mercredi 31 octobre 2012

Ciné - Looper de Rian Johnson

Looper de Rian Johnson : Un film de science-fiction racé et inspiré au charme retro-futuriste !!!

Note : 3.75 / 5

Synopsis :
Dans un futur proche, la Mafia a mis au point un système infaillible pour faire disparaître tous les témoins gênants. Elle expédie ses victimes dans le passé, à notre époque, où des tueurs d’un genre nouveau (les "Loopers", les "boucleurs") les éliminent. 
Un jour, l’un d’entre eux, Joe, découvre que la victime qu’il doit exécuter n’est autre que lui-même, avec 20 ans de plus. La machine si bien huilée déraille.

Critique :
Avec l’intrigant "Brick" (2006), dans lequel il tentait de conjuguer film noir et teen movie, l’auteur réalisateur Rian Johnson avait fait une entrée remarquée dans le cercle fermé des cinéastes US à suivre. Son deuxième long, "Une arnaque presque parfaite" (2009), avait ensuite violemment tempéré les ardeurs ! "Looper", lui, est bien plus qu’une revanche : cette série B est la preuve que l’on avait finalement sous-estimé Johnson qui, dès son troisième essai, affiche une ambition et une assurance qui le propulsent dans la sphère des réalisateurs prometteurs à suivre.
Encore une fois il va mélanger les genres en montrant ses influences sans en être l’esclave. Il s’attaque cette fois à la science-fiction dans l’un de ses thèmes les plus fascinants mais aussi les plus casse-gueule, celui du voyage dans le temps, tout en y intégrant des éléments propres au film noir, au western ou encore aux comics et mangas, mais qu’il s’approprie d’une manière tout à fait personnelle.
En effet, bien que situé en 2044, et nous plongeant d’emblée dans un univers SF où les meurtres ne s’opèrent plus que par l’entremise de voyages dans le temps, "Looper" commence comme un film noir hollywoodien des années 40. Tout est là, conforme : la voix off du narrateur qui se présente et décrit son quotidien de tueur à gages forcément solitaire ; les arrière-salles de tripot où les gangsters préparent leurs méfaits ; même l’apparence vestimentaire du héros, interprété avec un soupçon de détachement adéquat par Joseph Gordon-Levitt, tient du total look Raymond Chandler (pantalons à pinces, chemise blanche, cravate parfaitement ajustée).
Concernant ce dernier, Johnson est très fort, et on peut dire qu’il a du flair. Faire de Joseph Gordon-Levitt la tête d’affiche d’un blockbuster, il fallait oser. Souvent méconnaissable grâce à une tonne de maquillage, Gordon-Levitt compose avec conviction une crapule mafieuse de bas étage. Il fait ainsi oublier son image de héros sympa, qui aurait pu lui coller à la peau à force de sourires et de bonhomie.
La présence de Bruce Willis ne l’écrase pas, Rian Johnson n’ayant pas sacrifié son scénario au profit de la star. "Looper", c’est d’abord le point de vue de Joe-jeune. Willis a ses moments de gloire, et vous aurez même peut-être envie de crier Yippie-Kay-yee lors d’une certaine scène, mais son temps d’écran est finalement assez réduit. Une mimique, un sourire en coin suffira à réveiller les fans de cinéma. Quant à Emily Blunt, disons qu’elle assure le job, il n’y pas vraiment grand-chose à ajouter.
