samedi 31 août 2013

Musique - IV de The Bronx

The Bronx - IV : Un album exaltant et plus mature, même si moins énervé que ses prédécesseurs !!!

Note : 4 / 5

Ils nous avaient manqué les petits gars de The Bronx, et leur punk/hardcore énervé encore plus ! Après trois albums bien accueillis, un capital sympathie conséquent, des lives enflammés et un side-project de musique chicanos ("Mariachi El Bronx"), les angelinos de The Bronx reviennent avec un quatrième album dont le titre fleure bon la créativité puisqu'il s'intitule "IV". Oui, tout simplement. Toutefois, la créativité de The Bronx, n'est pas ce qui nous intéresse le plus. Tout ce que l'on leur demande après tout, c'est d'envoyer de la décibel grisante dans nos oreilles et c'est ce qu'ils vont s'échiner à faire plutôt bien dès le premier titre de ce nouvel opus.
Après un intermède ensoleillé donc, Mariachi El Bronx, qui a débouché sur deux albums assez improbables et qui a mis le groupe en quasi hiatus pendant cinq ans, The Bronx se décide enfin  à revenir à ce qu’ils font le mieux, à savoir du punk.
L’expression est aujourd’hui désuète : "foutre le bronx". Mais ces Américains la remettent avec rage et morgue au goût du jour. Si les trois premiers albums du groupe ne faisaient aucune concession, au point de s'avérer un peu lassants sur la longueur à moins d'être un forcené de Punk/Hardcore bourrin, autant ce quatrième effort a visiblement bénéficié de l'ouverture des musiciens vers d'autres contrées.
Non pas que The Bronx se soit vraiment ramolli. Ce "IV" reste un concentré d'énergie pure et ne vous réconciliera certainement pas avec vos voisins. Mais le groupe nous propose sans doute son album le plus punk et le moins hardcore. Pas la peine de sortir les skates pour autant, on reste à des lieues du punk-rock à roulette type NoFx ou The Offspring. Mais l'influence de vénérables ancêtres comme les Ramones est davantage palpable.
The Bronx n'hésite plus à pondre de véritables refrains, notamment grâce aux gros progrès effectués par le chanteur Matt Caughtran. Sans abandonner son côté survitaminé, le groupe a ajouté juste ce qu'il fallait de mélodie et de légers ralentissements ici et là pour ne pas lasser l'auditeur.
Les Californiens reviennent à l’électricité la plus sournoise, la plus traître. Celle qui met ses habits du dimanche, avec des refrains ravissants ici et des harmonies sophistiquées là, pour finalement finir à poil, façon Iggy Pop, la gueule pleine de bave, le corps agité de spasmes, l’air franchement menaçant et dérangé. Car la force de The Bronx, comme de Queens Of The Stone Age, pas si loin ici, c’est de posséder un chanteur qui agresse comme un rottweiler, aboie comme un loup, se tord comme un doberman mais sait aussi se faire aussi affectueux qu’un Jack Russell.
Avec "The unholy hand", le groupe démarre sur les chapeaux de roues avec un titre percutant, un riff qui se retient facilement, une voix braillarde juste ce qu'il faut, une section rythmique qui a le feu aux fesses, bref, tout ce que l'on désire d'un groupe comme The Bronx ! The Bronx se donne avec générosité durant 14 titres qui ne dévieront pas, ou vraiment très peu, de la recette habituelle. Oui, The Bronx, c'est sensiblement toujours pareil même si le groupe s'est éloigné de la rugosité des premiers méfaits, mais franchement, la routine c'est parfois bien. Plaisir garanti à chaque écoute.
Ainsi, "IV" c'est du punk-rock tout en puissance, dont les codes sont appliqués avec une rigueur toute historique. Des débuts punk-hardcore du groupe, il ne reste rien sinon peut-être un grain dans l’arrière-voix du chanteur et une vindicte évidente dans la manière d’amener ses camarades au front. Côté production, The Bronx tape dans cette nouvelle génération de groupes punk qui a depuis longtemps quitté le garage de papa et maman pour enregistrer des disques dans des studios haut de gamme.
Si on a parfois du mal à entendre un disque de punk produit comme du Metallica, on reconnaîtra que cet habillage sonore guerrier colle à la perfection aux coups de battoirs qu’assènent ces cinq "déchireurs" surdoués. Une fois de plus, The Bronx fait ce qu’il fait de mieux, à savoir sortir un disque sans surprise, toujours aussi encadré, toujours aussi bien composé et toujours aussi insolent de talent. Le disque que tu aimes après une écoute, que tu connais par cœur après quatre autres, et que tu ressortiras souvent durant les années à venir. Un gros disque de punk, quoi !
Alors surtout pas d'inquiétude, des titres comme "The unholy hand" ou "Under the rabbit" sauront rapidement rassurer tous ceux qui pourraient s'inquiéter du léger tournant opéré sur cette nouvelle galette.
Au final,  The Bronx  maintient le cap en proposant une quatrième mouture de son mélange toujours aussi efficace de punk léger et de rock dur, entre caresses et coups de boutoirs, et ça tombe bien parce que c’est ce qu’on demande à un groupe comme celui-ci : une certaine constance dans les décharges. Les nouvelles enluminures de ce "IV" sont si légères  qu’à aucun moment on a l’impression de figures de styles imposées par la nécessaire évolution de tout groupe vers l’album de la maturité.
Pour ma part, le sentiment qui prédomine est que les musiciens semblent avoir atteint une certaine maturité et se sont véritablement éclatés à faire cet album, sans chercher à faire autre chose qu'à se faire plaisir. La musique prend le pas sur la volonté d'épater la galerie. En résulte une collection de titres réellement imparables, avec des refrains massue à réveiller les morts. The Bronx atteint ici la quintessence de sa musique !!!

mercredi 28 août 2013

Série - The Blacklist de NBC

NBC - The Blacklist : La nouvelle pépite sur laquelle mise la chaîne NBC et pas seulement !!!

