Note : 2.5 / 5
Synopsis :
Dans les années 70, un jeune étudiant du nom de Steve Jobs
rêve de changer le monde. C’est avec son ami Steve Wozniak qu’il va se
lancer dans l’informatique en travaillant pour Atari, mais va très vite
se rendre compte qu’il veut être son propre patron. Les deux compères
travaillent donc sur leur premier ordinateur, l’Apple, qui va rapidement
leur permettre de recevoir un financement conséquent et de lancer leur
propre entreprise.
Critique :
Que l'on aime l'homme ou pas, personne ne pourra nier que Steve Jobs, co-créateur d’Apple Inc., l'un des entrepreneurs les plus créatifs et respectés du XXIe siècle, était un visionnaire et un génie. Un génie qui aura impressionné et inspiré de nombreuses personnes. C'est donc avec une réelle et sincère envie que j'attendais ce biopic sur la vie de Jobs.
Et qu'elle ne fut ma déception à la fin de la séance ! En résumant l'affaire de manière caricaturale, on pourrait dire ceci : autant "The Social Network" de David Fincher était réussi, autant "Jobs" est raté.
Réalisé par Joshua Michael Stern, "Jobs"
est un film purement narratif, racontant au premier degré ce que fut
une partie de la vie du créateur d'Apple, de 1974 (il était alors en
voie de déscolarisation dans un collège californien) à 2001 (année du
triomphe de l'iMac). On ne saura donc rien de la fin de la vie de Jobs,
de son cancer et de sa mort, à 56 ans, au faîte de sa gloire, le 5 octobre 2011 à Palo Alto (Californie).
C’est une vingtaine d’années de la vie de Steve Jobs, de la création d’Apple dans un garage californien à son retour triomphant, en 1996, à la tête
de l’entreprise qu’il avait créée avant d’en être écarté que raconte ce
premier biopic sur cet homme au destin fascinant. Malheureusement, ce
récit réalisé de façon linéaire glorifie un peu trop l’inventeur
visionnaire de l’iPod, évinçant les aspects controversés du personnage. Même s’il consacre quelques scènes à son caractère difficile, comme
celle de la rupture brutale avec sa petite amie enceinte et son refus
initial de reconnaître l’enfant, le film n’approfondit jamais les choses, abordant le tout de manière bien trop superficielle.
Ainsi après Mark Zuckerberg avec "The Social Network", c'est au tour de Steve Jobs d'avoir droit à son biopic. Et on peut dire que
Fincher a tué le job ! Car la comparaison se révèle fatale pour Joshua Michael Stern.
Il manque à ce dernier un point de vue puissant de réalisateur. Et les
partis pris de son scénariste apparaissent étranges : pourquoi ainsi ne
traiter la passionnante rivalité avec Bill Gates qu'en une seule scène au téléphone? De plus, pour l'incarner, le choix d'Ashton Kutcher n'est pas des plus heureux. Il a certes beaucoup travaillé. Mais, à l'écran, on ne voit justement que ça.
Si le côté baba cool, cheveux mal coiffés et barbe hirsute lui vont
particulièrement bien d’un point de vue physique (ressemblant à s'y méprendre au Jobs de cette période), l’acteur a mis un
point d’honneur à reproduire à l’identique la démarche nonchalante et
mal assurée de Jobs, comme son petit sourire en coin. Toutefois, il ne se contente que de singer la gestuelle et la démarche de son modèle. On a peine
à croire au Jobs qui présente en 2001 l’iPod.
Il manque cruellement de
crédibilité quand il tente de jouer au méchant garçon qui ne veut pas
octroyer d’actions à un des premiers employés d’Apple, Bill Kottke. Les
moments d’émotion sont littéralement gâchés par le jeu limité de
l’acteur, qui se cantonne généralement aux comédies romantiques et qui, à mon humble avis, devrait rester dans ce rôle.
Ceux qui ont lu la biographie officielle de Steve Jobs le savent :
l’inventeur était quelqu’un d’extrêmement lunatique, colérique et
émotif, doublé d’un égoïste mégalomane. Si ces traits de sa personnalité
sont bien sûr évoqués dans le film, ils sont en revanche largement
passés sous silence dans de nombreux moments clés de l’histoire. Steve
Jobs était un patron craint de ses employés, le genre de patron capable
de virer un subalterne sur un coup de tête dans l'ascenseur. Malgré les
efforts du scénario pour reproduire ce côté imprévisible, le Jobs de ce
film est en revanche plus édulcoré, et son histoire s’en trouve de fait
largement romancée.