Avec un modeste budget de 30 millions de dollars, Johnson arrive dès les premières images à nous embarquer dans un univers palpable et violent que l’on a hâte d’explorer et qui se révèle à chaque séquence plus passionnant. Pour autant, malgré l’impression qu’il peut donner dans sa première partie menée à un rythme d’enfer et remplie d’idées de mise en scène parfois assez folles et percutantes pour nous faire découvrir cet univers, le réalisateur ne va pas chercher à faire un film spectaculaire. 
Au contraire, il s’attache dans la seconde partie, plus posée, à développer ses personnages et à s’attarder sur des thèmes passionnants qui donnent alors toute sa profondeur au film et lui donne ce petit plus qui va le différencier de toute série B classique. D'ailleurs, la mémorable scène du face à face du vieux et du jeune Joe est un exemple fascinant. Elle fascine parce qu'elle touche au désir atavique de connaître et maîtriser l'avenir. Connaissance de toute façon illusoire puisqu'on n'en tiendra pas compte ! On lit entre les lignes qu'on ne peut se combattre soi-même et qu'il faut d'abord régler son passé avant de tenter de changer l'avenir.
On le comprend, le scénario est un des points forts du film. L’attraction principale si je puis dire. Cependant il n’est pas exempt de défauts. Qu’on se rassure, ces quelques observations ne gâchent pas l’appréciation de l’ensemble. Abordons par exemple la question du rythme. Après un départ et un premier acte scotchant (on boit les paroles des personnages lorsqu’ils présentent les enjeux), le rythme s’essouffle légèrement passé la première heure, avant de repartir de plus belle pour le final. La faute peut-être aux interactions, ou plutôt au  manque d’interactions entre certains personnages.
Se pose aussi la question de la solidité de l’intrigue. Qui dit voyage dans le temps dit casse-tête probable à la sortie pour recoller les morceaux. Certains apprécient ce petit jeu, d’autres consommeront "Looper" pour ce qu’il est, un excellent film d’action et de science-fiction. Intéressons-nous aux premiers, qui ne classeront pas l’affaire tant que tout ne sera pas élucidé. En analysant la chose par tous les bouts possibles, le scénario semble fragile par moment à cause de ses trop nombreuses zones d’ombre, que certains appelleront incohérences.
Malgré ces petites aspérités, le scénario est vraiment très original. Et si l'écriture de "Looper" est inventive, Rian Johnson sait aussi y faire du côté de la mise en scène. Maitrise de la caméra, plans complètement retournés et mouvements bien sentis, montage parfaitement lisible et logique qui tire même de la force de ses ellipses et même l’ambiance sonore se révèle particulièrement aboutie.
Beaucoup comparent le film à d'autres déjà cultes dans le genre. On a parlé de "Blade Runner", de "Bienvenue à Gattaca", j'ai même lu que "Looper" est le nouveau "Matrix" des années 2010... Je ne soutiens aucune de ces observations ! Le film rentrera certes dans les films cultes du genre, mais il n'arrive pas à la cheville de ces monstres de la SF !
"Looper" n'est pas parfait, mais il fait preuve de trop d'originalité et de richesse pour pinailler, dans le fond comme dans la forme. Le film possède une âme propre et racée, le rendant passionnant du début à la fin, avec ce qu’il faut d’action et de comédiens étonnants. Vous l’aurez compris, même s'il n'est pas du niveau des colosses du genre, cela n'empêchera pas "Looper" de rejoindre les incontournables du rayon SF. Il est et restera l’une de ces trop rares pépites de science-fiction !!!

