de Richard Kadrey
Note : 4.25 / 5
Synopsis :
Spyder est un tatoueur spécialisé dans les motifs anciens, les runes et
les symboles ésotériques. Parce que sa copine vient de le larguer, il
décide d'aller noyer son chagrin au Bardo, le seul bar tibétain de San
Francisco, dont la saleté des sanitaires est proverbiale. Alors qu'il
vide tequila sur tequila en se demandant qu'elle est la pire façon de
mourir, il rencontre une aveugle fort désirable, Pie-grièche.
En sortant du bar, Spyder est agressé par un démon. Mais comme les démons n'existent pas, il décide qu'il s'agit plutôt d'un junkie de taille inhabituelle. Au moment où il va recevoir le coup de grâce, Pie-grièche intervient et décapite le monstre avec sa canne-épée.
Le lendemain, perclus de douleurs, Spyder découvre une Californie hantée par des démons aztèques, tibétains, et bien d’autres créatures fabuleuses qu'il est le seul à voir. Une personne peut lui expliquer ce qui lui arrive : Pie-grièche. Mais on ne se mêle pas impunément des affaires de la belle tueuse de démons.
En sortant du bar, Spyder est agressé par un démon. Mais comme les démons n'existent pas, il décide qu'il s'agit plutôt d'un junkie de taille inhabituelle. Au moment où il va recevoir le coup de grâce, Pie-grièche intervient et décapite le monstre avec sa canne-épée.
Le lendemain, perclus de douleurs, Spyder découvre une Californie hantée par des démons aztèques, tibétains, et bien d’autres créatures fabuleuses qu'il est le seul à voir. Une personne peut lui expliquer ce qui lui arrive : Pie-grièche. Mais on ne se mêle pas impunément des affaires de la belle tueuse de démons.
Critique :
Décidément, Denoël/Lunes d’encre a connu une étincelante année 2012. Après "Soldat des brumes" et "Armageddon Rag", l’éditeur a encore changé de
registre, avec un roman signé Richard Kadrey, un roman qui
nous fait basculer à cette occasion du côté de la fantasy urbaine. Mais pas seulement.
Richard Kadrey n'est pas un inconnu en France : il y a été publié deux fois, dans la défunte collection Présence du Futur. "Métrophage" parut en 1988, et "Kamikaze l'Amour"
en 1997. Les deux s'attirèrent plutôt de bonnes critiques. Alors,
comment cela se fait-il que l'on n'ait plus croisé ensuite l'auteur ?
Tout simplement parce que Kadrey était un auteur rare jusqu'à il y a
peu.
Sur les sept romans qu'il a publiés, cinq datent de moins de dix
ans. Et la cadence s'est accélérée depuis 2007 et la parution de "Butcher Bird" : à partir de 2009, il écrit un roman par an dans la série "Sandman Slim",
que Denoël devrait faire paraître à partir de 2013. Ajoutez à cela une
passion pour la photographie, notamment fétichiste (dont on peut voir
certains clichés en
cherchant "Kaos Beauty Klinik" sur le net, mais attention, ils ne conviennent pas à tous publics), et vous comprendrez sans
doute mieux que l'on n'a pas affaire ici à une carrière d'auteur
classique.
"Butcher bird" est le quatrième livre de Kadrey, une incursion dans l'univers impitoyable des anges et des démons qui se livrent un éternel combat. Le pitch est plus que classique : un homme a priori normal, quoiqu'un peu en marge de la société
et qui, du jour au lendemain, découvre un tout autre univers auquel
lui-même appartient sans jamais en avoir eu conscience.
Avec un tel
début on ne peut s'empêcher de penser à quantité de romans ou de films
qui font figures de références. Pour peu qu'on précise que cet univers
s'étend sur plusieurs niveaux (on parle de sphères), qu'il est peuplé de
monstres, de démons et d'anges, qu'il est écrit avec une bonne dose
d'humour et qu'il frise la satyre par moment, le choix se limite
alors à des auteurs tels que Hal Duncan, Neil Gaiman, et à des films tels que "Dogma".
D'ailleurs, à la lecture de la quatrième de couverture, ou même des premiers
chapitres, on pourrait se croire dans une aventure de fantasy urbaine
comme l’on en croise finalement souvent (malgré quelques indices nous
laissant penser le contraire !), avec un univers caché qui se dévoile à
notre héros, l’irruption de la magie dans son quotidien, des dialogues
qui n’ont rien de châtié pour insister sur le caractère fort en gueule
des personnages, sans même parler des traditionnelles références à la
pop-culture, aussi bien pour ancrer le récit dans notre monde que pour
adresser quelques clins d’œil au lecteur.
Toutefois, malgré les références classiques qui s’en dégagent, ce qui est attrayant ici,
c'est que le roman a indéniablement un côté manga avec ses combats
à l'arme blanche, les batailles et certaines scènes cocasses. Ils sont savamment orchestrés, facilement visualisables et
spectaculaires. Ça et l’humour dans les dialogues. Ainsi, pour peu que ce cocktail soit efficace, et c’est le cas, les références
de l’auteur ou ses seconds rôles atypiques suffiraient à hisser le roman
largement au-dessus de l’essentiel de la production du genre, en
particulier en lorgnant du côté des rayonnages encombrés de la Bit-Lit.
