Note : 4.25 / 5
Synopsis :
L'héritier des richissimes industries chimiques Lamont, le jeune Edward,
a été enlevé par Killer Croc. Alors que Batman vole à son secours, il
s'interroge sur les motivations du kidnapping. Croc n'est pas un
habitué de ce genre de choses.
Pour l'homme chauve-souris, c'est le
début d'une longue et tortueuse intrigue car tous ses vieux adversaires
réapparaissent, manipulés, semble-t-il, par un mystérieux criminel. Avec
l'aide de Catwoman, Robin ou encore Superman, le héros de Gotham
explore sa culpabilité et son passé sous un nouveau jour.
Batman se retrouve donc assailli par tous ses ennemis, lorsqu’un mystérieux
personnage qui dissimule son visage sous des bandelettes apparaît. Son
nom ? Silence. Son but ? Harceler le justicier jusqu’à lui faire perdre
raison. Catwoman saura-t-elle lui apporter l’aide et le réconfort dont
il a cruellement besoin ?
Critique :
Le Chevalier Noir a connu de nombreux succès, aussi bien sur version
papier que sur pellicule. Mais il a aussi beaucoup souffert, comme
dans la saga enfin sortie il y a quelque temps en France : "Batman, Silence" ("Batman Hush" en V.O.), où notre héros est franchement malmené, aussi bien physiquement que moralement.
"Silence" est l’une de ces histoires qui peuvent définir votre perception de Batman
d’une façon durable. Ce n’est peut-être pas le plus grand classique du
Chevalier Noir, et ce n’est certainement pas celui qui fait l’unanimité,
mais voilà tout y est. Un scénario qui met en avant les talents de
détective de notre héros, un dessin valorisant son univers, et surtout
des personnages à foison, une sorte de "who’s who" du Bat-verse.
"Un long Halloween" fut un des grands moments de l'histoire de Batman. Déjà à l'époque, Jeph Loeb
réussissait à mêler le panthéon des super-vilains de Gotham pour
approfondir le personnage du justicier solitaire qu'endosse Bruce Wayne
tout en menant une intrigue palpitante dans le même temps. Pour "Silence", il reprend une recette similaire mais accompagné du dessinateur Jim Lee au lieu de Tim Sale.
Jeph Loeb est un scénariste qui traîne sa
bosse depuis pas mal d'années dans le milieu du 9ème art. Connu pour
être aussi génial qu'irritant, capable de livrer des récits cultes comme
"Un long Halloween", cité précédemment, ou de véritables catastrophes intellectuelles comme "Ultimates 3". Dans le cas de "Batman, Silence",
nous sommes clairement dans la première catégorie. Jeph Loeb montre sa
capacité à rendre accessible un univers complet comme celui du Dark Knight.
La recette est simple puisque l'on suit un héros qui affronte plus ou
moins successivement tous les méchants les plus glorieux de son
existence. Des ennemis redoutables tels que Poison Ivy, Killer Croc,
Harley Quinn et son chéri de Joker, Double Face, Le Sphinx,
l’Épouvantail ou même Ras’ Al Ghul. Les lecteurs croiseront aussi la
divine Catwoman, Superman et les alliés de la chauve-souris. Jeph Loeb
offre un casting impressionnant auquel il rajoute un nouvel adversaire
de taille : Silence.
"Silence" confirme l'amour de Jeph Loeb pour les intrigues policières à tiroirs. Il élabore
ainsi une intrigue complexe multipliant les fausses pistes et cultivant
savamment la révélation du mystérieux Silence. On retrouve donc tous les
ingrédients que Loeb
affectionne. Le résultat s'avère tout aussi efficace et passionnant à
lire. Pourtant, le scénariste nous réserve bien des surprises pour une
œuvre qui joue sur divers tableaux.
Et avec cette aventure de Batman, effectivement, il voit gros, il voit bon, il voit bien ! Tout
d'abord, ce qui frappe, que l'on soit
ou non un lecteur régulier de Batman, c'est le nombre important de
personnages que l'on croise donc !
Et heureusement, cette multitude de personnages n'est pas placée au
hasard juste pour faire joli. Ils sont très bien intégrés à l'histoire,
et sont liés d'une manière complexe et pourtant très compréhensible,
tous entourés d'un complot sanglant et macabre dont la cible finale n'est autre que le mystérieux justicier masqué Batman !
Le premier élément développé compte parmi les plus incontournables : le
passé de l'homme chauve-souris. Traumatisé par la mort de ses parents,
le milliardaire devient un sombre justicier dans une ville corrompue. On
connaissait déjà cela par cœur mais Loeb
tente d'humaniser davantage son héros en lui offrant une enfance. Dans
divers flash-back et grâce à ses retrouvailles avec son meilleur ami,
l'auteur approfondit la dimension humaine de Wayne.
