Note : 4.25 / 5
Synopsis :
Franck Underwood, membre du Congrès démocrate et whip
du gouvernement à la Chambre des représentants, a aidé Garrett Walker à devenir
Président des États-Unis en échange de la promesse de devenir Secrétaire
d’État. Mais, avant l’investiture de Walker, la chef de cabinet Linda Vasquez
lui annonce que le Président n’a pas l’intention d’honorer sa promesse.
Furieux, Underwood et sa femme Claire (qui comptait sur la nomination de son
mari pour développer son groupe d’activistes environnementaux dans d’autres
pays) font un pacte pour détruire ceux qui l’ont trahi. Frank se met donc à la
recherche de pions pour mener sa croisade, et il trouve pour cela le député Peter Russo et la jeune journaliste Zoe Barnes.
Critique :
Réalisée par David
Fincher avec Kevin Spacey dans le premier rôle, "House of Cards" est un
polar politique glacé et glaçant qui vous rendra vite accro. Mais c'est
surtout la première série diffusée exclusivement sur Netlix, le roi
américain du streaming américain.
Quand on se penche
sur l’œuvre de David Fincher, on ne peut qu'admirer le caractère
éclectique de sa filmographie qui va de la science-fiction ("Alien 3") au polar ("Seven" et "Millenium, les hommes qui n'aimaient pas les femmes"), en passant par le fait divers historique ("Zodiac"), le fantastique ("L'étrange histoire de Benjamin Button"), l'actualité ("The social network"), le thriller ("Panic Room") et la tragédie individuelle ("Fight Club"). Il ne manquait que la politique à cette palette largement étendue.
Cela est désormais chose faite avec "House of Cards" ! La série est une adaptation américaine d'une série britannique proposée par la BBC
juste après la fin du règne du Premier ministre Margaret Thatcher et
inspirée d'un roman de l'ancien secrétaire général du parti
conservateur.
"House of Cards" est un polar politique vertigineux qui nous plonge
dans les coulisses du pouvoir made in USA à travers le parcours de
Frank Underwood (Kevin Spacey), politicien chevronné et ambitieux. Après Martin Scorsese, Gus Van Sant ou encore Michael Mann, c'est au
tour de David Fincher de produire et réaliser sa propre série. Allant même jusqu'à signer
les deux premiers épisodes.
A mi-chemin entre le cinéma et la
télévision, "House of Cards" est une fiction captivante même si
elle ne cherche pas à séduire à tout prix. Pas de suspense insoutenable,
ni de scène tape à l’œil, la fiction, qui prend le temps de poser son
intrigue, brille par la qualité de son écriture et le charme de ses
interprètes. A commencer par Kevin Spacey, cabotin à souhait, Robin
Wright, qui n'a jamais été aussi glaciale, et la jeune Kate Mara,
aperçue dans "American Horror Story", qui campe une jeune journaliste aux dents longues.
Mention spéciale, d'ailleurs, à Kevin Spacey. Froid, oppressant, toujours bien coiffé, il incarne avec réussite
toute la puissance doucement féroce et manipulatrice de son personnage.
Calme, assuré, impassible, il est l’incarnation même du diable
tranquille qui voit chaque rouage méthodique de son plan se réaliser.
Cette renversante et dérangeante quiétude n’a d’égale que la force
malhonnêtement jubilatoire de son plan. Il arrive à nous entrainer dans
cette inconfortable situation où on le suivrait jusqu’au plus profond du
mal pour assurer simplement, et surement, sa vengeance. Et cette
assurance glaçante de celui qui maitrise et joue avec les gens qui
l’entourent, il n’hésite pas à nous la faire partager face caméra.
La deuxième grande qualité du show est justement cette spontanéité avec laquelle Kevin Spacey
s’adresse aux spectateurs. Surprenante, amusante, décalée et surtout
terrifiante ! Méthode infaillible qui ne peut alors que nous faire
apprécier davantage Frank Underwood, c’est aussi un outil exceptionnel,
très utile pour toujours mieux comprendre l’histoire et surtout l’esprit
retors, sournois et machiavélique de cette bête politique.
