mercredi 13 février 2013

Livre (BD) - Urban, Les règles du jeu de Brunschwig et Ricci

Luc Brunschwig et Roberto Ricci - Urban, Les règles du jeu : Un Sin City futuriste...du moins dans l'esprit !!!

Note : 4.25 / 5

Synopsis :
Monplaisir est un vaste complexe de loisirs, le dernier endroit de la galaxie où il est encore possible d’assouvir tous ses fantasmes et d’oublier ses frustrations, durant deux semaines par an. Mais une telle débauche ne va pas sans certains excès.
Les forces de l’ordre veillent donc à ce que le séjour de chaque client soit un véritable enchantement. Ainsi en décembre 2058, Zach, un jeune fermier plutôt musclé, intègre-t-il l’académie de police de Monplaisir, afin de devenir un Urban Interceptor. A.L.I.C.E, le système de gestion de l’information, supervise certes l’ensemble du complexe et veille sur la sécurité courante des 18 millions de visiteurs quotidiens. Mais l’IA ne gère pas les investigations criminelles qui demeurent encore la prérogative des humains.
Toutefois, elle assure la promotion des enquêtes, dont la retransmission en direct, auxquelles nul ne peut se soustraire, constitue un spectacle particulièrement prisé par les visiteurs de Monplaisir. D’importants paris sont même organisés sur leurs circonstances. Mais, cette fois ci, Zach ne sera pas Urban Interceptor : c’est dans les bras d’Ishrat, une ex-femme Pub devenue liftière, qu’il regardera celui qui l’a supplanté se faire tuer par un certain Antiochius Ebrahimi. Ce que Zach ignore, c’est que derrière cette façade de plaisir, de futilité et de jeu, Monplaisir cache une réalité plus sordide, dont le meurtre d’un policier venu de Ganymède constitue le dernier élément en date.

