Note : 4 / 5
Synopsis :
Le peuple de Melniboné règne sur les états
humains depuis dix mille ans. Toutefois, la vigueur d’antan a fait place
à la décadence. Retirés sur l’île aux dragons, ils s’adonnent aux
plaisirs des sens, entre orgies, drogues, tortures et hommages à leurs
maîtres du Chaos. De plus, leur régent est un albinos au sang maudit. Sa
faiblesse physique et le désintérêt pour son règne inquiètent ceux qui
voudraient que leur civilisation s’impose à nouveau, par la violence et
la peur, aux jeunes royaumes qui s’émancipent de plus en plus.
Le royaume de Melniboné est donc dirigé par Elric, roi
albinos souffrant, combattant au passé héroïque, qui a choisi pour son
peuple une vie de paix. Son cousin Yyrkoon, prince jaloux évincé du
pouvoir, conteste avec brutalité son autorité, et promet au peuple de
nouvelles heures de gloire et de nouvelles batailles. La rivalité entre
les deux hommes se concrétise lorsque trois intrus sont faits
prisonniers en ayant réussi à pénétrer dans la ville, franchissant les
labyrinthes d'eau qui entourent et protègent le royaume.
Torturés par le
Docteur Jest, ils avouent qu'une flotte de navires mercenaires est en
route vers Imrryr. La stratégie pour la bataille qui s'annonce est
âprement discutée. Elric veut favoriser la ruse et tendre un piège aux
assaillants, son cousin rêvant d'un assaut massif et frontal, quel qu'en
soit le coût. A bord du même navire, les deux hommes livrent finalement
bataille côte à côte.
Elric démontre une nouvelle fois l'étendue de sa
puissance et ses qualités de guerrier, faisant déferler sur l'ennemi les
légions de Pyaray. Mais il sort épuisé de la bataille. Le peuple a
néanmoins retrouvé l'image d'un pouvoir fort et uni face à l'ennemi.
Jusqu'à ce qu'un évènement imprévu se produise, qui pourrait donner à
Yyrkoon l'occasion dont il rêve depuis si longtemps.
Critique :
Cette nouvelle adaptation de la saga de Michael Moorcock, qui a semble-t-il suscité l'enthousiasme de l'auteur anglais, est une véritable superproduction graphique aux résultats très convaincants. La conception de l'univers de Melniboné n'a rien laissé au hasard, réunissant le talent d'un dessinateur (Didier Poli), d'un encreur (Robin Recht) et d'un retoucheur et coloriste (Jean Bastide), pour aboutir à une cohérence et une puissance évocatrice remarquables. Cette approche rare dans la BD européenne, mais très fréquente dans le monde des comics, peut aboutir au meilleur quand les talents s'ajoutent, ce qui est le cas ici, avec un rendu final presque toujours homogène.
Critique :
Cette nouvelle adaptation de la saga de Michael Moorcock, qui a semble-t-il suscité l'enthousiasme de l'auteur anglais, est une véritable superproduction graphique aux résultats très convaincants. La conception de l'univers de Melniboné n'a rien laissé au hasard, réunissant le talent d'un dessinateur (Didier Poli), d'un encreur (Robin Recht) et d'un retoucheur et coloriste (Jean Bastide), pour aboutir à une cohérence et une puissance évocatrice remarquables. Cette approche rare dans la BD européenne, mais très fréquente dans le monde des comics, peut aboutir au meilleur quand les talents s'ajoutent, ce qui est le cas ici, avec un rendu final presque toujours homogène.
Qu'est-ce donc qu'Elric et son "Trône de Rubis" ? C'est tout
simplement le récit de la fin d'un empire sombre et décadent, celui des
Melnibonéens. Lorsque Michaël Moorcock entreprend de créer "Elric", il répond à une commande pour des nouvelles dans le genre "Sword & Sorcery", dans la lignée de "Conan". Il faut dire, qu’à l’époque, Howard et son Cimmérien, ainsi que Tolkien et "le Seigneur des anneaux"
sont les références absolues.
Moorcock se démarque rapidement de la figure encombrante du fier barbare. En effet, Elric est son antithèse. Membre d’une vieille race pré-humaine et faible physiquement, il ne tire sa force que de breuvages magiques puis, plus tard, des âmes absorbées par son épée diabolique. Sorcier affilié au Prince des démons, il se montre cruel et sans beaucoup de valeurs morales. Son rapport avec le monde et, plus généralement, l’existence, est cynique et désabusé.
