Note : 4.5 / 5
Synopsis :
Batman est vieux, perclus de douleurs, aigri. Et pourtant, il
va vivre sa plus belle aventure, celle qui va le propulser de nouveau au
sommet. Nous sommes à Gotham, dans un futur proche. Les deux grands
sont au bord d'une nouvelle guerre nucléaire. Les gangs font la loi. Les
super-héros ont été bannis. Seul reste Superman mais il a vendu son âme
et n'est plus que le bras armé de la Maison Blanche.
Voilà dix ans que
le "bat-signal" n'avait pas illuminé le ciel. Batman va rendosser sa
cape pour un dernier combat. Dix années que Batman n'officie plus, ni à Gotham ni ailleurs. Depuis la
mort de Jason, le dernier Robin, Bruce Wayne n'a plus ni l'envie, ni la
motivation, de faire régner la justice comme autrefois.
Le commissaire Gordon n'en peut plus. Après tant
d'années à servir la justice, il s'apprête à raccrocher les gants. Le justicier
souhaite remettre la main sur ses ennemis mais également en profiter
pour rendre la paix et la sécurité aux habitants de Gotham. Très vite,
ces actes sont remarqués par les médias qui constatent que Batman opère
cette fois-ci de façon beaucoup plus expéditive qu'auparavant. Qui plus
est, les nouvelles méthodes du justicier ne sont guère appréciées par la
police qui lance un mandat d'arrêt à son encontre.
Critique :
Imaginé en 1939 par Bob Kane et Bill Finger, Batman
est l'un des super-héros les plus populaires et les plus prisés jamais
créé. Au fil des années, le personnage a fini par s'affubler d'une image
légèrement kitsch dont le summum est sans nul doute la série télévisée
issue des années 60.
Pour comprendre l'impact de ce "Dark Knight Returns", il semble nécessaire de se transposer à l'époque de sa sortie. 1986. Le petit monde des comics américains fait pâle figure. Les
super-héros n'ont plus le succès d'antan. Cette situation s'apprête à
changer du tout au tout. D'abord grâce à un anglais génial et encore peu
connu, Alan Moore. Avec son cultissime "Watchmen",
il malmène le mythe du super-héros et révolutionne l'univers des comics.
Mais c'est cette même année qu'un autre génie choisit de remuer les
lecteurs américains. Il s'appelle Frank Miller. Auteur de "Ronin" ou du renouveau de "Daredevil", il s'attaque à une autre légende : "Batman". A la fois dessinateur et scénariste, il accouche d'un électrochoc. Immensément noir, déconstruisant le mythe du justicier, "The Dark Knight Returns" achève de retourner l'univers du comics. Après lui, rien n'a plus été pareil. Retour sur un chef-d'œuvre total.
Après diverses tentatives, c'est donc finalement en 1986
à Frank Miller que la tâche de réanimer "Batman" est confiée.
L'auteur est un artiste complet qui a révolutionné la narration et le
dessin des comics depuis la fin des années 70. Alors qu'il sort d'un run
gigantesque sur "Daredevil" (42 tomes), il revisite le héros en le
vieillissant et en le montrant aigri et désabusé.
Absent depuis quelques
années, le Dark Knight marque son retour dans les rues de Gotham en
faisant preuve d'une violence qu'il s'était jusqu'ici interdite. C'est
avec une vision radicale que Miller a fait passer le justicier d'une
lecture grand public à celle plus adulte que de nombreux auteurs ont
repris aujourd'hui.
Au dessin comme au scénario, Frank Miller se
lance dans une mini-série de quatre tomes narrant les aventures d'un
Bruce Wayne de 55 ans, ayant raccroché depuis dix ans cape, masque et
gadgets, plus tourmenté que jamais par ses vieux démons, entre le
meurtre de ses parents et la culpabilité ressentie quant à la mort de
Jason. Vieilli, affaibli, dégouté de voir une jeunesse nihiliste et
violente terroriser les habitants de Gotham, il se décide presque malgré
lui à revêtir une dernière fois le costume de l'homme chauve-souris, au
risque de réveiller de vieux ennemis.
Dressant le portrait d'un Batman plus névrosé
que jamais, à la limite de la schizophrénie, Frank Miller assombrit le
personnage, lui conférant une aura de ténèbres
qui plus jamais ne le quittera. Dans toute la production ultérieure
liée à l’homme chauve-souris, impossible de s’affranchir de la vision de
Miller.
Le scénario est de très haute qualité. Appuyant dès le départ sur l’importance des médias dans le retour
souhaité ou honni de Batman, Frank Miller fait de l'homme chauve-souris
un symbole, une icône de l’ordre face au chaos, érigé par les habitants
de Gotham en dictateur au sens romain du terme.