Le style de Richard Kadrey est vivifiant, direct et sans fioriture. L’atmosphère de "Butcher Bird"
est brûlante et électrique. Le rythme est soutenu avec une intrigue
solide combinée à de l’action et de l’humour, ce périple est un vrai
plaisir à lire. Bien que la trame de fond ne soit pas très innovante, la
guerre ancestrale entre le Bien et le Mal, l’auteur a su avec brio
faire prendre à la légende une tournure intéressante et rafraîchissante.
D’ailleurs, on a du mal à lâcher le roman une fois commencé, les pages
défilent toutes seules sous nos doigts. De plus, l’univers est
passionnant, bien pensé, bien défini et expliqué avec sa faune
surnaturelle riche et hétéroclite et ses différentes sphères qui
englobent des mondes variés entourés de magie noire et de mystère.
Il suffit de patienter une poignée de chapitres pour que les
choses s’emballent nettement : aussi bien au niveau de l’intrigue
proprement dite que du côté de la plume de Kadrey, qui nous dépeint tout
à coup des scènes réellement dantesques et fait preuve
d’une imagination débordante qui rivalise avec certaines idées d’un Neil
Gaiman période "Sandman" ou "Neverwhere" ou bien encore d’un John C. Wright
façon "Guerriers de l’Eternité". Le roman acquiert alors une tout autre
ampleur, une tout autre couleur, et le rythme ne faiblit plus à partir
de là, le roman se découpant qui plus est en courts chapitres qui
s’avalent les uns après les autres, sans imposer le moindre temps mort.
C’est avec un plaisir jubilatoire que l’on se laisse littéralement emporter par ces montagnes russes déjantées et roublardes, entrecoupées de répliques cinglantes mais aussi de rencontres souvent aussi dangereuses que savoureuses. En ce qui concerne les personnages justement, ils sont charismatiques, originaux, attachants et fascinants. Du reste, Richard Kadrey a effectué un excellent travail avec le Prince des Ténèbres qui est surprenant. C’est avec un réel et attachant amusement que nous avons suivi les joutes verbales entre nos protagonistes qui sont à la fois sarcastiques et intelligentes. Alors, bien sûr, on pourra trouver justement que les dialogues forcent parfois un peu le trait, que la relation entre Spyder et Pie-grièche n’est pas follement originale ou que certains fils de l’intrigue se concluent de façon quelque peu abrupte, mais, très honnêtement, ce serait bouder son plaisir et jouer les pisse-froid !
C’est avec un plaisir jubilatoire que l’on se laisse littéralement emporter par ces montagnes russes déjantées et roublardes, entrecoupées de répliques cinglantes mais aussi de rencontres souvent aussi dangereuses que savoureuses. En ce qui concerne les personnages justement, ils sont charismatiques, originaux, attachants et fascinants. Du reste, Richard Kadrey a effectué un excellent travail avec le Prince des Ténèbres qui est surprenant. C’est avec un réel et attachant amusement que nous avons suivi les joutes verbales entre nos protagonistes qui sont à la fois sarcastiques et intelligentes. Alors, bien sûr, on pourra trouver justement que les dialogues forcent parfois un peu le trait, que la relation entre Spyder et Pie-grièche n’est pas follement originale ou que certains fils de l’intrigue se concluent de façon quelque peu abrupte, mais, très honnêtement, ce serait bouder son plaisir et jouer les pisse-froid !
Après un roman cyberpunk ("Métrophage") puis un digne successeur du Ballard de "La forêt de cristal" ("Kamikaze l'Amour"),
Kadrey change donc une nouvelle fois de registre en arpentant les
terres de la fantasy urbaine. Il nous livre ici un livre
particulièrement réjouissant, un roman de démonologie mâtiné de roman
d'aventures picaresques, entre batailles aériennes et plongée
étourdissante dans les entrailles de la Terre, le tout traversé par des
personnages particulièrement déjantés.
C'est sympa, rythmé, léger mais
aussi parfois grave, et surtout c'est porté par un humour corrosif qui
s'exprime essentiellement par des dialogues percutants. Et n'oublions pas le recours permanent à des éléments de culture et de contre-culture.
Ce plaisir de la langue fleurie,
et des discussions à n'en plus finir (comme lorsque John Travolta et
Samuel Jackson préfèrent différer un règlement de comptes dans "Pulp
Fiction" afin de pouvoir finir leur café peinards), participe beaucoup à
l'attrait de ce roman.
Au final, "Butcher Bird" se révèle un livre fort plaisant, une distraction démonologique et rock. C'est
une urban-fantasy moderne à la beauté brutale et élégante où un
antihéros et une héroïne maudite se retrouveront mêlés au sort du monde.
On ira de rebondissements en révélations où se côtoient violence et
douceur, religion chrétienne et bouddhisme. Richard Kadrey est un
conteur brillant qui nous entraîne dans un road trip divertissant.
"Butcher bird"
est un livre fantastique où il est question d'anges et de
démons. Jusqu'ici, rien de nouveau. La fraîcheur des anti-héros,
l'humour présent de bout en bout et les rebondissements en font
néanmoins, à défaut d'être un très grand roman, un grand divertissement. C'est aussi une porte d'entrée idéale dans l'univers de Richard Kadrey que l'on dit complètement déjanté avec notamment "Sandman Slim" et que l'on espère rapidement lire en France !!!
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