Attente : 4 / 5

Synopsis :
Raymond "Red" Reddington (James Spader), le criminel le plus recherché aux États-Unis, décide mystérieusement de se rendre. Il propose de dénoncer tous ceux avec lesquels il a travaillé à une seule condition, que ce soit Liz Keen (Megan Boone), une jeune agent du FBI avec lequel il n’a en apparence aucune connexion, qui s’occupe de lui.

Attente :
Une saison de séries se termine et déjà, la nouvelle pointe le bout de son nez. En effet, alors que la plupart des séries américaines se sont terminées, les chaînes annoncent d'ores et déjà le programme de la rentrée.
C'est le cas pour la chaîne américaine NBC qui, après toutes les récentes annulations, le petit paquet de renouvellement et une première fournée de commandes, ajoute trois séries de plus à sa liste de nouveautés pour la saison prochaine. Il y aura ainsi la comédie "Welcome to the Family" (cette comédie s’intéresse au clash culturel entre deux familles, une blanche et une latino, quand leurs enfants tombent amoureux et qu’une grossesse inattendue se produit) et les dramas "Night Shift" (Anciennement "After Hours", ce drama médical se centre sur le service de nuit d’un hôpital de San Antonio) et surtout "The Blacklist".
Cette dernière est peut-être la nouveauté la plus attendue d'NBC pour la saison à venir, d'une part pour son concept, d'autre part pour son acteur principal, le charismatique James Spader. Des décennies durant, Raymond Reddington, ex-agent du gouvernement, était l’un des hommes les plus recherchés de la planète, multipliant les "coups" aux quatre coins du globe. La surprise du FBI est donc totale lorsque ce dernier accepte de se rendre et de venir en aide à l’organisation. Le contrat est clair, Red fournira des informations essentielles sur les plus grands criminels du monde à une seule condition : pouvoir travailler avec la jeune profiler Elizabeth Keen. Une jeune femme qui ne se doute pas un instant du destin qui lui est ainsi promis.
Elizabeth vit son premier jour en tant que profiler au FBI. Le moins qu'on puisse dire, c'est que, grâce à Reddington, elle fait une entrée remarquée. Cette connexion inattendue va engendrer un tas de questions de la part du FBI : Quelles sont les intentions de Red, pourquoi veut-il parler à Liz ? La jeune femme aurait-elle des choses à cacher ?
Outre James Spader, dans le rôle-titre, la distribution est constituée de Diego Klattenhoff ("Homeland"), Harry Lennix ("Man of Steel"), Ryan Eggold ("90210") et Ilfenesh Hadera ("Da Brick"). Derrière la caméra, Jon Bokenkamp ("The Call") est chargé de l’écriture du scénario, épaulé de John Eisendrath ("Alias"), John Davis ("Predator") et John Fox. A noter que le pilote a été réalisé par Joe Carnahan, qui avait déjà opéré sur "L’agence tous risques".
De ce fait, tous les feux semblent au vert pour "The Blacklist" ! Son pilote, présenté par Sony Pictures Television, qui produit la série, comme le plus apprécié de toute son histoire lors des projections test, a en effet séduit les acheteurs du monde entier. En France, c'est TF1 qui en a fait l'acquisition et qui devrait la proposer sur son antenne dans les mois (ou les années) à venir. Outre-Atlantique, la série n’a pas encore été diffusée. Elle devrait arriver à l’antenne de NBC le 23 septembre prochain. De plus, le show a hérité de la case la plus enviée de la grille de NBC : le lundi soir à 22h après "The Voice", son mastodonte d'audience, à la place de "Revolution", une autre série très attendue. Il est donc en bonne position pour créer l'événement.
NBC n’est manifestement pas la seule à voir en "The Blacklist" une pépite d’audiences puisqu’à l’international, plusieurs chaînes en ont acquis les droits. En France, c’est donc sur l’une des chaînes du groupe TF1 que les téléspectateurs pourront la regarder la saison prochaine. Dans l’un des épisodes, ils retrouveront Kiefer Sutherland, la star de "24h", puisque l’acteur a accepté un rôle dans la série. Mais contrairement à ce qui était pressenti, ce ne sera pas le rôle principal du méchant criminel.
Espérons simplement que le contenu sera à la hauteur des attentes suscitées aussi bien par les chaînes télévisuelles que par les spectateurs !!!

dimanche 25 août 2013

Livre (BD) - Amorostasia de Cyril Bonin

Cyril Bonin - Amorostasia : Un roman graphique fantastique et atypique !!!

Note : 4 / 5

Synopsis : 
À Paris, de nos jours. La première victime a été retrouvée figée devant sa fenêtre, une demande de mariage à la main. Puis, ce fût un jeune couple, s'embrassant dans la rue, figé lui aussi. Rapidement, l'information s'est propagée, une nouvelle épidémie sévissait à Paris, baptisée l'Amorastasie.
Rigidité, mutisme, les victimes de cette étrange maladie tombent dans un état catatonique. Les autorités médicales, en l'absence de remède, ne peuvent que recommander d'éviter toute manifestation intempestive du sentiment amoureux. Pire, la paranoïa s'installe dans la société, le moindre regard est l'objet d'interprétation fantasmatique.
Olga Politoff, journaliste enquêtant sur la maladie, le découvre à ses dépens en figeant Julien Lambert, un collègue secrètement amoureux d'elle. Alors même qu'elle et son fiancé ne se sont pas figés. L'état décide d'obliger les femmes "tentatrices" à porter un brassard discriminatoire et sexiste. L'amour est-il devenu une maladie dont on ne peut se soigner ? Un jeune homme se prénommant Kiran va l'aider à découvrir la vérité.

