jeudi 9 août 2012

Livre (BD) - Servitude de Bourgier & David

Servitude : Une nouvelle vision du médiéval fantastique !!!

Note : 4.5 / 5

Synopsis :
Les Puissances sont les premières à avoir peuplé la Terre. Lorsque l’Homme apparut, il suscita parmi elles passion et division. Toutes choisirent alors de prendre forme physique : Dragons, Géants, Anges, Sirènes et Fées. Vint alors le temps des combats, des guerres intestines…
Aujourd’hui, mille ans ont passé, les Géants ont disparu, les Dragons ont survécu, les Sirènes se sont retirées dans les profondeurs des océans, les Anges et les Fées ne sont plus que des mythes. Mille ans ont passé, et les Fils de la terre ont fini par fonder le plus grand des royaumes. Pour eux, les Puissances ne sont plus que des légendes… Mais les Dragons sont sortis de leur repère ! Un nouvel âge s’annonce : est-ce la fin ou le début de la servitude ?

Critique :
Après le one-shot "Live War Heroes", le duo David et Bourgier revient avec une série d'heroic fantasy, toujours chez Soleil. L'éditeur est connu pour la multiplicité de ses titres dans le genre, on pouvait donc attendre "Servitude" au tournant. L'histoire est complexe, et montre comment l'annonce du mariage politique d'un homme (Kiriel) avec une fille de roi fait naître une guerre sournoise et violente. Riche en informations, compilant habilement de nombreux codes et légendes, le scénario promet de tenir en haleine sur la totalité des cinq tomes annoncés. Le graphisme soigné, fouillé, et magnifiquement colorisé dans une gamme de tons sépia "dé-saturés", achève de rendre l’œuvre excellente, et donne furieusement envie de voir défiler les quatre tomes suivants.
Passé le cap de la couverture, un chant traditionnel d’Anorœr et une carte du Royaume des Fils de la Terre nous installent déjà confortablement dans un univers médiéval fantastique intriguant. Un univers où Géants, Dragons, Sirènes, Anges et Fées ne sont plus que mythes et où les Fils de la Terre sont dorénavant maîtres du Royaume. C’est dans cet univers qu’apparaît le héros Kiriel, maître d’arme du Roi, galopant vers la capitale pour être marié à Lérine, fille du roi Garantiel d'Anorœr. Ce mariage entre une princesse et un homme aux intentions plus nobles que son sang n'est pas forcément bien perçu et beaucoup trouvent inacceptable que le roi puisse marier sa fille à un roturier. Le prince Vériel refuse d'ailleurs d'assister à la cérémonie. Ce mécontentement s'ajoute à la tension grandissante dans le pays depuis quelques temps. A l'est du Royaume des Fils de la Terre, une forme de rébellion s'organise et le soir de la noce une cohorte postée non loin du château se fait décimer par d'étranges guerriers masqués. Dès qu'il apprend la nouvelle, Garantiel d'Anorœr demande à Kiriel d’aller surveiller les agissements suspects sur le territoire des cousins.
D'un point de vue scénaristique, où on notera d'emblée que, dès le premier volume, on se retrouve face à un excellent background de l'univers ! On peut y voir pelle mêle cour d'intrigues, actions et personnages hauts en couleurs. Malgré une thématique et un univers tout à fait conventionnels, ce premier des cinq tomes prévus par les auteurs de "Live War Heroes" sort clairement des sentiers habituels de chez Soleil. Dans son approche de l'heroic fantasy, Servitude se rapproche pourtant grandement des codes utilisés dans "Le Seigneur des Anneaux", qui reste la référence du genre pour de nombreuses personnes. Le scénario de Fabrice David est réellement bien construit, installant de façon compréhensible cet univers médiéval et ses personnages et développant en arrière-plan un mystère flirtant avec le fantastique, avec d’étranges personnages masqués aux intentions intrigantes et d’énigmatiques guerriers qui s’entraînent en plein désert. Si l’histoire médiévale de base se suffit à elle-même, tout au long des nombreuses pages de cet album copieux, l’auteur a cependant su distiller les codes de l'héroic fantasy avec intelligence et parcimonie. La fin du premier tome mouvementé, mêlant luttes de pouvoir et trahisons familiales, ne laisse cependant que peu de doutes concernant le rôle plus important que viendra jouer la fantasy par la suite.
Graphiquement, la série est tout simplement stupéfiante ! L'excellent travail graphique d’Éric Bourgier, qui nous offre des planches d'une grande précision, est axé sur les ombres et sur les chocs. Que ce soit dans les décors que dans les costumes, on se rend compte que l'artiste a su mettre en image un univers d'heroic fantasy plutôt réaliste et surtout sans en faire trop. Le graphisme se place au diapason de cette histoire sombre et distille une ambiance proche du noir et blanc qui sied à merveille à cet univers médiéval et accentue encore l'ambiance sombre et glauque de ces royaumes pervertis. Un trait fin, fouillé, expressif et vivant, sublimé par une colorisation aux tons sépia qui confère à chaque page un charme particulier et qui insuffle esthétisme et sobriété à un genre trop souvent fidèle aux techniques numériques et aux couleurs criardes. Un dessin d’une grande lisibilité, fourmillant de détails, qui s'appuie sur un réalisme frappant. Proposant des arrière-plans travaillés, tant sur les décors intérieurs que sur les paysages extérieurs, le dessinateur peaufine son monde moyenâgeux jusque dans les moindres détails. 
La suite de la série "Servitude", "Drekkars" (Tome II) et "L'adieu aux Rois" (Tome III), réussit, après l'éblouissement et la mer de respect dans lequel nous a plongé le tome 1, à ne pas décevoir et à rester de la même qualité quasi irréprochable. La magie opère encore et toujours dans ces deux autres volets de "Servitude". Le monde élaboré par les auteurs continue d'enchanter, gagnant ici une touche supplémentaire dans l'esthétisme. Les tons sépia de la saga donnent, notamment au peuple drekkar et à l'aventure qui se joue dans leur empire, un aspect proche du cinéma japonais des années 50, et notamment "Les Sept Samouraïs", à la photographie si particulière. On sent d'ailleurs avec force l'importance du cinéma et la recherche du cadrage dans la conception graphique d’Éric Bourgier, tant les pages semblent véritablement animées, et tant les différentes scènes sont imprégnées d'une mobilité propre au langage cinématographique, empruntant chacune au style idoine.
Alternant instants graphiques d'intense contemplation, moments de pleine action et grands déclamations teintées d'honneur et de bravoure, "Servitude", "Tome 1 : Le chant d'Anoroer" lance visiblement et visuellement une très bonne série de fantasy, qui prend pleinement sa place dans le renouvellement constant que nous propose ce genre littéraire. Un véritable classique de demain !!!

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