jeudi 6 septembre 2012

Livre - Indignation de Philip Roth

Indignation
             de Philip Roth

Note : 4 / 5

Synopsis :
Nous sommes en 1951, deuxième année de la guerre de Corée. Marcus Messner, jeune homme de dix-neuf ans, intense et sérieux, d’origine juive, poursuit ses études au Winesburg College, dans le fin fond de l’Ohio. Il a quitté l’école de Newark, dans le New Jersey où habite sa famille. Il espère par ce changement échapper à la domination de son père, boucher de sa profession, un homme honnête et travailleur, mais qui est depuis quelque temps la proie d’une véritable paranoïa au sujet de son fils bien-aimé. Fierté et amour, telles sont les sources de cette peur panique. Marcus en s’éloignant de ses parents, va tenter sa chance dans une Amérique encore inconnue de lui, pleine d’embûches, de difficultés et de surprises.
Indignation, le vingt-neuvième livre de Philip Roth, propose une forme de roman d’apprentissage : c’est une histoire de tâtonnements et d’erreurs, d’audace et de folie, de résistances et de révélations, tant sur le plan sexuel qu’intellectuel. Renonçant à sa description minutieuse de la vieillesse et de son cortège de maux, Roth poursuit avec l’énergie habituelle son analyse de l’histoire de l’Amérique, celle des années 1950, des tabous et des frustrations sexuelles, et de son impact sur la vie d’un homme jeune, isolé, vulnérable.

Critique :
Un roman, même mineur, de l'écrivain américain du New-Jersey reste un évènement littéraire. Avec "Indignation", un des plus grands auteurs américains vivants narre la difficile année 1951 d'un jeune homme juif de 19 ans dans une université de l'Ohio.
Roman d'apprentissage aussi drôle que désespéré, le livre met avant tout en exergue l'hypocrisie et la dureté de la société américaine d'après-guerre, tout en soulignant les frustrations sexuelles d'un jeune homme comme tant d'autres. Véritable maître de la peinture sociale, Roth braque son télescope sur une période méconnue de l'histoire du XXe siècle : la guerre de Corée.
Tout Philip Roth peut tenir dans une phrase : l’ironie et la morale, la chance et le destin. Des paradoxes implacablement à l’œuvre dans toute vie, c’est pourquoi on ne peut réduire "Indignation" à la seule dénonciation de l’hypocrisie puritaine de l’Amérique des années 50. Philip Roth, bien entendu, nous délivre toujours quelque chose de plus profond que le background sociétal de ses romans. Ici, mine de rien, il nous montre comment, point par point, toute existence peut sombrer dans la tragédie, ou plus modestement, le drame, que toute vie n’est que la somme de ses actes, même les plus infimes.
Philip Roth
Le héros, Marcus Messner, nous parle d'outre-tombe. Ce jeune diplômé vient de trouver la mort au combat. Depuis son au-delà (pensé par Roth comme un endroit vide où, solitaire, chacun est condamné à se souvenir à jamais des menus détails de sa vie), Marcus essaie de reconstruire les mœurs qui régnaient sur le campus où sa vie bascula. Pour échapper à la surveillance constante d'un père fou d'angoisse à l'idée que son fils unique affronte les périls de l'existence, Marcus a quitté Newark et s'est inscrit dans une université paumée du Midwest. Là, il découvre qu'il ne peut échapper à une autre tyrannie : celle des conventions. Assister à l'office religieux, suivre des camarades de chambrée dans leur mutisme ou leur chahut, intégrer la communauté universitaire,... tant d'obligations qui indignent Marcus. Furieux, humilié, amer, ce dernier a beau trouver l'amour (ou ce qui lui ressemble) dans les bras de la Reine de la fellation 1951, il considère comme inadmissible ce monde décervelé. Où le mènera sa perpétuelle indignation ?
La brève vie de Marcus, c'est en fait l'histoire d'un garçon de bonne volonté, modeste, droit, honnête, dont l'existence brutalement dérape, Roth ne faisant rien pour le retenir dans sa chute. Laquelle se produit sur le campus de l'université de Winesburg, Ohio, où la sincérité naïve de l'attachant Marcus finira par se retourner contre lui. Caustique, poignant, le roman embrasse en outre toute une série de motifs constitutifs de l'univers de Roth : l'histoire moderne des États-Unis, la société américaine d'avant la révolution sexuelle, les relations filiales hautement problématiques, la sexualité comme énergie vitale... Au destin de Marcus, le romancier n'appose nulle conclusion édifiante, nulle morale et le pouvoir d'impact "d'Indignation" n'en est que plus grand.
Le style est fluide et agréable. Tout s'enchaîne et se suit. La construction "d'Indignation" donne en permanence le sentiment que nous n'avons aucun contrôle sur ce qui arrive. "Indignation" est un roman extraordinairement humain. Il est le miroir d'une époque et d'un milieu. Il dévoile un pan de l'histoire des États-Unis peu connu. Une période de frustration sexuelle des étudiants sur les campus des années 1950 et de boucherie guerrière en Corée. L’Amérique est vorace. Elle dévorera ses enfants qui ne sont, quoiqu'en disent les parents, amis ou doyens, ni rebelles, ni coupables. 
"Indignation" est la tragédie de celui qui n’a pas su adapter sa vie à son temps, le contredisant sans cesse, s’y heurtant continuellement comme un pauvre petit papillon de nuit au lampadaire qui finira par lui consumer les ailes. Mais n’est-ce pas cela, être révolutionnaire ? Ainsi, Marcus Messner est l’un des plus beaux personnages de Roth, plongé dans un monde auquel il ne comprend rien, suivant son désir jusqu’à la mort, incapable de faux-semblants, incarnation du désir de liberté de toute une génération !!!  

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