Critique :
L’Amour ! Délicate alchimie des sens et des humeurs, aussi indéfinissable qu’insaisissable et qui peut conduire aux chefs d’œuvre les plus sublimes comme aux pires bassesses. Au moins une fois dans sa vie, tout un chacun s’est demandé de quoi il était fait et pourquoi il frappait. Cyril Bonin n’échappe pas à la règle et a décidé d’en faire un album : "Amorostasia".
Après avoir adapté remarquablement le roman de Marcel Aymé "La belle image" et écrit à la suite, une nouvelle inédite intitulée "L'homme qui n'existait pas", Cyril Bonin revient en force avec cette histoire graphique qui conserve les ambiances surnaturelles auxquelles il nous a sensibilisé précédemment. En effet, cette fois-ci, il nous plonge dans un contexte surprenant dans lequel avoir des sentiments peut se révéler dommageable pour la santé.
C’est avec une vraie pudeur et une grande sobriété que Cyril Bonin aborde cette histoire, comme un conte de science-fiction sensible et philosophique. Qu’est-ce que l’amour ? Chimie et biologie ? Magie et impalpable ? Avec cette idée toute simple, et simplement belle, l’auteur interroge subtilement le lecteur sur ces grands thèmes existentiels, en prenant soin de pas imposer de réponse toute faite, ni de solution miracle.
Ainsi, la problématique posée dans ce one-shot ressemble à un prétexte futé pour aborder tout un tas de questions intéressantes et originales sur le sujet sans doute le plus usité dans les fictions : l’amour. Ou plutôt, il s’agit ici de chimie de l’amour : quelles interactions chimiques sont-elles mises en branle lorsqu’on tombe amoureux ? L’amour est-elle une maladie ? Selon cet aspect technique, y a-t-il différentes sortes d’amour ? La préservation de l’espèce est-elle l’unique finalité de l’appareil amoureux ?
En préface, le professeur Bernard Sablonnière, spécialiste française des mécanismes moléculaires des sentiments, souligne d’ailleurs l’ingéniosité de Bonin pour soulever les différents aspects de cette question essentielle. Car désormais en tant qu’auteur complet, en 124 planches qui se dévorent littéralement, Bonin narre brillamment une intrigue rythmée et équilibrée sur ce propos.
Force est de constater qu'une fois encore, Cyril Bonin, bien inspiré, nous entraîne dans une histoire sociale, complètement délectable, au sein de laquelle la moindre émotion, le moindre sentiment peut provoquer des effets irréversibles. Via ce concept, on ne peut plus original et des plus surprenants qui entame le passionnel, l'artiste fait état de cette pandémie qui grève la capitale et qui met en émoi la collectivité scientifique.
A cet égard, l'auteur fait monter en puissance son aventure à laquelle est liée la belle Olga dans une méthodologie adaptée, usant d'une fluidité narrative et d'une humanité confondante. Jouant sur le fait que l'amour peut se transformer en véritable pathologie, postulat à première vue fantaisiste, il nous plonge dans une dérive sociétale extrême voire paranoïaque qui n'est pas sans rappeler certains dérapages historiques. Fort de cette évolution inquiétante, le lecteur ne manquera pas de se demander comment tout ça peut se régler. A ce titre, Cyril Bonin nous en donnera la conclusion via une pirouette scénaristique sensible et plutôt surprenante.
En bon raconteur d’histoires, il donne aussi corps à son récit. Il bâtit un décor crédible d’une société qui, plutôt que de sonder son inconscient collectif et d’envisager son évolution, s’enferme dans une facile paranoïa : on demande aux couples de faire chambre à part, on ferme les boîtes de nuit, on retire les tableaux de scènes amoureuses des musées, on stigmatise les jolies filles… Tel un auteur de SF à l’ancienne (Dick, Barjavel, Bradbury, Simak…), il détourne son présent légèrement pour mieux imaginer le futur. Et ce, sans esbroufe ni effets spectaculaires, à l’image de son dessin, limpide, et de son noir et blanc, neutre et efficace, qui n’est pas sans évoquer par moments la puissance évocatrice du manga.
Si le scénario est des plus concluants, la partie graphique se révèle donc d'une grande efficience. Le style de Bonin est toujours aussi saisissant de réalisme, de sensibilité, d'humanisme. Son trait qu'il nous fait appréhender pour la première fois dans un univers noir et blanc, est juste, explicite, évocateur en terme de sentiments (dans la façon de pencher les têtes, de traiter les regards…). Ses personnages, légèrement déformés, bénéficient d'un charisme confondant et donnent du corps aux évènements qui les entourent. 
A travers son dessin semi-réaliste typique en noir et blanc, simplement rehaussé d’un lavis en niveaux de gris, l’auteur nous donne à réfléchir différemment sur les conséquences sociales et intimes de son épidémie. Ce fléau est-il déclenché par Dame Nature pour endiguer la démographie galopante ? Faut-il persécuter celles (et pas ceux !) qui suscitent naturellement le sentiment amoureux sur autrui ? Peut-on contrôler son amour ? Doit-on fuir l’amour ?
Au final, "Amorostasia" est une bien belle histoire de sentiments aux ambiances fantastiques bien pesées, à porter à l'actif d'un artiste talentueux. "Amorostasia" est un livre hors du temps, qui pose un questionnement universel sur la nature de l’homme et son avenir sur cette planète, à travers un prisme original et ambitieux, l’amour. Sur un sujet aussi universel qu’intemporel, la BD analyse joliment le camaïeu des sentiments amoureux et, finalement, renonce à l’expliquer, préférant y succomber !!!

jeudi 22 août 2013

Ciné - Jobs de Joshua Michael Stern

Joshua Michael Stern - Jobs : Un film superficiel, trop lisse et premier degré, qui se révèle au final assez insipide !!!

Note : 2.5 / 5

Synopsis :
Dans les années 70, un jeune étudiant du nom de Steve Jobs rêve de changer le monde. C’est avec son ami Steve Wozniak qu’il va se lancer dans l’informatique en travaillant pour Atari, mais va très vite se rendre compte qu’il veut être son propre patron. Les deux compères travaillent donc sur leur premier ordinateur, l’Apple, qui va rapidement leur permettre de recevoir un financement conséquent et de lancer leur propre entreprise.