mardi 30 octobre 2012

Boutique - La première boutique Balibaris voit le jour !

Balibaris : La marque qui réinterprète les basiques du vestiaire masculin a enfin pignon sur rue !!!

14, rue de Marseille
Xème arrondissement
75010 Paris
Tél. : 01.42.41.52.44.
www.balibaris.com

Note : 4.5 / 5

Décidément, la rue de Marseille dans le 10ème arrondissement de Paris devient "the place to be" en matière de mode masculine et féminine. Après le Centre Commercial de Veja et très récemment cette semaine, l’ouverture du premier flagship parisien de Freeman T. Porter, c’est également la destination qu’ont choisie nos amis de Balibaris pour l’ouverture de leur toute première boutique. Depuis leur première collection d’accessoires, la marque Balibaris continue de se renforcer et de se développer à un rythme soutenu mais maitrisé.
Lancé en 2010 par Paul Szczerba, Balibaris a commencé par vendre des cravates qui ornaient le cou du très dandy présentateur du Petit Journal, Yann Barthès. Couronné de succès, la marque ne s'est pas cantonné à cet accessoire un peu "ennuyeux" et s'est rapidement orienté vers la confection. L'idée de départ : réaliser le vestiaire masculin parfait avec un rapport qualité prix décent. Pari réussi pour ces pièces fabriquées avec soin et en Europe s'il vous plaît.
Résolument high-tech, la boutique, tout en chêne, acier, verre armé et parquet, propose des pièces de la collection, des expositions photos et de vieux classiques du cinéma, que l'on peut essayer ou visionner tout en surfant sur des bornes i-Pad ou en dégustant un café au bar. Un espace de 60m2 décliné comme un lieu de vie où les belles matières se mêlent à la façon d’un atelier et où l’on peut retrouver la nouvelle collection Automne/Hiver 2012-2013.
Le cardigan Chunky
La philosophie de la marque est de proposer un nouveau vestiaire masculin en mettant l’accent sur la justesse des coupes, la sélection des matières et le savoir-faire. Entièrement confectionnée en France et en Europe, les collections Balibaris présentent un style jeune et moderne, décontracté et chic. Les collections sont conçues à Paris par une équipe de stylistes, de graphistes et de designers qui gravitent autour de Paul Sczczerba.
Jeune marque de vêtements "easy-chic" donc, Balibaris étend peu à peu le champ de sa collection au rapport qualité-prix exemplaire. Après les cravates, les jeans (particulièrement recommandables), les chemises, les mailles, la marque s’attaque désormais aux pièces à manches. D'ailleurs, le cardigan chunky en laine 100% Mérino, épais mais avec une jauge très fine et empruntant les Brandebourgs du Duffle Coat, est l'une des pièces maîtresse de la nouvelle collection !
La boutique Balibaris propose tout ce qui met l'homme à l'aise en lui offrant un accueil chaleureux mais pas oppressant. Concept-store intimiste et bourré de belles pièces, la boutique sait choyer les hommes, qui seront ravis de découvrir cette nouvelle adresse !!!

lundi 29 octobre 2012

Livre - Snuff de Chuck Palahniuk

Snuff
       de Chuck Palahniuk

Note : 3.75 / 5

Synopsis :
Cassie Wright, star du porno sur le retour, a décidé de terminer sa carrière sur un coup d’éclat : se faire prendre devant les caméras par six cents hommes au cours d’une seule nuit. Dans les coulisses, les heureux élus attendent patiemment leur tour.
Parmi eux les numéros 72, 137 et 600 font part de leurs impressions. Mais, entre fausses identités, désirs de vengeance et pulsions homicides, la nuit ne va pas du tout se dérouler comme prévu.

