Note : 4.25 / 5
Synopsis :
Monplaisir est un vaste complexe de loisirs, le dernier
endroit de la galaxie où il est encore possible d’assouvir tous ses
fantasmes et d’oublier ses frustrations, durant deux semaines par an. Mais
une telle débauche ne va pas sans certains excès.
Les forces de l’ordre
veillent donc à ce que le séjour de chaque client soit un véritable
enchantement. Ainsi en décembre 2058, Zach, un jeune fermier plutôt musclé, intègre-t-il
l’académie de police de Monplaisir, afin de devenir un Urban
Interceptor. A.L.I.C.E, le système de gestion de l’information,
supervise certes l’ensemble du complexe et veille sur la sécurité
courante des 18 millions de visiteurs quotidiens. Mais l’IA ne gère pas
les investigations criminelles qui demeurent encore la prérogative
des humains.
Toutefois, elle assure la promotion des enquêtes, dont la
retransmission en direct, auxquelles nul ne peut se soustraire, constitue un spectacle particulièrement prisé par les visiteurs de
Monplaisir. D’importants paris sont même organisés sur leurs
circonstances. Mais, cette fois ci, Zach ne sera pas Urban Interceptor :
c’est dans les bras d’Ishrat, une ex-femme Pub devenue liftière, qu’il
regardera celui qui l’a supplanté se faire tuer par un certain
Antiochius Ebrahimi. Ce que Zach ignore, c’est que derrière cette façade
de plaisir, de futilité et de jeu, Monplaisir cache une réalité plus
sordide, dont le meurtre d’un policier venu de Ganymède constitue le
dernier élément en date.
Critique :
Luc Brunschwig a connu en 2011 une année particulièrement faste puisqu’après les deux suites du "Pouvoir des Innocents", voici qu’il reprend un album déjà édité en 1999. Publié alors chez les Humanoïdes Associés, sous le titre "Urban Game",
l’album était dessiné par Jean-Christophe Raufflet. Désormais chez
Futuropolis, Brunschwig refonde, a priori, l’album en profondeur et
s’associe pour la circonstance à Roberto Ricci.
Brunschwig nous entraine dans un futur assez proche pour une histoire dans le genre thriller/SF. Avec ce premier tome, "Les règles du jeu", il nous présente
l'univers de Monplaisir, le personnage de Zach et met en place
l'intrigue principale. Après la découverte de la cité, de certains de
ses codes et de ce qui attends Zach, Brunschwig place peu à peu son
intrigue policière avec la découverte de quelques femmes assassinées et
de la première mission d'Isham, celui qui a battu Zach dans le combat
pour définir le meilleur policier de la cité.
Toutefois au-delà de l’histoire de Zach dans les
méandres de Monplaisir, Brunschwig aborde, l’air de rien, une multitude
de sujets sociétaux. Ce qui est intéressant dans ce "nouvel" album, ce
n’est pas tant les thématiques traitées, qui l’ont déjà toutes été
maintes fois aussi bien au cinéma, en littérature ou en BD, mais la
manière dont elles sont agencées pour constituer une histoire.
Sur la
base de ce premier album, celle-ci semble cohérente, avec cependant
quelques interrogations ! L’abrutissement des masses au travail ou
durant leurs temps de loisir, la solitude au sein de la foule, la misère
au milieu de l’opulence, le voyeurisme de la téléréalité, la
"Big-Brotherisation" de la société, etc., tout y passe ! Et c’est ce qui fait l’attrait de cet album et en rend la
lecture enrichissante.
Un véritable scénario d’anticipation implacable qui jette magnifiquement les
règles du jeu. Au terme de ce premier tome, plusieurs personnages se
démarquent, dotés d’un certain charisme et de personnalités bien
développées. Un personnage atypique vient compléter le tableau cependant, Monplaisir.
L’entité urbaine joue de son ambiguïté tantôt chaleureuse tantôt
destructrice. Son apparence ludique cache un vivier de réseaux
parallèles : petites frappes, tueurs professionnels, mafia… des acteurs
incontournables à Monplaisir.
