêves ?" demeure un beau roman mélancolique, au cœur duquel se déploie une méditation sur le temps et le destin de l'individu. On dit toujours que l'intelligence nuit au romanesque. Jennifer Egan prouve le contraire. Elle sait ce qu'elle fait et où elle va. La technique n'est pas incompatible avec l'émotion.
Beaucoup de personnages, plus ou moins liés au monde de la musique : producteurs, musiciens, parfois bien installés dans leur existence, mais toujours avec une pointe d'insatisfaction, ou bien partant à la dérive. Le livre est un roman hybride, ni roman ni recueil de nouvelles, qui regroupe différentes histoires axés sur un de ces personnages alors que les autres passent au second plan, sans continuité chronologique, et dans un style d'écriture très différent d'un chapitre à l'autre, l'un d'entre eux par exemple est le journal d'une adolescente écrit en Powerpoint. Chaque chapitre se concentre donc sur un personnage et un moment de sa vie.
Jennifer Egan
Chaque personnage a un côté obscure, et on a l'occasion de lire Face A et Face B pour chacun d'entre eux. On fait régulièrement des bons dans le temps, voir dans l'anticipation pour l'un des chapitres. Un livre plein d'énergie, de rire ou de larmes et de réflexions sur nos destins quotidiens.
Prix Pulitzer en 2011, "Qu'avons-nous fait de nos rêves ?" est addictif comme une série télé, le livre entremêlant les destins et les époques pour dire les désillusions et le temps qui passe. Jennifer Egan parle d'ailleurs de lui comme un livre se situant entre Proust et Les Sopranos !
Qu'est-il arrivé à tous ces personnages ? Quelqu'un peut-il leur expliquer ce qui est arrivé ? La réponse attend peut-être page 146. "Je suis comme l'Amérique", dit un des personnages, "je me suis sali les mains". Une ribambelle d'autres questions surgissent dans ces chapitres enlevés. Pourquoi les joggeuses portent-elles des brassières ? Un punk peut-il avoir des taches de rousseur ? Où ont disparu les espoirs ? Qui a bousillé les illusions ? Comment se fait-il que le monde n'ait pas changé ?
Au-delà des questionnements, ce livre est une peinture de la société si juste et violente qu'il résonne forcément en chacun de nous et nous laisse un goût de nostalgie. Un livre dense, qui remue et ne laisse pas indifférent. Difficile de résumer ce roman brillant et ambitieux, en tous cas une chose est sûre il faut le lire absolument !!!

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