samedi 2 février 2013

Ciné - 7 psychopathes de Martin McDonagh

Martin McDonagh - 7 psychopathes : Un film cinglé, à l'humour cinglant, mais plus sage et moins abouti que les précédents !!!

Note : 3.75 / 5

Synopsis :
Marty est un scénariste hollywoodien en panne d’inspiration. Confronté à l’angoisse de la page blanche, il peine à écrire son nouveau projet de film au titre prometteur : 7 PSYCHOPATHES.
Son meilleur ami Billy, comédien raté et kidnappeur de chiens à ses heures, décide de l’aider en mettant sur sa route de véritables criminels. Un gangster obsédé par l’idée de retrouver son Shih Tzu adoré, un mystérieux tueur masqué, un serial-killer à la retraite et d’autres psychopathes du même acabit vont alors très vite prouver à Marty que la réalité peut largement dépasser la fiction.

Critique :
Sommes-nous tous des psychopathes en puissance ? Voilà la question que pose la nouvelle comédie noire de Martin McDonagh après "Bons baisers de Bruges", qui mettait en scène les déboires d’un tueur à gages dépressif et de son comparse, chargé de l’éliminer. Déjà, en Belgique, les personnages n’étaient pas tout à fait ce qu’ils semblaient être, et révélaient des facettes inattendues. C’est à Los Angeles et son proche désert que Marty, scénariste en mal d’inspiration, tente de finir une histoire dont il n’a pour l’instant que le titre : "7 Psychopathes". Alors qu’il n’aspire qu’à la paix et l’amour, il s’est engagé sur un sujet aux antipodes de ses préoccupations. Sa recherche désespérée de psychopathes fictifs le conduit à en rencontrer plusieurs spécimens dans sa vie ordinairement tranquille. 
De son néopolar existentiel "Bons baisers de Bruges" et de "L'Irlandais", une comédie policière "monthypytiesque" ultra jouissive, on garde un souvenir jubilatoire. Que Martin McDonagh rassemble sept psychopathes dans un même film laissait donc augurer du meilleur.
Le début ne déçoit pas, onirique, sauvage et délirant. Parmi les frappadingues que croque le cinéaste avec un sens aiguisé de la déconne, on compte un scénariste, un kidnappeur de toutous et un gangster furibard depuis la disparition de son Shih tzu adoré. S'ensuit un bordel pétaradant, ambiance série B roublarde post-Snatch. Si McDonagh ne rivalise pas avec ses modèles Ritchie et Tarantino, son exercice de style n'en a pas moins du chien. 
Derrière le premier degré, McDonagh traite surtout de l'amitié. Car c'est bien de cela dont il s'agit : l'amitié, à la vie, à la mort. Derrière les artifices de la violence (les balles qui fusent, le sang qui gicle), derrière les ressorts de la comédie (de situation, de mot, de geste), McDonagh, le réalisateur, raconte la loyauté, le dévouement. Il montre jusqu'où peut aller un ami pour en sauver un autre de la dépression et la boisson. Est alors mis en scène la trajectoire de deux camarades, en route vers l'enfer et, comme chez les frères Coen, l'enfer est souvent pavé de bonnes intentions. 
McDonagh traite d'une façon peu banale le sujet de l'amitié, ses difficultés, ses impasses et ses embarras. Il mine le terrain de jeu, dressant une série d'obstacles (comme les méchants, ou encore les angoisses que se trimballent les deux potes) face aux héros, pris dans le tourbillon de la vie. La grande qualité du film réside dans cet équilibre juste entre narration, action et émotion. Le réalisateur vise quelque part entre "Barton Fink" (la problématique de l'auteur, le bovarysme), "Las Vegas Parano" (le road trip alcoolisé) et "Kill Bill" (le parcours initiatique). Il métisse les genres (western spaghetti, comédie de mœurs, action movie) pour plus de piment dans l'intrigue. Et ça marche jusqu'à un certain point.
Parce que c'est justement ce mélange des genres qui, à certains moments dans le film, crée des anicroches, des faiblesses dont les précédentes œuvres de McDonagh étaient exemptes. La partition est casse-gueule et se ramasse donc de temps en temps.
Cependant, sans se départir d’une bonne humeur constante, seulement mise au second plan quand l’émotion tape à la porte. Parfois, c’est carrément complètement Déjanté. Comme lorsque Sam Rockwell raconte sa vision rêvée d’un film où les dits 7 psychopathes se mettent sur la tronche dans un cimetière. Un grand moment parmi tant d’autres, entrecoupé maladroitement de quelques plages où le récit patine. Il pédale dans la choucroute c’est sûr, mais il assume toujours. Même quand il se perd en conjonctures bizarres pour retomber sur ses pattes au dernier moment dans un final choral un poil "capillotracté". Malgré ces défauts, quoi qu’il arrive, le film garde sa pêche, son identité et son côté racé. 
