d'Ingrid Astier
Note : 4 / 5
Synopsis :
"La nature a horreur du vide. Dans le banditisme peut-être plus qu'ailleurs". Diego est braqueur, né à Barcelone. Il vit à Aubervilliers, dans une
hacienda délabrée, avec son frère Archibaldo et des souvenirs. Leur sœur, Adriana, a fait d'autres choix. Artiste au cirque Moreno, elle
rêve d'accrocher son trapèze à la tour Eiffel.
Paris, bassin de la Villette. Lors d'un braquage, le gérant d'un bar s'effondre, terrassé par un coup de batte de base-ball. La brigade criminelle du 36 et le 2e DPJ sont co-saisis. Les commandants Desprez et Duchesne, aidés de la Fluviale, tirent le fil qui les fera remonter à Diego.
La traque est lancée, du quai des Orfèvres au canal Saint-Denis, des marges du Grand Paris aux cerveaux des indics, du port de l'Arsenal aux replis secrets d'Aubervilliers. Entre flingages et virées nocturnes, Diego garde toujours un temps d'avance. Comment piéger celui que rien n'arrête ?
Au fil de l'enquête, les histoires se tissent. Celle d'un homme dont le salut passe par les armes. Celle d'une jeune femme en lutte contre son hérédité. Diego prêt à tout pour protéger sa sœur. Adriana prête à tout pour protéger son frère. Quand les sentiments viennent bouleverser les liens de sang.
Paris, bassin de la Villette. Lors d'un braquage, le gérant d'un bar s'effondre, terrassé par un coup de batte de base-ball. La brigade criminelle du 36 et le 2e DPJ sont co-saisis. Les commandants Desprez et Duchesne, aidés de la Fluviale, tirent le fil qui les fera remonter à Diego.
La traque est lancée, du quai des Orfèvres au canal Saint-Denis, des marges du Grand Paris aux cerveaux des indics, du port de l'Arsenal aux replis secrets d'Aubervilliers. Entre flingages et virées nocturnes, Diego garde toujours un temps d'avance. Comment piéger celui que rien n'arrête ?
Au fil de l'enquête, les histoires se tissent. Celle d'un homme dont le salut passe par les armes. Celle d'une jeune femme en lutte contre son hérédité. Diego prêt à tout pour protéger sa sœur. Adriana prête à tout pour protéger son frère. Quand les sentiments viennent bouleverser les liens de sang.
Critique :
Chez Ingrid Astier, le caractère obsessionnel du geste de l'écrivain
évoque le travail d'un peintre. Qu'elle décrive un commissariat de
banlieue ou la piste aux étoiles d'un cirque, aucun détail ne manque au
tableau. Quand elle trace les mots Paris, Saint-Denis ou Aubervilliers
sur le papier, elle veut que la littérature cesse d'être cosa mentale et
que le lecteur sente, entende et voie.
"Angle Mort" est un roman noir superbe, dont on souhaite qu’il ne séduise pas seulement
pour ses qualités techniques. Certes, on ne peut que rester agréablement pétrifié
devant la qualité de sa documentation : armes, méthodes de casse,
procédure policière, on jurerait qu’Ingrid Astier a passé une partie de
sa vie dans le milieu très fermé des braqueurs de banlieue avant de se
reconvertir chez ceux qui les traquent.
Cependant, si ce
professionnalisme concourt au parfum d’authenticité du récit, les
véritables mérites du roman sont ailleurs. Avec maestria, sans
embellissement épique ni dénigrement racoleur, Astier a choisi de
présenter trois semaines d’affrontement à Aubervilliers entre un jeune
hors-la-loi rageur et suicidaire et des policiers coriaces.
Il y a des livres dont les premiers mots nous sautent aux yeux comme des fléchettes sur une cible. C’est le cas "d’Angle mort" : "Les armes, c’est comme les femmes, on les aime
quand on les touche". Voilà un style qui fait mouche même si l’on dit
que les revolvers et les fusils sont des symboles phalliques. Ici
l’auteur est une femme et elle voit midi à sa porte. Dans ce polar nous
ne sommes ni à Chicago ni à Tokyo et encore moins à Singapour.
L’intrigue se déroule à Aubervilliers donc.
Magistralement mise en scène, la cité a vu, avec la
disparition de ses usines et d’une classe ouvrière organisée, les
solidarités se dissoudre dans les égoïsmes individuels et la volonté de
s’en tirer contre plutôt qu’avec. Loin des clichés et du mépris courant
pour l’humanité ondoyante et diverse qui s’y mélange, de la peinture au
vitriol d’une ville forcément sinistre et sinistrée, l’auteur témoigne
une véritable compréhension à ses habitants, jusqu’aux moins
recommandables. La ville est d’ailleurs une des héroïnes du récit. Comme
la Seine, lorsqu’à bord d’une embarcation de la brigade fluviale, on
découvre un monde insoupçonné avec la même frayeur émerveillée que les
lecteurs du XIXe siècle l’océan à travers les hublots du Nautilus.
Dans cet univers reconstitué avec un soin maniaque, ses personnages
évoluent avec un naturel confondant, restituant les grandeurs et misères
de l'humanité contemporaine de part et d'autre du périphérique nord
parisien dans les premières années du XXIe siècle. Il y a Diego, le
braqueur catalan, qui travaille avec son petit frère Archibaldo et
veille sur la fragile Adriana, sa sœur trapéziste au cirque Moreno. Mais aussi les
commandants Desprez et Duchesne, de la brigade criminelle, que l'on
retrouve trois ans après "Quai des enfers", premier roman d'Ingrid Astier. Comme dans ce premier
roman noir, ces policiers à la faconde audiardesque peuvent compter sur
le soutien de leurs collègues de la brigade fluviale, et notamment sur
celui de Remi Jullian, un plongeur habitué à éclairer les mystères de
Paris en inspectant ce qui se passe sous le fil de l'eau.
Astier sait créer de véritables personnages, fouillés, fascinants, attachants. Elle est très douée pour maintenir l’attention des lecteurs, une
politesse qui n’est pas donnée à tout le monde. Elle campe bien ses
personnages qu’elle fait évoluer dans une trame à rebondissements.
Le rythme et la construction du livre, alternant (simple, mais si
efficace) regards des tenants de la loi, et ceux des voyous, sont minutés par
un en-tête de chaque chapitre ("lundi 27 juin 2011 – 10h50 – Paris
XIXè – croisement du quai de Seine et de la rue Riquet – bar-PMU le
Bellerive"). Tout, mené à train d’enfer, vous faisant avaler les 500
pages, sans presque reprendre le souffle (une poursuite dans le canal
Saint-Martin est digne d’un très grand film américain).
Toutefois, les amateurs de sensations fortes mais invraisemblables seront certainement déçus, "Angle Mort" prend
autant le temps que son prédécesseur pour planter un décor et une
atmosphère qui sont, il faut le rappeler, très différents. Les très
nombreux détails ne nous sont pas livrés pour alourdir le texte, mais
pour coller à une réalité, y être fidèle et accréditer le roman par son
aspect documentaire.
Cette densité n'empêche en rien les accélérations
soudaines d'une action qui privilégie la vraisemblance aux frissons
faciles. L'ambiance qui rappelait Simenon ou Vargas qui a
attiré beaucoup de détracteurs pour "Quai des Enfers" laisse
place à une brutalité banlieusarde dont l'auteure a su gommer la plupart
des clichés au bénéfice de réalités ignorées par d'autres polars dit
"sociaux".
Au final, "Angle Mort" est un produit littéraire des plus réussis. Ingrid Astier a trente-sept ans, elle est française. Son roman,
magistral, évoque pourtant les chefs-d’œuvre du cinéma américain noir
des années quarante. "Angle mort" frappe par la netteté de son style, la précision
souveraine de son déroulement, la puissance de ses sombres images et la
hauteur de son ambition !!!
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