On y découvre un
enfant qui n'a pas encore été bouleversé par le crime, ce qu'on a peu eu
l'occasion de voir auparavant. Mais ce n'est pas tout. Si nous savions
déjà le poids porté par Batman, Loeb revient sur la mort du second Robin, Jason Todd, tué par le Joker dans "Un deuil dans la famille". Événement tragique pour l'homme chauve-souris, il se révèle aussi
déterminant pour comprendre la férocité renouvelée du héros face aux
criminels. La mémorable confrontation avec le Joker permet d'embrayer
sur la seconde piste exploitée par l'américain.
Thème central "d'Un long Halloween",
la notion de justice ne pouvait naturellement pas manquer à l'appel.
Mais c'est une approche plus radicale dont il s'agit cette fois.
Rejoignant en cela "Dark Knight" de Frank Miller ou "Rire et Mourir" d'Alan Moore,
la situation du Batman face au Joker est des plus éloquentes. L'abysse
qui menace le justicier se fait de plus en plus sentir. Entre le Batman
et ses ennemis, seule la loi les sépare et l'instabilité du sombre héros
rend douteuse sa santé mentale.
A force de secret et de culpabilité, de
peine et d'obsession, la figure héroïque présentée semble bancale.
C'est d'ailleurs ce secret et cette double identité qui occuperont un
autre point important du récit : l'idylle avec Catwoman. Incapable de
faire confiance et solitaire par essence, comment le personnage peut-il
trouver l'amour si ce n'est avec un de ses semblables ? Explosive rencontre entre deux héros costumés, la relation permet aussi de comprendre la nécessaire solitude du Batman.
Avec un récit aussi agréable et spectaculaire, il fallait bien un artiste inspiré pour propulser "Silence" parmi les indispensables de Batman.
C'est à Jim Lee que la tâche fut confiée. Le dessinateur américain dont
la popularité n'a jamais décru depuis les années 90 offre probablement
l'une de ses plus belles prestations, voir la meilleure jusqu'ici. Le
Dark Knight est charismatique, Catwoman sexy en diable, les méchants
effrayants... Et que dire du découpage, des décors et des cadrages ?
Jim Lee parvient en plus à maintenir ce niveau de qualité tout du long.
Les dessins sont d'une extrême beauté, Jim Lee a fait un travail
exceptionnel et on en redemande. Tous les personnages sont détaillés à
souhait, leurs charisme est authentique et aucun personnage n'est
négligé. Les dessins sont violents et vifs, et les couleurs
très contrastés rehaussent l'intensité et subliment le tout. Les
couleurs font partie intégrante du comics. Elles
dépeignent le monde de la chauve-souris en collant, avec parfois des
tons sombres à souhait et parfois des contrastes lumineux saisissant qui
mettent en valeur les parties obscures ou bien définissent une autre
ambiance. En témoigne la partie dans Métropolis qui est tout
à coup beaucoup plus éclairé et plus propre qu'une scène se passant à
Gotham City.
Il retranscrit ici parfaitement l'univers sombre du Caped Crusader avec
un coup de crayon racé nous offrant de magnifiques planches. Ces dernières sont précises et flamboyantes avec une dynamique
particulièrement réussie, le dédoublement des personnages lors des
combats est une idée aussi simple que payante. On appréciera les pages
de Métropolis ou encore celles concernant le passé du Batman. Sans
surprise, Lee fait honneur au récit de Loeb.
L’intérêt de "Batman, Silence" est aussi de pouvoir offrir une porte
d'entrée sur l'univers Batman en nous présentant une grande partie des
personnages de cet univers sans pour autant avoir besoin de références
antérieures pour comprendre les événements (d'ailleurs de petites
explications sont là pour vous aider). Si vous êtes réticents au style
de "Batman, Année Un" ("Year One"), "Silence" est le comics par lequel
vous devez commencer.
Cette nouvelle édition d'Urban Comics s'appuie sur la version "Absolute"
parue aux USA, ce qui signifie que de nombreux bonus (80 pages !) ont
été inclus dont certains dessins préparatoires de Jim Lee. Avec une
édition archicomplète et aussi soignée, nul doute que les retardataires
se jetteront sur cette saga très bien écrite et divinement illustrée.
Une de celle dont on ne garde que d'excellents souvenirs des années plus
tard !
Au final, dans "Silence", les scènes d'actions sont de haute
voltiges, impressionnantes et fluides, les révélations y sont tortueuses
pour un dénouement bluffant (qui ne plaira pas à tout le monde), avec
une histoire rythmé et extrêmement bien écrit. Les planches sont
précises et flamboyantes avec une dynamique particulièrement réussie,
aucune case n'est là pour remplir bêtement la page et la narration à la
première personne est remarquable. C'est bien simple, que l'on ne connaisse
rien à l'univers de Batman ou, au contraire, que l'on soit un lecteur régulier, lire ce
fabuleux comics ne laissera personne indifférent.
Urban Comics frappe encore un grand coup en nous sortant un très
bon comics sur le Chevalier Noir. Une sublime version hardcover de
372 pages comprenant 80 pages de croquis et commentaires de Jim Lee, et
pour 35 euros ce serait une erreur de s'en priver !!!
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