vendredi 27 juillet 2012

Ciné - ACAB (All Cops Are Bastards) de Stefano Sollima

ACAB (All Cops Are Bastards) : l’Italie passéeau scanner du ras-le-bol social afin de montrer les démons qui la rongent !!!
 
Note : 4 / 5
 
Synopsis :
ACAB, ou “All Cops are Bastards”, était un slogan initialement utilisé en Angleterre dans les années 1970 par les skinheads. Rapidement il s’est propagé dans les rues et les stades, propices aux guérillas urbaines. 
Cobra, Nero et Mazinga sont 3 "flics bâtards" qui, à force d’affronter le mépris quotidien, ont pris l’habitude d’être les cibles de cette violence, reflet d’une société chaotique dictée par la haine. Leur unique but est de rétablir l’ordre et de faire appliquer les lois, même s’il faut utiliser la force !!!

Critique :
ACAB (pour All Cops Are Bastards) raconte avec une franchise brutale la vie d’une unité de CRS italienne ("La celeria") tout en essayant de montrer comment des êtres humains peuvent exercer un métier aussi sordide et ingrat. Pour un salaire de misère, ils servent de tampon entre les citoyens et les institutions, absorbant toute la haine et la colère d’une société sous pression. 
Pour se préserver, les CRS font preuve entre eux d’une solidarité à toute épreuve, mais aussi à double tranchant : comme dans un gang, quiconque manque de loyauté est exclu. 
L’idéologie est également un soutien, comme le signifie ouvertement le plus dur d’entre eux, joué par un Pierfrancesco Favino, l’un des piliers de Romanzo criminale, tout simplement sublime. L’iconographie mussolinienne dont il s’entoure, son discours semi-xénophobe et ses méthodes le rapprochent de ses ennemis néonazis. La seule différence, c’est que les flics sont du côté de la loi et qu'ils sont surtout intolérants contre les étrangers non-intégrés.
Sur ces dix dernières années, seul le cinéma britannique ("This is England", "Hooligans") décrivait la violence et l’embrigadement fasciste avec réalisme. Le film coup de poing ACAB, pur produit d’un cinéma bis qui frôle le métrage ultra violent et la critique sociale dissonante, vient rejoindre les rangs très resserrés de ces films nouveau visage qui viennent perturber un quotidien cinématographique souvent mou du genou. Ce cinéma, capable d’aller titiller des sujets complexes, de prendre la violence à bras le corps tout en racontant une histoire captivante avec une mise en scène des plus attractives, se fait rare. 
Stefano Sollima (fils d’un réalisateur célébré dans les années 60 pour des fameux westerns spaghetti, ex-reporter de guerre et réalisateur de la fameuse série italienne "Romanzo Criminale") est le réalisateur. Un réalisateur qui n’a pas froid aux yeux, nouveau visage d’un cinéma qui détourne ses propres codes pour se jeter dans un monde brut d’ambiguïté et de vérités, multipliant les discours et les illustrations. ACAB est avant tout un premier long métrage proprement géré, au sens physique du terme. Une superbe photographie rejoint avec grâce une bande son rock (Pixies, White Stripes, Kasabian) qui nous rappelle le style britannique. Sollima n’hésite pas à verser dans la noirceur pour mieux nous enfoncer dans le siège, utilise des plans de resserrés (le plan final en est l’illustration parfaite), les allégories (l’État n’est jamais visible ici, il est un mur). 
Pierfrancesco Favino
Donc si ACAB possède un fond politique très marqué, il reste avant tout un film de genre terriblement efficace. Un polar sec, brut de décoffrage, qui nous plonge au cœur de l’action aussi efficacement qu’un documentaire. Rien d’étonnant vu que le cinéaste a d’abord été reporter en zone de guerre ! 
Tous les acteurs sont ici excellents, à commencer par Pierfrancesco Favino, gueule du cinéma italien déjà remarquée dans "Romanzo criminale" (le film et non la série) et quelques seconds rôles hollywoodiens. Il trouve sans doute là l’un des meilleurs rôles de sa carrière. Il n’hésite pas à se jeter dans des courants si violents que nos repères ­moraux s’y noient. Pour sa performance et celle de ses camarades Filippo Nigro, Marco Giallini, Andrea Sartoretti et Domenico Diele, pour la mise en scène haletante de Stefano Sollima, pour le fond et pour la forme, ACAB est un véritable film matraque !
Avec ses héros à la fois attachants et dérangeants, "A.C.A.B." a l'étoffe d'un grand film d'action et d'une réflexion intelligente sur le fascisme ordinaire. Pour son premier long-métrage, le fils du réalisateur Stefano Sollima frappe très fort avec ce film-matraque, un des rares, et peut-être même le seul, à prendre pour héros des CRS (du moins leurs équivalents transalpins). 
A travers les portraits torturés de ces flics de "seconde zone" mais de première ligne, Stefano Sollima passe l’Italie au scanner du ras-le-bol social pour nous montrer ses démons. Le fascisme renaissant et le racisme ordinaire apparaissent, véritables tumeurs malignes, dont quelques métastases sont déjà visibles en France et ailleurs. Filmée avec une virtuosité époustouflante, la hargne populiste est ici un personnage à part entière.
Derrière cette escouade de CRS à la matraque facile, se dessine le portrait au vitriol d'une Europe en déshérence. En se gardant de tout jugement subjectif, ACAB décrit une société italienne rongée par la haine. La mauvaise nouvelle, c’est qu’elle ressemble en tout point au reste de l’Europe, et c'est là toute la force du film ! Tout en les ­dénonçant, on sent que le cinéaste est fasciné par ses personnages. Comme nous, d’où un certain malaise !!!

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