Critique :
Que l'on aime l'homme ou pas, personne ne pourra nier que Steve Jobs, co-créateur d’Apple Inc., l'un des entrepreneurs les plus créatifs et respectés du XXIe siècle, était un visionnaire et un génie. Un génie qui aura impressionné et inspiré de nombreuses personnes. C'est donc avec une réelle et sincère envie que j'attendais ce biopic sur la vie de Jobs.
Et qu'elle ne fut ma déception à la fin de la séance ! En résumant l'affaire de manière caricaturale, on pourrait dire ceci : autant "The Social Network" de David Fincher était réussi, autant "Jobs" est raté.
Réalisé par Joshua Michael Stern, "Jobs" est un film purement narratif, racontant au premier degré ce que fut une partie de la vie du créateur d'Apple, de 1974 (il était alors en voie de déscolarisation dans un collège californien) à 2001 (année du triomphe de l'iMac). On ne saura donc rien de la fin de la vie de Jobs, de son cancer et de sa mort, à 56 ans, au faîte de sa gloire, le 5 octobre 2011 à Palo Alto (Californie).
C’est une vingtaine d’années de la vie de Steve Jobs, de la création d’Apple dans un garage californien à son retour triomphant, en 1996, à la tête de l’entreprise qu’il avait créée avant d’en être écarté que raconte ce premier biopic sur cet homme au destin fascinant. Malheureusement, ce récit réalisé de façon linéaire glorifie un peu trop l’inventeur visionnaire de l’iPod, évinçant les aspects controversés du personnage. Même s’il consacre quelques scènes à son caractère difficile, comme celle de la rupture brutale avec sa petite amie enceinte et son refus initial de reconnaître l’enfant, le film n’approfondit jamais les choses, abordant le tout de manière bien trop superficielle.
Ainsi après Mark Zuckerberg avec "The Social Network", c'est au tour de Steve Jobs d'avoir droit à son biopic. Et on peut dire que Fincher a tué le job ! Car la comparaison se révèle fatale pour Joshua Michael Stern. Il manque à ce dernier un point de vue puissant de réalisateur. Et les partis pris de son scénariste apparaissent étranges : pourquoi ainsi ne traiter la passionnante rivalité avec Bill Gates qu'en une seule scène au téléphone? De plus, pour l'incarner, le choix d'Ashton Kutcher n'est pas des plus heureux. Il a certes beaucoup travaillé. Mais, à l'écran, on ne voit justement que ça.
Si le côté baba cool, cheveux mal coiffés et barbe hirsute lui vont particulièrement bien d’un point de vue physique (ressemblant à s'y méprendre au Jobs de cette période), l’acteur a mis un point d’honneur à reproduire à l’identique la démarche nonchalante et mal assurée de Jobs, comme son petit sourire en coin. Toutefois, il ne se contente que de singer la gestuelle et la démarche de son modèle. On a peine à croire au Jobs qui présente en 2001 l’iPod.
Il manque cruellement de crédibilité quand il tente de jouer au méchant garçon qui ne veut pas octroyer d’actions à un des premiers employés d’Apple, Bill Kottke. Les moments d’émotion sont littéralement gâchés par le jeu limité de l’acteur, qui se cantonne généralement aux comédies romantiques et qui, à mon humble avis, devrait rester dans ce rôle.
Ceux qui ont lu la biographie officielle de Steve Jobs le savent : l’inventeur était quelqu’un d’extrêmement lunatique, colérique et émotif, doublé d’un égoïste mégalomane. Si ces traits de sa personnalité sont bien sûr évoqués dans le film, ils sont en revanche largement passés sous silence dans de nombreux moments clés de l’histoire. Steve Jobs était un patron craint de ses employés, le genre de patron capable de virer un subalterne sur un coup de tête dans l'ascenseur. Malgré les efforts du scénario pour reproduire ce côté imprévisible, le Jobs de ce film est en revanche plus édulcoré, et son histoire s’en trouve de fait largement romancée.
Mais c’est surtout la traversée du désert de Steve Jobs qui déçoit, évoquée en deux coups de cuillères à pot. Deux photos du fondateur de NeXT, sans aucune mention de l’immense réussite de Pixar, emballé c’est pesé. Pourtant, ces deux événements ont largement contribué à façonner le "nouveau" Steve Jobs, plus mûr, plus apte à prendre les rênes de l’entreprise qu’il a fondée et qu’il s’apprête à sauver. Le film prend également le parti-pris intéressant mais sans doute un peu trop appuyé que Steve Jobs aurait considéré Jonathan Ive comme une sorte d’égal. Certes, le designer en chef a toute sa part dans le succès renouvelé de l’Apple moderne, mais c’est sans doute souligner le trait trop fort.
L'acteur Giles Matthey qui interprète Jonathan Ive dans "Jobs".
C’est d’autant plus dommage que le film souffre d’un certain nombre de longueurs qui tendent à gâcher le plaisir, malgré une histoire qui aurait pu être captivante si mieux racontée.
En outre, la scène d’ouverture du film se place en 2001, et nous montre Steve Jobs montant sur scène pour présenter l’iPod. On imagine alors qu’il s’agit de l’accomplissement d’une longue période de travail, mais qui là encore ne sera pas réellement évoquée dans le film. Steve Jobs retrouve son poste chez Apple, et... c’est tout. Même dans sa conclusion, Jobs parvient à laisser un goût d’inachevé qui laissera le spectateur sur sa faim. Apple étant une marque ayant énormément fait parler d’elle dans les années 2000, de même que Steve Jobs est devenu un personnage emblématique, il est dommage que cette période ne soit même pas abordée dans le long-métrage.
Alors, tous les ingrédients étaient a priori réunis pour un biopic hors-norme et, pourtant, rien n'y fait, la magie n'opère pas. Steve Jobs est présenté comme un pionnier rebelle et visionnaire qui, pour échapper à tous ceux qui voudraient prendre le contrôle de son empire naissant, finit par devenir une sorte de gourou névrosé et paranoïaque, incapable du moindre sens de l'altérité, tout entier absorbé par l'idée d'aller au bout de son intuition. Apple, il en est convaincu, sera un jour "une devise sociale", mieux, "un statut social". Pas de quartier pour ceux qui oseraient se mettre en travers de son chemin. Il en est convaincu : "Ceux qui sont assez fous pour penser qu'ils peuvent changer le monde sont ceux qui le font".
Fort de cet adage, comme habité par l'idée de la mission qu'il doit accomplir, il va se lancer à corps perdu dans une véritable guerre technologique. IBM, Microsoft, il ne leur fera aucun cadeau. A mi-chemin entre cinéma et marketing, tout cela n'est guère convaincant. Steve Jobs, le charismatique, le créateur de génie, méritait mieux que cette saga mégalo-paranoïaque.
Le film, tout comme son sujet, n'a pas manqué de faire grincer quelques dents, notamment celles du co-fondateur d'Apple, Steve Wozniak (interprété par Josh Gad), qui a publiquement fait part de ses réserves. Le créateur des premiers ordinateurs de la marque, Apple I et Apple II, digère mal une scène du film dans laquelle on voit Steve Jobs lui décrire le potentiel extraordinaire de systèmes d'exploitation qu'il vient de créer. 
"Steve me fait la leçon sur le potentiel des ordinateurs, alors que c'était exactement la situation inverse", expliquait-il récemment au Los Angeles Times. "Steve n'a jamais créé un grand ordinateur. A cette époque, il enchaînait les échecs. Il était incroyablement visionnaire, mais il n'avait pas la capacité de mettre en pratique" ce qu'il imaginait.Sony prépare d'ailleurs avec Wozniak son propre biopic de Steve Jobs, basée sur la biographie officielle de Walter Isaacson. Le projet n'en est encore qu'au stade de l'écriture du scénario, qui a été confiée à Aaron Sorkin, l'auteur oscarisé du film de David Fincher sur Facebook. Le scénariste a déjà révélé qu'il construirait le film en trois scènes de trente minutes, qui décriraient Steve Jobs à travers le lancement de trois produits phares de la marque. Ni le réalisateur, ni l'acteur qui incarnera Steve Jobs n'ont été choisis pour le moment.
Au final, "Jobs" n’a rien d’un film sur Steve Jobs. Il se contente de dépeindre un caractériel qui casse ses jouets, avant finalement de se venger puis de connaître une réussite éclatante alors que le protagoniste de cette histoire exceptionnelle était bien plus complexe et génial que cela. Une histoire illustrée ici sans talent ni éclats !!!