Critique :
Longtemps le snuff movie a été une vilaine légende urbaine racontant qu'il existe un réseau de pornos clandestins, où les actrices se faisaient trucider en direct. L'expansion d'Internet a malheureusement permis à ce fantasme de devenir réalité (je pense notamment Luka Rocco Magnotta !).
Le sujet avait déjà inspiré le cinéma avec, notamment, le génialement oppressant "8 mm" de Joël Schumacher (avec Nicolas Cage et Joaquin Phoenix). C'est au tour de la littérature de s'y intéresser. Ainsi, après  les clubs de baston ("Fight Club"), les ados terroristes ("Pygmy") et  les renégats tarés ("Peste"), Chuck Palahniuk continue d’arpenter la société américaine par les marges et s’intéresse cette fois au milieu du porno. Et à son côté le plus extrême, glauque et répugnant, le snuff movie ! 
"Snuff", son dernier roman, se déroule justement en plein tournage d'un porno tout ce qu'il y a de plus régulier. Une entreprise qui va dégénérer, comme nous le promet le titre ainsi que, dès l'ouverture, l'un des quatre narrateurs. L’histoire est racontée par trois acteurs, un débutant, un acteur confirmé et une star masculine mythique du porno, auxquels il faut ajouter l'assistante de Cassie Wright, Sheila.
Palahniuk choisit donc de raconter les événements du point de vue de ces quatre protagonistes. De ce fait, nous suivons le tournage à travers les monologues intérieurs du numéro 75 (un admirateur de Cassie), le numéro 132 (son ancien partenaire), Sheila (son assistante) et Monsieur 600. Ce dernier devra jouer la scène finale et transformer "l'innocent" gang bang en snuff.
Comme d’habitude, Palahniuk ne s’embarrasse pas de dispositif narratif trop élaboré.  Son talent est dans la précision et la simplicité de sa langue. L'auteur de "Fight Club" a choisi ici une langue qui colle littéralement à son sujet : appauvrie, crue et bancale. En évacuant tout fantasme de glamour de l'industrie du porno, Palahniuk essaye de se livrer à une véritable réflexion sur l'obscénité.
Avec "Snuff", Palahniuk prend une recette qui fonctionne : celle de "Peste". Il abandonne la narration fixée-panoramique au-dessus des personnages ou la première personne pure, pour un récit multiforme et polyphonique qui s'articule autour de témoignages, qu'ils soient ici oraux ou flux de conscience. Exactement comme pour "Peste", mais à plus petite échelle, le récit prend la forme d'une enquête, enquête de seconde zone peut-être, mais enquête malgré tout. L'enjeu : décrypter l'envers d'une réalité donnée par le biais de visions multiples et fragmentées.
On reconnaît facilement un roman de Chuck Palahniuk. Le parti pris est toujours volontairement chargé, osé, trash, la narration est toujours brève et sèche, les paragraphes courts et les constructions répétitives. Il y a toujours ces petits slogans qui reviennent toutes les cinq ou dix pages pour forger une marque de fabrique qui accroche, idem pour les paragraphes-phrases dont le but est de renforcer lapidairement en quelques syllabes le propos du paragraphe précédent. C'est souvent sec et cynique, c'est souvent acide et violent, tant pis pour l'Amérique bien-pensante.
Le récit va crescendo avec des moments saisissants. Palahniuk joue beaucoup sur l’aspect visuel, le rythme trépidant, les sensations bien plus que les sentiments, dérangeant le lecteur qu’il cherche à interpeller, ou le paragraphe d’après à le séduire, le tenter ou encore le dégoûter le renvoyant à ses propres turpitudes. Le talent de cet écrivain se situe dans cette virtuosité, ce vertige, qu’il rend aussi drôle que terrifiant. Les anecdotes constituent alors l’analyse sociologique qui apporte un vrai sens à cette intrigue quelque peu décousue, racontées froidement en contraste avec la tension, la drogue et le rock'n'roll qui règne sur ce tournage crépusculaire, cru où la mort semble l’aboutissement inéluctable, horriblement rassurant.
Cependant, Palahniuk tombe une fois de plus dans le piège qu’il se tend lui-même. Il commence par dénoncer avec un talent fou la noirceur de notre société de consommation qui vend du sexe comme des surgelés. Mais finit par  aimer ce qu’il dénonce. Cet exercice est si jubilatoire, si jouissif que l’on sent que l’auteur bascule avec un vrai bonheur dans cette folie ambiante. La fascination est si perceptible que c’est bientôt elle qui peu à peu nous dérange plutôt que le propos. Le lecteur devient alors un complice, la complaisance s’installe avec un réel bonheur et l’ensemble tourne en rond par moment, perdant de sa force et de sa puissance.
"Snuff" est vraiment plaisant (quoi qu'un peu mécanique), quand on apprécie l'auteur et son style !!! 

dimanche 28 octobre 2012

Ciné - Skyfall, un James Bond de Sam Mendes

Skyfall : Un James Bond hallucinant avec une réelle profondeur dramatique !!!