Fincher est doué d'un talent peu commun. Toutefois, ce à
quoi David Fincher excelle particulièrement est à se glisser dans la
tête de ses personnages, à embrasser, comprendre et surtout restituer
une psychologie, un tempérament. Ce qu'il réussit à montrer, c'est le calcul, comment le cerveau
fonctionne, comment l'individu s'adapte aux situations que se dressent
face à lui. Il y a chez les personnages de Fincher une conversation
permanente entre eux et eux-mêmes, avec pour témoin, nous tous,
l'ensemble des spectateurs.
Avec "House of Cards", Fincher réussit quelque chose d'unique. Il réussit un objet qui ne ressemble à aucun autre. Par sa réalisation, son format, son rythme, son scénario et sa diffusion, la série
ne ressemble pas du tout à une série classique. Ni même à un
feuilleton. Car "House of Cards" est aussi un coup d'essai et de com' de Netflix, service en ligne de films et de séries à la demande. Les treize épisodes, qui composent la série, sont disponibles d'un coup sur Netflix, en même temps. Comme un DVD, comme un film. Comme un livre. Les frontières se brouillent.
Netflix, le roi américain du streaming, propose à ses abonnés des
films et des séries pour 6 euros par mois. Ainsi, les treize
épisodes sont disponibles dans leur
intégralité, laissant au téléspectateur le choix de les consommer à sa
guise. Une révolution dans l'univers des séries jusque-là produites par
les grands network américains. Et contrairement aux chaînes qui
n'hésitent pas à annuler les shows après une saison quand ils ne
marchent pas, Netflix a commandé directement deux saisons de treize
épisodes.
Un vrai pari, mais surtout un gros coup de pub pour la société
qui pourrait bien redistribuer les cartes de la production de fictions
aux États-Unis. Quant au public français qui n'a pas accès à Netflix, il
devra patienter encore un peu avant de découvrir la série qui a été
achetée par Canal+.
Fincher n'est derrière la caméra que pour les deux premiers épisodes, cependant n'ayez crainte, les autres épisodes suivent scrupuleusement le cahier des charges du réalisateur. Et donc, cadrages à la précision meurtrière, travelling en tous sens,
finesse et élégance de chaque plan, appropriation de l’espace,
environnements saisis en un tiers de seconde et bien entendu petite
touche bleutée sur la photo sont au rendez-vous et participent à
l’enrobage déjà délicieusement attirant.
"House of Cards" est filmée avec une grande finesse, sans précipitation. Au point que c'est moins une série de treize épisodes qu'un film de treize
heures qui nous propose une plongée unique dans les coulisses du
pouvoir. Avec tous ses monuments, ses bâtiments officiels, ses
mémoriaux, ses lieux célébrant les présidents du passé, Washington ou
Lincoln, avec ces constructions qui revendiquent de toute leur hauteur
que les États-Unis sont la plus grande démocratie du monde, Washington
n'est au fond qu'un théâtre, l'endroit où on est pris dans l'illusion.
David Fincher |
"House of Cards" est un entre-deux. Un entre le cinéma et la
télévision, réalisé par des hommes de cinéma pour le petit écran. Des
entre-deux narratifs, aussi, à la fois pièces de théâtre, romans, récits
en images, où les apartés et la rupture du fameux "quatrième mur" est
essentielle. Pour le dire autrement, on te parle, téléspectateur. C'est Francis Underwood, personnage
emblématique de l'entre-deux, à la fois narrateur et objet de la
narration, ici et ailleurs, caricature et portrait complexe, à l'écran
et dans ton salon.
Au final, "House of Cards" nous redonne un certain sens de la réalité. D'une manière
crue, directe, presque vulgaire. Mais la politique n'est pas un jeu
d'élégance même si elle est pratiquée par des hommes en costume portant
cravate et épinglette au revers. La série de Fincher a cette immense
vertu de nous montrer l'envers du décor afin de mieux remettre le monde à
l'endroit.
Une série féroce, manipulatrice, passionnante, enthousiasmante,
détestable, sournoise, jouissive, excitante, meurtrière, diabolique,
exaltante et magnifique !!!
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