samedi 18 mai 2013

Livre - Poussière tu seras de Sam Millar

Poussière tu seras
                            de Sam Millar

Note : 4 / 5 

Synopsis :
Ancien policier à Belfast, Jack Calvert, alcoolique, élève seul son fils adolescent, Adrian. En faisant l’école buissonnière, celui-ci découvre un os humain dans la forêt, mais ne parle à personne de son trésor. Quelques jours plus tard, il est kidnappé.
Jack retrouve l’os qui s’avère être celui de la petite Nancy, disparue depuis trois ans. Alors qu’il enquête, d’autres personnes disparaissent, des restes humains sont retrouvés dans les bois et les anciennes pratiques sordides de l’orphelinat local sont révélées au grand jour. C’est tout le terrible passé de la ville qu’Adrian semble avoir déterré. 

Critique :
Sam Millar n'est pas exactement un auteur comme les autres. Ancien activiste de l'IRA, il a passé de nombreuses années en prison dans des conditions particulièrement dures (torture, privations, isolement,...). Des années qui ont laissé sur l'homme et sur l'auteur irlandais des traces profondes et indélébiles. Il n'est pas inutile de le savoir avant de commencer la lecture de "Poussière tu seras", son premier roman paru en français. Une lecture qui n'est pas de tout repos.
Ce premier roman est une vraie pépite noire. Les chapitres sont courts, et à l'image du style de l'auteur, incisifs. Chaque chapitre se termine sur une note sombre sans pour autant verser dans l'excès, la surenchère. Le récit n'en a pas besoin, il est aussi implacable qu'impeccable. En effet Sam Millar a choisi la concision, le juste-ce-qu'il-faut, pour créer cette atmosphère si moite, si sombre, si effrayante.
Sans avoir peur de me répéter, l'écriture est efficace, sans fioriture et implacable lors de certaines scènes qui produisent un impact visuel très fort. On est saisie par le relief qu'elles ont. Ces images nous suivent une fois le livre terminé comme une peinture lugubre dont on ne peut détacher le regard et qui induit en nous une fascination morbide. Millar a un réel talent pour décrire des ambiances inquiétantes.
Que ce soit le contexte, l’histoire, les personnages ou l’ambiance, tout est noir, pas un petit noir brillant, mais un vrai noir mat, où rien ne se reflète. Il ne faut pas chercher la moindre étincelle d’espoir, pas la moindre lumière, c’est du noir brut, brutal.
Le style de Sam Millar y est donc pour beaucoup, avec ses descriptions minimales et ses mots soigneusement choisis qui laissent planer une atmosphère brouillardeuse, glauque, mystérieuse. Et les personnages vont s’enfoncer dans cette histoire sans que le lecteur ne puisse rien faire à leur déchéance. Ils ont tous des cicatrices ou des secrets qui petit à petit font leur apparition pour nous étaler des ignominies sans nom.
La noirceur est présente à tous les instants, la peur aussi. Dans les premières pages, on ne sait pas très bien de quoi on a peur. Mais Millar sait instiller dans ses mots une sensation de malaise, voire d'épouvante qui évoque un Edgar Poe moderne. La première scène du roman, où l'on fait la connaissance d'Adrian, est particulièrement virtuose.
Adrian fait l'école buissonnière, mais ça n'est pas pour s'amuser avec ses copains. Il se promène dans la campagne, au milieu des arbres ployant sous la neige, quand il fait sa macabre trouvaille. Et sa rencontre à la fois compassionnelle et violente avec un corbeau blessé nous confirme au bout de quelques pages que nous venons de pénétrer dans un territoire interdit. Ce livre dur ne nous épargne jamais, Millar ne fait pas de concessions.
La mort, l'enfance violée, la perversion, la mémoire et le mensonge, dans "Poussière tu seras", si l'intrigue, basée sur un fait réel qui a marqué l'histoire de l'Irlande, est passionnante, ce sont néanmoins l'émotion et la puissance des mots qui l'emportent, avec des scènes particulièrement éprouvantes, sans aucune complaisance, qui atteignent leur cible en plein cœur.
Les personnages, à part Adrian qui est trop jeune pour être perverti, sont pour la plupart des êtres avec des passés pesant des tonnes. Jack, par exemple, se console dans l'alcool et la peinture. Ici, les personnages sont terribles voire horrifiques mais tellement humains, même dans l'horreur. Même si c'est l'humanité qu'on n'aime pas voir, celle dont on nie l'existence, pour dormir en paix.
Les personnages chutent comme les feuilles mortes avec pour seul destin, qui parait inévitable, une fin de course sur un sol à l'odeur de terre et de sang. Le corbeau, qui transporte les âmes des défunts ayant subis une mort violente, est présent en filigrane durant tout le livre, il achève de donner à cette histoire une atmosphère aussi sombre que les plumes de ce dernier.
Au final, on a là un véritable concentré de noirceur sur plus de 300 pages, où l'âme humaine est mise à nue. La violence et la perversité formant la trame de ce roman dans lequel l'auteur va à l'essentiel. Percutant ! Un premier roman impressionnant !!! 

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