Note : 4.75 / 5

Synopsis :
Lorsque la dernière mission de Bond tourne mal, plusieurs agents infiltrés se retrouvent exposés dans le monde entier. Le MI6 est attaqué, et M est obligée de relocaliser l’Agence. Ces événements ébranlent son autorité, et elle est remise en cause par Mallory, le nouveau président de l’ISC, le comité chargé du renseignement et de la sécurité. 
Le MI6 est à présent sous le coup d’une double menace, intérieure et extérieure. Il ne reste à M qu’un seul allié de confiance vers qui se tourner : Bond. Plus que jamais, 007 va devoir agir dans l’ombre. Avec l’aide d’Eve, un agent de terrain, il se lance sur la piste du mystérieux Silva, dont il doit identifier coûte que coûte l’objectif secret et mortel.

Critique :
Le film d’environ deux heures et demie, inspiré des romans de Ian Fleming est sans nul doute le meilleur de la série ! Sam Mendes offre une vision plus humaine du héros, qui reçoit des balles, rate ces cibles et a des sentiments. À l’aide de la nouvelle Arriflex Alexa, Roger Deakings, directeur de la photographie, donne une vision jeune au film. Il privilégie la caméra à l’épaule ce qui apporte plus de violence aux cascades.
Il faut bien l'avouer, Sam Mendes, qui succède à Marc Forster réalisateur du très décevant "Quantum of Solace", redore le blason de la franchise. Quand on connaît la fonction de pur faiseur qu’est celle d’un réalisateur de Bond, il semble difficile de tenir Mendes pour l’auteur véritable de "Skyfall". Sauf que les conflits œdipiens, la question du vieillissement et le trop plein de sérieux, sans parler des 2h23, à l’œuvre dans cette 23ème aventure de 007 sont tellement "mendesiens" qu’on pourrait presque le prendre pour un film d’auteur. 
Avant tout, c’est l’intelligente roublardise du réalisateur ("American Beauty", "les Noces Rebelles") qui est patente ici tant, adossée au scénario de John Logan ("Gladiator", "Hugo Cabret") et des indéboulonnables Neal Purvis & Robert Wade, elle semble vouloir en donner à tout le monde. Ceux qui aiment Bond pour ses basiques (l’action, les filles, l’exotisme et le méchant magnifiquement kitch) apprécieront surtout la première partie. 
Ceux qui préfèrent le Bond nouveau depuis "Casino Royale", plus froid, dramatique, réinterprétant la mythologie bondienne dans un mélange de sécheresse pulp et de tragédie shakespearienne (à l’image d’un Daniel Craig si minéral, voire monolithique) exulteront lors d’une seconde partie qui prolonge "Casino Royale" tout en rebootant une énième fois mais malignement le cahier des charges.
