lundi 17 juin 2013

DVD (Anime) - Les enfants loups, Ame et Yuki de Mamoru Hosoda

Mamoru Hosoda - Les Enfants Loups, Ame et Yuki : Une épopée intime, ensorcelante et sublimement efficace, prenant une dimension lyrique inattendue !!!

Note : 4.5 / 5

Synopsis :
Hana et ses deux enfants, Ame et Yuki, vivent discrètement dans un coin tranquille de la ville. Leur vie est simple et joyeuse, mais ils cachent un secret : leur père est un homme-loup.
Quand celui-ci disparaît brutalement, Hana décide de quitter la ville pour élever ses enfants à l'abri des regards. Ils emménagent dans un village proche d'une forêt luxuriante.

Critique :
Refoulé à l’entrée de Studios Gibli, le réalisateur Mamoru Hosoda à qui l’on doit "La Traversée du temps" et l’incroyable "Summer Wars" revient avec surement l’un des plus beaux films de l'année 2012. Nul besoin d’être fan de japanim’ pour apprécier le travail hors pair et la poésie narrative de cet auteur qui compte aujourd’hui parmi les valeurs sures de l’avenir cinématographique de l’animation nippone. Avec "Les enfants loups", Hosoda nous emmène dans une fable moderne où le monde du fantastique et de l’onirique s’invite avec tendresse dans celui de la société moderne normée qui ne laisse que peu de place à l’anticonformisme, qui plus est au Japon.
En quelques années, Hosoda est devenu un réalisateur incontournable dont les films sont attendus avec impatience, au Japon comme en Europe. Pour réaliser ce nouveau long-métrage, le réalisateur a choisi de créer son propre studio, le Studio Chizu, avec lequel il compte bien redessiner la carte du monde du cinéma d’animation, tant à travers ses productions que celles d'autres artistes.
Sous prétexte qu'il est le nouveau prodige de l'animation japonaise, Mamoru Hosoda a été comparé à Miyazaki. A tort. Sa volonté d'indépendance, sa capacité à séduire le public au-delà des seuls amateurs d'"anime" sont les seuls traits communs qu'il partage avec le vieux maître. Ce n'est qu'avec cette œuvre de maturité qu'apparaît une certaine filiation : pour lui aussi, la nature est à la fois une source d'équilibre pour l'homme et un rappel de sa sauvagerie originelle.
Le film commence tout de même en ville : une jeune femme, Yuki, raconte, en voix off, comment sa mère, Hana, rencontra son père au lycée et en tomba amoureuse instantanément. "Détail" qui change bien des choses : le jeune homme est le dernier représentant de la race des hommes loups. Ce prologue est l'histoire d'amour la plus intense qu'il m'ait été donné de voir depuis longtemps. La plus bouleversante aussi, quand Hana se retrouve veuve du jour au lendemain.
Comment élever seule deux enfants loups quand on est une simple humaine ? Direction la campagne, luxuriante, et une grande maison isolée loin des regards, où les deux enfants peuvent, tour à tour, être enfants ou louveteaux. Commence, alors, le récit, travail magnifique sur la couleur, des dix années qui vont mener Yuki la turbulente et son petit frère, Ame le craintif, de la petite enfance à l'adolescence.
L'idée des "Enfants Loups, Ame et Yuki" est venue au réalisateur en observant les couples autour de lui devenir parents et les changements que cela entraine. Marqué par la façon dont les femmes devenues mamans rayonnent, il a voulu en faire un film dont le cœur serait ce passage de jeune femme à mère, mais sans jamais négliger les deux enfants. Résultat, tant les enfants que leur mère Hana sont des personnages principaux, indépendants mais surtout attachants, avec chacun une personnalité qui leur propre.
Mamoru Hosoda est un grand conteur, maître des ellipses et du temps, qu'il dilate ou compresse à sa guise. Il rythme de splendides scènes élégiaques par de petits indices saisonniers, souvent rieurs. Chacun retrouvera une sensation, sucrée ou amère, de son enfance dans cette chronique familiale d'une infinie délicatesse. Depuis Ozu jusqu'à Miyazaki, la famille et l'éducation inspirent le cinéma japonais, qui a toujours fait des mères de grandes héroïnes. Hana en fait dorénavant partie, avec son prénom si juste ("Fleur" en japonais), son dévouement, et son sourire incomparable.