lundi 19 août 2013

Actu - LaFerrari, La nouvelle supercar de Ferrari

Ferrari - LaFerrari : La succession de la Enzo est assurée par une supercar ultra-puissante et ultra-révolutionnaire !!!

Note : 4.5 / 5

Depuis la sortie de la "Enzo" en 2002, onze ans de patience ont été nécessaires pour les aficionados de la marque au cheval cabré pour découvrir la nouvelle "Série Limitée" de Ferrari. Codée initialement "F150", elle est baptisée "LaFerrari" par le PDG Luca di Montezemolo. Pourquoi ? Parce qu'elle représente le summum de l'automobile, combinant la technologie hybride Hy-KERS issue de la F1, un moteur V12 développant, avec le bloc électrique, 963 chevaux, ainsi qu'un style unique, racé, agressif, qui ne laisse pas indifférent.
"LaFerrari", mythe parmi les mythes ! Il y a les Ferrari. Et il y a désormais "LaFerrari". "LaFerrari", parce que ce modèle inédit est absolument unique. Unique par sa puissance, 963 ch exactement, jamais Ferrari commercialisée n’avait été aussi musclée. Unique par sa technologie ; son légendaire V12 est pour la première fois accouplé à un moteur électrique pour prendre soin de l’air que l’on respire. Unique par ses performances ; les plus de 350 km/h en vitesse maxi (sur circuit) sont une simple formalité. Unique, enfin, par son prix ; un million deux cent mille euros tout rond.
"LaFerrari" est donc tout simplement la plus extraordinaire des Ferrari de tous les temps, sinon la plus extraordinaire automobile de ces dix dernières années comme aiment le répéter les italiens. Un objectif hors du commun que s’assigne Maranello, à rythme régulier, depuis la "GTO" (un modèle des sixties dont la cote aujourd’hui se compte en millions d’euros), dont la singularité inspirera la "F40" des années 80, puis la "F50" des années 90 avant la célèbre "Enzo" de 2002.
Depuis un peu près un an, des informations sérieuses annonçaient les caractéristiques moteur de la remplaçante de la Enzo qu’est la Ferrari "LaFerrari". Et voici que maintenant nous connaissons tout ou presque au chapitre mécanique de la plus  puissante des Ferrari qui s’offre même le privilège de battre la renommée "McLaren P1" de deux secondes au 0 à 300 km/h avec des chronos respectifs de 15 et 17 secondes. De quoi aller chambouler le classement des voitures les plus rapides du monde !
Question performances donc, "LaFerrari" c’est un moteur V12 de 6,3 litres développant 800 chevaux et 700Nm de couple à lui seul, tout en pouvant pousser à 9250 tours par minutes ! En addition on trouve un moteur électrique de 163 chevaux nous amenant à un chiffre phénoménal de 963 chevaux pour une "hypercar" émettant deux fois moins de CO2 que la Ferrari "Enzo" avec 330g/km. Les batteries du moteur électrique sont attachées à la partie basse du châssis et pèsent 60kilos. Et enfin, plus de 350 km/h en vitesse de pointe, un 0 à 100 km/h expédié en moins de 3 secondes, le 0 à 200 km/h en 7 secondes et même 15 secondes pour couvrir le 0 à 300 km/h !
Ainsi la grande révolution pour cette sportive italienne, c’est son moteur hybride offrant 963 chevaux à son conducteur. Toutefois, en plus de cela, la "LaFerrari" a beaucoup développé son aérodynamique avec une panoplie d’ailerons actifs permettant, en temps réel, de stabiliser au mieux la voiture lorsque l’on roule. Le ratio du poids, quant à lui, est de 41% à l’avant et 59% à l’arrière décrit comme idéel selon Ferrari. La majorité du poids est répartie entre les deux axes de roues et aussi bas que possible afin d’optimiser le centre de gravité. Le carbone utilisé est produit dans la section Ferrari Racing et utilise les mêmes méthodes que pour leur Formule 1.
Au final, tout en rendant hommage au fondateur Enzo Ferrari, cette dernière rendra fou de joie nombre de pilotes de F1 qui compteront parmi les premiers fans. Un bonheur que devrait dépasser "LaFerrari", car le mythe des mythes organise sa rareté en ne s’offrant qu’à 499 exemplaires, alors qu'il y a déjà plus de 700 commandes, de quoi laisser de la place pour une augmentation de production financièrement intéressante. L’avenir nous dira ce qu’il en est !!!

