Note : 4.5 / 5
Synopsis :
Hana et ses deux enfants, Ame et Yuki, vivent discrètement dans un coin
tranquille de la ville. Leur vie est simple et joyeuse, mais ils cachent
un secret : leur père est un homme-loup.
Quand celui-ci disparaît
brutalement, Hana décide de quitter la ville pour élever ses enfants à
l'abri des regards. Ils emménagent dans un village proche d'une forêt
luxuriante.
Critique :
Refoulé à l’entrée de Studios Gibli, le réalisateur Mamoru Hosoda à qui l’on doit "La Traversée du temps" et l’incroyable "Summer Wars"
revient avec surement l’un des plus beaux films de l'année 2012. Nul
besoin d’être fan de japanim’ pour apprécier le travail hors pair et la
poésie narrative de cet auteur qui compte aujourd’hui parmi les valeurs
sures de l’avenir cinématographique de l’animation nippone. Avec "Les enfants loups",
Hosoda nous emmène dans une fable moderne où le monde du fantastique et
de l’onirique s’invite avec tendresse dans celui de la société moderne
normée qui ne laisse que peu de place à l’anticonformisme, qui plus est
au Japon.
En quelques années, Hosoda est devenu un réalisateur incontournable dont les
films sont attendus avec impatience, au Japon comme en Europe. Pour réaliser ce nouveau
long-métrage, le réalisateur a choisi de créer son propre studio, le Studio Chizu, avec lequel il compte bien redessiner la carte du monde du cinéma d’animation, tant à travers ses productions que celles d'autres artistes.
Sous prétexte qu'il est le nouveau prodige de l'animation japonaise, Mamoru Hosoda
a été comparé à Miyazaki. A tort. Sa volonté d'indépendance, sa capacité à séduire le public au-delà
des seuls amateurs d'"anime" sont les seuls traits communs qu'il partage avec le vieux maître. Ce n'est qu'avec cette œuvre de
maturité qu'apparaît une certaine filiation : pour lui aussi, la nature
est à la fois une source d'équilibre pour l'homme et un rappel de sa
sauvagerie originelle.
Le film commence tout de même en ville : une
jeune femme, Yuki, raconte, en voix off, comment sa mère, Hana,
rencontra son père au lycée et en tomba amoureuse instantanément. "Détail" qui change bien des choses : le jeune homme est le dernier
représentant de la race des hommes loups. Ce prologue est l'histoire
d'amour la plus intense qu'il m'ait été donné de voir depuis longtemps. La plus
bouleversante aussi, quand Hana se retrouve veuve du jour au lendemain.
Comment élever seule deux enfants loups quand on est une simple humaine ?
Direction la campagne, luxuriante, et une grande maison isolée loin des
regards, où les deux enfants peuvent, tour à tour, être enfants ou
louveteaux. Commence, alors, le récit, travail magnifique sur la
couleur, des dix années qui vont mener Yuki la turbulente et son petit
frère, Ame le craintif, de la petite enfance à l'adolescence.
L'idée des "Enfants Loups, Ame et Yuki"
est venue au réalisateur en observant les couples autour de lui devenir
parents et les changements que cela entraine. Marqué par la façon dont
les femmes devenues mamans rayonnent, il a voulu en faire un film dont
le cœur serait ce passage de jeune femme à mère, mais sans jamais
négliger les deux enfants. Résultat, tant les enfants que leur mère Hana
sont des personnages principaux, indépendants mais surtout attachants,
avec chacun une personnalité qui leur propre.
Mamoru
Hosoda est un grand conteur, maître des ellipses et du temps, qu'il
dilate ou compresse à sa guise. Il rythme de splendides scènes
élégiaques par de petits indices saisonniers, souvent rieurs. Chacun retrouvera une sensation, sucrée ou amère, de son
enfance dans cette chronique familiale d'une infinie délicatesse. Depuis
Ozu jusqu'à Miyazaki, la famille et l'éducation inspirent le cinéma
japonais, qui a toujours fait des mères de grandes héroïnes. Hana en
fait dorénavant partie, avec son prénom si juste ("Fleur" en
japonais), son dévouement, et son sourire incomparable.
La mise en scène laisse très vite apparaître l’intelligence de Hosoda.
Ce dernier ne cherche pas à reproduire les scènes clés d’une romance de
collégienne pour cette histoire qui commence à s’y méprendre comme un Shojo.
Le réalisateur nous fait traverser littéralement le temps avec une
séquence vierge de tout dialogue, rythmée de la seule merveilleuse bande
originale et qui multiplie les petits gestes du quotidien du couple
jusqu’à la naissance de Yuki, leur première née. Leur second, un petit
garçon nommé Ame, ne tarde pas à arriver. Les deux enfants héritent des
gènes doubles de leur père et peuvent passer d’humain à loup à volonté.
"Les Enfants Loups" ne s’appesantit pas sur l’argument fantastique
qui lui sert de base. Il le tient pour acquis et nous le fait accepter
comme tel, tout comme il nous fait accepter avec une étonnante facilité
l’idée de l’accouplement entre une femme et un loup au cours d’une scène
insolite dont on ne retient pourtant que la délicatesse.
Le fantastique
est omniprésent, les enfants profitant constamment de leur capacité à
se métamorphoser instantanément en loups au gré de leur humeur, mais il
est traité comme un secret de famille, une différence avec laquelle il
faut composer pour ne pas attirer l’attention. Mamoru Hosoda opte pour
une approche réaliste, une observation naturaliste du comportement de
ses personnages. Mamoru Hosoda est, contrairement à ce que pourraient faire croire les thèmes de ses films ("le voyage
dans le temps", "la guerre entre monde réel et le monde virtuel", "les
humains qui se transforment en loups"), un cinéaste très réaliste. Il
puise son inspiration dans son propre quotidien.
De son histoire de loups-garous, il tire une fable
universelle qui parle d’amour, de perte, d’apprentissage, de découverte
de soi et de l'autre, d’identité et d’éducation. A travers le personnage
d’Hana, il dresse aussi le portrait magnifique d’une mère autant
soucieuse de protéger sa progéniture que d’offrir à ses enfants la
chance d’exprimer pleinement leur nature profonde et, le moment venu, de
choisir la vie qui leur convient le mieux.
Animation traditionnelle en 2D, spécialité du Japon, et animation
numérique sont réunies ici pour un résultat visuel très agréable et
parfaitement maitrisé, que l'on peut qualifier sans hésiter de très beau.
Les personnages ainsi que les décors ont été dessinés un à un à la main
et c’est Takaaki Yamashita, maître de l’image pour Mamoru Hosoda depuis
son passage chez Toei, qui a dirigé l’animation du film. Hiroshi Ohno,
directeur artistique expérimenté qui a occupé ce poste pour de nombreux
longs-métrages d’animation dont "Kiki, la petite sorcière"
participe également à ce projet. Enfin, c’est l’un des animateurs les
plus talentueux du Japon, Toshiyuki Inoue, qui a dirigé l’animation clé.
Au final, le projet est ambitieux et parfait dans sa forme, qui mêle intimement animation traditionnelle et images de synthèse. Le film impressionne constamment par sa beauté, sa richesse visuelle,
son sens du détail et la finesse de son scénario qui lui permet de
balayer, sans l’ombre d’une précipitation, treize ans en deux heures,
grâce à une maîtrise de l’ellipse qui laisse pantois.
Raconté par Yuki, "Les Enfants Loups"
a le tendre parfum de l’enfance, de ses blessures inguérissables et de
ses joies incomparables. Drôle à en pleurer, émouvant aux larmes, il est
de ces œuvres qui vous chamboulent, vous suivent et rendent le monde
meilleur. Incontournable.
A la fois conte de fées moderne, allégorie sur l’éducation et hommage aux mères, "Les enfants loups, Ame et Yuki"
s’adresse à tous, parents et enfants, du Japon ou d’ailleurs. Dernier
film d'animation de l'été 2012, il est sans conteste l'un des meilleurs, pour ne pas dire le meilleur,
et il serait vraiment dommage de passer à côté. A voir donc, sans
hésitation !!!
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