Dès le prologue, suivi d’un générique sublime (la chanson d’Adele étant l’une des plus réussies de la saga), Sam Mendes enfonce donc le clou fixé par "Casino Royale". La franchise, ouvertement postmoderne (les autocitations se ramassent à la pelle ; on fait du neuf avec du vieux et du vieux avec du neuf), plonge dans la psyché de Bond, orphelin triste que les services secrets britanniques ont érigé en sauveur de la nation, sans le ménager pour autant. 007 a grandi sous l’autorité de "parents" exigeants dont M n’est pas la moins autoritaire. "Skyfall", qui confronte deux galopins rebelles (l’un a coupé le cordon ombilical pour sombrer dans le terrorisme), est un drame shakespearien entrecoupé de scènes d’action graphiques surexcitantes. Exit les James Bond Girls, peu présentes, et les gadgets, place à l’essentiel. Et c’est tant mieux !
James Bond a grandi, mais cela a un prix : des morts, des illusions qui s'envolent, un monde qui ne se ressemble plus, Internet qui remplace les solides Luger. Il y a quelque chose de crépusculaire dans cet adieu aux armes. Cette époque ne reviendra plus. L'ensemble est tellement réussi qu'on adopte Daniel Craig, peut-être comme le meilleur Bond depuis le début de la franchise, Sean Connery compris, c'est peu dire ! 
Il a des rides. Il a vieilli. On le sent fourbu, désenchanté. Sauver l'Occident, c'est un job. La fatalité pèse sur cet athlète en smoking. Il regarde à peine les femmes, sirote son Martini dry d'une paille distraite. Une fêlure intérieure le déchire. Il n'a plus 20 ans. Personne n'a cet âge-là, désormais.
L'espion en conçoit une amertume légitime. La routine consiste à découper un train en marche à la pelleteuse, à rouler en moto sur les toits d'Istanbul, à séduire des étrangères dans des casinos chinois. C'est un champ de bataille. Une brume se lève. À la dernière séquence, on devine qu'une suite nous attend. Quelle surprise! Ainsi aime-t-il son pays, même s'il lui reproche de l'avoir abandonné. La politesse l'oblige à avoir des répliques cinglantes, à ne pas montrer son désespoir serein. Il est malheureux. C'est ce qui arrive à tous les témoins de la grandeur passée.
Sous la baguette de Sam Mendes, Daniel Craig offre une de ses plus belles performances. Entre humour, drame et action, le résultat est explosif ! Le film est extrêmement dynamique, les scènes d’action percutent.
Côté méchant, Javier Bardem, en mode Christopher Walken, restera un méchant mémorable. Il campe un méchant génial et ridicule, pathétique et terrifiant, cartoonesque et humain. Un double négatif, efféminé (vraisemblablement bisexuel) de James : ex-agent du MI-6 qui, comme lui, fut recruté, orphelin, par M, est mort et a ressuscité.
Cette fois, la James Bond girl est un homme. C'est lui, Javier Bardem. Il fait des mines, se tortille, bat des cils. À côté, la brune sculpturale, Berenice Marlohe, fait pâle figure. On l'aperçoit à peine quelques secondes sous la douche, la nudité masquée par des nuages de vapeur. Le film est étrangement chaste, tout en sous-entendus (exacerbant de la sorte une certaine tension sexuelle qui n'explosera jamais entre Bond et Miss Moneypenny). La rencontre Bardem-Craig a des accents quasi audiardiens.
"Skyfall", un très bon cru à déguster sans modération !!!