Mais c’est surtout la traversée du désert de Steve Jobs qui déçoit,
évoquée en deux coups de cuillères à pot. Deux photos du fondateur de
NeXT, sans aucune mention de l’immense réussite de Pixar, emballé c’est
pesé. Pourtant, ces deux événements ont largement contribué à façonner
le "nouveau" Steve Jobs, plus mûr, plus apte à prendre les
rênes de l’entreprise qu’il a fondée et qu’il s’apprête à sauver. Le
film prend également le parti-pris intéressant mais sans doute un peu
trop appuyé que Steve Jobs aurait considéré Jonathan Ive comme une sorte
d’égal. Certes, le designer en chef a toute sa part dans le succès
renouvelé de l’Apple moderne, mais c’est sans doute souligner le trait
trop fort.
L'acteur Giles Matthey qui interprète Jonathan Ive dans "Jobs". |
C’est d’autant plus dommage que le film souffre d’un certain nombre de
longueurs qui tendent à gâcher le plaisir, malgré une histoire qui
aurait pu être captivante si mieux racontée.
En outre, la scène d’ouverture du film se place en 2001, et nous montre Steve Jobs
montant sur scène pour présenter l’iPod. On imagine alors qu’il s’agit
de l’accomplissement d’une longue période de travail, mais qui là encore
ne sera pas réellement évoquée dans le film. Steve Jobs retrouve son
poste chez Apple, et... c’est tout. Même dans sa conclusion, Jobs
parvient à laisser un goût d’inachevé qui laissera le spectateur sur sa
faim. Apple étant une marque ayant énormément fait parler d’elle dans
les années 2000, de même que Steve Jobs est devenu un personnage
emblématique, il est dommage que cette période ne soit même pas abordée
dans le long-métrage.
Alors, tous les ingrédients étaient a priori réunis pour un biopic hors-norme et, pourtant,
rien n'y fait, la magie n'opère pas. Steve Jobs est présenté comme un
pionnier rebelle et visionnaire qui, pour échapper à tous ceux qui
voudraient prendre le contrôle de son empire naissant, finit par devenir une sorte de gourou névrosé et paranoïaque, incapable du moindre sens de l'altérité, tout entier absorbé par l'idée d'aller au bout de son intuition. Apple, il en est convaincu, sera un jour "une devise sociale", mieux, "un statut social". Pas de quartier pour ceux qui oseraient se mettre en travers de son chemin. Il en est convaincu : "Ceux qui sont assez fous pour penser qu'ils peuvent changer le monde sont ceux qui le font".
Fort de cet adage, comme habité par l'idée de la mission qu'il doit accomplir, il va se lancer à corps perdu dans une véritable guerre technologique. IBM, Microsoft,
il ne leur fera aucun cadeau. A mi-chemin entre cinéma et
marketing, tout cela n'est guère convaincant. Steve Jobs, le
charismatique, le créateur de génie, méritait mieux que cette saga
mégalo-paranoïaque.
Le film, tout comme son sujet, n'a pas manqué de faire grincer quelques dents, notamment celles du co-fondateur d'Apple, Steve Wozniak (interprété par Josh Gad), qui a publiquement fait part de ses réserves. Le créateur des premiers ordinateurs de la marque, Apple I et Apple II,
digère mal une scène du film dans laquelle on voit Steve Jobs lui
décrire le potentiel extraordinaire de systèmes d'exploitation qu'il
vient de créer.
"Steve me fait la leçon sur le potentiel des
ordinateurs, alors que c'était exactement la situation inverse",
expliquait-il récemment au Los Angeles Times. "Steve n'a jamais créé un
grand ordinateur. A cette époque, il enchaînait les échecs. Il était
incroyablement visionnaire, mais il n'avait pas la capacité de mettre en
pratique" ce qu'il imaginait.Sony prépare d'ailleurs avec Wozniak son propre biopic de Steve Jobs, basée sur la biographie officielle de Walter Isaacson. Le projet n'en est encore qu'au stade de l'écriture du scénario, qui a été confiée à Aaron Sorkin, l'auteur oscarisé du film de David Fincher sur Facebook. Le
scénariste a déjà révélé qu'il construirait le film en trois scènes de
trente minutes, qui décriraient Steve Jobs à travers le lancement de
trois produits phares de la marque. Ni le réalisateur, ni l'acteur qui
incarnera Steve Jobs n'ont été choisis pour le moment.
Au final, "Jobs" n’a rien d’un film sur Steve Jobs. Il se contente de
dépeindre un caractériel qui casse ses jouets, avant finalement de se
venger puis de connaître une réussite éclatante alors que le
protagoniste de cette histoire exceptionnelle était bien plus complexe
et génial que cela. Une histoire illustrée ici sans talent ni éclats !!!
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