Miller a utilisé de multiples trouvailles
narratives, comme l'utilisation des médias qui commentent chaque scène.
Il décrypte également les années 80 et nous fait le portrait d'une
Amérique désabusée. Ingénieux et provocateur, son "Batman" marque
les esprits dès les premières pages. Sa critique de la politique est
aussi très dure, notamment vis à vis de la réelle utilité d'un
Président.
On retrouve les habituels ennemis de la chauve-souris comme
Double Face ou le Joker. Contrairement aux aventures passées, le héros
utilise cette fois-ci ses muscles et les criminels risquent de le sentir
passer. Sombre et épique, le récit vous saisit au corps et
ne vous relâche qu'une fois la dernière page refermée, Frank Miller
s'appuyant sur son style atypique et original.
Graphiquement, l’ensemble est superbe. Non content de livrer un récit d'une densité proprement incroyable, Frank Miller
le met en images. Son trait dur et sombre, plein de violence et de
noirceur, permet d'approfondir l'impact de l'œuvre sur le lecteur. Les pages bénéficient d'une précision effarante et d'une inventivité omniprésente. Il
faut dire que Klaus Janson encre cette histoire avec un immense talent.
Certaines des planches présentes dans le comics s'avèrent d'une beauté
véritablement incroyable, on pense notamment à cette scène où le Batman
tient dans ses bras un corps dans un drapeau américain, comme un hymne
funéraire à une Amérique que Miller rejette
Seuls points négatifs, s'il faut en trouver, tout en muscles, massifs, lourds, Batman et consorts pèsent à
l’œil et privent certaines planches d’un peu d’espace et d’aération. Rajoutant à
ceci les interventions constantes des médias en petites
bulles et cases en enfilade qui parfois lassent dans leur répétition
graphique. Cependant, cela n'entache en rien la qualité du récit, comme du dessin !
Si "The Dark Knight Returns"
s'est taillé une si grande réputation, c'est aussi pour le plus célèbre
affrontement des comics américains qui oppose Batman à Superman. Ce
dernier, au contraire de Bruce, n'a pas vieilli et se trouve en pleine
possession de ses moyens. Pourtant, Miller
nous présente ce héros de l'âge d'or comme un outil du gouvernement, un
toutou du président.
On comprend rapidement que pour continuer leur
exercice, les héros ont dû se soumettre aux autorités ou prendre leur
retraite.
Superman s'affiche comme un play-boy obéissant docilement. Quand Batman
menace l'équilibre de la nation, c'est naturellement Superman qu'on
envoie. Avec l'aide de Green Arrow, Batman s'y oppose et va mettre au
héros de Metropolis la plus cuisante des corrections. Miller
porte sa destruction du mythe jusqu'à ce moment précis où l'homme bat
le super-héros, où Batman a ses mains autour de la gorge de Superman.
Après cette confrontation épique, rien dans l'univers des comics
américains ne sera plus jamais pareil.
Au final, Miller interpelle, secoue et marque définitivement son lecteur. Excellentissime comics, "The Dark Knight Returns" transforme Batman en héros gothique violent, radical, paranoïaque et
finalement aussi fou que ses ennemis. Son égoïsme remet en cause l'idéal
d'un héroïsme désintéressé. Batman est une drogue pour Wayne, pas la
preuve de sa philanthropie. A travers une ville de Gotham rongée par le
vice, Miller nous dépeint une Amérique totalitaire et sécuritaire et attaque sans vergogne les
médias. Les super-héros sont les parias d'une société qui veut les
soumettre, faisant de Batman un héros révolutionnaire qui ne lutte
finalement que pour sa propre liberté.
Ce comics est donc resté dans les mémoires comme étant celui qui, avec "Watchmen" d'Alan Moore, a lancé l'âge sombre des comics en 1986, aux héros torturés et aux thèmes plus proches de la réalité. Œuvre fondamentale non seulement du "Batman" mais des comics dans leur ensemble, "The Dark Knight Returns" envoie Frank Miller au firmament. Extrêmement dense et intelligente, transfigurant totalement la figure du justicier et se jouant du politiquement correct, l'œuvre fait date. On pourrait encore écrire des pages sur ce chef-d'œuvre mais on le résumera par un mot : culte !!!
Ce comics est donc resté dans les mémoires comme étant celui qui, avec "Watchmen" d'Alan Moore, a lancé l'âge sombre des comics en 1986, aux héros torturés et aux thèmes plus proches de la réalité. Œuvre fondamentale non seulement du "Batman" mais des comics dans leur ensemble, "The Dark Knight Returns" envoie Frank Miller au firmament. Extrêmement dense et intelligente, transfigurant totalement la figure du justicier et se jouant du politiquement correct, l'œuvre fait date. On pourrait encore écrire des pages sur ce chef-d'œuvre mais on le résumera par un mot : culte !!!
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