Notes : 4 / 5 (Saison 1)
3 / 5 (Saison 2)
4.5 / 5 (Saison 3)
Synopsis :
1876. Dans les montagnes noires du Dakota du Sud, proches du territoire
indien, deux semaines après le "Custer's last stand", la cuisante
défaite du général Custer sur le chef indien Little Big Horn. Nous voici
à la naissance d'une ville minière, en pleine conquête de l'ouest
américain, où règne la dure loi du colt entre les pionniers en tout
genre, bons et mauvais.
A Deadwood, on croisera plusieurs personnalités historiques, telles que Wild Bill Hickok, Calamity Jane, Seth Bullock, Al Swearengen et Wyatt Earp.
Critique :
Série créée par David Milch pour HBO, "Deadwood" fut diffusée sur 3 saisons, soit 36 épisodes, de 2004 à 2006. Western se déroulant entre 1876 et 1877 à Deadwood, dans le Dakota du Sud, il se base sur des faits et des personnages réels auxquels des éléments de fictions ont été injectés. Après la troisième saison, la série a officiellement été annulée,
même si deux téléfilms ont été envisagés comme conclusion. Ils ne verront
jamais le jour malheureusement !
L'histoire débute lorsque Seth Bullock, marshall du Montana, décide de
laisser choir son insigne et de tenter l'aventure d'ouvrir une
quincaillerie dans Deadwood en compagnie de son ami Sol Star. En même
temps que ceux-ci, le téléspectateur découvre la faune locale, les
prostituées, les prospecteurs, les célébrités de passages comme Calamity
Jane ou Wild Bill Hicock et le maire officieux de la ville, Al
Swearengen. Installé depuis six mois, il fut l'un des premiers arrivants
du camp à ne pas prospecter pour une alternative moins éreintante et
presque autant lucrative : être le dealer officiel de whiskies, d'opium
et de filles à travers son saloon, le Gem.
Comme beaucoup de séries de la célèbre chaine câblée, "Deadwood"
s’adresse à un public adulte et, dans le cas présent, il n’y a pas de
place pour le doute. Entre le langage imagé qui ferait passer Ozzy Osbourne
pour un poète, les morts violentes qui se suivent sans vraiment
trouver une fin et l’ambiance de duperie et de danger qui règne en
maître, on peut difficilement se tromper. Sale, insolent et sans pitié, ce western vu à la sauce HBO est une pépite !
Malgré tout, au-dessus de cette atmosphère crasseuse se tissent des
relations humaines qui vont souvent naître par nécessité. Tout le monde a
besoin d’alliés, car il y a des ennemis pour tous. La soif de pouvoir
n’est rien comparée à celle de l’argent, et tout est prétexte à
escroquerie. Milch ne donne pas une âme qu’à ses personnages,
mais également à la ville qu’il construise et qui va, finalement, être
plus qu’un théâtre, mais une raison de vivre et de tuer.
"Deadwood" n’est certes pas la première série à prendre place dans l’Ouest américain. La série reprend le
décor et les attributs du western, mais on sent qu’on est quelque part à
la marge du genre avec cette série. Un western d'un nouveau genre. Le western n'est généralement pas un genre historique. L’histoire n’est pas son sujet,
mais seulement sa matière. Il ne se réfère pas directement à une réalité
historique, mais il passe par la représentation déformante de cette
réalité qu’est le mythe. S'il s'appuie sur des éléments réels et sur une période historique donnée, le western n’est pas une fiction réaliste pour autant. Le western c’est d’abord, par vocation, un spectacle de pur
divertissement. C’est l’aventure à l’état pur, brut. Fondé sur une
dramaturgie simpliste, mais d’une étonnante efficacité.
Deadwood est donc la série qui bouscule et bouleverse 50 ans de western et de
code inhérent au genre. Ici, nous sommes dans le western motherfucker
(fuck est sans doute le mot le plus prononcé à Deadwood). Ici pas
d’Angélisme, ni d’héroïsme mal placé, on voit les personnages pisser,
bâfrer, baiser, des prostitués de préférence et on voit la nature
humaine sous son plus mauvais jour : celui de l’avidité, du stupre et de
la cupidité mortelle. Deadwood se situe en
territoire indien, son existence est illégale et inexistante, elle
au-dessus des lois pour ne pas dire en dessous. De plus cette ville
connaît un enrichissement sans précédent du à de nombreux filons d’or à
proximité.
