Note : 4 / 5
Synopsis :
ACAB, ou “All Cops are Bastards”, était un slogan initialement utilisé
en Angleterre dans les années 1970 par les skinheads. Rapidement il
s’est propagé dans les rues et les stades, propices aux guérillas
urbaines.
Cobra, Nero et Mazinga sont 3 "flics bâtards" qui, à force
d’affronter le mépris quotidien, ont pris l’habitude d’être les cibles
de cette violence, reflet d’une société chaotique dictée par la haine.
Leur unique but est de rétablir l’ordre et de faire appliquer les lois,
même s’il faut utiliser la force !!!
Critique :
ACAB (pour All Cops Are
Bastards) raconte avec une franchise brutale la vie d’une unité de CRS italienne ("La celeria")
tout en essayant de montrer comment des êtres humains peuvent exercer un métier aussi sordide et ingrat. Pour un salaire de misère, ils
servent de tampon entre les citoyens et les institutions, absorbant
toute la haine et la colère d’une société sous pression.
Pour se
préserver, les CRS font preuve entre eux d’une solidarité à toute
épreuve, mais aussi à double tranchant : comme dans un gang, quiconque
manque de loyauté est exclu.
L’idéologie est également un soutien, comme
le signifie ouvertement le plus dur d’entre eux, joué par un Pierfrancesco
Favino, l’un des piliers de Romanzo criminale, tout simplement sublime. L’iconographie
mussolinienne dont il s’entoure, son discours semi-xénophobe et ses méthodes
le rapprochent de ses ennemis néonazis. La seule différence, c’est que
les flics sont du côté de la loi et qu'ils sont surtout intolérants contre les étrangers non-intégrés.
Sur ces dix dernières années, seul le cinéma britannique ("This is England", "Hooligans") décrivait la violence et l’embrigadement fasciste avec réalisme. Le film coup de poing ACAB,
pur produit d’un cinéma bis qui frôle le métrage ultra violent et la
critique sociale dissonante, vient rejoindre les rangs très resserrés de
ces films nouveau visage qui viennent perturber un quotidien
cinématographique souvent mou du genou. Ce cinéma, capable d’aller
titiller des sujets complexes, de prendre la violence à bras le corps
tout en racontant une histoire captivante avec une mise en scène des
plus attractives, se fait rare.
Stefano Sollima (fils d’un réalisateur
célébré dans les années 60 pour des fameux westerns spaghetti,
ex-reporter de guerre et réalisateur de la fameuse série italienne "Romanzo Criminale")
est le réalisateur. Un réalisateur qui n’a pas froid aux yeux, nouveau visage d’un
cinéma qui détourne ses propres codes pour se jeter dans un monde brut
d’ambiguïté et de vérités, multipliant les discours et les
illustrations. ACAB est avant tout un premier long métrage proprement géré, au sens physique du terme.
Une superbe photographie rejoint avec grâce une bande son rock (Pixies,
White Stripes, Kasabian) qui nous rappelle le style britannique.
Sollima n’hésite pas à verser dans la noirceur pour mieux nous enfoncer
dans le siège, utilise des plans de resserrés (le plan final en est
l’illustration parfaite), les allégories (l’État n’est jamais visible
ici, il est un mur).
![]() |
Pierfrancesco Favino |
Donc si ACAB possède un fond politique très marqué, il
reste avant tout un film de genre terriblement efficace. Un polar sec,
brut de décoffrage, qui nous plonge au cœur de l’action aussi
efficacement qu’un documentaire. Rien d’étonnant vu que le cinéaste a d’abord
été reporter en zone de guerre !
Tous les acteurs sont ici excellents, à commencer par Pierfrancesco Favino, gueule du cinéma italien déjà remarquée dans "Romanzo criminale" (le film et non la série)
et quelques seconds rôles hollywoodiens. Il trouve sans doute là l’un
des meilleurs rôles de sa carrière. Il n’hésite pas à se jeter dans des courants si violents que nos repères moraux s’y noient. Pour sa performance et celle de ses
camarades Filippo Nigro, Marco Giallini, Andrea Sartoretti et Domenico
Diele, pour la mise en scène haletante de Stefano Sollima, pour le fond
et pour la forme, ACAB est un véritable film matraque !
Avec ses héros à la fois attachants et dérangeants, "A.C.A.B." a
l'étoffe d'un grand film d'action et d'une réflexion intelligente sur le
fascisme ordinaire. Pour son premier long-métrage, le fils du réalisateur Stefano Sollima frappe très fort avec
ce film-matraque, un des rares, et peut-être même le seul, à prendre
pour héros des CRS (du moins leurs équivalents transalpins).
A travers
les portraits torturés de ces flics de "seconde zone" mais de première
ligne, Stefano Sollima passe l’Italie au scanner du ras-le-bol social
pour nous montrer ses démons. Le fascisme renaissant et le racisme
ordinaire apparaissent, véritables tumeurs malignes, dont quelques
métastases sont déjà visibles en France et ailleurs. Filmée avec une
virtuosité époustouflante, la hargne populiste est ici un personnage à
part entière.
Derrière cette escouade de CRS à la matraque facile, se dessine le portrait au vitriol d'une Europe en déshérence. En se gardant de tout
jugement subjectif, ACAB décrit une société italienne rongée par la
haine. La mauvaise nouvelle, c’est qu’elle ressemble en tout point au
reste de l’Europe, et c'est là toute la force du film ! Tout en les dénonçant, on sent que le cinéaste est fasciné par ses personnages. Comme nous, d’où un certain malaise !!!
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