vendredi 16 août 2013

Livre - Gonelore, T1 Les Arpenteurs de Pierre Grimbert

Gonelore, Tome 1, Les Arpenteurs
                                                         de Pierre Grimbert

Note : 4.5 / 5

Synopsis :
Pour la plupart des gens, le monde de Gonelore est si vaste que seul un menteur oserait prétendre avoir visité tous ses royaumes. Et, d’ailleurs, il faudrait être fou pour se lancer dans un pareil voyage : trop de créatures redoutables hantent les territoires délaissés par les hommes, et aucune arme d’acier ne réussit à repousser ces monstres !
Il existe pourtant une confrérie d’individus de taille à relever ces défis. On les appelle "les Arpenteurs". Pisteurs, guides et guerriers, ils sont aussi des érudits en quête permanente de connaissances, sur cet univers aux multiples facettes. Pendant des siècles, ils ont lutté contre les débordements des forces élémentaires, repoussant le danger loin de la surface du monde. Puis, le calme revenu, leurs rangs se sont éclaircis, et on les a presque oubliés.
Mais une fois encore, les bêtes sont revenues pour semer la terreur. Et cette première vague semble annoncer un chaos tel qu’on n’en a jamais vu. Ni même imaginé dans les pires cauchemars. Pour les derniers Arpenteurs, le temps est venu de reprendre les chemins. Et, surtout, de former une armée de nouveaux élèves. En espérant que cela sera suffisant.

Critique :
Pierre Grimbert est un auteur bien connu des amateurs de fantasy francophone, notamment pour son cycle "Le secret de Ji" (encore aujourd'hui une des meilleures épopées fantasy à mes yeux) et ses suites. Il nous revient cette année avec le premier volume d'une nouvelle saga au titre mystérieux : "Gonelore, tome 1 : Les Arpenteurs". D'après certaines légendes, la Confrérie des Arpenteurs serait aussi ancienne que le monde où elle a vu le jour. Son but ultime : veiller, à l'aide du pouvoir des prismes, à ce que les Chimères restent à leur place, derrière le Voile, protégeant ainsi le monde des hommes.
Gonelore est un monde complexe constitué de plusieurs dimensions. Celui-ci n'est que l'une des facettes d'un même univers. En fait, Gonelore est la partie du monde visible par les hommes, et il n'est qu'une des dimensions du monde existant, séparé de ces dernières par une sorte de voile invisible.
Les hommes vivent sur la couche centrale de cet univers, et tout autour d'eux gravitent, sans qu'ils ne les voient généralement, toutes sortes de créatures plus ou moins imposantes selon leur dimension d'origine, mais rarement inoffensives. Il arrive parfois que ces Chimères traversent le Voile, poussées par la faim et le besoin d'étendre sans cesse leur déjà vaste territoire.
C'est donc pour lutter contre l'invasion de ces créatures que la confrérie des Arpenteurs a été créée. Grâce à des prismes colorés issus des mondes derrière le Voile, ils peuvent voir les Chimères et les combattre pour protéger les citoyens de Gonelore.
"Les Arpenteurs" porte décidément bien son nom, en mettant l’accent sur les personnages en question. Car, comme dans le cas de beaucoup de séries de Pierre Grimbert, ce premier tome se contentera de poser les bases de son histoire et de présenter son monde.
Ainsi, l'intrigue de ce premier tome apparaît comme très classique pour un roman de fantasy. Pierre Grimbert entame ici un roman initiatique dans lequel nous suivons quelques apprentis Arpenteurs (principalement quatre : Jona, Nobiane, Gesse et Daelfine) qui viennent tout juste d'être recrutés et qui découvrent l'école des Arpenteurs : Mageronce. Chacun d'eux voulant devenir un Arpenteur pour des raisons aussi variées que leurs origines.
Les changements de point de vue à chaque nouveau chapitre, là aussi classiques, sont toutefois intéressants, variant les éclairages proposés. En effet, la narration alterne le point de vue de différents personnages qui vont des nouvelles recrues de la Confrérie à leurs professeurs. 
Pour ce qui est de l'école Mageronce, on aurait pu craindre d'être transposé dans un nouveau Poudlard, mais en réalité, ce n'est pas le cas ! Car Mageronce est en définitive bien plus qu'une école, et les maîtres-Arpenteurs plus que des professeurs. Les relations entre les différents membres de la confrérie sont biaisées par des évènements passés qu'on ne découvre qu'en partie, et on a beau tourner les pages à un rythme rendu effréné par la curiosité, le mystère plane sur tout ce premier tome. D'intrigues politiques en invasion de chimères, de découverte de la magie des prismes en interrogations sur les origines du jeune Jona, on ne s'ennuie pas une seconde.
Le livre est court, l'écriture est plaisante, et on se laisse facilement emporter par l'histoire. Ce premier tome de "Gonelore" est vraiment captivant ! Tout au long de cette lecture, il y a de nombreux éléments de surprises, d’actions, de rebondissements, qui rendent le récit vivant. En effet, dès que l'on a l’impression que l’histoire se calme, il y a, la page suivante, un nouvel élément perturbateur qui rend une nouvelle fois le récit vivant.
Au final, malgré une intrigue et une construction très classiques sous forme de roman initiatique, on se laisse très vite emporter par ce premier tome d'introduction. On prend plaisir à suivre quatre jeunes apprentis Arpenteurs dans leur découverte de cette confrérie et des dangers de Gonelore. Le livre se termine sur un cliffhanger sur de nombreuses interrogations sans réponses, mais l'essentiel est là : évasion et aventure sont au rendez-vous !
De ce fait, le dénouement de ce premier tome nous laisse dans une totale incertitude quant au devenir de nos héros ! Alors bien évidemment, on a hâte de découvrir la suite, et la bonne nouvelle, c'est que la parution de "Gonelore, tome 2 : Le Maguistre" est d'ores et déjà prévue à l'automne prochain. Personnellement, je serai au rendez-vous !!!

