Note : 4.5 / 5
Synopsis :
Jacky est issu d'une importante famille d'agriculteurs et
d'engraisseurs du sud du Limbourg. A 33 ans, il apparaît comme un être
renfermé et imprévisible, parfois violent. Grâce à sa collaboration avec
un vétérinaire corrompu, Jacky s’est forgé une belle place dans le
milieu de la mafia des hormones.
Alors qu’il est en passe de conclure un
marché exclusif avec le plus puissant des trafiquants d'hormones de
Flandre occidentale, un agent fédéral est assassiné. C’est le branle-bas
de combat parmi les policiers. Les choses se compliquent pour Jacky et
tandis que l’étau se resserre autour de lui, tout son passé, et ses
lourds secrets, ressurgissent !!!
Critique :
Rarement l’expression "film phénomène" aura trouvé plus juste utilisation qu’avec "Bullhead", le premier long métrage de Michaël R. Roskam. Étrange objet cinématographique sorti de nulle part et écrasant tout sur son passage, "Bullhead" se situe à la lisière entre le drame rural intimiste et le thriller mafieux en plein milieu du trafic d’hormones. Le réalisateur nous embarque dans une histoire de mafia, de trafic d’hormones sur fond d’élevage de bovins. Mais tout ceci n’est qu’un contexte, car ce fond d’histoire sert surtout à présenter le portrait d’un personnage blessé au charisme impressionnant : Jacky.
Rarement l’expression "film phénomène" aura trouvé plus juste utilisation qu’avec "Bullhead", le premier long métrage de Michaël R. Roskam. Étrange objet cinématographique sorti de nulle part et écrasant tout sur son passage, "Bullhead" se situe à la lisière entre le drame rural intimiste et le thriller mafieux en plein milieu du trafic d’hormones. Le réalisateur nous embarque dans une histoire de mafia, de trafic d’hormones sur fond d’élevage de bovins. Mais tout ceci n’est qu’un contexte, car ce fond d’histoire sert surtout à présenter le portrait d’un personnage blessé au charisme impressionnant : Jacky.
Avec un préambule en voix-off, d'une noirceur infinie, affirmant que
quand les choses ne sont pas réglées dans le passé, cela resurgit
forcément un jour ou l'autre, "Bullhead", film flamand, navigue du côté
du polar, tout en faisant progressivement de plus en plus de place au
drame humain. Pesant, "Bullhead" l’est dès son premier plan donc, avec ce
paysage et cette voix off qui donnent le ton d’un pessimisme qui ne
faiblira jamais, transformant l’expérience en quelque chose de
véritablement éprouvant, voire bouleversant.
L'intrigue, une sombre histoire de lutte d'influences et de trafic
d'hormones chez les éleveurs bovins de Belgique, remet face-à-face après
20 ans de séparation, deux amis d'enfance. En présence l'un de l'autre,
une gêne insaisissable est immédiatement palpable, mais restera
longtemps inexpliquée, le scénario ménageant avec subtilité le suspense. Les deux interprètes sont pour beaucoup dans la perception du malaise
ambiant.
Parmi eux, il y a Jacky, un trentenaire ultra baraqué, qui
semble en permanence sous influence, un œil à moitié clos, le regard
dans le vague, empli d'une rancœur ou d'une haine dont on finira plus
tard par comprendre les raisons. Ce dernier s'injecte des hormones par
piqûres intra-musculaires et prises de cachets. Il constitue une
véritable bombe à retardement, une montagne de muscles au visage
ponctuellement humain. Il a de quoi effrayer autant le spectateur que
son ami, personnage trouble, qui s'avère aussi craintif que fuyant.
Une fois le terrible secret qui unit les deux hommes révélé, le scénario
peut dérouler une deuxième partie encore plus sombre, aussi angoissante qu'étrangement émouvante. Une flopée de
personnages, plus louches ou dégénérés les uns que les autres, les
entoure, dont un personnage féminin pris au piège
dans ce sac de vipères et qui pourrait offrir une planche de salut au
héros maudit du film.
Tout est dualité dans ce film, de la construction
narrative aux personnages, en passant par le traitement visuel. Le premier
effort considérable vient de son scénario, clairement. Avec le
personnage de Jacky, introduit dès l’ouverture comme une brute
monstrueuse shootée aux anabolisants, le film s’ouvre sur le registre du
thriller mâtiné de comédie noire en braquant
le projecteur sur une série de personnages tous plus sombres les uns que
les autres, assez avares en paroles et constituant au fur et à mesure
le puzzle d’un univers méconnu.
Pour son premier
long-métrage, le jeune réalisateur flamand Michael R. Roskam compose une
incroyable tragédie, bousculant les genres avec
aplomb et dépeignant un environnement masculin avec une sensibilité
toute féminine. Le corps maladivement sculptural de son incroyable
comédien, Matthias Schoenaerts, traduit à
lui seul la dimension tragique du héros, sorte de créature de
Frankenstein au regard d’enfant effrayé, ivre d’amour et de vengeance,
dont la virilité a été sacrifiée et dont chaque geste désarticulé
reflète le malaise.
Matthias Schoenaerts |
Roskam a trouvé chez son acteur principal, massif, troublant, tout en finesse, l’écrin magnifique pour son propos. L'acteur belge est impressionnant en monstre inquiétant ! À l'écran, cet homme fascine autant par
sa froideur que par sa masse corporelle et son regard triste. L’acteur n’a pas besoin d’en dire beaucoup, son corps, cette masse, compense les sentiments qu’il n’arrive pas à délivrer par les coups. Cela parle déjà bien assez, mais il y a aussi et surtout cette détresse qui se lit dans son regard. Roskam filme son anti-héros comme un fermier emmène ses bêtes à l’abattoir.
Il connait, et nous avec lui, le chemin qui l’attend mais nous ne
pouvons nous détourner de lui. La faille de Jacky, qui le rend malgré
tout humain et grâce à laquelle on s’attache profondément à lui, nous
amène à ne plus le lâcher des yeux jusqu’à la fin du film qui nous achèvera par KO.
On reste hypnotisé par l’univers décrit avec un sens esthétique
discret qui ne l’emporte jamais sur l’âpreté du décor et la noirceur du
propos. Plastiquement aussi, les couleurs sombres dominent, avec des plans
magnifiquement léchés, où les percées de lumière semblent citer
Rembrandt.
Véritable coup de poing, on ressort de "Bullhead" vraiment secoué par la maîtrise de Michael R. Roskam pour
faire passer un sujet difficile et finalement bien plus large et intime qu’on
ne pourrait le croire. Mais surtout la performance de Matthias Schoenaerts secoue. Aucun doute, nous avons affaire ici non seulement à l’un des films les plus marquants de l’année dernière, mais aussi à un réalisateur et un comédien à suivre de très près. "Bullhead"... Un uppercut émotionnel auquel on ne s’attendait pas, et la naissance éclatante d’un talent tout simplement immense !!!
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