vendredi 26 octobre 2012

Musique - Observator de The Raveonettes

The Raveonettes - Observator : Un album clair-obscur qui redore le blason du groupe !!!

Note : 4 / 5

Duo danois qui ne fait pas beaucoup parler de lui, les Raveonettes n’en sont pas moins prolifiques. "Observator", leur sixième album en dix ans d’existence est fidèle à la recette d’origine : des guitares noisy, des voix planantes et de la réverb. Seulement avec "Observator", on ne peut nier une certaine évolution, et pourtant, la saveur reste intacte. Le groupe revient donc avec ce sixième opus pour leurs dix ans d'existence.
Le son grésille, les voix sont pleines d'écho, les mélodies sont parfois sombres, parfois lumineuses. Cependant, ce qui dénote sur cette galette par rapport à leurs précédentes, c'est l'utilisation du piano. Il se montre dès le premier morceau, "Young and cold", permettant d'éclaircir le ton. 
Les guitares se sont également éclaircies et la réverb est légèrement moins prononcée qu'à l'accoutumée, donnant lieu à des pistes aux contours cotonneux. Moins noise, "Observator" se love d'un côté dream pop aigre-doux et favorise à certains moments les mélodies pop 60′s. Il y a beaucoup de fraicheur et de candeur même sur les plus rapides, telles que "Down Town" et "Sinking in the Sun".
Avec ses neuf morceaux à la teneur inégale, l'album est pourtant très accrocheur. Certains titres retiennent plus l’attention, comme "Down Town" (avec son intro à la "Mersey Paradise" des Stone Roses), "Till The End" ou "She Owns The Streets", balade évidente. Les autres morceaux sont toutefois moins en retrait que sur les albums précédents, ce qui fait de "Observator" l’un des plus réguliers des Raveonettes. Plus que jamais, The Raveonettes opte pour une production homogène, presque datée qui leur va bien et nous fait traverser l’album dans un véhicule ouaté.
Côté visuel, la pochette marque, elle-aussi, les esprits. C’est sans aucun doute la plus belle de leur discographie, avec ce noir et blanc granuleux et volontairement flouté, elle concorde parfaitement avec cette musique grisante en forme de mirage sonore.
Au final, "Observator" est assez facile à résumer : une voix magnifiquement posée sur des guitares expressives, mélodiques. A ce titre, le sublime "The Enemy" fait office de porte-drapeau d’un album qui ne manque pas de dignes représentants. Et la liste est longue, pour un disque qui ne fait malheureusement que neuf titres et 32 minutes. "Observator" démontre une nouvelle fois le talent des Raveonettes mais aussi leur capacité à produire des disques de qualité en peu de temps.
Un disque indispensable pour les amateurs de rock noir et puissant !!!

jeudi 25 octobre 2012

BND - Blood Red Shoes en concert à la laiterie le 8 novembre 2012

Blood Red Shoes - En concert à la Laiterie le 8 novembre 2012 : Les Bonnie & Clyde du rock indépendant au magnifique style minimaliste et frontal !!!

Baptisé Blood Red Shoes en référence aux chaussures blanches maculées de sang d'un Ginger Rodgers aux pieds couverts de plaies à force de répéter les mêmes prises, le groupe est toujours aussi soudé après sept années de collaboration ! Originaire de Brighton, en Angleterre, Blood Red Shoes est un groupe de rock composé de Steven Ansell (voix et percussions) et de Laura-Mary Carter (voix et guitare).
Début 2012, deux ans après le très bon et remarqué "Fire Like This", le duo anglais nous revient avec "In Time To Voices", troisième album pour ce groupe de rock garage (aux sonorités grunge) qui officie dans le milieu depuis 2004. "In Time To Voices" est dans la continuité de leurs deux premiers opus. Cependant on observe toutefois cette fois-ci une certaine évolution, notamment avec l'ajout d'un piano ainsi que des cordes. Car si leur musique est encore parfaitement reconnaissable, on y entend de nouveaux sons.
Leurs compositions sont toujours très minimalistes. Les chants quant à eux fonctionnent toujours aussi bien, tout étant impeccable. Cet album est plus que maîtrisé, un peu trop peut-être et ce sera la seule critique. En effet, à l'instar de beaucoup de groupe, arrivé un moment, l'effet de surprise étant passé depuis fort longtemps, il ne reste plus que l'exécution et la créativité pour se démarquer.
Dès le premier morceau, "In Time To Voices", qui a donné son nom à l'album, on constate le changement de ton par rapport aux précédents opus. Guitare plus mélodique en intro, un chant plus travaillé par le duo mais que l'on se rassure l’énergie est toujours là. Les titres qui suivent en sont la preuve. Avec "Lost Kids" on replonge dans l'esprit des deux premiers albums qui avait conquis les foules avec ses accents grunge. Puis dans un roulement de tambour arrive le tout nouveau single, "Cold", puissant de son énergie rock garage décapant ne fait que confirmer que les Blood Red Shoes sont bien de retour et qu'ils n'ont rien perdu de leur puissance. 
Le groupe transpire une impressionnante énergie, qu'il transmette sans concession en live. Alors surtout ne les manquez pas le 8 novembre 2012 à la Laiterie !!! 

mercredi 24 octobre 2012

Livre (BD) - "Hercule, Le sang de Nèmée" de Morvan, Looky et Thill

Morvan, Looky et Thill - "Hercule, Le sang de Némée" : Une relecture futuriste des douze travaux d'Hercule aux dessins époustouflants !!!