mardi 13 août 2013

DVD - Blancanieves de Pablo Berger

Pablo Berger - Blancanieves : Un film muet en noir et blanc extraordinairement dynamique et aux accents gothiques !!!

Note : 4.25 / 5

Synopsis :
Sud de l’Espagne, dans les années 20. Carmen est une belle jeune fille dont l’enfance a été hantée par une belle-mère acariâtre. Fuyant un passé dont elle n’a plus mémoire, Carmen va faire une rencontre insolite : une troupe ambulante de nains toreros qui va l’adopter et lui donner le surnom de "Blancanieves".
C’est le début d’une aventure qui va conduire Carmen/Blancanieves vers elle-même, vers son passé, et surtout vers un destin à nul autre semblable.

Critique :
Rendons-nous à l'évidence, les cinéastes du XXIe siècle remontent le temps du cinéma, laissant derrière eux le moment où la parole lui est venue. Après le Canadien Guy Maddin (pionnier en la matière), le Français Hazanavicius, le Portugais Miguel Gomès, voici le carnet de voyage de l'Espagnol Pablo Berger dans les premiers temps du cinéma.
Le muet sera-t-il le nouveau gimmick à la mode après la renaissance du relief ? En tout cas, peu de temps après le triomphe public de "The Artist", puis la consécration critique de "Tabou", "Blancanieves" est une nouvelle preuve que le cinéma est travaillé par ses origines, le muet en noir et blanc !
"Blancanieves" (film espagnol, noir et blanc, muet) raconte une histoire familière, celle de la petite princesse tombée entre les griffes d'une marâtre sadique, sauvée par des nains. Mais le conte, né en Allemagne, prend racine cette fois sous le soleil d'Andalousie, aux derniers temps de la monarchie espagnole, aux premiers temps de l'électricité et du moteur à explosion.
Des trois versions de Blanche-Neige tournées l’année dernière, celle-ci est de loin la plus inventive, la plus audacieuse et la plus exaltante. La plus risquée aussi puisqu’il s’agit d’un film muet en noir et blanc.
On ne peut s'empêcher de faire la comparaison avec "The Artist", qui paraît du coup un peu scolaire, avec son parti pris de faire du muet simplement pour rendre hommage au muet. Contrairement au film d'Hazanavicius, qui revisitait cette forme d’expression oubliée avec respect et application, le film de Pablo Berger la revitalise avec un dynamisme extraordinaire, tant par le récit, qui nous mène de surprises en ébahissements, que par la forme, extrêmement forte et maîtrisée. Bien que située au début du XXe siècle, cette transposition du conte des frères Grimm a des connotations très modernes.
Cette greffe monstrueuse prend avec une vigueur inattendue. En noir et blanc, sans dialogues (et les intertitres sont réduits au minimum), "Blancanieves" est un exercice de style brillant, qui incite à accorder au réalisateur Pablo Berger (auteur, jusqu'ici, d'une aimable comédie, "Torremolinos 73") une estime inattendue. D'autant que l'exercice de style laisse peu à peu la place à un authentique mélodrame, paroxystique, servi par des acteurs spectaculaires.
"Torremolinos 73", était une farce sur le porno amateur des seventies. "Blancanieves", plus ambitieux, moins trash, plus méticuleux, transpose donc le conte Blanche-Neige dans l’univers de la tauromachie, c’est-à-dire une légende germanique dans l’Espagne traditionnelle. Non seulement Blanche-Neige y trouve ses sept nains, mais ici ils forment une troupe de toreros.
Contrairement à Miguel Gomes, Berger ne joue pas sur les décalages temporels et les niveaux de lecture, mais se contente d’un fac-similé à l’ancienne, certes pulsé par les palmas (claquements de main) du flamenco revisité avec grâce par le compositeur Alfonso Vilallonga.
Le réalisateur singularise ce fac-similé en empruntant maintes situations à Tod Browning et en les poussant jusqu’au lyrisme, sans toutefois aller au bout de la morbidité primitive du réalisateur de "Freaks". Le film déploie une plaisante panoplie cruelle avec le personnage gothique de la marâtre, infiniment plus stylé que dans les affreuses adaptations américaines de "Blanche-Neige".
Le cinéaste connaît ses classiques et les outils du muet. Quand la foule se dirige vers l'arène où le grand Antonio Villalta, futur papa de Blanche-Neige, va toréer, on se croirait dans une fresque de D.W Griffith : plans carrés, très larges, puis gros plans, très expressionnistes, sur les visages.
Pablo Berger réinvente "Blanche-Neige". Le conte devient un drame de la jalousie, où les corps sont difformes et les femmes, de sublimes objets de désir plus ou moins pervers. Ainsi le père est dans une chaise roulante après l'assaut d'un taureau, la belle-mère sadique, quant à elle, chevauche son chauffeur, cravache à la main. Et le Chauffeur qui échouera à assassiner la jeune fille, non par pitié comme le chasseur du conte, mais à cause de sa libido.
Au final, le cinéaste espagnol a manifestement assimilé les enseignements des grands maîtres du muet (Lang, Murnau), tout en empruntant des éléments à Buñuel et à Browning lors de ses incursions dans le monde du spectacle, peuplé de ses inévitables freaks. Beau et cruel jusqu’à la dernière larme, ce conte de fées sorti de nulle part est l’une des meilleures surprises de cette année.
Un conte ancien, un film muet en noir et blanc, et pourtant un film moderne, bouleversant et magnifique. Toute la beauté du septième art !!!

