de Karen Maitland
Note : 4 / 5
Synopsis :
1321. Les habitants d’Ulewic, une petite cité isolée de l’est de
l’Angleterre, sont sous le joug de leur seigneur et de l’Église,
celle-ci ayant supplanté, depuis quelques années, le paganisme qui
régnait dans la région. Non loin du village s’est installée une petite
communauté chrétienne de femmes, des béguines originaires de Belgique.
Sous l’autorité de sœur Martha, elles ont jusqu’alors été assez bien
tolérées.
Mais les choses commencent à changer. Le pays connaît en effet
des saisons de plus en plus rigoureuses, les récoltes sont gâchées, les
troupeaux dévastés et le besoin d’un bouc émissaire se fait sentir.
Neuf hommes du village, dont on ignore l’identité, vont profiter de la
tension qui commence à monter pour restaurer un ordre ancien et obscur.
Renouant avec de terribles rites païens, usant de la terreur, du meurtre
et de la superstition, ils vont s’en prendre aux béguines, qui devront
les démasquer et élucider les secrets du village avant que la région ne
soit mise à feu et à sang.
Critique :
"Les âges sombres" est un roman époustouflant, tout en atmosphère, qui nous piège dans un huis clos fantasmagorique. A côté du village, du béguinat et du manoir, il y a "la forêt", cette zone de non-droit, hors du temps, où vivent encore les anciens dieux et où tout peut arriver. L’auteur décrit avec brio cette petite communauté, vivant sur elle-même depuis des générations (les villageois ont tous la même anomalie physique, deux doigts collés à la main droite) et montre comment cette autarcie ainsi que la peur née de l’ignorance, crée la xénophobie.
"Les âges sombres" est un roman époustouflant, tout en atmosphère, qui nous piège dans un huis clos fantasmagorique. A côté du village, du béguinat et du manoir, il y a "la forêt", cette zone de non-droit, hors du temps, où vivent encore les anciens dieux et où tout peut arriver. L’auteur décrit avec brio cette petite communauté, vivant sur elle-même depuis des générations (les villageois ont tous la même anomalie physique, deux doigts collés à la main droite) et montre comment cette autarcie ainsi que la peur née de l’ignorance, crée la xénophobie.
D’autant que cette ignorance est entretenue par l’église et ses
assertions, "la lèpre est la punition pour le péché de luxure". Alors ce que les villageois ne savent pas, ils l’inventent et quand
ils ne comprennent pas, ils vont chercher l’explication dans les
vieilles superstitions.
Thriller à l’ambiance noire et prenante, "Les Âges sombres"
embarque le lecteur dans une autre époque où croyances et peurs étaient
intimement liées, dictant la plupart des comportements, comme partie
intégrante de la vie de tous les jours. L’univers
mis en place par Karen Maitland nous présente avec précision les mœurs
et manières de vivre de l’époque et nous transporte directement au début
des années 1320. Le côté historique est particulièrement bien rendu et
il est très facile de s’imaginer les préoccupations et activités de
cette période.
Après l'excellent "La compagnie des menteurs", l'auteur nous entraine une fois de plus dans son moyen-âge crasseux et sombre. Un roman très documenté et assez passionnant tant il regorge d'anecdotes
sur les mœurs et les croyances de l'époque comme dans son précédent
roman. En plus de cette
ambiance réaliste, l’auteur construit un univers parsemé de croyances,
où la foi est part entière du quotidien, où la frontière entre sainteté
et sorcellerie est mince, où chaque action est vérifiée, et où il faut
surtout prendre garde à ne pas devenir sacrilège de peur de voir fleurir
les bûchers.
Le roman est sombre, réellement, autant dans le cadre boueux de ce grand récit à
plusieurs voix que dans la nature humaine des protagonistes. Les grandes
figures hiératiques sont là, prêtre fou, femme intransigeante,
villageois manipulés, gamins paumés, sorcières païennes, et les
ambitions intellectuelles nouvelles des uns doivent affronter
l'obscurantisme d'une religion et d'une seigneurie dévorées par le goût
du pouvoir. Passionnant, original, et noir.
Le suspens est terriblement bien entretenu car les personnages sont pour
la plupart détenteurs d’un secret qui les amènera à faire des choix
surprenants. Ainsi des personnages plutôt sympathiques se révéleront
redoutables et d’autres nous surprendront agréablement. Les personnages évoluent
donc dans une atmosphère bien particulière, que ce soient les béguines
et leur Martha, le curé, les simples gens, les nobles ou les
Maîtres-Huants. Beaucoup ont des secrets avec lesquels ils doivent
apprendre à composer, et qui nous sont révélés au fil des chapitres,
quand vient le tour de chaque protagoniste d’être narrateur et de nous
présenter sa vision des choses.
Karen Maitland |
L'histoire est racontée de manière originale par le point de vue de cinq personnages, à chaque fois à la première personne. Seul petit bémol cependant, l'histoire prend son temps à se mettre en place. En effet ce n'est
pas un thriller classique avec un serial killer et de
l'action non-stop. L'action se déroulant sur une année, l'auteur choisit
de nous conter son histoire par les différentes petites intrigues et
complots entre les personnages. L'histoire commence vraiment à se
préciser après le premier tiers du roman.
Toutefois, il y a quand même des passages assez stressants voir gores
qui permettent de redonner du souffle à l'histoire, et une petite touche
de fantastique pour relever le tout. Le style de l’auteur,
parfois cru donc, souvent direct, s’adapte parfaitement à l’atmosphère de
l’histoire et décrit avec précision la suite d’évènements et les
ressentis des uns et des autres.
Au final, Karen Maitland nous offre ici un roman aussi réussi que "La compagnie des menteurs" (malgré une construction complètement différente),
dans une atmosphère sombre et ensorcelante, elle fait évoluer des
personnages originaux et complexes, dont les liens et les secrets créent
un suspens prenant qui pousse le lecteur à dévorer ces
quelques sept cents pages. Donc un très bon roman, qui ne
plaira sans doute pas à tout le monde à cause de sa construction, mais
qu'il serait dommage de bouder tant l'univers est riche et ses
personnages haut en couleur. Un grand plaisir de lecture. Un polar érudit et foisonnant à découvrir d’urgence !!!
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