Note : 4.5 / 5

Synopsis :
Hercule est un puissant MerK. Mi-homme, mi-extraterrestre grâce aux greffes cellulaires, il n’a pas peur de la mort. Une part de lui est déjà morte : hanté par le crime commis sur sa femme et ses enfants, il doit expier en acceptant les ordres, même les plus fous, des Officiers. 
Hercule n’a pas le choix, il doit traquer des extraterrestres se crashant sur des planètes colonisées par des humains. Sa première mission sera de tuer le lion de Némée, dont le vaisseau s’est crashé et qui protège sa femme très gravement blessée. Il a besoin du sang des humains qui vivent sur place pour la guérir. Le combat entre Hercule et le lion sera aussi sauvage qu’émotionnel et réveillera de bien douloureux souvenirs dans l’esprit de notre héros.

Critique :
Scénarisée par Jean-David Morvan et dessinée ainsi que colorisée par Looky et Thill, cette série relate les douze travaux d’Hercule en version science-fiction. À l’origine, dans la mythologie Hercule (nommé Héraclès par les grecques) est le fils illégitime de Zeus et d’Alcmène. Hercule après avoir tué sa femme et ses enfants dans un accès de folie est condamné à servir pendant douze ans le roi de Tirynthe, Eurysthée, années au cours desquelles il effectuera douze travaux. Lors du premier il doit éliminer un lion monstrueux à Némée dont la peau est impénétrable. C’est donc avec une énorme massue qu’il a confectionné qu’Hercule assommera la bête puis l’étrangla.
"Hercule, Le sang de Némée" est donc une transposition de la mythologie grecque ou romaine dans un univers de science-fiction. Du déjà vu me direz-vous. Et bien pas vraiment ! Le travail fournit par Jean David Morvan et Looky est époustouflant.  
Si les ambiances de départ, les errances des héros et l'incursion des forces supérieurs font parfois penser à des séries de SF à l'esprit bon enfant comme "Ulysse 31", l'approche graphique évoque surtout des univers visuels plus rudes, notamment ceux de certains classiques de type "Métal Hurlant". Grands panels, découpages empruntés aux comics, couleurs fortes, design robotique et sexuel, on retrouve ici de multiples influences. On pense parfois à "L'exterminateur 17" de Bilal et Druillet, avec moins de maestria certes, mais avec beaucoup de modernité.
La recherche graphique est formidable. La créativité est là. Le concept est connu, certes. La mythologie d'hercule et ses douze travaux ne sont plus à présenter. Nous aurions pu avoir une bête utilisation de cette légende. Il n'en est rien. Le dessin est efficace et plus que cela puissant ! Les couleurs sont belles et finement choisies également. L'univers est radical et surprend dès les premières pages. Cet album est digne des meilleures productions américaines d'un Simone Bianchi ou d'autres dessinateurs de ce calibre. C'est une vraie réussite. Les planches sont découpées au cordeau avec beaucoup d'inventivité. Il se dégage des dessins une réelle sensualité.
Côté technique, on entrevoit les modélisations par ordinateur déjà observées dans le "Blanche-Neige" du même dessinateur paru chez Ankama. C'est parfois un peu figé, mais le plus souvent c'est surtout époustouflant.
Le personnage d'Hercule est très intéressant. L'univers est riche et passionnant. Il  s’éloignera cependant clairement du héros lisse et sans reproche. Ici, il est dépeint sans émotions, mort de l’intérieur, après avoir tué femme et enfants. De quoi allécher les amateurs de relectures antiques façon SF. 
L'album est donc à conseiller aux amateurs du genre. On connaît peut-être la trame de fond, mais la variation autour du thème est un voyage terriblement beau !!!