vendredi 9 août 2013

Musique - Palms de Palms

Palms - Palms : Un rock atmosphérique très onirique !!!

Note : 4 / 5 

Quand ces béhémoths du métal que sont Isis se sont séparés, ils ont laissé un vide qui n’a pu être remplacé. La nouvelle que trois de ses membres s’étaient associés avec le leader des Deftones, Chino Moreno, on peut imaginer l’excitation que Palms étaient en droit d’attendre.
Ainsi Palms c’est la réunion des ex-musiciens d’Isis, regrettée légende du post metal à tendance toolesque, et de Chino Moreno, le grand ordonnateur d’un nü metal adoubé par une critique en général peu amène avec ce mouvement. En clair, Palms, c’est un peu l'Audioslave des années 2010, le genre de rencontre entre un chanteur charismatique qui n’a rien à prouver et une bande de musiciens orphelins qui s’ennuie sec. Ce projet, sitôt officialisé, a déchaîné des passions dévorantes sur la toile avant de doucher pas mal de monde avec la révélation d’un premier trailer aussi surprenant qu'à contre-courant.
Le but avoué de Jeff Caxide (basse), Bryant Clifford Meyer (guitare), et Aaron Harris avec Palms, était de continuer dans la voie d'Isis. On pouvait craindre avec l'arrivée de Chino Moreno, d'en être réduit à une formule Isis plus Chino Moreno. Il n'en est finalement rien, Palms ayant réussi à façonner sa propre personnalité tout en restant dans la continuité.
Tout le monde s’attendait, de la part d’Isis, à une musique puissante, psychotique et aliénante, et c’est tout le contraire qui nous est proposé. Le quartet a dégagé six compositions extrêmement apaisées, longues, atmosphériques, nonchalantes, contemplatives, à l’image d’un artwork dévoilant un coucher de soleil mordoré baignant un paysage maritime sauvage.
Ici les guitares tintent plus qu’elles n’agressent, s’étalant en de longues vagues qui s’échouent sur un rivage de sable brûlant, tandis que la batterie développe des tempos optant pour la rêverie et une certaine forme de félicité. Là-dessus, Moreno n’a plus qu’à déposer sans effort sa voix en modulant tranquillement ses effets en de longues plaintes tenues percluses des rares paroxysmes hystériques qui ont fait sa renommée.
C'est donc à un album de metal alternatif aux senteurs progressives que les quatre hommes nous convient. Morceaux denses, amples, et à la violence savamment contenue peuplent ce premier disque. Les neuf minutes que dure "Mission Sunset" sont propices aux ruptures et aux changements d'ambiances, sur fond de guitares prêtes à bondir. A l'inverse et pour une durée similaire, "Antartic Handshake" mise sur une lente progression qui s'achève par un atterrissage en douceur.
Il faut prendre le temps de l'apprivoiser pour profiter des paysages fantastiques et clairement abstraits que génère la découverte de cet album homonyme. Sauvage et domestique. Vous êtes bercés par ce post rock à la Isis car, dans le cœur de Palms, il y est. Avec ses structures tantôt répétitives, tantôt évolutives, les titres s'étirent en longueur sans que cela ne paraisse un instant longuet. Grâce à des compositions flirtant pour certaines avec les dix minutes, vous prenez un "ticket for a ride" dans le monde des chimères sans passer par la case succubes. Touchés par la grâce.
Il ne s’agit pas en effet d’un album frontal, il ne possède pas ces riffs à vous scier les os et Moreno n’adopte pas un phrasé vocal qui soit agressif et défiant. "Palms" est un disque au tempo mesuré, du début à la fin, plutôt post-rock à certains moments que post-metal, mais parvenant néanmoins à ne tomber dans aucune de ces catégories.
Une légère électricité appuie de temps à autre les propos du groupe, plus en appui que pour faire pulser une rage, ici inexistante. Quant aux compos elles sont agréables. Le temps est au repos, à la rêverie les yeux mi-clos, cette musique drive son auditeur dans quelque chose de post rock qui que meut soit sous la caresse d’une musique répétitive soit mutant tranquillement. Chaque titre transporte en lui sa petite particularité, de plus, bien que les compos soient longues, on ne voit pas le temps passer.
La voix de Moreno colle merveilleusement à l'ambiance de "Future Warrior", faite d'une trame lourde et déchirante. Autre voyage intense, "Patagonia" saura charmer les plus difficiles en matière de post-metal. Ecouter "Palms", c'est l'adopter immédiatement et remercier la nouvelle entité d'avoir si bien pris la suite d'Isis.
Au final, Palms est donc bien plus que les éléments qui le constituent. Moreno est sans doute au pinacle de son interprétation et le groupe semble fonctionner comme s'ils étaient destinés les uns aux autres. Il serait plus que dommage qu’une telle expérience et avancée dans le domaine du metal s’arrête là. "Palms" est un florilège d'émotions et de sentiments qui touche l'être en son for intérieur. Fermez les yeux et laissez-vous guider !!!