Note : 4.25 / 5
Synopsis :
Sud de l’Espagne, dans les années 20. Carmen est une belle jeune fille
dont l’enfance a été hantée par une belle-mère acariâtre. Fuyant un
passé dont elle n’a plus mémoire, Carmen va faire une rencontre insolite
: une troupe ambulante de nains toreros qui va l’adopter et lui donner
le surnom de "Blancanieves".
C’est le début d’une aventure qui va
conduire Carmen/Blancanieves vers elle-même, vers son passé, et surtout
vers un destin à nul autre semblable.
Critique :
Rendons-nous à l'évidence, les cinéastes du XXIe siècle
remontent le temps du cinéma, laissant derrière eux le moment où la
parole lui est venue. Après le Canadien Guy Maddin (pionnier en la
matière), le Français Hazanavicius, le Portugais Miguel Gomès, voici le
carnet de voyage de l'Espagnol Pablo Berger dans les premiers temps du cinéma.
Le muet sera-t-il le nouveau gimmick à la mode après la renaissance du relief ? En tout cas, peu de temps après le triomphe public de "The Artist", puis la consécration critique de "Tabou", "Blancanieves"
est une nouvelle preuve que le cinéma est travaillé par ses origines, le muet en noir et blanc !
"Blancanieves" (film espagnol, noir et blanc, muet)
raconte une histoire familière, celle de la petite princesse tombée
entre les griffes d'une marâtre sadique, sauvée par des nains. Mais le
conte, né en Allemagne, prend racine cette fois sous le soleil
d'Andalousie, aux derniers temps de la monarchie espagnole, aux premiers
temps de l'électricité et du moteur à explosion.
Des trois versions de
Blanche-Neige tournées l’année dernière, celle-ci est de loin la plus
inventive, la plus audacieuse et la plus exaltante. La plus risquée
aussi puisqu’il s’agit d’un film muet en noir et blanc.
On ne peut s'empêcher de faire la comparaison avec "The Artist", qui paraît du coup un peu scolaire, avec son parti pris de faire du muet simplement pour rendre hommage au muet. Contrairement au film d'Hazanavicius, qui
revisitait cette forme d’expression oubliée avec respect et application,
le film de Pablo Berger la revitalise avec un dynamisme extraordinaire, tant par le récit, qui nous mène de
surprises en ébahissements, que par la forme, extrêmement forte et
maîtrisée. Bien que située au début du XXe siècle, cette transposition du conte des frères Grimm a des connotations très modernes.
Cette greffe monstrueuse prend avec une vigueur inattendue.
En noir et blanc, sans dialogues (et les intertitres sont réduits au
minimum), "Blancanieves" est un exercice de style brillant, qui incite à accorder au réalisateur Pablo Berger (auteur, jusqu'ici, d'une aimable comédie, "Torremolinos 73")
une estime inattendue. D'autant que l'exercice de style laisse peu à
peu la place à un authentique mélodrame, paroxystique, servi par des acteurs spectaculaires.
"Torremolinos 73", était une farce sur le porno amateur des seventies. "Blancanieves", plus ambitieux, moins trash, plus méticuleux, transpose donc le conte Blanche-Neige dans l’univers de la tauromachie, c’est-à-dire une légende germanique dans l’Espagne traditionnelle. Non seulement Blanche-Neige y trouve ses sept nains, mais ici ils forment une troupe de toreros.
"Torremolinos 73", était une farce sur le porno amateur des seventies. "Blancanieves", plus ambitieux, moins trash, plus méticuleux, transpose donc le conte Blanche-Neige dans l’univers de la tauromachie, c’est-à-dire une légende germanique dans l’Espagne traditionnelle. Non seulement Blanche-Neige y trouve ses sept nains, mais ici ils forment une troupe de toreros.
Contrairement à Miguel Gomes, Berger ne joue pas sur les décalages temporels
et les niveaux de lecture, mais se contente d’un fac-similé à
l’ancienne, certes pulsé par les palmas (claquements de main) du
flamenco revisité avec grâce par le compositeur Alfonso Vilallonga.
Le réalisateur singularise ce fac-similé en empruntant maintes situations à
Tod Browning et en les poussant jusqu’au lyrisme, sans toutefois aller
au bout de la morbidité primitive du réalisateur de "Freaks". Le
film déploie une plaisante panoplie cruelle avec le personnage gothique
de la marâtre, infiniment plus stylé que dans les affreuses adaptations
américaines de "Blanche-Neige".
Le cinéaste connaît ses classiques et les outils du muet. Quand la
foule se dirige vers l'arène où le grand Antonio Villalta, futur papa de
Blanche-Neige, va toréer, on se croirait dans une fresque de D.W
Griffith : plans carrés, très larges, puis gros plans, très
expressionnistes, sur les visages.
Pablo Berger réinvente "Blanche-Neige". Le conte devient un drame
de la jalousie, où les corps sont difformes et les femmes, de sublimes
objets de désir plus ou moins pervers. Ainsi le père est dans une chaise roulante
après l'assaut d'un taureau, la belle-mère sadique, quant à elle, chevauche son
chauffeur, cravache à la main. Et le Chauffeur qui échouera à assassiner la
jeune fille, non par pitié comme le chasseur du conte, mais à cause de
sa libido.
Au final, le cinéaste espagnol a manifestement assimilé les enseignements des grands maîtres du muet (Lang, Murnau), tout en empruntant des éléments à Buñuel et à Browning lors de ses incursions dans le monde du spectacle, peuplé de ses inévitables freaks. Beau et cruel jusqu’à la dernière larme, ce conte de fées sorti de nulle part est l’une des meilleures surprises de cette année. Un conte ancien, un film muet en noir et blanc, et pourtant un film moderne, bouleversant et magnifique. Toute la beauté du septième art !!!
Au final, le cinéaste espagnol a manifestement assimilé les enseignements des grands maîtres du muet (Lang, Murnau), tout en empruntant des éléments à Buñuel et à Browning lors de ses incursions dans le monde du spectacle, peuplé de ses inévitables freaks. Beau et cruel jusqu’à la dernière larme, ce conte de fées sorti de nulle part est l’une des meilleures surprises de cette année. Un conte ancien, un film muet en noir et blanc, et pourtant un film moderne, bouleversant et magnifique. Toute la beauté du septième art !!!
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