Ses attractions s’adressent à tous les
milieux sociaux mais la majorité des touristes est issue des classes
défavorisées. L’immersion de l’individu
est totale, Monplaisir le dévore corps et âme grâce à la présence
d’A.L.I.C.E. et de Springy Fool. D’ailleurs, ce dernier est le seul
personnage commun à "Urban Games" et "Urban". Cette "créature médiatique" est à la fois organe du pouvoir et élément
principal de la propagande politique. Son image omniprésente dans le
paysage urbain étouffe tout libre-arbitre ou toute liberté de pensée des
individus.
Brunschwig nous offre donc un univers riche et terriblement cohérent, une histoire
passionnante, un personnage attachant pour une superbe introduction qui
nous promet tant de choses à venir ! Le meilleur des scenarii ne serait cependant rien sans un dessinateur qui sait en exploiter les qualités.
Sur "Urban", Roberto Ricci sait donner
toute la mesure de son talent. Le trait est serein, sûr, et l’univers
graphique mis en page offre une réelle épaisseur. Tout juste est-il
possible de regretter le manque de lisibilité des séquences de
téléréalité, mais ce n’est qu’un détail qui
devrait-être vite réglé.
Roberto Ricci ("Les âmes d'Helios") signe ici, pour le
moment, l'un de ses plus beaux travaux en tant que dessinateur et
coloriste. Il suffit juste de regarder l'une de ses planches
ou une case pour s'en rendre compte. Il a su instaurer une belle
atmosphère dans cette aventure et donner une belle architecture, ainsi que de
beaux designs pour les véhicules dans cette histoire. Oui, il semble indéniable que le récit de Brunschwig l'a vraiment inspiré. L'artiste rend
aussi hommage à quelques héros de cinéma, de bandes dessinées ou de
dessins animés dans les premières pages du livre. Saurez-vous
reconnaitre Bender, Pinhead, Batman, Dark vador et Leia, Wonder Woman,
Robocop entre autres dans ces cases ?
Servi par les illustrations de Ricci, l’univers "d’Urban"
campe les décors d’une société futuriste ludique et cynique.
L’architecture urbaine créée est un régal, les décors des scènes en
extérieur fourmillent de détails. Des ocres-rouilles cohabitent avec des
gris-verts. Le dessinateur a su matérialiser une ambiance atypique,
progressivement l’apparente bonhomie de la cité s’efface pour une
noirceur plus marquée. Il y a
ici une alchimie très appréciable entre le scénario et le graphisme !
Au final, Brunschwig et R. Ricci nous offrent un monde terriblement cohérent
et d’une grande richesse. Le scénariste crée une histoire plausible,
touchante même du fait de ce héros un peu naïf, dans un univers où il
s’inspire du notre, y ajoutant un passé, des mythes et même un super-héros emblématique.
L’illustrateur, lui, rend les architectures réalistes et la foule
vivante en s’attachant à chaque personnage, à chaque détail. Les deux
s’associent donc à la perfection pour nous plonger littéralement dans
cet univers.
Et c’est bien la force de ce premier volume, qui ne
sert pour l’instant que d’introduction, terriblement immersive pourtant.
L’histoire est suffisamment dense et intéressante pour nous tenir en haleine
jusqu’au bout. Mais tout comme ce monde riche, ce sont surtout les
différents détails, les nombreuses pistes qu’il reste à développer, le
mystère sans cesse entretenu qui font de ce volume une grande réussite.
Le
graphisme, en parfaite adéquation avec l’histoire, est tout simplement
somptueux, avec une mention spéciale à l’usage des différents jeux de
lumière. Avec tous ses détails, toutes ses qualités, son
ambiance exceptionnelle, son originalité et son effroyable crédibilité,
ce premier tome constitue une formidable introduction pour une série
déjà très prometteuse !!!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire