Note : 4 / 5
En
écoutant le nouvel album de Devendra Banhart, l’auditeur a du mal
à réaliser que c’est déjà le huitième, en seulement un tout
petit peu plus de dix ans, le premier album officiel nommé "Oh
Me Oh My|Oh Me Oh My...The Way the Day Goes By the Sun Is Setting
Dogs Are Dreaming Lovesongs of the Christmas Spirit"
étant paru en 2002. Histoire de fêter dignement cet anniversaire,
le hippie d’origine texane s’est aujourd’hui fendu d’un de
ses plus jolis albums depuis longtemps, en renouant avec ce qui
faisait le charme de ses débuts. Tout en s’inscrivant aussi dans
l’air du temps, un air du temps où le folk reste bohème mais
accessible. Résultat : un disque au charme diffus et
irrésistible, manifestement réalisé par un artiste épanoui,
mature et heureux.
"Mala" marque le retour en force de
cet étrange zigoto, Texan de naissance, mais un peu Martien d’adoption.
Apôtre d’un folk à tendance freak, Banhart a
visiblement eu le cœur brisé, thème principal de ce nouvel album. Mais
il n’est pas misérabiliste. Déçu et amer, certes, mais aussi baveux,
voire comique.
"Mala" s’écoute donc dans le plaisir, sourire en coin. À
travers les quatorze titres, le chanteur à la voix oscillante offre quelques
interludes, dont la très jolie instrumentale "Ballad of Keenan Milton". La
palette sonore du disque est vaste, allant du folk tout simple au rock
lent, en passant par des airs latins (la belle "Mi Negrita"), tout ça mené
par des lignes de basses lourdes rappelant The XX.
Quatre ans que l’on attendait fébrilement le successeur de l’immense "What Will We Be" (2009) avec
l’espoir de retrouver Devandra
intact et toujours aussi inspiré après sept albums pour un peu plus de 10
ans
d’une courte mais déjà riche carrière. Car si l’on y regarde d’un
peu plus près, on se rendra vite compte que, depuis le discret "The
Charles C. Leary" en 2002, mais surtout depuis "Cripple
Crow", l’album qui le révéla au grand public (avec notamment le
titre "Feel Just Like A Child" immortalisé par Renault), Devandra Banhart reste plus que jamais l’un des rares
songwriters capable d’écrire à chaque nouvel album des chansons qui marquent l'inconscient collectif.
Sa
longue et grasse chevelure devenue courte et stylée, ses guenilles
transformées en costumes The Kooples, son regard hagard finalement
masqué par des lunettes Oliver Peoples, Banhart revient avec des chansons folk hippie
épurées (notamment en compagnie des excellents Vetiver)
devenues tour à tour hymnes rhythm & blues communicatifs ou
ritournelles bossa gorgées de soleil.
Comme
l’annonce la jolie ouverture lo-fi, "Golden
Girls", "Mala"
est un album intimiste, nettement plus que son prédécesseur "What
Will We Be",
enregistré avec une pléthore de musiciens dont le producteur Paul
Butler. Cette fois-ci, Banhart s’est isolé avec son vieil ami Noah
Georgeson pour enregistrer ces quatorze morceaux avec moult
instruments et machines vintage, parmi lesquelles un enregistreur
Tascam des années 1980, initialement destiné aux artistes hip-hop.
Album coloré et chaleureux, "Mala" régale par la qualité de ses
mélodies, mais aussi et surtout par le foisonnement musical qui se
dégage d’un ensemble dans lequel les sonorités électroniques
font leur apparition de manière assez discrète, sauf peut-être sur
le titre "Your Fine Petting Duck", dont le final carrément "House" peut
laisser un poil dubitatif. Heureusement,
c’est la seule faute de goût dans un océan de délice et de poésie,
où chaque titre se déguste avec un plaisir immense, où la voix de Devandra dégage, plus que jamais, charme et
douceur, le rapprochant encore un peu plus du, pourtant, inégalable Chet Baker.
Toutes ses inspirations sont là, bien ancrées. Que ce soit dans le Venezuela ou dans le Texas profond,
le monsieur ne se repose pas sur ses lauriers, vire les convenances et
se fait plaisir. Quitte à devenir plus accessible. Si
l’ensemble ne prend pas non plus trop de risques fous et reste dans la
veine du folk indie auquel nous a habitué Banhart, il possède un
petit quelque chose de neuf, qui interpelle l’oreille pour mieux la
conforter ensuite.
Avec des titres tels que "Daniel", "Never Seen Such Good Things", "Mi Negrita" ou "Won't You Come Home", Devandra Banhart
continue de creuser son sillon. Sans rien changer ou
presque à son style musical, à son mode de composition et à sa
manière d’aborder le songwriting, il parvient pourtant à nous surprendre
encore, à nous émerveiller avec des chansons déjà inusables
et dont on devrait retrouver très vite certaines d’entre elles dans
les meilleures playlists et même ailleurs.
Installé
à Los Angeles au moment de l'enregistrement, Devendra Banhart a remis
du soleil dans ces chansons, jouant avec les nuances et les ambiances et
nous embarque avec lui au fond d'un hamac,
le verre de piña colada pas loin !!!
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