Par la suite, l’auteur utilisera le concept de Multivers (ensemble d’univers parallèles). Il complète alors son œuvre pour faire de son héros une des figures du Champion éternel, le gardien, conscient ou non, de la balance cosmique qui assure l’équilibre entre la Loi et le Chaos. Parmi tous les livres qui s’inscriront dans ce thème ("La Légende d’Hawkmoon", "La Quête d'Erekosë" et "Les Livres de Corum"), "le Cycle d’Elric", malgré des défauts de jeunesse, restera le plus marquant pour quantité de lecteurs et de jeunes auteurs, en particulier, parce que l’écrivain bouscule progressivement les règles de la Fantasy. S’attaquer à un tel monument n’est donc pas chose aisée !
Michael Moorcock himself juge, dès la préface, que cette adaptation est absolument la meilleure qui puisse être faite de ce personnage si particulier. L'antihéros par excellence se retrouve à la tête de cet empire sans âge mais qui semble avoir déjà trop duré. Ce premier opus nous montre la décadence du royaume de Melniboné, esclavage, torture, tout ce qui peut avilir l'homme est présent dans les pages "d'Elric".
Il va sans dire, sans dévoiler l'intrigue en aucune façon, que le scénario élaboré par Julien Blondel répond parfaitement aux attentes de ce genre d'adaptation. Le personnage est rendu à merveille dans ses contradictions et l'univers qui l'entoure est dévoilé juste ce qu'il faut pour pouvoir avancer au moyen de repères évidents.
La force de l'intrigue de Moorcock suffit à tendre ce récit d'un fil rouge fondamental autour de la rivalité entre Elric et Yyrkoon. La qualité de la narration de Julien Blondel permet de développer les premiers ressorts de cette saga avec un vrai sens de l'équilibre, laissant leur juste place aussi bien aux scènes de bataille épiques, qu'à la cruauté du sort d'un Elric malade, sacrifiant des vierges pour sa propre survie. Le scénario de Blondel réussit à résumer sans entacher la lecture. Il garde tout ce qui fait le piment de la série, le synthétise pour n'en garder que la substance.
Ainsi, un des premiers défis consistait à ne pas faire d’Elric un super guerrier, affrontant moult ennemis et créatures à coup d’arme magique et de sorcellerie. Sur ce plan, le but est atteint. Loin de se lancer dans une surenchère de spectacle, la narration prend le temps de travailler le contexte, de mettre en place le personnage principal en faisant ressortir ses différentes facettes. Être tourmenté, rongé par des conflits intérieurs et détaché du devenir de ces sujets, il est capable de faire ressurgir en lui toute la cruauté et la vitalité de ses ancêtres : le châtiment infligé aux envahisseurs tentant de s’emparer de l’île sacrée en est une belle preuve.
De la même façon, la transposition graphique de ce monde de fantasy par Didier Poli, Robin Recht et Jean Bastide donnent vraiment envie, car ça suinte la décadence et la nécrose à toutes les pages ! C'est sombre, c'est héroïque, c'est de la bonne fantasy comme on l'aime !
Les planches de Poli, Bastide et Recht sont tout simplement magnifiques et illustrent la grandeur qu'on peut lire chez Moorcock. Ce souffle épique que j'ai éprouvé au cours de mes lectures est retranscrit à la perfection, là sur le papier, quand on voit le trône de rubis, l’île des dragons, les trirèmes melnibonnéennes ou la toute-puissance d'Arioch. Un design qui s'inspire à la fois des illustrations d'époque des romans et de l'univers morbide de Clive Barker (à qui l'on doit "Hellriser"), qui colle parfaitement à la vision que l'on peut avoir en lisant Moorcock. Les dessinateurs réussissent donc des plans à couper le souffle, comme la sortie de la flotte de Melniboné vers le labyrinthe d'eau en page 19, sublime de lumière aveuglante.
De ce fait, le deuxième challenge se situait au niveau du graphisme qui doit apporter sa propre interprétation de la matrice originelle, une vision à même d’exprimer ce qui est dédié au narratif dans un roman. La réussite semble pleine et entière tant l’atmosphère de déliquescence de cette culture est prégnante. L’apparence ancestrale et la puissance ressortent à travers les décors minéraux constituant le palais des Melnibonéens, de par l’aspect froid et intemporel.
Le sadisme est très présent, lui aussi, dans l’esthétique de ce peuple qui emprunte aux codes du gothique et du SM. Le crayonné un peu rond et doux de Didier Poli prend un caractère acéré, quelque peu déstructuré, grâce à l’encrage appuyé de Robin Recht. Les retouches finales et la mise en couleur particulièrement aboutie de Jean Bastide, avec des teintes crépusculaires, achèvent de donner la dimension épique qui sied à ce récit.
Si vous aimez l'Heroïc-Fantasy d'exception, vous aimerez cette excellente adaptation du "Elric" de Moorcock. Beaucoup d'américains avaient déjà adapté le personnage, mais, à l'exception de Craig Russel, tous en avait fait une espèce de sous "Conan". Enfin, voici Elric dans toute sa magnificence et sa décadence, une œuvre graphique époustouflante et un Elric comme on était en droit de l'imaginer : sombre, torturé et malade. Les auteurs peuvent être fier de leur œuvre.
Au final, Cette première plongée dans l'univers du nécromancien est une entrée en matière réussie. Pleine de puissance, de luttes de pouvoir et de paysages fantastiques hors du temps, elle plaira aux amateurs d'heroïc-fantasy en BD. Ce premier tome est une énorme surprise. Je ne m'attendais pas à un travail de cette ampleur. Cela m'a donné l'envie de me replonger dans les romans de Moorcock et de découvrir la suite de cette adaptation. Un rendez-vous à ne manquer sous aucun prétexte !
Bref "Elric" est simplement la meilleure adaptation des romans de Moorcock. "Elric" illustre un destin tragique, la grandeur et la décadence d'un empire, des mythes et légendes. Ce premier tome est impressionnant. De plus, cette première édition comporte un cahier explicatif de huit pages ainsi que huit visions de l’univers d’Elric réalisées par Virginie Augustin, Aleksi Briclot, Andreas, Philippe Druillet, Adrian Smith, Anthony Jean, Matthieu Lauffray et Thierry Ségur. Que des bonnes raisons pour venir (re)découvrir la légende du seigneur des dragons !!!
Moorcock se démarque rapidement de la figure encombrante du fier barbare. En effet, Elric est son antithèse. Membre d’une vieille race pré-humaine et faible physiquement, il ne tire sa force que de breuvages magiques puis, plus tard, des âmes absorbées par son épée diabolique. Sorcier affilié au Prince des démons, il se montre cruel et sans beaucoup de valeurs morales. Son rapport avec le monde et, plus généralement, l’existence, est cynique et désabusé.
Par la suite, l’auteur utilisera le concept de Multivers (ensemble d’univers parallèles). Il complète alors son œuvre pour faire de son héros une des figures du Champion éternel, le gardien, conscient ou non, de la balance cosmique qui assure l’équilibre entre la Loi et le Chaos. Parmi tous les livres qui s’inscriront dans ce thème ("La Légende d’Hawkmoon", "La Quête d'Erekosë" et "Les Livres de Corum"), "le Cycle d’Elric", malgré des défauts de jeunesse, restera le plus marquant pour quantité de lecteurs et de jeunes auteurs, en particulier, parce que l’écrivain bouscule progressivement les règles de la Fantasy. S’attaquer à un tel monument n’est donc pas chose aisée !
Michael Moorcock himself juge, dès la préface, que cette adaptation est absolument la meilleure qui puisse être faite de ce personnage si particulier. L'antihéros par excellence se retrouve à la tête de cet empire sans âge mais qui semble avoir déjà trop duré. Ce premier opus nous montre la décadence du royaume de Melniboné, esclavage, torture, tout ce qui peut avilir l'homme est présent dans les pages "d'Elric".
Il va sans dire, sans dévoiler l'intrigue en aucune façon, que le scénario élaboré par Julien Blondel répond parfaitement aux attentes de ce genre d'adaptation. Le personnage est rendu à merveille dans ses contradictions et l'univers qui l'entoure est dévoilé juste ce qu'il faut pour pouvoir avancer au moyen de repères évidents.
La force de l'intrigue de Moorcock suffit à tendre ce récit d'un fil rouge fondamental autour de la rivalité entre Elric et Yyrkoon. La qualité de la narration de Julien Blondel permet de développer les premiers ressorts de cette saga avec un vrai sens de l'équilibre, laissant leur juste place aussi bien aux scènes de bataille épiques, qu'à la cruauté du sort d'un Elric malade, sacrifiant des vierges pour sa propre survie. Le scénario de Blondel réussit à résumer sans entacher la lecture. Il garde tout ce qui fait le piment de la série, le synthétise pour n'en garder que la substance.