Certes, "Deadwood" se déroule dans le décor typique du western, l’Ouest
sauvage, avec ses lieux mythiques comme les saloons, les rues arpentées
par les charriots et les chevaux. On retrouve aussi les lieux communs du
genre, comme les duels au fusil, les affrontements avec les indiens, les
parties de poker, les chapeaux, bottes, et colt. On y croise aussi les
figures traditionnelles, l’indien, la fille de joie, le chercheur
d’or, etc. Mais la série se caractérise surtout par les distances qu’elle prend
avec le genre. D’abord, ses personnages principaux ne sont pas ceux du
western. On ne voit pas de cowboy, les chercheurs d’or ne sont que
secondaires. Finalement, ce sont les professions libérales qui tiennent
le haut du pavé : les commerçants (quincaillers, propriétaires de
saloon), le docteur, le journaliste et j'en passe. De plus les femmes y ont beaucoup plus d’importance qu’avant. Trixie, la
prostituée, Alma, la riche propriétaire sont au centre de la narration
et non de simples ornements. La fiction se permet même de prendre une
femme comme représentante de la légende : Calamity Jane.
Quand ils ressemblent à des héros typiques, les personnages souffrent
de faiblesses. Seth Bullock est le shérif idéal, mais il nous cache
quelque chose. Sa colère est malsaine. On se demande même s’il ne
ressemble pas à Al. Bill Hickok est un mythe, mais un mythe sur le
déclin. Non seulement, il passe son temps à boire, à jouer et à perdre,
mais en plus il est suicidaire. Hickok avait vu venir le coup qui l’a
tué et il n’a rien fait pour esquiver. Calamity Jane est rongée par
l’alcool.
Ce que nous raconte "Deadwood", enfin, n’a rien à voir avec les thèmes
caractéristiques. La série ne suit pas le combat d’un shérif pour faire
respecter la loi. On ne s’intéresse pas à la guerre qui oppose l’armée
aux indiens. On ne se focalise pas sur la recherche d’or. Ce qui semble
être le centre des intrigues, c’est la constitution d’une communauté et
son organisation.
Al Swearengen (Ian McShane) |
Du point de vue de l'écriture, là où le scénario vire à la petite merveille c’est lorsqu’il nous donne
en pâture un véritable méchant de cinéma avec Al Swearengen le patron du
bar de la ville magnifiquement joué par Ian McShane. Tour à tour
charmeur, beau parleur, Swearengen peut se monter tordu, violent et
meurtrier. Tout le monde s’en méfie à Deadwood et avec raison. Ce petit
monde bien pourri est contre balancé par la présence de Seth Bullock,
un ancien shérif qui veut juste s’enrichir en faisant du commerce de
quincaillerie, superbement interprété par Timothy Olyphant
impressionnant dans sa droiture morale. Deadwood est une série HBO et on
retrouve ce gout du détail, cette qualité d’interprétations et de
reproduction d’un univers donné, propre à la chaine.
Vous l'aurez compris, "Deadwood" est une série qui vaut vraiment la peine d’être vue. Je la
trouve personnellement très, très convaincante. Mais ce n’est pas
nécessairement une série facile à regarder. La série fonctionne aussi comme une partie de poker : il faut accepter de jouer
sans avoir toutes les cartes en main et en sachant que l’adversaire
bluffe. Dans "Deadwood", on ne comprend pas toujours les motivations des
personnages. On sent qu’on nous cache des choses. Le téléspectateur doit accepter d’être frustré.
Le cap de la première saison
passé, "Deadwood" reste toujours formidablement écrite, formidablement
jouée, drôle, émouvante parfois, crispante dans certaines scènes plus
dures. Cependant la Saison 2 connaît de véritables ratés ! Il y a beaucoup d’erreurs et toutes ne
seront pas rattrapées, loin de là, mais suffisamment de consistance sera
donnée aux diverses storylines, pour leur permettre de rebondir et
d’atterrir convenablement. Le principal souci dans l’écriture de cette seconde saison et qu’elle
s’est trop attardée à développer des situations ponctuelles sans
tenants ni aboutissants. Dans tout ça, l’intrigue véritablement intéressante qu’est l’annexion de Deadwood, va peiner à prendre forme.
La saison 3, quant à elle, est tout simplement sublime. La meilleure des trois. Le fait est que les épisodes sont très denses, moins bavards qu’à
l’accoutumée et des plus captivants. Le plus gros défaut de cette
troisième saison, qui surpasse les deux précédentes, est clairement de
ne pas offrir une véritablement fin à la série et c’est bien dommage.
Au final, "Deadwood" est un drame politico-historique exigeant, véritable radioscopie des États-Unis
d'alors, qui remet en cause à la fois la vision puritaine que le
monde se fait de l'Amérique et que l'Amérique se fait d'elle-même. Une
série d'auteur comme l'ont été "Twin Peaks", "Six Feet Under" ou "Le Prisonnier",
imparfaite, difficile d'accès, mais à "valeur ajoutée" pour le
téléspectateur qui osera poursuivre, pour son plus grand plaisir. Attention, chef d’œuvre. Ne passez pas à côté !!!
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