Note : 4.5 / 5
Synopsis :
Une
nuit, dans le port de San Pedro, en Californie, l’explosion d’un cargo
fait une trentaine de morts. Il n’y a que deux survivants : un marin
hongrois gravement brûlé et un petit escroc boiteux de New-York.
Tandis
que le hongrois est expédié à l’hôpital, le boiteux, Roger "Verbal" Kint (Kevin Spacey) est interrogé par la police et par un
agent des douanes new-yorkais, Dave Kujan (Chazz Palminteri). Il va
alors lui raconter une étrange histoire où lui-même et quatre autres bandits,
réunis par hasard, vont se faire manipuler par un criminel légendaire,
Keyser Söze.
Critique :
Qui est Keyser Söze ? Un fantasme, une
identité volatile qui change de visage au gré de nos soupçons. En 1995,
ce polar insolite s'imposait comme "LA" devinette de la saison. A la
sortie des salles, ceux qui "savaient", encore ébahis par les
infernales montagnes russes dans lesquelles on les avait embarqués,
enviaient les autres. "Usual Suspects"
est pourtant un film qu'on se plaît à revoir pour le plaisir d'en
décortiquer les rouages. Avec son intrigue violente et tortueuse, Bryan
Singer se joue des ficelles du polar classique. Bien mieux, il nous
ligote avec.
Bien avant de briller avec "X-Men" ou de sombrer avec "Superman Returns", Bryan Singer
a signé, avec "Usual Suspects", un des thrillers les plus surprenant qu'il
m'ait été donné de voir et dont le scénario original déroule une
intrigue diaboliquement efficace. Ce chef-d’œuvre ne pourra jamais
laisser personne indifférent.
La plus grande astuce de Bryan Singer, c'est d'avoir convaincu son public "qu'Usual suspects" est un grand film et, à n'en pas douter, c'est bien le cas ! Et sur ce point, je ne peux m'empêcher de voir une corrélation avec une phrase de Kevin "Verbal" Spacey dans le film : "Le coup le plus rusé que le diable ait réussi, c’est de convaincre tout le monde qu’il n’existe pas" !
Après un premier film méconnu ("Public access"),
mais déjà à bien des égards prémonitoire de ce qui allait suivre, Bryan
Singer stupéfia un public de plus en plus chloroformé avec "Usual suspects". D'une roublardise sidérante de virtuosité, ce dernier fait partie de
ces films qui méritent obligatoirement deux visions. Une pour avoir le
plaisir de se faire rouler dans la farine dans les grandes largeurs, et
une autre bien sûr, pour décortiquer tous les paramètres et situations
décrites afin de trouver une éventuelle faille dans la mécanique du
récit (en vain !).
Avec
seulement 4 millions de dollars de budget et tourné en 35 jours, ce
thriller psychologique a rencontré un franc succès, qu'il soit critique ou
populaire. Le
film débute sur un interrogatoire de cinq malfrats, soupçonnés
d'avoir pris part à l'explosion d'un cargo. Très rapidement, ils se
rendent compte qu'ils n'ont pas été réunis au hasard et que le "Diable",
Keyser Söze, un mystérieux malfaiteur, va leur proposer un coup où,
s'ils réussissent, ils pourront partager un butin de 91 millions de
dollars.
D'abord donc, la mise en place, énigmatique, qui nous dépeint à travers l'œil
d'une petite frappe le troublant Kaiser Sozë. Un récit méticuleux qui ne
manque pas de captiver le spectateur, qui suit une introduction des
protagonistes principaux très hollywoodienne.
Tandis que la narration suit son cours, "Usual Suspects" captive de plus
en plus l’intérêt du spectateur et le talent de conteur de Bryan Singer
y est pour beaucoup. Et très habilement, le réalisateur stoppe net le
flot d'informations qui vient au spectateur. Il ne livre plus qu'au
compte-goutte les informations nécessaires à la quête de compréhension
du mystère Kaiser Sozë, dont on ne voit jamais le visage.
Les hypothèses
sont tour à tour éludées, les questions fusent et le spectateur est
complètement manipulé. Mais même en suivant
avec attention le spectateur peut-il seulement y voir clair ? Singer
montre des lieux et des événements qui paraissent anodins et qui
prendront plus tard toute leur importance, mais bien malin celui qui
pourra les déceler au premier coup d'œil.
Ainsi
l'intrigue lancée, on part sur un scénario dont la narration est
non-linéaire : des flashbacks et des flashforwards se croisent et se
décroisent, basés sur les témoignages de Verbal Kint (Kevin Spacey). Le
tout est magnifiquement ficelé, intelligemment mis en place et tout se
délie au fur et à mesure. Ce système de narration est, notons-le, assez
déroutante au départ mais on s'y habitue facilement. L'Oscar du meilleur
scénario est tout à fait mérité. La véritable intrigue est de savoir
qui est ce fameux Keyser Söze et très vite, l'étau se resserre jusqu'à
arriver à une conclusion étonnante !