Ainsi, un des premiers défis consistait à ne pas faire d’Elric un super guerrier, affrontant moult ennemis et créatures à coup d’arme magique et de sorcellerie. Sur ce plan, le but est atteint. Loin de se lancer dans une surenchère de spectacle, la narration prend le temps de travailler le contexte, de mettre en place le personnage principal en faisant ressortir ses différentes facettes. Être tourmenté, rongé par des conflits intérieurs et détaché du devenir de ces sujets, il est capable de faire ressurgir en lui toute la cruauté et la vitalité de ses ancêtres : le châtiment infligé aux envahisseurs tentant de s’emparer de l’île sacrée en est une belle preuve.
De la même façon, la transposition graphique de ce monde de fantasy par Didier Poli, Robin Recht et Jean Bastide donnent vraiment envie, car ça suinte la décadence et la nécrose à toutes les pages ! C'est sombre, c'est héroïque, c'est de la bonne fantasy comme on l'aime !
Les planches de Poli, Bastide et Recht sont tout simplement magnifiques et illustrent la grandeur qu'on peut lire chez Moorcock. Ce souffle épique que j'ai éprouvé au cours de mes lectures est retranscrit à la perfection, là sur le papier, quand on voit le trône de rubis, l’île des dragons, les trirèmes melnibonnéennes ou la toute-puissance d'Arioch. Un design qui s'inspire à la fois des illustrations d'époque des romans et de l'univers morbide de Clive Barker (à qui l'on doit "Hellriser"), qui colle parfaitement à la vision que l'on peut avoir en lisant Moorcock. Les dessinateurs réussissent donc des plans à couper le souffle, comme la sortie de la flotte de Melniboné vers le labyrinthe d'eau en page 19, sublime de lumière aveuglante.
De ce fait, le deuxième challenge se situait au niveau du graphisme qui doit apporter sa propre interprétation de la matrice originelle, une vision à même d’exprimer ce qui est dédié au narratif dans un roman. La réussite semble pleine et entière tant l’atmosphère de déliquescence de cette culture est prégnante. L’apparence ancestrale et la puissance ressortent à travers les décors minéraux constituant le palais des Melnibonéens, de par l’aspect froid et intemporel.
Le sadisme est très présent, lui aussi, dans l’esthétique de ce peuple qui emprunte aux codes du gothique et du SM. Le crayonné un peu rond et doux de Didier Poli prend un caractère acéré, quelque peu déstructuré, grâce à l’encrage appuyé de Robin Recht. Les retouches finales et la mise en couleur particulièrement aboutie de Jean Bastide, avec des teintes crépusculaires, achèvent de donner la dimension épique qui sied à ce récit.
Si vous aimez l'Heroïc-Fantasy d'exception, vous aimerez cette excellente adaptation du "Elric" de Moorcock. Beaucoup d'américains avaient déjà adapté le personnage, mais, à l'exception de Craig Russel, tous en avait fait une espèce de sous "Conan". Enfin, voici Elric dans toute sa magnificence et sa décadence, une œuvre graphique époustouflante et un Elric comme on était en droit de l'imaginer : sombre, torturé et malade. Les auteurs peuvent être fier de leur œuvre.
Au final, Cette première plongée dans l'univers du nécromancien est une entrée en matière réussie. Pleine de puissance, de luttes de pouvoir et de paysages fantastiques hors du temps, elle plaira aux amateurs d'heroïc-fantasy en BD. Ce premier tome est une énorme surprise. Je ne m'attendais pas à un travail de cette ampleur. Cela m'a donné l'envie de me replonger dans les romans de Moorcock et de découvrir la suite de cette adaptation. Un rendez-vous à ne manquer sous aucun prétexte !
Bref "Elric" est simplement la meilleure adaptation des romans de Moorcock. "Elric" illustre un destin tragique, la grandeur et la décadence d'un empire, des mythes et légendes. Ce premier tome est impressionnant. De plus, cette première édition comporte un cahier explicatif de huit pages ainsi que huit visions de l’univers d’Elric réalisées par Virginie Augustin, Aleksi Briclot, Andreas, Philippe Druillet, Adrian Smith, Anthony Jean, Matthieu Lauffray et Thierry Ségur. Que des bonnes raisons pour venir (re)découvrir la légende du seigneur des dragons !!!
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