"7 Psychopathes" regorge d’idées. Contrairement à "Bons Baisers de Bruges" qui affichait une complexité, via, entre-autres, les rapports entre les deux personnages principaux, "7 Psychopathes" s’avère beaucoup plus décomplexé. McDonagh sacrifie-t-il pour autant sa propension à brosser des personnages en profondeur ? Pas le moins du monde. 
McDonagh revient sur les écrans, l'humour entre les dents, mettant à nouveau ses héros face à leurs échecs, à leurs contradictions, leurs addictions, et Colin Farrell endosse décidément bien le costume de loser narcissique au grand cœur. Mention spéciale à Christopher Walken, toujours aussi élégant, nous saisissant encore par ses grands yeux froids.
C’est dans la mise en abyme que réside surtout la force comique du scénario dont la structure éclatée fait cohabiter les séquences vécues par le héros et les scènes qu’il imagine au point que les personnages de psychopathes surgissent dans sa vie, et se mettent également à intervenir dans la construction de son scénario. Ainsi, alors que le meilleur ami Billy appelle de ses vœux un final ultra violent dans le désert à la manière d’un western, la préférence de Marty pour boucler le scénario irait plutôt à une longue discussion entre hommes dans l’immensité du décor de l’Ouest américain.
McDonagh choisit bien entendu de nous livrer les deux fins, en s’offrant même une variante du duel. La drôlerie du film passe très largement par cette construction qui s’amuse à faire balbutier le récit et à jouer sur la cohabitation des ambiances, des genres et des décors. Ce film de mecs n’hésite pas non plus à intégrer son autocritique.
Les femmes, épouses modèles, petites amies hystériques ou bimbos décoratives sont toutes des stéréotypes, ce que déplore Hans (Christopher Walken), au point d’imaginer que la prostituée, dont le rôle était initialement cantonné à un défilé en petite tenue, convainc un kamikaze vietnamien de renoncer à ses funestes projets grâce à sa connaissance de sa langue, étudiée à Harvard. Faisant la part belle aux seconds rôles (parmi lesquels défilent Tom Waits, Harry Dean Stanton, Michael Pitt) et jonglant entre scènes de guerre, évocation du film de mafia et western, "7 Psychopathes" traduit un goût immodéré et communicatif du cinéma. 
"7 Psychopathes" est une étonnante fable sur les passages à vide, sur les bosses sur lesquels on bute parfois dans la vie. Une manière d'exorciser les démons pour Martin McDonagh, de revisiter les troubles de l'auteur face à l'inspiration et ses caprices. Les psychopathes et leurs aspérités ne pouvaient être alors meilleur symbole du chaos qui règne autour de Martin et Billy. Une des bonnes pioches du début d'année 2013.
C'est un film à voir de toute urgence dans le registre humour noir et décalé. On a l'impression que McDonagh a lorgné sur Guy Ritchie pour sa mécanique scénaristique et sur Quentin Tarantino pour son humour si particulier. Alors que Martin McDonagh aurait pu se complaire dans le genre de film policier à tiroirs sur fond de critique du système hollywoodien (dans la veine de "Be Cool"), il s’en éloigne assez vite, et lorgne du côté de la joute verbale à la Tarantino. C’est d’ailleurs ce que beaucoup lui reprochent : faire du sous-Tarantino et du sous-Ritchie.
Martin McDonagh confirme non seulement qu’il est l’un des auteurs les plus intéressants du moment, mais que oui, en osant tout et en ignorant la pédale de frein, on peut tout à fait réussir à toucher au but et à fournir un long-métrage dont la principale qualité (au-delà de toute la folie, du sang, des "fuck", des chiens tout mignons, d’Olga Kurylenko en petite tenue et du lapin de Tom Waits) est d’être attachant au possible. Conscient de son côté foutraque et de ses défauts, au risque d’être incompris, on ressent que "7 psychopathes" est totalement assumé et complètement Rock and roll !!!

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