Critique :
Luc Brunschwig a connu en 2011 une année particulièrement faste puisqu’après les deux suites du "Pouvoir des Innocents", voici qu’il reprend un album déjà édité en 1999. Publié alors chez les Humanoïdes Associés, sous le titre "Urban Game", l’album était dessiné par Jean-Christophe Raufflet. Désormais chez Futuropolis, Brunschwig refonde, a priori, l’album en profondeur et s’associe pour la circonstance à Roberto Ricci.
Brunschwig nous entraine dans un futur assez proche pour une histoire dans le genre thriller/SF. Avec ce premier tome, "Les règles du jeu", il nous présente l'univers de Monplaisir, le personnage de Zach et met en place l'intrigue principale. Après la découverte de la cité, de certains de ses codes et de ce qui attends Zach, Brunschwig place peu à peu son intrigue policière avec la découverte de quelques femmes assassinées et de la première mission d'Isham, celui qui a battu Zach dans le combat pour définir le meilleur policier de la cité.
Toutefois au-delà de l’histoire de Zach dans les méandres de Monplaisir, Brunschwig aborde, l’air de rien, une multitude de sujets sociétaux. Ce qui est intéressant dans ce "nouvel" album, ce n’est pas tant les thématiques traitées, qui l’ont déjà toutes été maintes fois aussi bien au cinéma, en littérature ou en BD, mais la manière dont elles sont agencées pour constituer une histoire.
Sur la base de ce premier album, celle-ci semble cohérente, avec cependant quelques interrogations ! L’abrutissement des masses au travail ou durant leurs temps de loisir, la solitude au sein de la foule, la misère au milieu de l’opulence, le voyeurisme de la téléréalité, la "Big-Brotherisation" de la société, etc., tout y passe ! Et c’est ce qui fait l’attrait de cet album et en rend la lecture enrichissante.
Un véritable scénario d’anticipation implacable qui jette magnifiquement les règles du jeu. Au terme de ce premier tome, plusieurs personnages se démarquent, dotés d’un certain charisme et de personnalités bien développées. Un personnage atypique vient compléter le tableau cependant, Monplaisir. L’entité urbaine joue de son ambiguïté tantôt chaleureuse tantôt destructrice. Son apparence ludique cache un vivier de réseaux parallèles : petites frappes, tueurs professionnels, mafia… des acteurs incontournables à Monplaisir.
Ses attractions s’adressent à tous les milieux sociaux mais la majorité des touristes est issue des classes défavorisées. L’immersion de l’individu est totale, Monplaisir le dévore corps et âme grâce à la présence d’A.L.I.C.E. et de Springy Fool. D’ailleurs, ce dernier est le seul personnage commun à "Urban Games" et "Urban". Cette "créature médiatique" est à la fois organe du pouvoir et élément principal de la propagande politique. Son image omniprésente dans le paysage urbain étouffe tout libre-arbitre ou toute liberté de pensée des individus. 
Brunschwig nous offre donc un univers riche et terriblement cohérent, une histoire passionnante, un personnage attachant pour une superbe introduction qui nous promet tant de choses à venir ! Le meilleur des scenarii ne serait cependant rien sans un dessinateur qui sait en exploiter les qualités.
Sur "Urban", Roberto Ricci sait donner toute la mesure de son talent. Le trait est serein, sûr, et l’univers graphique mis en page offre une réelle épaisseur. Tout juste est-il possible de regretter le manque de lisibilité des séquences de téléréalité, mais ce n’est qu’un détail qui devrait-être vite réglé.
Roberto Ricci ("Les âmes d'Helios") signe ici, pour le moment, l'un de ses plus beaux travaux en tant que dessinateur et coloriste. Il suffit juste de regarder l'une de ses planches ou une case pour s'en rendre compte. Il a su instaurer une belle atmosphère dans cette aventure et donner une belle architecture, ainsi que de beaux designs pour les véhicules dans cette histoire. Oui, il semble indéniable que le récit de Brunschwig l'a vraiment inspiré. L'artiste rend aussi hommage à quelques héros de cinéma, de bandes dessinées ou de dessins animés dans les premières pages du livre. Saurez-vous reconnaitre Bender, Pinhead, Batman, Dark vador et Leia, Wonder Woman, Robocop entre autres dans ces cases ?
Servi par les illustrations de Ricci, l’univers "d’Urban" campe les décors d’une société futuriste ludique et cynique. L’architecture urbaine créée est un régal, les décors des scènes en extérieur fourmillent de détails. Des ocres-rouilles cohabitent avec des gris-verts. Le dessinateur a su matérialiser une ambiance atypique, progressivement l’apparente bonhomie de la cité s’efface pour une noirceur plus marquée. Il y a ici une alchimie très appréciable entre le scénario et le graphisme !
Au final, Brunschwig et R. Ricci nous offrent un monde terriblement cohérent et d’une grande richesse. Le scénariste crée une histoire plausible, touchante même du fait de ce héros un peu naïf, dans un univers où il s’inspire du notre, y ajoutant un passé, des mythes et même un super-héros emblématique. L’illustrateur, lui, rend les architectures réalistes et la foule vivante en s’attachant à chaque personnage, à chaque détail. Les deux s’associent donc à la perfection pour nous plonger littéralement dans cet univers.
Et c’est bien la force de ce premier volume, qui ne sert pour l’instant que d’introduction, terriblement immersive pourtant. L’histoire est suffisamment dense et  intéressante pour nous tenir en haleine jusqu’au bout. Mais tout comme ce monde riche, ce sont surtout les différents détails, les nombreuses pistes qu’il reste à développer, le mystère sans cesse entretenu qui font de ce volume une grande réussite.
Le graphisme, en parfaite adéquation avec l’histoire, est tout simplement somptueux, avec une mention spéciale à l’usage des différents jeux de lumière. Avec tous ses détails, toutes ses qualités, son ambiance exceptionnelle, son originalité et son effroyable crédibilité, ce premier tome constitue une formidable introduction pour une série déjà très prometteuse !!!

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