La mise en scène laisse très vite apparaître l’intelligence de Hosoda. Ce dernier ne cherche pas à reproduire les scènes clés d’une romance de collégienne pour cette histoire qui commence à s’y méprendre comme un Shojo. Le réalisateur nous fait traverser littéralement le temps avec une séquence vierge de tout dialogue, rythmée de la seule merveilleuse bande originale et qui multiplie les petits gestes du quotidien du couple jusqu’à la naissance de Yuki, leur première née. Leur second, un petit garçon nommé Ame, ne tarde pas à arriver. Les deux enfants héritent des gènes doubles de leur père et peuvent passer d’humain à loup à volonté.
"Les Enfants Loups" ne s’appesantit pas sur l’argument fantastique qui lui sert de base. Il le tient pour acquis et nous le fait accepter comme tel, tout comme il nous fait accepter avec une étonnante facilité l’idée de l’accouplement entre une femme et un loup au cours d’une scène insolite dont on ne retient pourtant que la délicatesse.
Le fantastique est omniprésent, les enfants profitant constamment de leur capacité à se métamorphoser instantanément en loups au gré de leur humeur, mais il est traité comme un secret de famille, une différence avec laquelle il faut composer pour ne pas attirer l’attention. Mamoru Hosoda opte pour une approche réaliste, une observation naturaliste du comportement de ses personnages. Mamoru Hosoda est, contrairement à ce que pourraient faire croire les thèmes de ses films ("le voyage dans le temps", "la guerre entre monde réel et le monde virtuel", "les humains qui se transforment en loups"), un cinéaste très réaliste. Il puise son inspiration dans son propre quotidien.
De son histoire de loups-garous, il tire une fable universelle qui parle d’amour, de perte, d’apprentissage, de découverte de soi et de l'autre, d’identité et d’éducation. A travers le personnage d’Hana, il dresse aussi le portrait magnifique d’une mère autant soucieuse de protéger sa progéniture que d’offrir à ses enfants la chance d’exprimer pleinement leur nature profonde et, le moment venu, de choisir la vie qui leur convient le mieux.
Animation traditionnelle en 2D, spécialité du Japon, et animation numérique sont réunies ici pour un résultat visuel très agréable et parfaitement maitrisé, que l'on peut qualifier sans hésiter de très beau. Les personnages ainsi que les décors ont été dessinés un à un à la main et c’est Takaaki Yamashita, maître de l’image pour Mamoru Hosoda depuis son passage chez Toei, qui a dirigé l’animation du film. Hiroshi Ohno, directeur artistique expérimenté qui a occupé ce poste pour de nombreux longs-métrages d’animation dont "Kiki, la petite sorcière" participe également à ce projet. Enfin, c’est l’un des animateurs les plus talentueux du Japon, Toshiyuki Inoue, qui a dirigé l’animation clé.
Au final, le projet est ambitieux et parfait dans sa forme, qui mêle intimement animation traditionnelle et images de synthèse. Le film impressionne constamment par sa beauté, sa richesse visuelle, son sens du détail et la finesse de son scénario qui lui permet de balayer, sans l’ombre d’une précipitation, treize ans en deux heures, grâce à une maîtrise de l’ellipse qui laisse pantois.
Raconté par Yuki, "Les Enfants Loups" a le tendre parfum de l’enfance, de ses blessures inguérissables et de ses joies incomparables. Drôle à en pleurer, émouvant aux larmes, il est de ces œuvres qui vous chamboulent, vous suivent et rendent le monde meilleur. Incontournable.
A la fois conte de fées moderne, allégorie sur l’éducation et hommage aux mères, "Les enfants loups, Ame et Yuki" s’adresse à tous, parents et enfants, du Japon ou d’ailleurs. Dernier film d'animation de l'été 2012, il est sans conteste l'un des meilleurs, pour ne pas dire le meilleur, et il serait vraiment dommage de passer à côté. A voir donc, sans hésitation !!!

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