Ainsi, ce qui fait la force de ce film, c’est
d’abord la grande qualité de son scénario. Dès le début, on est pris par
l’histoire et notre intérêt ne faiblit jamais. La structure est
habile (des flash-backs durant un interrogatoire donc). On est scotché à ces 5
malfrats (Verbal, Keaton, McMannus, Fenster et Hockney) et à leur
aventure. Mais rapidement, l’intrigue se complexifie. Il ne faut louper
aucune image, aucune ligne de dialogue.
Chaque danger rencontré par nos cinq
anti-héros en amène un autre qui débouche lui-même sur un autre. C’est
une construction en poupées russes. On a l’impression d’avoir tout
compris dès le départ mais en fait, plus on avance, plus on est perdu et
plus l’histoire se révèle être autre chose que ce qu’elle paraissait de
prime abord.
Tout cela est renforcé par le personnage de Keyser Söze,
un génie du crime légendaire (existe-t-il vraiment ?) que personne n’a
jamais vu mais que la rumeur décrit comme un psychopathe machiavélique,
déterminé et impitoyable. Une sorte de Marque Jaune ou de Professeur
Moriarty des temps modernes, que certains assimilent au diable en
personne. Mais peut-être n’est-il qu’une rumeur ou une légende urbaine ?
Qui sait ? En tout cas, les dangers qu’il fait courir aux protagonistes
de cette histoire sont bien réels !
Constamment, tout se dérobe. On va de chausse-trape en chausse-trape. Ce
que l'on croyait vrai l'instant d'avant devient doute l'instant
d'après. On navigue entre un être diabolique, mais invisible, un flic
vivant que l'on croyait mort et une cargaison de drogue qui ne sera
qu'un mirage de plus comme dans tous les grands romans et films noirs, c'est la désillusion
qui l'emporte.
En utilisant à foison la technique éculée du flashback on aurait pu voir
le réalisateur tomber dans le piège de l'ennui et du manque de clarté.
Mais les acrobaties effectuées avec ces incessants retours au passé sont
parfaitement maitrisées et l'équilibriste Singer domine son sujet. Les
caractères fouillés des personnages ne faisant que rendre encore plus
réussie la création d'une atmosphère pesante.
Car c'est aussi une des
forces indéniable du film : le casting. Kevin Spacey à contre-emploi est insolent de facilité. Benicio Del Toro
séduit, Stephen Baldwin colle littéralement à son personnage et Gabriel
Byrne réussit à imposer un style sobre et rugueux à la fois. Même Kevin
Pollak qui n'a pas mes faveurs d'ordinaire n'arrive pas à me faire
ajouter un bémol.
Les personnages sont incroyablement bien
campés et les dialogues sont juste formidables. McQuarrie, le scénariste, s’est servi de
son vécu d’enquêteur privé et ça se sent. Tous les protagonistes
sonnent justes et sont authentiques. Il y a aussi de l’émotion, par
moments : l’histoire d’amour entre Keaton (incarné par un magnifique
Gabriel Byrne) et l’avocate Eddie Finneran. Mais quelquefois, c’est au
coin d’un dialogue que cette émotion affleure. Par exemple, quand, à San
Pedro, McMannus (Baldwin), juste avant de faire le "gros coup"
lance: "Il doit pleuvoir à New-York". New-York représentant là sa vie
passée et sa sécurité qui s’est envolée. Quant aux acteurs donc, ils sont
TOUS incroyables et livrent là des interprétations de haute volée. Petit
hommage à feu Pete Postlewhaite qui campe un inquiétant avocat,
sardonique à souhait.
Au final, outre son formidable scénario qui étonne jusqu’à la fin, le film est réalisé de main de maître par Bryan
Singer. Chaque mouvement de caméra, chaque cadrage, chaque entrée de
personnage dans le champ, traduit quelque chose et nourrit à la fois le
suspens de l’histoire et la paranoïa qui s’installe dans l’esprit du
spectateur. Même un plan en plongée anodin sur une tasse à café a un
sens caché.
C’est tout simplement miraculeux pour un deuxième film. Même
si Singer n’a rien perdu de son talent (comme le démontre l’excellent
"Walkirie"), il n’a jamais vraiment retrouvé l’état de grâce de sa
réalisation sur "Usual Suspects". Il est bien secondé par le travail du
monteur/compositeur (superbe thème principal) John Ottman et du
directeur de la photo Newton Thomas Sigel.
"Usual suspects" est le genre de film qu’il faudra voir deux fois une
première fois pour le plaisir d’être manipulé, une seconde pour le
plaisir encore plus intense de comprendre et de disséquer les mécanismes
de la manipulation. En bref, "Usual Suspects" est un chef-d’œuvre,
un polar noir bourré de chausse-trappes et de retournements de
situations inattendus jusqu’à cette fin qui reste l’une des plus
célèbres de l’histoire du cinéma !!!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire