de Sam Millar
Note : 4 / 5
Synopsis :
Ancien policier à Belfast, Jack Calvert, alcoolique, élève seul son fils
adolescent, Adrian. En faisant l’école buissonnière, celui-ci découvre
un os humain dans la forêt, mais ne parle à personne de son trésor.
Quelques jours plus tard, il est kidnappé.
Jack retrouve l’os qui
s’avère être celui de la petite Nancy, disparue depuis trois ans. Alors
qu’il enquête, d’autres personnes disparaissent, des restes humains
sont retrouvés dans les bois et les anciennes pratiques sordides de
l’orphelinat local sont révélées au grand jour. C’est tout le terrible
passé de la ville qu’Adrian semble avoir déterré.
Critique :
Sam Millar n'est pas
exactement un auteur comme les autres. Ancien activiste de l'IRA, il a
passé de nombreuses années en prison dans des conditions
particulièrement dures (torture, privations, isolement,...). Des années
qui ont laissé sur l'homme et sur l'auteur irlandais des traces profondes et
indélébiles. Il n'est pas inutile de le savoir avant de commencer la
lecture de "Poussière tu seras", son premier roman paru en français. Une lecture qui n'est pas de tout repos.
Ce premier roman est une vraie pépite noire. Les chapitres
sont courts, et à l'image du style de l'auteur, incisifs. Chaque
chapitre se termine sur une note sombre sans pour autant verser dans
l'excès, la surenchère. Le récit n'en a pas besoin, il est aussi
implacable qu'impeccable. En effet Sam Millar a choisi la concision,
le juste-ce-qu'il-faut, pour créer cette atmosphère si moite, si sombre,
si effrayante.
Sans avoir peur de me répéter, l'écriture est efficace, sans fioriture et implacable lors de certaines
scènes qui produisent un impact visuel très fort. On est saisie par le
relief qu'elles ont. Ces images nous suivent une fois le livre terminé
comme une peinture lugubre dont on ne peut détacher le regard et qui induit en nous une fascination morbide. Millar a un réel talent pour décrire des ambiances inquiétantes.
Que
ce soit le contexte, l’histoire, les personnages ou l’ambiance, tout
est noir, pas un petit noir brillant, mais un vrai noir mat, où rien
ne se reflète. Il ne faut pas chercher la moindre étincelle d’espoir,
pas la moindre lumière, c’est du noir brut,
brutal.
Le style de Sam
Millar y est donc pour beaucoup, avec ses descriptions minimales et ses mots
soigneusement choisis qui laissent planer une atmosphère
brouillardeuse, glauque, mystérieuse. Et les personnages vont
s’enfoncer dans cette histoire sans que le lecteur ne puisse rien faire à
leur déchéance. Ils ont tous des cicatrices ou des secrets
qui petit à petit font leur apparition pour nous étaler des
ignominies sans nom.
La noirceur est
présente à tous les instants, la peur aussi. Dans les premières pages,
on ne sait pas très bien de quoi on a peur. Mais Millar sait instiller
dans ses mots une sensation de malaise, voire d'épouvante qui évoque un
Edgar Poe moderne. La première scène du roman, où l'on fait la
connaissance d'Adrian, est particulièrement virtuose.
Adrian fait
l'école buissonnière, mais ça n'est pas pour s'amuser avec ses
copains. Il se promène dans la campagne, au milieu des arbres ployant
sous la neige, quand il fait sa macabre trouvaille. Et sa rencontre à la
fois compassionnelle et violente avec un corbeau blessé nous confirme
au bout de quelques pages que nous venons de pénétrer dans un territoire
interdit. Ce livre dur ne nous épargne jamais, Millar ne fait pas de
concessions.
La mort, l'enfance violée, la perversion, la mémoire et le
mensonge, dans "Poussière tu seras", si l'intrigue, basée sur un
fait réel qui a marqué l'histoire de l'Irlande, est passionnante, ce
sont néanmoins l'émotion et la puissance des mots qui l'emportent, avec
des scènes particulièrement éprouvantes, sans aucune complaisance, qui
atteignent leur cible en plein cœur.
Les personnages, à part Adrian qui est trop jeune pour être perverti, sont pour la plupart des êtres avec des passés pesant des tonnes. Jack, par exemple, se console dans l'alcool et la peinture. Ici, les personnages sont terribles voire horrifiques mais tellement humains, même dans l'horreur.
Même si c'est l'humanité qu'on n'aime pas voir, celle dont on nie
l'existence, pour dormir en paix.
Les personnages chutent comme les feuilles mortes avec pour seul destin,
qui parait inévitable, une fin de course sur un sol à l'odeur de terre
et de sang. Le corbeau, qui transporte les âmes des défunts ayant subis
une mort violente, est présent en filigrane durant tout le livre, il
achève de donner à cette histoire une atmosphère aussi sombre que les
plumes de ce dernier.
Au final, on a là un véritable concentré de noirceur sur plus de 300 pages, où l'âme humaine est mise à nue. La violence et la perversité formant la trame de ce roman dans lequel l'auteur va à l'essentiel. Percutant ! Un premier roman impressionnant !!!
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